Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 12 janvier 2016 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l'éducation nationale

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, très sincèrement, je suis très heureuse du contenu du débat de cet après-midi comme de la qualité des interventions qui ont précédé la mienne. Il ne faut nourrir aucun regret sur le fait que nous ayons décidé de lancer une démarche de mixité sociale dans les collèges avant que ce débat ne se tienne, pour une raison simple évoquée unanimement sur tous les bancs : la mixité sociale est un enjeu majeur et il faut désormais s’y attaquer rapidement. Ce sont précisément des raisons de rapidité et d’efficacité qui nous ont amenés à lancer cette démarche avec les collectivités locales.

Vous êtes des élus locaux, du moins certains d’entre vous, et savez le temps que prend un conseil départemental pour délibérer, retenir un territoire, nous accompagner dans cette démarche et créer de nouveaux secteurs multi-collèges afin que tout cela entre en vigueur dès la rentrée 2016. Autrement dit, si vous considérez sur tous les bancs que la mixité sociale est un enjeu majeur et urgent, alors il nous fallait agir rapidement. Cela ne signifie pas que vos propositions et les recommandations des rapporteurs ne seront pas prises en compte dans la suite de la démarche. Elles le seront d’autant plus qu’elles rejoignent très fortement la plupart de nos priorités et de nos axes de travail.

Revenons un instant sur la mixité sociale. Au fond, elle est selon moi absolument indissociable de ce que nous souhaitons tous pour l’école, c’est-à-dire qu’elle forme des élèves, qu’elle en fasse des citoyens autonomes, instruits et éduqués et qu’elle soit le lieu où les élèves trouvent les moyens de leur réussite future. Or l’absence de mixité sociale, chacun le sait, constitue un obstacle à la réussite et condamne de très nombreux élèves à la médiocrité car ils ne voient pas s’ouvrir devant eux des perspectives leur permettant de se projeter, de se dépasser et de déployer à leur tour leurs talents et leurs mérites. Voilà à quoi mène l’absence de mixité sociale.

Agir pour davantage de mixité sociale, c’est au fond refuser que la recherche de l’excellence dans notre pays passe par le sacrifice de la grande majorité au profit de quelques-uns. C’est défendre, comme je le fais depuis que je suis à la tête de ce ministère, une exigence généralisée pour tous. C’est renforcer l’élitisme républicain, si tant est que l’on entende par là celui qui fonde la réussite sur le mérite et le travail et non sur la naissance et la connaissance des codes par les parents. C’est pourquoi nous voulons élargir le nombre d’élèves qui peuvent accéder à l’excellence et donc devenir un jour l’élite de notre pays. Plus la base de recrutement de cette élite sera large, plus nos élites potentielles seront dans quelques années nombreuses et meilleures elles seront. On ne peut pas avoir le moindre doute sur ce sujet.

Développer la mixité sociale, c’est donc offrir à la France la possibilité d’avoir des élites de meilleure qualité, de toutes provenances et de tous profils, quels que soient leur lieu de naissance et leur catégorie sociale d’origine. C’est une immense richesse. Ce que nous sommes en train de construire, si nous y arrivons, sera au service de la France. C’est ainsi que nous serons fidèles à la promesse de l’histoire républicaine qui fonde l’appartenance à la République dont on parle beaucoup en ce moment et dont on essaie beaucoup de convaincre les élèves. L’appartenance à la République, faut-il le rappeler, est fondée sur l’égalité non seulement des droits mais aussi des chances, ce qui suppose de distinguer le mérite individuel selon le travail et l’effort uniquement. Voilà ce que je veux faire prévaloir en effet dans toutes nos écoles, quel que soit le territoire où elles se trouvent.

J’ai constaté avec plaisir que vous ne vous résignez pas à cette tendance inégalitaire qui est à l’oeuvre depuis trop d’années maintenant. Ne pas se résigner permet de construire. Quand on écoute les uns et les autres, que l’on sonde le terrain et que l’on sort des postures, on réalise que les questions de la réussite scolaire et de la mixité sociale sont étroitement liées.

