Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en matière de mixité sociale et d’inégalité, il faut tout de même rappeler que l’école de la République a permis à des générations de filles et de garçons d’acquérir des connaissances quel que soit le milieu social dont ils étaient issus. L’école obligatoire, gratuite et laïque a été et est encore pour beaucoup d’enfants un levier d’épanouissement des individus, en particulier de leur liberté et de leur citoyenneté. Il est néanmoins vrai que son action et ses résultats sont limités, fragilisés voire gâchés par la persistance d’inégalités sociales dans l’accès au savoir, aux diplômes et aux métiers. On évoque souvent les emplois, mais il faudrait plutôt parler de métiers.
Pour corriger cette situation, il faut assurer une réelle mixité sociale dont la sectorisation n’est qu’un élément et surtout permettre à chaque enfant, partout et sur tout le territoire, de disposer du meilleur et de tous les outils de la connaissance tout au long de ses études. Cela suppose des mesures inégalitaires afin de vaincre les inégalités créées non par l’école mais par les politiques menées dans la société. Il faut prendre en compte tous les enfants, filles et garçons, car la qualité des études ne s’oppose pas selon moi à la démocratisation de leur accès et de leur durée.
C’est pourquoi il faut de nouveau parler d’une école obligatoire de trois à dix-huit ans et à cette fin passer de l’égalité des chances à l’égalité tout court, c’est-à-dire à la réussite pour toutes et tous qui fonde la loi sur la refondation de l’école dont nous aurons l’occasion de parler demain matin. L’école ne doit pas être un lieu de compétition où les meilleurs gagnent en laissant le plus grand nombre sur le côté. Je rappelle qu’actuellement quatre enfants d’ouvriers non qualifiés sur dix seulement sont bacheliers. Les pays où les inégalités sociales sont les plus fortes sont ceux qui sélectionnent les élèves le plus tôt. Nous avons besoin d’une promotion du plus grand nombre, ce qui exige des moyens.
Certes, le budget de l’enseignement scolaire a augmenté mais cela ne fait pas le compte pour généraliser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, mettre en place le dispositif « plus de maîtres que de classes », retrouver les effectifs de maîtres spécialisés des RASED ou reconstruire une véritable médecine scolaire. On pourra parler d’égalité et de réussite pour toutes et tous si tous ces facteurs sont assurés, notamment pour les populations les plus modestes. Au collège, une expérimentation de sectorisation a commencé tant bien que mal. En créant la possibilité de parcours différents, la réforme ne risque-t-elle pas de contrarier le droit de chaque collégien et collégienne de disposer de toutes les disciplines nécessaires quel que soit le territoire où il habite et le collège où il étudie ?
Pour garantir le droit du plus grand nombre d’enfants de recevoir la formation lui permettant d’exercer le métier de son choix, il faut également cesser de considérer l’enseignement professionnel comme une filière moindre, une voie de garage de l’éducation nationale, et assurer partout et sur tout le territoire une offre de formation de haut niveau et diversifiée, quelle que soit la région où les enfants étudient. Les avancées technologiques de nos sociétés appellent un développement sans précédent des formations et du niveau de qualification et de connaissance de tous les individus. La mixité sociale est nécessaire mais exige, pour être traduite concrètement, d’agir sur tous les paramètres de la réussite scolaire.
Cela consiste par exemple à développer des passerelles entre l’école et les familles grâce au service public des arts et de la culture de notre pays et à créer un lien de confiance entre parents et enseignants, ce qui selon moi ne signifie pas une coéducation. Chacun est dans son rôle et l’éducation parentale n’a pas le même sens que l’éducation nationale. Il ne faut pas confondre les deux. Cela consiste également à favoriser, grâce aux collectivités territoriales, les liens entre les écoles et tous les établissements culturels mais aussi à corriger les inégalités d’accès, d’encadrement et de contenu des activités organisées dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, car l’offre proposée aux enfants est très inégalitaire.
Enfin, nul ne conteste le besoin de développer l’apprentissage. Cela exige de placer au sein de cette ambition la réussite de toutes et tous. L’apprentissage ne doit pas lui non plus être considéré comme un pis-aller, ce qui suppose le respect des droits des apprentis et des entreprises ouvertes à ce devoir de formation. Si nous abordons, en posant la question de la mixité sociale à l’école, le type de société dans laquelle nous voulons vivre et si nous souhaitons une société fondée sur la participation consciente et libérée de chacun de ses membres pour un développement utile et bénéfique au plus grand nombre, alors nous devons mener une action inlassable pour faire de l’éducation une priorité afin de développer à l’école une mixité sociale synonyme de réussite pour toutes et tous à l’école et dans la société.