Intervention de Sylvie Tolmont

Séance en hémicycle du 12 janvier 2016 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l'éducation nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Tolmont :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la mixité est, selon vos termes, madame la ministre, « en République, une nécessité ». La mixité traduit et renforce notre volonté de construire ensemble un projet commun. Elle permet aussi la rencontre de l’autre et offre un bagage essentiel pour emprunter la route de la citoyenneté. À l’inverse, et tel est bien le péril dont il faut nous préserver, partout où le principe de mixité n’opère plus, la ségrégation sociale gagne du terrain et les valeurs républicaines sont attaquées. Dans l’enceinte même de l’école, la mixité vise l’effacement de toutes les marques des nombreuses inégalités qui caractérisent notre société. Toujours selon vos termes, « à l’école, c’est une exigence ».

Pourtant, elle est difficile à atteindre. Je me réjouis que cette question soit posée au sein de l’Assemblée nationale avec la hauteur et la considération qu’elle mérite. En tant qu’espace majeur de socialisation pour chaque enfant de France, l’école nourrit de belles ambitions. Par-delà l’enseignement aux élèves d’un socle d’apprentissages et de compétences nécessaire à la formation professionnelle de chacun, l’école est surtout un lieu de sensibilisation aux principes républicains, de transmission de notre mémoire collective et d’éducation aux notions d’ouverture, d’égalité, de fraternité et de justice permettant à chacun de devenir un citoyen libre et éclairé. Toutes ces valeurs ne peuvent être inculquées qu’à condition de côtoyer l’altérité.

Ainsi, la mixité sociale à l’école n’est pas seulement un voeu pieux. Elle est d’abord le garant de l’expression républicaine dans nos écoles, elle est ensuite une réponse à la lutte contre toutes les formes de discrimination et elle est enfin un outil favorisant la réussite éducative pour tous. Il est donc de notre responsabilité de refuser d’y renoncer. Animé par la conviction que l’application de la mixité a un sens seulement si elle se construit dans l’harmonisation des politiques de la ville, du logement et de l’égalité des territoires, l’État s’est pleinement saisi de cet engagement. Afin d’atteindre l’objectif de mixité, le Gouvernement a mené deux actions dont je salue la méthode coopérative.

Tout d’abord, un comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, dont un volet est intégralement consacré au renforcement de la mixité sociale, s’est réuni en mars et en octobre derniers. Ensuite, vous avez engagé en novembre dernier une démarche, madame la ministre, reposant sur le souci de fédérer la communauté éducative à l’échelle de dix-sept territoires pilotes pour construire des solutions concrètes afin de renforcer la mixité dans les collèges. Cette perspective s’inscrit parfaitement dans la continuité de la refondation de l’école et de la réforme du collège.

C’est au nom de cette même ambition qu’a été établi le rapport de nos deux collègues Yves Durand et Rudy Salles dont je salue l’excellent travail. Ce rapport porte sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l’éducation nationale et développe l’idée selon laquelle l’objectif de mixité sociale à l’école est une composante fondamentale du projet républicain dans la mesure où il est l’expression même des principes d’égalité et de fraternité en premier lieu et un moyen de lutter contre les discriminations sociales en second lieu. Ainsi, chacun convient que les différences entre les établissements et entre les classes au sein des établissements créent des situations de ségrégation sociale qui accentuent l’inégalité des chances.

Le rapport fait aussi l’aveu que la mixité parfaite n’existe pas et qu’il faut tendre davantage vers une forme d’équilibre social fondé sur une répartition des élèves entre les établissements d’un territoire correspondant non pas à la répartition des groupes sociaux dans la population française mais bien à celle qui est observée dans la population du territoire où se trouvent les écoles et les collèges. En outre, cette étude révèle les limites de l’action de l’école qui ne peut à elle seule réparer les fractures de la société. En effet, certains établissements sont dépourvus de mixité car ils se situent dans des quartiers qui eux-mêmes n’en sont pas dotés. Le facteur résidentiel étant absolument prépondérant en matière de ségrégation sociale dans les établissements scolaires, une concertation globale associant les projets de mixité sociale des établissements scolaires aux politiques de la ville, du logement et de la rénovation urbaine s’impose.

En effet, la mixité sociale à l’école est une quête impossible si la mixité sociale est inexistante dans le périmètre des écoles. À titre d’exemple, le rapport met en exergue une corrélation entre le lieu de résidence et les difficultés rencontrées dans le milieu scolaire en rappelant que 421 des 500 collèges accueillant le plus d’élèves résidant en zones urbaines sensibles relèvent de l’éducation prioritaire. Si je me réjouis que la mixité sociale fasse l’objet d’un débat nécessaire, par-delà les théories et les interrogations, gardons à l’esprit qu’elle repose sur des réalités humaines. Aussi, l’objectif ultime et unanime qui doit nous rassembler tous demeure le souci d’offrir des perspectives, un avenir, des espérances et des projets à nos milliers d’enfants scolarisés en France.

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