C’est ce que souligne votre rapport, cher Yves Durand, cher Rudy Salles, sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l’éducation nationale. Je vous remercie pour ce travail méticuleux et précieux d’évaluation, dont nous reprendrons nombre de préconisations.

Le premier des constats que dresse votre rapport, que je partage et qui motive mon action, c’est que notre système scolaire est profondément ségrégué. Les chiffres sont connus, les études se succèdent depuis plusieurs années : loin de réduire les inégalités, le système scolaire les accroît.

Nous connaissons l’ampleur, et même la cartographie de la ségrégation sociale : 10 % de nos collèges – 700 – comptent moins de 6 % de collégiens d’origine sociale défavorisée. Dans le même temps, plus de 82 % de collégiens d’origine sociale défavorisée sont scolarisés dans 10 % seulement des collèges. Par ailleurs, les écarts de composition sociale moyens entre collèges publics et collèges privés se sont accrus ces dix dernières années.

Cela n’est pas sans conséquence. Comment défendre le mérite, le travail, l’effort si, d’une certaine façon, tout est joué avant même qu’un élève ait franchi le seuil de l’institution scolaire, sous le seul poids des déterminismes sociaux et économiques ?

Bien sûr, l’on trouvera toujours des exemples d’élèves issus de milieux défavorisés qui ont brillamment réussi. Cet argument est souvent utilisé dans le débat public par ceux qui ne veulent surtout rien changer. Certes, la réussite de ces élèves est remarquable, d’autant qu’ils ont dû surmonter de nombreux obstacles. Mais leur nombre est infime. La poursuite d’études longues à l’université, faut-il le rappeler, reste très marquée par les origines sociales, culturelles, géographiques. Aujourd’hui encore, les enfants d’ouvriers ne représentent que 5 % des étudiants en cursus de doctorat, 6 % des étudiants en classe préparatoire, et seulement 2,7 % des élèves des écoles normales supérieures et autres grandes écoles. Il ne faut pas faire de la réussite de quelques-uns – des exceptions – un prétexte à ne rien changer !

Le deuxième constat que je partage, c’est que l’absence de mixité conduit trop souvent à l’échec scolaire. Oui, je le confirme, et les études nous le disent, les établissements ségrégués peuvent créer des dynamiques d’apprentissage négatives, qui tirent vers le bas les élèves les plus fragiles. Oui, le turnover qui affecte les équipes pédagogiques de ces établissements et le fait que l’on y envoie des enseignants plus jeunes et moins expérimentés ne facilitent pas l’instauration de conditions d’apprentissage propices à la réussite.

Remédier à cette situation était l’un des objectifs de la réforme de l’éducation prioritaire, première réforme que j’aie eu à conduire à ce poste – Yves Durand l’a dit dans son propos introductif, beaucoup de choses ont été faites depuis 2012 ! Contrairement à ce que la presse en a retenu, il ne s’agit pas uniquement d’une réforme de la carte – bien qu’elle ait permis de remédier à des situations insupportables, puisque des établissements très défavorisés ne figuraient pas sur la carte. Cette réforme a consisté à augmenter considérablement les indemnités des enseignants, pour attirer les enseignants moins jeunes et plus expérimentés. Elle a permis également de mettre en oeuvre des accompagnements pédagogiques qui permettent de réussir, comme l’accueil des moins de 3 ans en maternelle. Le fait d’accompagner les élèves en classe de sixième tous les jours jusqu’à 16 h 30, en mettant en place un tutorat systématique pendant les heures libres de leur emploi du temps, est une nouveauté. De la même manière, nous avons souhaité libérer du temps pour les enseignants, afin qu’ils puissent se former et accueillir en bonne et due forme les parents. Cette réforme est entrée en vigueur à la rentrée 2015. Les retours de terrain sont très bons ; il faut continuer.

Mais, on l’a vu par le passé, le simple fait d’être dans un établissement aidé ne garantit pas de meilleurs résultats en français ou en mathématiques. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur les fondamentaux. Avec la refonte des programmes, nous avons veillé à ce que la maîtrise du français redevienne une priorité aussi bien à l’école primaire qu’au collège, y compris par des exercices répétés, de l’entraînement régulier. La maîtrise du français est essentielle, et nous devons y veiller, particulièrement dans les établissements qui souffrent de difficultés sociales.

