Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 1er décembre 2015 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Je vous remercie d'être présents dans cette salle pour assister à ce colloque organisé par la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et consacré au thème « Femmes et climat ». Il semble qu'en France, ce sujet n'ait pas été évident au départ.

Je me réjouis d'accueillir aujourd'hui, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, autant de personnes passionnées par la lutte contre le dérèglement climatique qui, comme nous le précisons dans l'intitulé de ce colloque, place les femmes en première ligne. Je tiens tout particulièrement à saluer les différents intervenants ainsi que nos collègues parlementaires.

Alors que les chefs d'État sont rassemblés en ce moment même au Bourget pour prendre des décisions que nous espérons fortes et courageuses face au dérèglement climatique qui menace l'avenir de la planète, je suis heureuse que notre délégation puisse contribuer à mettre l'accent sur le lien entre les femmes et le climat, aspect trop méconnu et pourtant évident lorsqu'on commence à y travailler. Sans être trop longue, je voudrais rappeler quelques faits.

Les femmes sont les premières touchées par le dérèglement climatique. Selon l'Organisation des Nations unies (ONU), elles courent quatorze fois plus de risques de mourir lors d'une catastrophe naturelle, principalement parce qu'elles ne sont pas ciblées en priorité par les programmes d'alerte et de prévention de ces catastrophes. Le changement climatique affecte particulièrement les pays en développement et, en leur sein, les populations les plus vulnérables. Or, nous le savons tous, les femmes constituent 70 % des populations pauvres. La vulnérabilité des femmes est supérieure à celle des hommes en raison du statut social inférieur dans lequel elles sont confinées. Ce statut se traduit souvent pour elles par une faible autonomie, une absence de liberté de décision, un faible accès à leurs droits et à l'information. Moins instruites dans les pays pauvres, les femmes se trouvent plus démunies face aux catastrophes. Autre aspect méconnu, dans les zones sinistrées, les femmes supportent des contraintes supplémentaires : l'accès aux soins et à la contraception se trouve souvent compromis. Les conséquences sont multiples à plus long terme : ainsi, leur temps de travail s'allonge avec la raréfaction des ressources en bois ou en eau. Ces contraintes qui provoquent des surcharges de travail pour faire vivre la famille entraînent souvent une déscolarisation plus rapide des jeunes filles. Et qui dit déscolarisation dit aussi non-alphabétisation, pauvreté et difficultés à entrer dans la vie active.

Mais, parce qu'elles sont en première ligne, les femmes sont aussi déjà les actrices de la lutte contre le dérèglement climatique. Ce sont elles qui innovent localement et qui élaborent – comme le soulignent les négociateurs de la Conférence de Paris sur le changement climatique (COP21) – des stratégies d'adaptation aux conséquences du réchauffement. Des études ont démontré que, chaque fois que des problèmes d'environnement se sont posés, les femmes ont joué un rôle actif. Au Bangladesh, des femmes presque totalement dénuées de ressources exploitent des îlots limoneux particulièrement fertiles mais instables le long des fleuves. Une étude portant sur le reboisement, effectué dans soixante et un pays en quinze ans, montre que les résultats ont été meilleurs là où les femmes et les organisations non gouvernementales (ONG) locales avaient été impliquées. L'une d'elles a d'ailleurs obtenu le prix Nobel de la paix pour ce reboisement. Mais, comme souvent, leur contribution est sous-évaluée et trop peu mise en valeur à grande échelle. Tout le monde gagnerait pourtant à se servir de ce qui existe et fonctionne déjà localement. Il faudrait pour cela que l'expérience des femmes soit entendue dans les grandes négociations internationales – trop masculines.

Promouvoir la place des femmes, c'est agir pour la planète. M. François Hollande, le Président de la République, l'a lui-même affirmé à l'ONU lors de la dernière Assemblée générale en septembre. Il demande que, dans le cadre des moyens financiers dégagés lors de la Conférence de Paris, les projets présentés par les femmes soient considérés comme prioritaires. C'est, par ailleurs, l'une des recommandations que nous avons formulée avec Mmes Chantal Jouanno et Danielle Bousquet dans un appel intitulé « Soutenir les femmes face au dérèglement climatique : Pourquoi nous nous engageons » – appel qui est à votre disposition à l'entrée de cette salle et que vous pouvez, toutes et tous, continuer à signer afin d'en renforcer la portée. Cet appel a déjà été remis à M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, le 16 octobre dernier, lors d'une journée dans son département ministériel. Le ministre s'est alors engagé pour que le combat soit aussi pour et avec les femmes. Comme il l'a rappelé dans une tribune parue en mars, les femmes doivent être placées au coeur des stratégies nationales et locales pour la lutte contre le dérèglement climatique, et au coeur des relations internationales. Je m'en félicite.

Mais nous demandons des résultats concrets et des engagements des parties – à commencer par l'inscription en bonne place dans l'accord des principes d'autonomisation des femmes et d'égalité femmes-hommes. Il semble que ces éléments, qui figuraient dans le texte lorsque celui-ci faisait vingt pages, y soient toujours maintenant qu'il en compte cinquante mais seulement entre crochets – ce qui signifie qu'ils restent sujets à discussion et peuvent encore être supprimés. Notre colloque nous offre l'opportunité de faire savoir haut et fort que les femmes ne seront pas des variables d'ajustement de l'accord sur le climat. Parvenir à cet objectif suppose d'obtenir un consensus. C'est pour nous une ligne rouge : les droits fondamentaux ne sont négociables ni pour les hommes ni pour les femmes : ce sont des droits humains. Que certains pays conservateurs conditionnent leur participation à leur refus de reconnaître l'égalité femmes-hommes est pour nous honteux et inefficace, et constitue une négation de la réalité des faits. Le climat est une affaire de droits humains. Vous l'aurez peut-être remarqué – et cela m'a frappée hier soir encore en regardant le Petit journal : il n'y a que des hommes parmi les experts sur le climat.

Je cède à présent la parole à nos intervenants, à commencer par M. Philippe Lévêque, directeur général de CARE depuis mai 2000. CARE est une fondation née en 1945. C'est l'un des plus grands réseaux d'aide humanitaire dans quatre-vingt-dix pays. Ce réseau plaide en faveur de la thématique qui nous rassemble aujourd'hui et accomplit un travail que j'apprécie beaucoup en faveur des jeunes filles en tant qu'avenir du développement – leur éducation apportera des points de PIB supplémentaires aux pays parvenant à accomplir un effort en ce sens.

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