Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 1er décembre 2015 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Nous avons bien mobilisé en France par le biais de grandes assemblées, de réunions, etc. Mais l'Europe n'a pas parlé suffisamment fort d'égalité et de genre, elle a été beaucoup trop longtemps silencieuse alors que tous les pays devraient se retrouver sur ces thèmes.

En réalité, il existe des blocages, y compris en Europe, quand on commence à évoquer les droits sexuels et reproductifs. Chaque année à l'ONU, lors de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW – Convention on the elimination of all forms of discrimination against women), Malte, la Pologne et l'Irlande rejoignent les positions du Vatican et de pays tels que l'Arabie Saoudite. Nous assistons à des collusions entre pays qui s'opposent aux droits sexuels et reproductifs, et à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ils en sont encore à parler de complémentarité entre les sexes.

En 2014 et 2015, l'ONU « femmes » a commémoré les vingt ans des programmes d'action du Caire et de Pékin. Mme Michelle Bachelet nous avait reçues, Mme Najat Vallaud-Belkacem et moi-même, en 2013, alors qu'elle était encore la directrice exécutive de l'organisation. Nous l'avions interrogée sur les manifestations prévues à l'occasion de ces commémorations. Désolée, elle nous avait répondu que l'ONU ne pouvait pas organiser une grande conférence sur l'égalité entre les femmes et les hommes parce qu'il n'était pas certain qu'une majorité de pays s'y montre favorable. La majorité des 150 pays représentés à Paris aujourd'hui ne considère pas que les conférences du Caire et de Pékin soient fondatrices. On ne renégocie pas pour éviter un retour en arrière. Nous en sommes là ! En matière de droits des femmes, rien n'est jamais acquis, nous le savons. Les évolutions ne sont pas linéaires dans le sens d'un progrès continu jusqu'à la fin de l'humanité.

Pour conclure, je voudrais remercier les intervenants et l'assistance. Certes, nous sommes ici entre convaincus mais nous avons réussi aussi à convaincre grâce à nos appels et aux actions convergentes de nos ONG. La coordination n'est pas toujours évidente et nous avons parfois l'impression que chacun agit dans son secteur, mais nous avons des porte-paroles efficaces et qui ne se laissent pas circonvenir.

Vous avez tous mentionné les attentats qui se sont déroulés à Paris. Sans ces événements, peut-être n'aurions-nous pas fait à ce point le rapprochement entre conflits, terrorisme et climat. Nous voyons tous que les changements climatiques entraînent la désertification, des difficultés de vie, des abandons de terres, des exodes et des conflits qui peuvent alimenter le terrorisme. Le climat représente un tel enjeu pour l'avenir de la planète que, je l'espère, tous les pays présents ici auront à coeur de parvenir à un accord.

La mobilisation est importante, même s'il est un peu difficile de voir comment elle s'organise entre les acteurs et les citoyens, dans une situation contrainte par des exigences de sécurité que chacun peut comprendre. Les ONG, les parlementaires, les grandes collectivités, les grandes villes du monde se sont tous réunis pour trouver des solutions. Grâce à notre lobbying, nous avons réussi à faire admettre que l'égalité entre les femmes et les hommes et les droits humains devaient figurer dans l'introduction et le corps du texte, y compris dans sa version réduite à vingt pages. D'aucuns trouveront que le résultat est modeste mais, en fait, il s'agit d'une avancée considérable. Ce texte de vingt pages a fait l'objet de discussions très compliquées à Berlin et nous avons redouté de voir disparaître ce qui était entre crochets. Non seulement ces éléments ont été conservés mais la négociation porte désormais sur la version longue du texte – cinquante pages. Tous les espoirs sont permis.

Ceux qui sont extérieurs à la négociation, y compris les parlementaires, ont un peu de mal à comprendre comment elle se déroule réellement et concrètement. Pour nombre de pays l'égalité femmes-hommes représente une sorte de ligne rouge : ils menacent de ne pas signer un accord où figurerait ce principe. Les pays qui y sont favorables doivent donc adopter la position inverse et affirmer clairement qu'ils ne signeront pas un accord qui ne mentionnerait pas l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les droits humains.

Les droits des femmes sont un combat jamais achevé, je le répète. Le 11 décembre, rien ne sera terminé. La France gardera la présidence de la COP. Même si l'égalité entre les femmes et les hommes et les droits humains figurent dans l'accord, ce qui est le minimum, nous devrons maintenir la pression dans le cadre des clauses de révision. Le Président de la République, M. François Hollande, veut un accord contraignant – ce qui n'était pas du tout acquis au départ – et révisable.

Quoi qu'il arrive, nous devrons donc continuer à réfléchir, à prendre des initiatives, à faire des projets concrets et à soumettre des propositions. Seule la mobilisation paiera. Si la société se mobilise et parvient à sensibiliser l'opinion sur ce sujet, les gouvernants finiront par entendre que la solution au dérèglement climatique passe par les femmes. Celles-ci ne veulent pas être cantonnées dans un groupe majeur et faire de l'animation ; elles veulent avoir des responsabilités et prendre part aux décisions. Les femmes sont la moitié de l'humanité, c'est pourquoi je suis contre les quotas mais pour la parité. Je reprends votre formule, Hindou, que j'aime beaucoup : ce sont les femmes qui sauveront le monde. Sauvons le monde ! Merci à tous. (Applaudissements.)

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