Certes, l’école ne peut pas tout et vous faites le constat qu’elle ne saurait vaincre à elle seule les déséquilibres que d’autres politiques n’ont su corriger. Vous avez raison, les logiques sociales et économiques à l’oeuvre sur un territoire sont complexes et la mixité sociale est aussi l’affaire de la politique de la ville. Mais entre ne rien faire et tout résoudre, il existe une marge d’action possible, que nous devons investir.

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, l’époque que nous vivons exige de se rendre audible des élèves lorsque l’on parle des valeurs de la République, du triptyque égalité-liberté-fraternité – auquel on pourrait adjoindre la laïcité. Mais comment être audible lorsque certains élèves n’ont jamais fait l’expérience de la mixité sociale, lorsque certains voient leur avenir bouché et ne croient pas du tout à la capacité de « faire société » ? C’est pourquoi, au-delà de la réussite scolaire, l’objectif de mixité sociale est si important.

Alors, comment fait-on ? La mixité sociale ne se décrète pas, elle ne s’impose pas, comme mille exemples l’ont déjà montré. C’est un sujet qui provoque beaucoup de crispations et de tensions, qui a été abordé de façon clivante, polémique et idéologique, sans que la situation évolue.

Je souhaitais procéder autrement. C’est aussi l’intention qui sourd de votre rapport, et en cela, je m’y reconnais. La mixité sociale est une politique qui doit s’élaborer patiemment, en concertation avec l’ensemble des personnes concernées, depuis les personnels de l’éducation nationale jusqu’aux élèves et à leurs familles, en passant par les collectivités locales qui se mobilisent sur le terrain.

Ce n’est pas la carte scolaire qui fera évoluer le territoire, c’est le territoire qui doit être à l’origine de notre action et apporter les solutions concrètes. Comme le préconise votre rapport, notre démarche ne consiste pas à engager une énième refonte de la carte scolaire, mais à adopter une approche territorialisée, au cas par cas, des besoins de mixité.

Aujourd’hui, 15 académies et 20 départements, de droite comme de gauche, ont exprimé leur souhait de s’engager dans cette démarche – je suis certaine, madame Genevard, que vous soutiendrez activement l’entrée du vôtre –, soit le double de ce qui avait été envisagé initialement. C’est une bonne nouvelle, que nous devons savoir accueillir comme telle.

Ces territoires pilotes mettront en oeuvre différentes mesures, qui seront, tout au long du processus, accompagnées et évaluées. La circulaire du 7 janvier 2015 offre déjà à ces territoires des dispositions nouvelles, notamment la création de secteurs multi-collèges. Vous le disiez, nous devons rompre avec ce système de secteurs à un collège, où une population socialement homogène se retrouve dans un même établissement.

Définir des secteurs multi-collèges permet de décloisonner la sectorisation actuelle, d’agir au même moment sur plusieurs établissements, en évitant les logiques de concurrence trop souvent à l’oeuvre, et de rééquilibrer la population. Au sein de ces nouveaux secteurs, l’éducation nationale pourra déterminer des critères d’affectation des élèves, en concertation avec les départements et les communes, la communauté éducative, et notamment les parents.

Les territoires pilotes pourront également s’appuyer sur d’autres leviers, comme l’offre éducative. Développer une pédagogie d’excellence est, bien sûr, pour un établissement ségrégué, la meilleure façon d’attirer une population plus aisée.

Pour que cette démarche soit une politique publique, et non l’accumulation de vingt expériences territoriales différentes, un suivi est prévu. Les résultats obtenus dans chacun des territoires seront diffusés, afin que les actions puissent être reproduites ailleurs en France. Nous avons souhaité mettre en place un accompagnement scientifique. Une dizaine de scientifiques reconnus, des chercheurs qui travaillent de longue date sur la mixité sociale et qui ont accepté de suivre chaque département, évalueront les résultats en matière de réussite scolaire et de climat scolaire.

