Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si notre école est capable de très belles réussites et peut bénéficier d’un engagement formidable du personnel enseignant, nous constatons tous que notre système scolaire souffre de sérieuses lacunes. La plus importante d’entre elles, reconnue unanimement et qui nous chagrine, est le caractère inégalitaire d’un système scolaire qui échoue à assurer la réussite de tous les élèves, quel que soit leur milieu.
Les nombreuses enquêtes nationales et internationales le démontrent : notre école a une fâcheuse tendance à amplifier les inégalités sociales. Néanmoins, il serait trop facile de tout mettre sur le dos de l’école. C’est évident : elle n’agit pas en dehors des réalités de notre pays qui, lui-même, ne va pas bien non plus. Pour autant, notre école ne doit pas baisser les bras. Elle doit permettre à chacun de s’élever dans la société.
Ce phénomène de reproduction est un facteur d’autant plus aggravant dans les établissements où il y a peu ou pas de mixité sociale, notamment en milieu urbain. Pour améliorer notre école, pour que nos concitoyens continuent de la soutenir, il faut pouvoir briser certaines des barrières qui fondent le reproche légitime d’inégalité face au savoir. La connaissance doit pénétrer tous les milieux. À cette fin, notre école est indispensable.
C’est pour cette raison que notre débat sur la mixité sociale à l’école est utile. Voilà bien des années que nous tentons de réaliser cet objectif. Cependant, à nouveau, l’école ne peut à elle seule créer de la mixité là où les politiques publiques, la politique du logement et les politiques de la ville ont échoué, ce qui est le cas depuis de nombreuses années et dans de nombreux quartiers, une situation qui touche des millions de nos concitoyens.
Notre pays a encore bien des défis à relever en matière d’urbanisme et de transports, en matière d’aménagement du territoire. Nourrissant le phénomène de reproduction sociale, l’existence de véritables poches de pauvreté provoque la ghettoïsation de certains établissements scolaires tandis que d’autres cultivent l’élitisme social.
Toutes ces lacunes, nous les connaissons depuis longtemps. Il faut les corriger. C’est dans cet esprit que, dès 2013, nous avons inscrit la mixité sociale dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ; c’est une fierté pour notre majorité. Aujourd’hui, il convient néanmoins d’accélérer le pas pour améliorer notre système scolaire.
Dans le rapport établi pour le comité d’évaluation et de contrôle sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l’éducation nationale, MM. Yves Durand et Rudy Salles, après avoir établi un constat, font plusieurs préconisations. Certaines d’entre elles me paraissent contestables, voire très contestables ; d’autres sont intéressantes et pragmatiques, notamment l’adaptation des critères de la carte scolaire. Un redécoupage des secteurs me paraît effectivement indispensable. Il faut en finir avec la règle immuable du « un secteur, un collège ». Madame la ministre, il faut élargir l’expérimentation des secteurs multi-collèges. Je suis favorable à la redéfinition des secteurs scolaires pour que les élèves puissent dépendre de plusieurs collèges, et ce, en toute transparence, en concertation avec l’ensemble de la communauté éducative, notamment les parents d’élèves. Il faut redessiner la carte scolaire avec plusieurs collèges par secteur, notamment dans les zones denses. Il appartient ensuite à l’institution de permettre le brassage des élèves en convainquant les parents par des moyens nouveaux et mieux répartis dans ces nouveaux secteurs notamment en termes d’options, de filières et de transports scolaires.
Dans le même esprit, si j’émets de sérieuses réserves sur la proposition du rapport sur l’aide à l’installation des écoles privées au prétexte de permettre la mixité dans les quartiers défavorisés, je suis en revanche très favorable à ce que les établissements publics situés dans ces zones en difficulté bénéficient d’aides supplémentaires ainsi que de filières attrayantes. Malgré la réforme sur l’école prioritaire, nous ne le faisons pas suffisamment. Les chiffres le montrent : nous sommes en retard par rapport à certains pays en termes d’éducation prioritaire. De même, il est indispensable de garantir l’égalité des moyens et des options pour tous les élèves, quelle que soit leur zone d’habitation.
Je souhaite également que nous encouragions l’innovation pédagogique. Le monde a changé, nos enfants aussi. Bien des études conduites par des chercheurs de renom en sciences cognitives ouvrent le chemin. Il est bien légitime aujourd’hui d’espérer que ces recherches s’appliquent enfin dans des méthodes d’apprentissage nouvelles. Il faut également aider les enseignants à se les approprier.
Tels sont les éléments que je souhaitais verser au débat. La quête de la mixité sociale à l’école est une quête bien improbable et, par certains aspects, un peu illusoire. Pourtant, elle est indispensable pour aller vers une école plus juste et plus efficace.