En troisième lieu, le rapport s'intéresse aux dispositions de « modération négociée » des prix :
À cet égard, nos travaux nous ont tout d'abord permis d'observer que le « bouclier qualité-prix » (BQP, article 15 de la LREOM), innovation importante de la loi, produit des résultats concrets.
Pour rappel, le BQP fonctionne sur la base d'une négociation annuelle, menée par le préfet, entre les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, visant à trouver un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation courante. Cette négociation doit se tenir dans les départements d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et, depuis la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, à Saint-Martin. En l'absence d'accord à l'issue des négociations, le préfet peut fixer le prix global de la liste.
Si l'application du BQP diffère légitimement selon les territoires en raison des particularités locales, notamment en ce qui concerne le type de magasins concernés et la composition de la liste de produits, le bilan du dispositif est largement satisfaisant, notamment en ce qui concerne le prix. Depuis 2013, le prix global des listes par rapport au BQP 2015 a ainsi diminué de 16 % en Martinique, de 14 % en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion et de 5 % à Mayotte. En outre, depuis le BQP 2015, la qualité des produits fait l'objet d'une attention particulière lors de l'établissement des listes, tout comme la valorisation de la production locale – sur laquelle nous avons pu travailler avec la mission d'information menée par Mme Brigitte Allain sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires. Le taux de production locale au sein des listes du BQP 2015 est ainsi de 46 % à La Réunion et de 30 % en Martinique. Ces nouvelles dimensions « qualité » et « production locale » renforcent l'intérêt du dispositif.
Le rapport trace, en outre, des perspectives d'amélioration du BQP afin d'en tirer un profit maximal, à la fois pour les consommateurs et les producteurs locaux. Par ailleurs, le processus de convergence des tarifs bancaires avec ceux de la métropole est engagé, bien que de façon paradoxale. En effet, les dispositions de la loi en la matière sont apparues difficilement applicables et n'ont produit que peu de résultats. C'est ainsi que, sur la base d'une nouvelle méthode plus pragmatique et consensuelle, inspirée du rapport au Gouvernement de M. Emmanuel Constans, ont été conclus de nouveaux accords triennaux de modération des tarifs en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Il semble, au final, que la convergence des tarifs bancaires soit aujourd'hui bien engagée.
Il est apparu, globalement, que les dispositions de modération négociée des prix sont à la fois les plus visibles pour le consommateur ultramarin et les plus efficaces dans la lutte contre la « vie chère ».
En dernier lieu, le rapport aborde les mesures relatives à la transparence des prix, au premier rang desquelles figurent les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR).
Pour renforcer la transparence du débat sur la « vie chère » dans les outre-mer, la LREOM a en effet consacré l'existence des OPMR, qui ont succédé aux observatoires des prix et des revenus créés en 2007. Elle a prévu, en outre, que leur composition déjà très diverse – des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'État, des représentants des chambres consulaires, des syndicats, des personnalités qualifiées, etc. – sera complétée par la représentation des associations de consommateurs, dont nous avons pu constater sur place l'apport très important. La LREOM a également élargi la compétence des OPMR à l'analyse des marges. Enfin, la récente loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer a prévu la création de deux nouveaux OPMR à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Nous constatons que les OPMR, qui ont pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution sont devenus des acteurs incontournables de la lutte contre la vie chère outre-mer. Leurs nombreuses études générales ou sectorielles ont permis d'informer le public sur les écarts de prix entre les territoires d'outre-mer concernés et la métropole, ou entre les territoires ultramarins eux-mêmes. L'étude menée à La Réunion sur les pièces détachées automobiles, dont les résultats ont été présentés en début d'année, a par exemple permis d'expliquer la structuration des prix dans ce secteur et d'en déduire un niveau de marges des fournisseurs et détaillants. En outre, plusieurs OPMR mènent actuellement des enquêtes sur le coût des matériaux de construction.
Face à l'importance prise par les OPMR, nous plaidons pour que les travaux, de qualité, soient facilités matériellement. Nous nous inquiétons notamment qu'en raison du fait que la présidence des OPMR doit obligatoirement être assurée par un magistrat appartenant à une chambre régionale des comptes, certains observatoires ont un président qui réside loin de leur territoire, ce qui pose d'importants problèmes, notamment financiers ; c'est le cas entre la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe. En outre, il est regrettable que leurs travaux ne trouvent pas un plus grand écho, notamment auprès des pouvoirs publics.
Enfin, le rapport fait vingt-deux préconisations qui se répartissent, pour les principales, en trois axes.
Plusieurs propositions visent tout d'abord à renforcer l'efficacité des dispositions pro-concurrence en améliorant les conditions concrètes de leur mise en oeuvre. Il s'agirait tout d'abord – c'est un point sur lequel il faut particulièrement insister – de s'assurer que le nombre d'agents affectés dans les pôles concurrence des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) est suffisant pour mettre pleinement en oeuvre les nouveaux outils créés par la LREOM. Il serait également opportun de tirer davantage profit de la possibilité donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros dans les secteurs où cela se justifie – par exemple, celui des matériaux de construction. Enfin, deux propositions sont faites pour renforcer l'intérêt du pouvoir confié aux régions et collectivités d'outre-mer et aux commissions locales d'aménagement commercial de saisir l'Autorité de la concurrence.
D'autres propositions visent à faire mieux connaître le mécanisme du BQP et à en étendre la logique. Le triple objectif que nous soutenons consisterait à faire mieux connaître le BQP aux consommateurs, à rappeler tous les opérateurs économiques à leur devoir de participer aux négociations – par exemple, les acconiers ne sont pas autour de la table – et à adapter le mécanisme du BQP aux petits commerces. Dans le rapport, nous mettons en évidence que sur des territoires comme la Guyane et Mayotte, les petits commerces doivent s'approvisionner auprès des grandes surfaces sans bénéficier de prix préférentiels, ce qui pose de gros problèmes en termes de pouvoir d'achat. Le mécanisme du BQP est astucieux et efficace. Il mérite qu'on en tire encore un plus ample profit.
Enfin, le rapport fait des préconisations s'agissant des observatoires, des prix, des marges et des revenus.
En premier lieu, deux propositions traitent de la question de leur présidence pour s'assurer que certains OPMR ne soient pas handicapés, tant au point de vue de la gouvernance que budgétairement, par le fait que leur président réside sur un territoire éloigné.
En second lieu, d'autres propositions visent à permettre aux OPMR de disposer de moyens humains et budgétaires suffisants pour accomplir leurs missions efficacement. Lors des débats en séance publique, nous avions alerté le ministre Victorin Lurel sur cette absolue nécessité.
Enfin, trois préconisations visent à renforcer l'écho des travaux des OPMR, en en assurant leur meilleure publicité auprès des pouvoirs publics, en les coordonnant davantage au niveau national et en dotant les observatoires d'un pouvoir de saisine des DIECCTE.
Nous espérons que ces propositions, que nous avons voulues concrètes, permettront de renforcer l'efficacité des dispositions de la loi. Car si cette loi a marqué un tournant dans la lutte contre la vie chère outre-mer, d'importants efforts doivent encore être fournis. Nous espérons que ce rapport y contribuera.