Votre rapport insiste beaucoup, et avec raison, sur l’amélioration de la connaissance scientifique en matière de mixité sociale. L’éducation nationale se dote progressivement d’outils de mesure. Le rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire » de l’inspecteur général Jean-Paul Delahaye, qu’évoquait tout à l’heure Barbara Pompili, a mis en lumière les conséquences de la grande pauvreté sur l’échec scolaire. Deux récents rapports du conseil national de l’évaluation du système scolaire, le CNESCO, ont permis de dresser un état des lieux de la mixité sociale dans les collèges français et de présenter les expériences internationales. Ces différents travaux complètent les études menées par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la DEPP, en lien avec l’INSEE, qui établissent des indicateurs de ségrégation pouvant être utilisés à l’échelle territoriale.

Si la dynamique que nous avons lancée a des chances de fonctionner, et si un certain nombre de départements ont décidé de s’engager dans cette démarche, c’est que la DEPP a précédemment observé les territoires et analysé les établissements scolaires, afin de produire de façon objective et scientifique la réalité de la ségrégation sociale. Car voilà bien un sujet dont on parle depuis des décennies, sans disposer d’un chiffre précis sur tel ou tel établissement ! Jusque-là, personne ne pouvait dire à un élu local guidé par la volonté de faire mieux en matière sociale, quel était le taux d’enfants issus de milieux défavorisés dans tel établissement, ou quel serait le résultat s’il venait à mixer les populations de deux collèges différents.

Ces derniers mois, et c’est nouveau, nous avons mobilisé nos services statistiques afin qu’ils dressent un état des lieux, un diagnostic de la ségrégation sociale dans tous les territoires. Nous le mettons à la disposition des élus locaux des départements, qui pourront aussi utiliser ces outils dans les réunions publiques auprès des parents. Car il s’agit d’un travail de conviction. Il faut que l’opinion publique prenne conscience de la gravité de la ségrégation. Nous continuerons donc de développer la recherche scientifique en la matière.

Le rapport se penche aussi sur le modèle d’allocation des moyens, invitant à donner plus aux établissements qui en ont le plus besoin. S’il y a un sujet auquel je suis attachée – et vous commencez à me connaître ! –, c’est bien la lutte contre les inégalités de réussite scolaire. La première chose que j’ai demandée aux services en arrivant à la tête de ce ministère était de construire un nouveau modèle d’allocation des moyens.

Jusqu’à présent, en dehors du cadre de l’éducation prioritaire, l’on donnait les mêmes moyens à tous les établissements scolaires en France, sur critère démographique. Depuis la rentrée 2015, nous avons changé notre modèle pour tenir compte désormais, au-delà de la démographie, des difficultés sociales de la population des établissements et de leur réalité territoriale, afin de mieux adapter les moyens à leurs contraintes, en particulier lorsqu’ils se trouvent en zone rurale.

Ce nouveau modèle d’allocation des moyens a des conséquences concrètes. Il a ainsi permis à Marseille d’obtenir, cette rentrée, 97 emplois de plus que ce qu’elle aurait obtenu sans lui, en raison des difficultés sociales auxquelles elle doit faire face. De même, Créteil recevra 178 emplois supplémentaires et Versailles, 89.

Cette réalité sociale est aujourd’hui prise en compte.

Un autre sujet sur lequel je partage votre analyse est celui de l’offre d’excellence. Vous dites qu’elle mérite d’être mieux régulée. C’est vrai, cette offre d’excellence donne souvent lieu à des stratégies de contournement qui conduisent à l’inverse du résultat recherché, à savoir la constitution, là où l’on recherchait de la mixité sociale, de zones socialement homogènes, où se rassemblent ceux qui, d’une certaine façon, veulent se tenir à l’écart des autres. Sans vouloir y mettre fin, car il est toujours bien de disposer d’une offre d’excellence, nous devons la réguler. C’est pourquoi, pour revenir aux langues vivantes, j’ai souhaité réformer le collège. Plutôt que de faire perdurer un système où seuls certains pouvaient accéder aux classes bilangues – tant mieux pour eux mais un responsable politique qui a le souci de la mixité sociale ne pouvait s’en satisfaire –, nous devions permettre à tous les collégiens d’apprendre une deuxième langue, avec plus d’heures de cours, et plus précocement, à savoir dès la classe de cinquième, sachant que l’apprentissage des langues vivantes est un gage de réussite dans le monde qui est le nôtre.

Dans quelques jours, le 22 janvier prochain, j’annoncerai, pour répondre à tous ceux qui se sont inquiétés de l’avenir des langues vivantes dans notre pays, les résultats de la carte académique des langues vivantes, que nous avons élaborée dans tous les territoires pour diversifier les langues que les élèves apprennent à l’école et mieux assurer la continuité des apprentissages linguistiques. C’est bien beau de faire apprendre une langue vivante dès le premier ou le deuxième degré, encore faut-il en assurer le suivi. Quel intérêt de commencer l’allemand en primaire si l’on ne peut pas continuer un certain nombre d’années et ensuite, au collège ? Enfin, une politique académique des langues est menée dans ce pays pour répondre à toutes ces questions.

Vous verrez, cher Yves Durand, qu’une attention particulière a été portée à l’offre linguistique dans les réseaux de l’éducation prioritaire, les REP. Elle répondra à votre souci d’accorder davantage de moyens aux établissements de ces réseaux pour ouvrir de véritables classes bilangues, et permettre que l’apprentissage d’une deuxième langue dès le primaire se poursuive au collège. Les établissements de ces territoires pourront ainsi proposer une offre pédagogique d’excellence, sans pour autant donner lieu à des manoeuvres de contournement contraires à la logique de mixité sociale puisque cette offre serait faite à tous les élèves intéressés de l’établissement, et non ceux choisis pour intégrer des classes à part.

Vous exprimez aussi le souhait, messieurs les rapporteurs, d’ouvrir les perspectives des élèves des établissements les plus défavorisés. Je partage cette préoccupation et j’annoncerai dans les prochains jours la mise en place de parcours d’excellence dans ces établissements. Je pense que vous approuverez cette proposition.

Le parcours d’excellence aura pour objectif de conduire des jeunes de milieux modestes vers une poursuite d’études ou une insertion professionnelle ambitieuse et réussie. Les premiers dispositifs mis en place pour favoriser la mobilité sociale et l’accès d’élèves issus de milieux défavorisés aux grandes écoles, auront bientôt quinze ans – à Sciences Po Paris, l’ESSEC etc. Nous avons aujourd’hui un certain recul pour en dresser un bilan objectif. Il s’avère que ces dispositifs sont restés relativement en marge du système éducatif avec des effets très limités sur le nombre d’élèves concernés et la réduction des inégalités. Or, les enjeux de la mobilité sociale n’ont sans doute jamais été aussi forts qu’aujourd’hui car nous sommes entrés dans une société de la connaissance, une société mondialisée. Notre avenir est en jeu et nous devons former le plus grand nombre, élargir nos élites. C’est une nécessité économique mais aussi un impératif pour la cohésion de notre société.

C’est à cet enjeu que veulent répondre les parcours d’excellence. Ils permettront demain aux collégiens de troisième des REP qui seront volontaires – nous commencerons par les REP + à la rentrée 2016, avant d’étendre le dispositif à l’ensemble des REP – de préparer avec ambition la poursuite de leurs études, l’accès à l’enseignement supérieur, l’insertion professionnelle, grâce à un véritable accompagnement, la connaissance de toutes les opportunités, de tous les horizons possibles. Ce dispositif s’appuie tout d’abord sur la mise en place de partenariats entre ces collèges REP, les établissements d’enseignement supérieur et de grandes entreprises. Nous construisons ces partenariats pour que se tisse un premier réseau, en un sens celui des élèves qui n’en ont pas.

Il s’appuiera également sur un accompagnement solide puisque les élèves, dès la troisième, seront regroupés en petits groupes de travail d’une dizaine de collégiens, encadrés par un tuteur chargé de renforcer la maîtrise des connaissances et des compétences, mais aussi de travailler la motivation, la confiance en soi, le travail personnel, et d’organiser des visites, qu’il s’agisse de visites culturelles, dans des entreprises ou des lieux de formation, ou de rencontres avec des étudiants. Toutes ces rencontres auront pour objectif d’élargir les possibles et de rassurer les élèves qui ont parfois le sentiment de se retrouver dans des impasses.

Ces parcours doivent donner à ceux qui en témoignent l’envie et qui mettent leurs efforts et leur travail au service de leur réussite, les moyens d’accéder à des filières, à des voies, à des métiers qu’ils ne connaissaient pas et auxquels ils n’imaginaient pas pouvoir jamais accéder.

Il faut par ailleurs assurer la continuité. Les élèves de troisième qui bénéficient de ce parcours seront suivis jusqu’au baccalauréat, toujours avec la même logique, à la différence que le suivi sera plus individualisé et assuré par des étudiants, que nous recruterons. Ils seront un soutien mais aussi une source d’inspiration.

Voilà ce que je voulais vous dire de ces parcours d’excellence sur lesquels je ferai des annonces dans quelques jours et dont nous voudrions faire bénéficier les élèves de REP pour aller jusqu’au bout de la logique de l’éducation prioritaire. D’amont en aval, ces élèves doivent être placés dans les meilleures conditions possibles pour se projeter dans l’avenir.

Je conclurai par la proposition relative à l’enseignement privé. Comme vous, je suis persuadée que rien ne se fera sans la mobilisation de tous les acteurs concernés, y compris les établissements privés. C’est pourquoi, dans la démarche relative à la mixité sociale, j’ai voulu que ces établissements soient associés au pilotage des projets. Je veux profiter de cette tribune pour saluer l’engagement de l’enseignement privé, au niveau national, en faveur de la mixité sociale. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises avec eux et nous savons qu’ils veulent avancer sur cette question. Bien sûr, la priorité de mon ministère reste l’école publique mais la mixité est l’affaire de tous et nous avons tout à gagner de l’implication de ces partenaires.

Parmi les différentes démarches conduites dans les vingt départements, vous verrez qu’un certain nombre – pas toutes car la situation n’est pas la même partout – impliqueront des établissements privés.

Au travers de ces mesures, ces dispositifs, ces territoires pilotes, j’ai voulu vous montrer que nous tenions une occasion, peut-être inédite, de progresser avec pragmatisme et en dehors des débats clivants et polémiques. Nous devons tenir compte de la réalité des territoires pour démontrer que la mixité sociale n’est ni un totem ni un tabou, mais qu’elle est tout simplement au coeur de notre capacité à fonder une société unie, soudée, et rassemblée.

2 commentaires :

Le 13/01/2016 à 11:17, laïc a dit :

Avatar par défaut

"Agir pour davantage de mixité sociale, c’est au fond refuser que la recherche de l’excellence dans notre pays passe par le sacrifice de la grande majorité au profit de quelques-uns. "

Et pourquoi cela : à partir du moment où il y a égalité des chances, la voie de la recherche est ouverte à toutes et tous, sans que personne ne soit sacrifié. Les plus forts auront la possibilité de se faire remarquer, sans que leur origine sociale seule puisse être suspectée d'être la cause de leur réussite.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 13/01/2016 à 11:56, laïc a dit :

Avatar par défaut

"Or l’absence de mixité sociale, chacun le sait, constitue un obstacle à la réussite et condamne de très nombreux élèves à la médiocrité car ils ne voient pas s’ouvrir devant eux des perspectives leur permettant de se projeter, de se dépasser et de déployer à leur tour leurs talents et leurs mérites. Voilà à quoi mène l’absence de mixité sociale."

C'est archi-faux : les perspectives ne sont pas ouvertes par les autres élèves, mais par le système social. Si Mme Vallaud-Belkacen n'est pas contente de l'absence de perspectives pour certains, il faut d'une part qu'elle se tourne vers le défaut d'orientation des élèves dès la sixième, et ensuite qu'elle se tourne vers la formation professionnelle, en partenariat avec mme el Khomry, afin de la développer pour les intérêts de toutes et tous, sans discrimination.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion