La commission des affaires économiques a examiné le rapport d'information de Mme Éricka Bareigts et de M. Daniel Fasquelle sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Mes chers collègues, nous allons entendre ce matin la présentation du rapport d'information sur la mise en application de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, par Mme Éricka Bareigts et M. Daniel Fasquelle.
Je rappelle que la loi du 20 novembre 2012 avait pour but de mettre en oeuvre l'ambition du Gouvernement d'une nouvelle réglementation économique des outre-mer, pour lutter contre la vie chère.
Les principales dispositions de cette loi consistent à créer des nouveaux outils de régulation permettant d'intensifier la concurrence à long terme dans les économies ultramarines, d'améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs, et de renforcer la transparence sur la formation des prix.
Nous avons confié, le 18 février 2015, à Mme Éricka Bareigts, rapporteure de la loi, et à M. Daniel Fasquelle le rapport d'information sur la mise en application de la loi. Les travaux de cette mission de contrôle se sont déroulés entre les mois d'avril et de juillet 2015. Les rapporteurs ont mené des auditions à Paris, mais également sur le terrain.
Il s'est écoulé un laps de temps relativement long, entre 2012 et 2015, au regard de la pratique de nos travaux. Mais je pense que ce délai a permis de mesurer plus précisément l'impact des dispositions de la loi, ce qui ne nous interdira pas, le cas échéant, de refaire un point ultérieurement.
Comme vient de le dire Mme la présidente, le 18 février dernier, vous nous avez confié un rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (LREOM).
Les travaux de cette mission de contrôle se sont déroulés entre les mois d'avril et de juillet 2015. Ils ont conduit vos rapporteurs dans cinq des neuf territoires ultramarins concernés par l'application de la loi. Au cours de deux déplacements, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, d'une part, et à Mayotte et à La Réunion, d'autre part, ainsi que lors de leurs auditions à Paris, vos rapporteurs ont rencontré plus de cent cinquante personnes issues de tous les horizons.
Ces travaux sont intervenus relativement tardivement, près de deux ans et demi après la promulgation de la loi. Le présent rapport vous est d'ailleurs présenté trois ans après l'entrée en vigueur de ce texte. Toutefois, ce délai a été perçu par vos rapporteurs comme une opportunité pour mesurer plus précisément l'impact des dispositions de la loi, pour établir un constat circonstancié et pour présenter des propositions concrètes, afin de permettre sa meilleure application.
Néanmoins, ce délai n'est bien évidemment pas encore suffisant pour tirer des conclusions définitives. Certaines dispositions, qui auraient pu sembler inopérantes il y a quelques mois encore, démontrent aujourd'hui tout leur potentiel.
Ces précisions faites, venons-en au coeur du sujet.
Présentée par le ministre Victorin Lurel, la loi du 20 novembre 2012 est la quatrième loi – si l'on excepte les textes financiers – à avoir été promulguée sous la présente législature. Trois ans après la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), votée sous la précédente législature à la suite des crises sociales de 2009, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer visait à mettre en oeuvre l'ambition du Gouvernement d'une nouvelle régulation économique des outre-mer pour lutter contre la « vie chère ». Elle a marqué une véritable rupture par rapport aux lois précédentes en adoptant une démarche de régulation axée sur 1' « amont » et le long terme et en consacrant une logique de négociation entre les acteurs économiques et les personnes publiques.
L'approche mise en oeuvre par cette loi repose sur trois piliers :
Créer, tout d'abord, de nouveaux outils de régulation permettant non plus seulement de réglementer les prix en aval, mais d'intervenir en amont, sur les marchés de gros, pour permettre d'intensifier la concurrence à long terme dans les économies ultramarines. Ces outils sont principalement l'autorisation législative donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros, l'interdiction des accords d'exclusivité d'importation non justifiés par l'intérêt du consommateur et le renforcement des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence dans les outre-mer.
Ensuite, agir, à court terme, pour le pouvoir d'achat des consommateurs en mettant en place des mécanismes originaux de modération négociée des prix, sous l'égide de l'État, pouvant aboutir, en cas d'échec, à l'intervention du pouvoir réglementaire. Sur cette logique reposent à la fois le dispositif du « bouclier qualité-prix » (BQP) mais aussi la convergence programmée des tarifs bancaires entre l'Hexagone et les outre-mer.
Enfin, renforcer la transparence sur la formation des prix, principalement en consacrant l'existence et le rôle des observatoires des prix et des revenus, et en élargissant leur champ de compétence à l'analyse des marges.
Le rapport d'application constate que les textes réglementaires et les circulaires nécessaires à la mise en oeuvre de la loi ont été pris dans les temps et même, pour les principales dispositions de la loi, avec une certaine célérité par le Gouvernement. Il regrette néanmoins l'absence de la remise d'une étude par le Gouvernement au Parlement sur la coopération régionale, et le fait qu'un certain nombre d'ordonnances prévues dans le second chapitre de la LREOM n'ont pas été prises ou ont été publiées et ratifiées avec retard.
Plus largement, le rapport s'attache à mesurer précisément l'impact des dispositions de la loi, sous quatre angles principaux.
En premier lieu, le rapport s'intéresse aux données socio-économiques qui avaient présidé à l'élaboration de la loi de 2012, c'est-à-dire la « vie chère »
Il est établi que l'inflation a été maîtrisée dans les départements d'outre-mer depuis 2012. Entre janvier 2010 et avril 2015, le différentiel d'inflation entre la métropole et les cinq départements d'outre-mer est inférieur à un point, sauf pour la Guyane où l'inflation demeure plus faible. Les taux d'inflation annuels pour ces départements convergent donc avec celui de la métropole, qui s'élève à 1,4 %.
Cette faiblesse de l'inflation est imputable en grande partie à des facteurs internationaux liés à la baisse des cours du pétrole et des matières premières, et nationaux, du fait de la prépondérance des échanges avec la France hexagonale, où l'inflation est faible. Toutefois, comme l'a souligné une note récente de l'Institut d'émission d'outre-mer, cette faible inflation s'explique également par la mise en oeuvre des outils créés par la LREOM.
Il convient néanmoins de souligner que l'inflation reste encore aujourd'hui principalement tirée par les prix de l'alimentation. En 2013 et 2014, alors que les prix alimentaires étaient en baisse en métropole, ils continuaient d'augmenter dans les outre-mer. Les prix alimentaires sont ainsi plus élevés d'environ 40 % en Guyane et de 22 % en Guadeloupe par rapport à la métropole. En outre, malgré la hausse des budgets des ménages dans les outre-mer, les prix alimentaires conservent un poids constant dans ces mêmes budgets. Si des progrès importants ont donc été faits, le rapport fait le constat que la question de la « vie chère » demeure aujourd'hui prégnante en outre-mer.
En deuxième lieu, le rapport traite des dispositions « pro-concurrence » de la loi, toutes applicables depuis sa promulgation
Pour rappel, il s'agit principalement : de la possibilité de réglementer les marchés de gros sous certaines conditions (article 1er de la LREOM) ; de l'interdiction des exclusivités d'importation non justifiées économiquement (article 5) ; de l'élargissement du pouvoir confié aux régions et collectivités d'outre-mer de saisir l'Autorité de la concurrence (article 8) ; et du renforcement du pouvoir d'injonction structurelle donné à l'Autorité (article 10).
La possibilité donnée au Gouvernement de réglementer les secteurs pour lesquels les conditions d'approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence, afin de remédier à leurs dysfonctionnements, a été mise en oeuvre par le Gouvernement dans le secteur des carburants via trois décrets du 27 décembre 2013. Ces décrets, qui concernent les cinq départements d'outre-mer, ont toutefois eu plus de conséquences sur la rémunération des sociétés pétrolières en situation de monopole, que ce soit en matière de raffinage etou de stockage, que sur la facilitation de l'accès au marché. Cet état de fait plaide pour que les modalités mises en oeuvre pour favoriser l'accès aux facilités essentielles exploitées par ces sociétés pétrolières fassent l'objet d'une évaluation.
Plus globalement, il convient sans doute d'aller plus loin dans l'utilisation de ce pouvoir par le Gouvernement, par exemple en ce qui concerne le marché des matériaux de construction. En effet, ce dernier secteur connaît des situations de monopoles d'importations et de positions dominantes chez les distributeurs locaux de matériaux, ayant pour conséquence des surcoûts élevés.
L'interdiction, applicable aux seuls territoires ultramarins, des accords ou pratiques concertées accordant des droits exclusifs d'importation à une ou plusieurs entreprises, lorsque cela n'est pas justifié par l'intérêt des consommateurs (article 5 de la LREOM), démontre aujourd'hui son utilité. L'objet de cette disposition était notamment de trouver une solution à la question que pose le rôle central des importateurs-grossistes au sein des circuits d'approvisionnement des outre-mer. Ce modèle économique, qui coûte par nature plus cher que les circuits « courts » ou « intégrés », se justifie dans les outre-mer en raison de la difficulté à atteindre une masse critique de consommateurs. Toutefois, le problème repose non pas sur l'existence des importateurs-grossistes mais bien sur l'absence de concurrence entre eux, qui était directement liée aux accords d'exclusivité accordés par certaines entreprises, aujourd'hui interdits.
Sur la base de cette interdiction, l'Autorité de la concurrence enregistre ses premiers résultats ; par une décision du 10 septembre 2015, l'Autorité a en effet constaté, dans le cadre d'une procédure de négociation, que quatre industriels du secteur de la distribution des produits de grande consommation outre-mer (Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé-Beauté France et Pernod-Ricard) se sont engagés à conclure des accords de distribution non exclusifs avec les grossistes importateurs. Ils ont même souhaité aller au-delà de leurs obligations légales en proposant de sélectionner périodiquement leurs grossistes non exclusifs à partir de procédures d'appel d'offres ou de mise en concurrence transparentes et non discriminatoires. L'Autorité a considéré que ces engagements répondaient à ses préoccupations de concurrence et les a acceptés et rendus obligatoires. Cette décision constitue une preuve de l'utilité et de l'efficacité de la création de cette nouvelle infraction. Si cette disposition ne donne pas lieu, pour l'instant, à des condamnations, cela ne signifie pas qu'elle est inefficace. Bien au contraire, le fait qu'elle donne lieu à des engagements volontaires, qui vont au-delà des obligations légales et qui ont été rendus obligatoires par l'Autorité, témoigne à la fois du caractère dissuasif du dispositif et de la démarche pragmatique qui a inspiré cette loi. L'objectif est bel et bien de renforcer, à long terme et si possible via une négociation, la concurrence et non de punir les acteurs économiques.
Il s'agit donc là d'une source de satisfaction, d'autant plus que l'Autorité a indiqué qu'elle poursuivait l'instruction de pratiques similaires mises en oeuvre par d'autres entreprises dans le secteur des biens de grande consommation.
Par ailleurs, la loi a procédé à un renforcement des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence. Cependant, le rapport relève ici peu de retombées concrètes de ces dispositions.
L'élargissement du pouvoir de saisir l'Autorité de la concurrence confié aux régions et collectivités d'outre-mer (article 8 de la LREOM) et aux commissions locales d'aménagement commercial (article 12) n'est pas pleinement mobilisé par les acteurs concernés. L'Autorité n'a en effet été saisie qu'une seule fois sur ce dernier fondement, ce qui plaide pour faciliter la saisine de l'Autorité et pour renforcer la prise en compte de ses avis.
Par ailleurs, le renforcement du pouvoir d'injonction structurelle donné à l'Autorité de la concurrence (article 10) n'a, quant à lui, pas été mis en oeuvre jusqu'ici. Cependant, il convient de souligner que cette disposition avait pour but d'être « dissuasive » plutôt que « répressive ».
Au final, nous considérons que si, à ce stade, l'effectivité des mesures « pro-concurrence » n'est pas toujours aussi grande qu'espéré au départ, il convient de prendre en compte l'horizon temporel dans lequel s'inscrivent ces mesures. Ces dispositions, qui visent à intensifier la concurrence à long terme ne peuvent produire, par nature, leurs résultats qu'à moyen et long termes.
En troisième lieu, le rapport s'intéresse aux dispositions de « modération négociée » des prix :
À cet égard, nos travaux nous ont tout d'abord permis d'observer que le « bouclier qualité-prix » (BQP, article 15 de la LREOM), innovation importante de la loi, produit des résultats concrets.
Pour rappel, le BQP fonctionne sur la base d'une négociation annuelle, menée par le préfet, entre les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, visant à trouver un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation courante. Cette négociation doit se tenir dans les départements d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et, depuis la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, à Saint-Martin. En l'absence d'accord à l'issue des négociations, le préfet peut fixer le prix global de la liste.
Si l'application du BQP diffère légitimement selon les territoires en raison des particularités locales, notamment en ce qui concerne le type de magasins concernés et la composition de la liste de produits, le bilan du dispositif est largement satisfaisant, notamment en ce qui concerne le prix. Depuis 2013, le prix global des listes par rapport au BQP 2015 a ainsi diminué de 16 % en Martinique, de 14 % en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion et de 5 % à Mayotte. En outre, depuis le BQP 2015, la qualité des produits fait l'objet d'une attention particulière lors de l'établissement des listes, tout comme la valorisation de la production locale – sur laquelle nous avons pu travailler avec la mission d'information menée par Mme Brigitte Allain sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires. Le taux de production locale au sein des listes du BQP 2015 est ainsi de 46 % à La Réunion et de 30 % en Martinique. Ces nouvelles dimensions « qualité » et « production locale » renforcent l'intérêt du dispositif.
Le rapport trace, en outre, des perspectives d'amélioration du BQP afin d'en tirer un profit maximal, à la fois pour les consommateurs et les producteurs locaux. Par ailleurs, le processus de convergence des tarifs bancaires avec ceux de la métropole est engagé, bien que de façon paradoxale. En effet, les dispositions de la loi en la matière sont apparues difficilement applicables et n'ont produit que peu de résultats. C'est ainsi que, sur la base d'une nouvelle méthode plus pragmatique et consensuelle, inspirée du rapport au Gouvernement de M. Emmanuel Constans, ont été conclus de nouveaux accords triennaux de modération des tarifs en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Il semble, au final, que la convergence des tarifs bancaires soit aujourd'hui bien engagée.
Il est apparu, globalement, que les dispositions de modération négociée des prix sont à la fois les plus visibles pour le consommateur ultramarin et les plus efficaces dans la lutte contre la « vie chère ».
En dernier lieu, le rapport aborde les mesures relatives à la transparence des prix, au premier rang desquelles figurent les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR).
Pour renforcer la transparence du débat sur la « vie chère » dans les outre-mer, la LREOM a en effet consacré l'existence des OPMR, qui ont succédé aux observatoires des prix et des revenus créés en 2007. Elle a prévu, en outre, que leur composition déjà très diverse – des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'État, des représentants des chambres consulaires, des syndicats, des personnalités qualifiées, etc. – sera complétée par la représentation des associations de consommateurs, dont nous avons pu constater sur place l'apport très important. La LREOM a également élargi la compétence des OPMR à l'analyse des marges. Enfin, la récente loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer a prévu la création de deux nouveaux OPMR à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Nous constatons que les OPMR, qui ont pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution sont devenus des acteurs incontournables de la lutte contre la vie chère outre-mer. Leurs nombreuses études générales ou sectorielles ont permis d'informer le public sur les écarts de prix entre les territoires d'outre-mer concernés et la métropole, ou entre les territoires ultramarins eux-mêmes. L'étude menée à La Réunion sur les pièces détachées automobiles, dont les résultats ont été présentés en début d'année, a par exemple permis d'expliquer la structuration des prix dans ce secteur et d'en déduire un niveau de marges des fournisseurs et détaillants. En outre, plusieurs OPMR mènent actuellement des enquêtes sur le coût des matériaux de construction.
Face à l'importance prise par les OPMR, nous plaidons pour que les travaux, de qualité, soient facilités matériellement. Nous nous inquiétons notamment qu'en raison du fait que la présidence des OPMR doit obligatoirement être assurée par un magistrat appartenant à une chambre régionale des comptes, certains observatoires ont un président qui réside loin de leur territoire, ce qui pose d'importants problèmes, notamment financiers ; c'est le cas entre la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe. En outre, il est regrettable que leurs travaux ne trouvent pas un plus grand écho, notamment auprès des pouvoirs publics.
Enfin, le rapport fait vingt-deux préconisations qui se répartissent, pour les principales, en trois axes.
Plusieurs propositions visent tout d'abord à renforcer l'efficacité des dispositions pro-concurrence en améliorant les conditions concrètes de leur mise en oeuvre. Il s'agirait tout d'abord – c'est un point sur lequel il faut particulièrement insister – de s'assurer que le nombre d'agents affectés dans les pôles concurrence des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) est suffisant pour mettre pleinement en oeuvre les nouveaux outils créés par la LREOM. Il serait également opportun de tirer davantage profit de la possibilité donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros dans les secteurs où cela se justifie – par exemple, celui des matériaux de construction. Enfin, deux propositions sont faites pour renforcer l'intérêt du pouvoir confié aux régions et collectivités d'outre-mer et aux commissions locales d'aménagement commercial de saisir l'Autorité de la concurrence.
D'autres propositions visent à faire mieux connaître le mécanisme du BQP et à en étendre la logique. Le triple objectif que nous soutenons consisterait à faire mieux connaître le BQP aux consommateurs, à rappeler tous les opérateurs économiques à leur devoir de participer aux négociations – par exemple, les acconiers ne sont pas autour de la table – et à adapter le mécanisme du BQP aux petits commerces. Dans le rapport, nous mettons en évidence que sur des territoires comme la Guyane et Mayotte, les petits commerces doivent s'approvisionner auprès des grandes surfaces sans bénéficier de prix préférentiels, ce qui pose de gros problèmes en termes de pouvoir d'achat. Le mécanisme du BQP est astucieux et efficace. Il mérite qu'on en tire encore un plus ample profit.
Enfin, le rapport fait des préconisations s'agissant des observatoires, des prix, des marges et des revenus.
En premier lieu, deux propositions traitent de la question de leur présidence pour s'assurer que certains OPMR ne soient pas handicapés, tant au point de vue de la gouvernance que budgétairement, par le fait que leur président réside sur un territoire éloigné.
En second lieu, d'autres propositions visent à permettre aux OPMR de disposer de moyens humains et budgétaires suffisants pour accomplir leurs missions efficacement. Lors des débats en séance publique, nous avions alerté le ministre Victorin Lurel sur cette absolue nécessité.
Enfin, trois préconisations visent à renforcer l'écho des travaux des OPMR, en en assurant leur meilleure publicité auprès des pouvoirs publics, en les coordonnant davantage au niveau national et en dotant les observatoires d'un pouvoir de saisine des DIECCTE.
Nous espérons que ces propositions, que nous avons voulues concrètes, permettront de renforcer l'efficacité des dispositions de la loi. Car si cette loi a marqué un tournant dans la lutte contre la vie chère outre-mer, d'importants efforts doivent encore être fournis. Nous espérons que ce rapport y contribuera.
Madame la présidente, je tiens à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail.
Ce rapport prouve que la loi du 20 novembre 2012 produit des effets incontestables. Pour autant, j'ai pensé, en l'écoutant, que l'on aurait mieux fait de consacrer les trois ans qui se sont passés entre la promulgation de cette loi et la publication de ce rapport à une étude d'impact, qui aurait sans doute permis de disposer d'un texte plus abouti, exempt de certains défauts. C'est ainsi, par exemple, que la loi se révèle inefficiente en matière de tarifs bancaires, et qu'elle devra être corrigée a posteriori sur ce point.
Cette réflexion pose la question récurrente de notre façon de légiférer. Pour ma part, je pense que nous pourrions gagner en temps et en efficacité en améliorant les études d'impact et, notamment, en menant des expérimentations sur certains territoires dont les particularités pourraient pâtir d'une application uniforme de la loi.
Nos rapporteurs ont mis en avant les avancées permises par la mise en place du « bouclier qualité-prix ». Cela m'a conduit à m'interroger sur la pertinence qu'il y aurait à rechercher des accords qui ne se limitent pas aux territoires : des accords supra-locaux, voire supra-nationaux. Après tout, certaines plateformes d'achat sont aujourd'hui mondialisées, et certaines zones de commerce peuvent intéresser des distributeurs qui opèrent au niveau planétaire. Pourquoi les négociations de prix seraient-elles dans les mains du seul préfet et applicables à un territoire limité du point de vue du nombre des consommateurs comme des surfaces de ventes ? Vous nous avez parlé d'entreprises d'envergure mondiale comme Danone. Faut-il négocier au niveau local avec des opérateurs dont l'influence est beaucoup plus vaste ?
Il en est de même des carburants. M. Christophe de Margerie, ancien président de Total, au cours d'une audition qui est restée célèbre, avait dit que le problème des carburants outre-mer résidait dans le fait qu'on leur appliquait des normes européennes, alors que l'on était dans des zones qui étaient à la fois hors de l'influence de la réglementation européenne, et souvent proches d'endroits où les normes étaient différentes et les hydrocarbures infiniment moins chers. Par exemple, la Guyane est voisine du Brésil, où la production et les normes applicables en matière de distribution de carburants ne sont pas du tout les mêmes qu'en Europe.
Sans pour autant affecter la qualité de vie des populations, ne pourrait-on pas intégrer certains particularismes, de façon à pouvoir jouer sur les prix ?
Ensuite, à propos de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus, je trouve très intéressant que l'on puisse examiner en détail comment les prix se fabriquent et comment les marges se réalisent. Mais je suis assez réservé sur ce qui en est retenu, sans doute parce qu'il y a une certaine contradiction entre l'amélioration de la concurrence et la réglementation des marchés de gros. En effet, où s'arrête la réglementation, dès lors que l'on veut améliorer la concurrence ? Et puis, comment se pose la question du bénéfice ? Qu'est-ce qu'un bénéfice raisonnable ou acceptable ? Cela dépend de celui qui le réalise et de celui qui paie. En fait, sur tous ces sujets-là, on se rend compte que nos capacités d'observation et d'action sont limitées.
Enfin, en 2014, nous avons étendu la capacité à agir des associations de consommateurs. J'aimerais savoir si, en outre-mer, le mouvement des consommateurs s'est saisi de ces nouvelles opportunités d'action.
Merci pour ce rapport fourni et détaillé. Je rejoins l'orateur du groupe socialiste sur l'utilité des études d'impact. Celles-ci sont systématiques lorsque l'on travaille sur des projets de loi. Probablement devraient-elles être plus fouillées. Mais il n'y en a pas lorsque l'on travaille sur des propositions de loi. Je n'aurai de cesse, jusqu'à la fin de la législature, de le marteler : nous légiférons malheureusement trop souvent à l'aveugle.
Ensuite, la notion de zone économique pose un autre problème : la loi que nous votons à l'Assemblée nationale s'applique partout uniformément – sauf peut-être en Alsace-Moselle. Or les textes économiques devraient s'appliquer de façon différenciée selon les départements d'outre-mer concernés – même si cela viendrait compliquer sérieusement notre travail.
J'avais une question sur la variabilité des situations dans les outre-mer, mais le rapport y répond déjà en partie. De fait, la situation n'est pas la même selon que l'on soit à La Réunion, dans les Antilles, ou encore à Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'ai été surpris par le fait que l'inflation dans les DOM reste principalement tirée par les prix de l'alimentation. D'où cette question : peut-on répondre à cette situation en stimulant l'offre ? Votre rapport, pages 60 et 61, fait apparaître les difficultés de l'exercice : les filières sont très peu structurées ; elles ne sont pas toujours en capacité de produire tout au long de l'année ; enfin, elles peuvent être concurrencées par des productions extérieures, périphériques, qui perturbent le marché.
Mais à défaut de pouvoir puiser dans le texte dont nous parlons aujourd'hui, ne pourrions-nous pas chercher dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ? Je dois faire un rapport d'application avec M. Germinal Peiro. Ne faudrait-il pas nous pencher sur le volet outre-mer de cette loi pour compléter votre travail ?
En matière d'énergie, nous avons parlé essentiellement de carburants. De la même façon, ne pourrions-nous pas trouver des réponses dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte ? Certes, on peut réfléchir à la façon la plus économique d'acheminer les carburants, mais les outre-mer peuvent également être des laboratoires de la transition énergétique, et contribuer à nous faire sortir de la logique du tout carbone. Bien plus que les départements métropolitains, les outre-mer ont des arguments à mettre en avant. Je pense qu'il y a là des pistes à explorer.
Quoi qu'il en soit, au nom du groupe Les Républicains, je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail, que j'ai trouvé extrêmement intéressant.
Madame la présidente, je voudrais me faire le porte-parole des cinq députés d'outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que j'ai l'honneur de présider, et dire tout l'intérêt que ces derniers portent non seulement à la loi qui a été votée, mais aussi au rapport qui vient de nous être remis. Je n'ai pas pu étudier celui-ci de façon approfondie, mais je ne doute pas que mes collègues pourront le faire et réagir en conséquence.
Le 9 octobre 2012, au cours du débat autour du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, M. Bruno-Nestor Azérot a eu ces mots assez forts dans l'hémicycle : « Enfin un texte qui fait rupture après des années de vie chère, et même des décennies, tant il est vrai que la situation de vie chère de l'outre-mer provient structurellement de notre histoire économique et sociale ! Nos économies de l'exclusif colonial ont été transformées en économies de comptoir et d'entrepôt, à travers une histoire économique faite d'abus et d'octroi de rentes. Ces vingt dernières années, cet état de fait a transformé nos économies en économies de marges où des structures oligopolistiques d'importateurs grossistes, fournisseurs et distributeurs, voire détaillants, et des monopoles comme la SARA, la Société anonyme de raffinerie des Antilles, prédominaient et organisaient la cherté de la vie. »
Notre collègue posait bien la gravité de l'enjeu. Et il précisait : « Ce à quoi vous deviez vous attaquer, monsieur le ministre, ce n'était pas un petit différentiel de prix mais un véritable gouffre ! ». Maintenant, la question est de savoir si une partie du gouffre a été comblée.
Les rapporteurs nous ont apporté des réponses extrêmement intéressantes, et ils nous ont fait des propositions qui, de façon sous-jacente, nous montrent qu'il y a encore beaucoup à faire.
Vous n'abordez pas de front la question du caractère coercitif du dispositif mis en place, et je vous cite : « L'esprit de la loi de 2012 est bien de mettre en place non pas un instrument classique de réglementation, mais bien un dispositif négocié et donc partagé par tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution. » La question est de savoir si, en restant sur la simple négociation, sur des accords de modération, sur une démarche volontaire, sur l'absence de sanctions, on pourra, dans la durée, avoir des résultats tangibles.
Vous nous renvoyez, par la même occasion, à la question du travail de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus que vous abordez aussi. Selon moi, il est indispensable que ce travail aboutisse à une évaluation des marges à chaque niveau de la filière.
Dans son intervention, M. Bruno-Nestor Azérot indiquait : « Le différentiel existant entre l'outre-mer et l'Hexagone est-il lié au coût du fret aérien et maritime, à notre fiscalité locale, au coût du travail, au coût du stockage, à la taille de nos petits marchés insulaires ? ». Et on pourrait y ajouter, d'après moi, « à la grande distribution ? ».
Il serait intéressant de savoir où se fabrique le surcoût, comment les marges ont évolué depuis plusieurs années, et si les efforts dont les consommateurs ont bénéficié sont le fait de l'ensemble des intermédiaires ou seulement de certains d'entre eux. Il semblerait que les transporteurs ne soient pas associés, ou fort peu, aux négociations. Or on sait bien que la question du fret et du coût du transport est déterminante.
Voilà les points sur lesquels j'aimerais avoir votre avis. J'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez d'éventuelles sanctions, ainsi que des possibilités de développement des filières de production locale. Il est évident en effet que la réponse aux problèmes posés par les coûts élevés de l'alimentation passe, notamment, par une agriculture de proximité, des productions au plus près des consommateurs et par la vente directe – qui fait l'objet d'une proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation dont nous discutons dans cette commission, et qui viendra en janvier prochain dans l'hémicycle.
Je terminerai par une préoccupation qui apparaît en filigrane dans vos différentes recommandations : il est difficile d'aller au fond des choses si l'on ne donne pas suffisamment de moyens aux personnes chargées d'effectuer les contrôles. Il faut du personnel et des agents sur le terrain. Sinon, on risque de rester « au pays des Bisounours » !
Madame la présidente, je salue évidemment ce très bon rapport.
Je suis plus particulièrement frappé par la faiblesse du taux de production locale, qui est très faible en Guyane – 9,40 %. Est-ce que, en Guyane comme ailleurs en outre-mer, on ne pourrait pas envisager la production locale comme un moyen de limiter l'augmentation du coût de la vie ?
J'imagine qu'en Guyane, la forte présence du personnel travaillant sur le site d'Ariane a dû faire monter les prix des produits, et favoriser la demande de ceux qui sont fabriqués en France. Cela dit, le développement de la production locale me semble être une piste à explorer.
Je m'étonne de l'absence des mesures réglementaires qui avaient été prévues par la loi de 2012, mais qui n'ont pas encore été prises par le Gouvernement. Celles-ci portent, entre autres, sur la réglementation du prix de vente de produits de première nécessité, et sur la définition des valeurs maximales que les établissements bancaires peuvent facturer – notamment aux personnes physiques.
Les décrets attendus sont certes facultatifs. Mais il semble que la population concernée soit tout de même intéressée. Avez-vous donc des informations sur les intentions du Gouvernement ?
Mes chers collègues, l'économie des outre-mer s'était construite autour d'oligopoles et de monopoles. La loi du 20 novembre 2012 a bouleversé la donne en affirmant qu'il fallait davantage de transparence et de concurrence sur ces territoires, et faire sauter certains verrous pour agir sur les prix.
Vous l'avez bien compris, nous sommes dans une démarche structurelle. Et nous devons admettre, les uns et les autres, qu'il faut plus de deux ou trois ans pour toucher à la structure économique de nos territoires, mise en place tout au long de leur histoire.
Ensuite, certains d'entre vous se sont exprimés à propos des études d'impact, qu'ils souhaiteraient voir étendues et renforcées. J'observe pour ma part que les éléments qualitatifs et quantitatifs dont nous disposons sont trop peu nombreux pour nous permettre d'avoir une bonne connaissance de nos territoires. Certes, ceux-ci ont des statuts différents et des histoires différentes. Mais la métropole n'a pas toujours eu et n'a toujours pas le souci de connaître précisément la France dans sa globalité. Je prends un exemple : les études nationales lancées par l'INSEE, que ce soit sur des thèmes économiques, sociaux ou culturels, sont très rarement étendues aux départements d'outre-mer – et je ne parle même pas des autres territoires.
Ce déficit de connaissance est lié au fait que la République n'est pas curieuse de savoir ce qui se passe sur l'ensemble de ses territoires. J'espère que nos travaux seront l'occasion d'une prise de conscience, et que nous nous battrons tous ensemble pour avoir suffisamment de données afin de pouvoir travailler sérieusement sur des dossiers aussi compliqués que le dossier économique dont nous discutons.
J'ai été très heureuse d'entendre un de nos collègues dire qu'il faudrait, dans certains cas, des lois particulières. Ce serait notamment nécessaire en matière économique. En effet, dans les outre-mer, on ne parle pas des mêmes volumes ; les marchés sont restreints et éloignés et subissent la concurrence à la fois des produits européens et de ceux de la zone – océan Indien, Pacifique…
Malgré la taille de leur marché, les territoires doivent faire fonctionner des machines qui sont formatées pour des volumes importants. Concrètement, les yaourts Danone qui sont produits à la Réunion, qui compte 800 000 habitants, le sont sur une chaîne de production équivalente à celle qui serait destinée à une grande région de métropole. Vous imaginez les problèmes de coûts qui en résultent pour les entreprises. Cela nous amène à relativiser l'idée selon laquelle la production locale serait la réponse à la cherté de la vie.
Ce peut être une réponse, notamment en agriculture et en élevage, si nous parvenons à structurer suffisamment les filières pour qu'elles permettent, demain, d'assurer la sécurité alimentaire, peut-être pas à l'échelle d'un territoire, mais à l'échelle d'un bassin – par exemple celui des Antilles ou celui de l'océan Indien, avec Mayotte et La Réunion.
Mais cette réponse ne sera pas possible sans aide économique et fiscale. Cela me ramène au débat que nous avons souvent à propos des demandes que formulent les territoires d'outre-mer – exonérations, défiscalisation, etc. – et qui font souvent l'objet de critiques. Or nous ne les demandons pas par pur caprice ! Nous le faisons parce que, dans certains cas, il faut soutenir la production locale, dans la mesure où le périmètre économique n'est pas suffisant pour assurer sa rentabilité.
S'agissant des carburants, je partage l'idée selon laquelle nous devons réfléchir pour savoir si nous ne pouvons pas être alimentés par des sources d'énergie venant d'autres pays – du Brésil, par exemple, dont on a parlé. Mais j'ai deux observations à faire à ce propos. D'abord, selon l'article de la loi sur les facilités essentielles, toutes les infrastructures qui existent sur les territoires, par exemple les cuves pour accueillir le fuel et le pétrole, peuvent faire l'objet d'aides et de mesures de défiscalisation. Seulement, elles ne peuvent pas être utilisées par d'autres fournisseurs. Je pense qu'il y a un travail à faire là-dessus. Ensuite, nous avons regretté l'absence d'un rapport sur la coopération régionale. Ce serait pourtant nécessaire pour poser la question des normes européennes et des accords européens dans nos zones ultramarines qui viennent « heurter » nos productions locales et nous mettent parfois en difficulté.
Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que les OPMR sont des outils importants de transparence et qu'ils permettent l'instauration d'un dialogue. Ils offrent l'occasion d'expliquer aux consommateurs et aux producteurs comment se font les marges, à quel niveau se situent les revenus, etc. N'oublions pas que la crise de 2009 est née, entre autres, d'un manque de discussion et de transparence.
Enfin, je crois que l'équilibre entre la discussion et la négociation est très important. Mais je pense aussi que cela ne dispense pas d'appliquer des sanctions. Celles-ci sont nécessaires lorsque la discussion a échoué. En effet, il faut que la population ait confiance dans nos démarches. Or, aujourd'hui, ce n'est pas toujours le cas.
On ne peut qu'être d'accord avec ce qu'ont dit Messieurs Yves Blein et Antoine Herth à propos des études d'impact, qu'il serait sans doute intéressant de renforcer. Pour autant, il faut savoir qu'il ne sera jamais possible de mesurer les effets réels – positifs ou pervers – de certaines dispositions tant qu'elles n'ont pas été mises en oeuvre. D'où l'intérêt d'un rapport comme celui que nous venons de rédiger. Le fait d'avoir attendu trois ans nous a permis, en outre, d'avoir un certain recul.
Maintenant faut-il élargir les accords locaux à la zone dans laquelle se trouvent les territoires d'outre-mer ? Nous devons être conscients de deux difficultés : la faiblesse des productions locales et l'application des normes européennes.
Premièrement, si les productions locales sont trop fortement concurrencées par les productions qui viennent de la zone, elles risquent d'être complètement déstabilisées. Certes, la concurrence sera peut-être stimulée. Mais les filières qui sont en train de se construire ou qui voudraient émerger seront peut-être étouffées.
Deuxièmement, le fait que les normes européennes s'appliquent outre-mer peut constituer un handicap pour les entreprises qui vont se trouver en concurrence avec des entreprises de la zone où l'on n'applique pas les mêmes normes. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas moduler l'application des normes dans ces territoires, afin d'améliorer la compétitivité de leurs entreprises ? C'est une question que vous avez déjà posée, et qui mériterait effectivement d'être approfondie.
Monsieur Yves Blein, je crois qu'aujourd'hui, malheureusement, les consommateurs des outre-mer ne sont pas toujours suffisamment structurés pour veiller à la bonne application d'une loi comme celle à laquelle vous faites référence. Pourtant, ils disposent désormais de droits nouveaux – notamment du pouvoir de saisir la justice – et pourraient jouer un rôle très utile.
Je pense que Monsieur Antoine Herth a obtenu des réponses à ses questions. Je suis d'accord avec lui : les territoires d'outre-mer peuvent servir de laboratoires d'expérimentation pour les énergies décarbonées et les énergies renouvelables, qui sont bon marché pour les populations locales et qui offrent davantage de possibilités qu'en métropole. Ainsi, à La Réunion, on utilise la différence entre la température de l'eau de mer en surface et en profondeur pour créer une énergie nouvelle, renouvelable et décarbonée. Sur certains territoires, on développe les hydroliennes, à partir d'une technique mise au point pas des entreprises françaises, qui sont à la pointe en ce domaine. Il est donc possible de développer des énergies nouvelles et de donner accès à une énergie peu chère à nos concitoyens d'outre-mer.
Monsieur André Chassaigne s'est intéressé à l'évolution des marges des entreprises. Comme nous l'indiquons dans le rapport, il est très difficile d'obtenir des informations précises de la part des entreprises à ce sujet. On peut comprendre les réticences des entreprises ; il ne s'agit évidemment pas de donner des informations essentielles aux concurrents. En revanche, on a besoin de connaître certains éléments pour faire des analyses, retracer l'évolution des marges dans le temps, repérer où se trouve la valeur ajoutée, voire pointer des bénéfices qui ne seraient pas tout à fait justifiés.
En effet, mais en outre-mer, cela reste très compliqué.
Ensuite, il faut bien évidemment développer les ventes directes. Il faut également mettre en application les textes. Ils le sont quasiment tous. En revanche, certains textes ne sont pas efficaces en eux-mêmes. Par exemple, on s'est aperçu qu'en passant un accord avec les banques, on arrivait à un résultat aussi efficient qu'en appliquant la loi.
Pour le reste, c'est surtout un problème de moyens. Ce problème a été pointé dans le rapport et a donné lieu à des préconisations. Notamment, les DIECCTE doivent avoir davantage de moyens pour mettre en oeuvre la loi.
Monsieur Éric Straumann souhaite que l'on encourage les productions locales. Cela suppose que les filières soient structurées, nous l'avons déjà dit. Mais justement, certaines filières locales ne peuvent pas intégrer le BQP parce qu'elles ne sont pas suffisamment structurées. Pourtant, les intégrer serait, quand cela est possible, une façon de les encourager, de les stimuler et de les faire participer à la lutte contre la vie chère outre-mer.
Enfin, je pense avoir répondu aux interrogations de Monsieur Jean-Claude Mathis.
Madame Annick Le Loch, vous avez été rapporteure de la mission de contrôle de l'application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, en ce qui concerne et les relations fournisseurs-distributeurs. Souhaitez-vous vous exprimer ?
Je m'interrogeais à propos du périmètre d'intervention de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC). C'est une instance consultative, compétente dans le domaine des relations entre les distributeurs et les fournisseurs. Elle a été mise en place en 2001, du moins en métropole, à la suite de l'adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Elle n'a pas de pouvoir d'injonction ou de sanction comme la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l'Autorité de la concurrence, qui intervient pour contrôler la concurrence sur les marchés. Mais c'est une instance qui fonctionne. De par son autorité morale, elle est à même de réunir autour d'une même table les différents acteurs commerciaux, distributeurs, fournisseurs et toutes les fédérations au niveau national. Et elle donne son avis lorsqu'elle est saisie sur des points précis. Elle n'intervient pas sur les marchés, mais sur les relations contractuelles entre marchands.
D'après moi, la CEPC est tout à fait compétente outre-mer.
Cette commission peut être saisie, notamment, par les professionnels, ce qui est très utile. En effet, ceux-ci hésitent parfois à saisir les tribunaux. En cas de marché oligopolistique, par exemple, il leur est difficile de mettre en cause celui avec lequel ils travaillent et qui leur assure 50, 60 ou 70 % de leur chiffre d'affaires.
Une fois saisie, la CEPC déclenchera une enquête et rendra un avis sur la base duquel les tribunaux pourront éventuellement être à leur tour saisis par le ministre compétent.
Nous allons vérifier ce qu'il en est. J'imagine que cette commission n'a pas fait preuve de son efficacité dans les outre-mer, ou qu'elle n'a pas fait l'objet de saisines. Mais c'est peut-être parce que les entreprises des outre-mer, qui sont sur un marché restreint, ne saisissent pas les institutions compétentes, que la LREOM a permis que les collectivités territoriales puissent également saisir l'Autorité de la concurrence.
La Commission émet un vote favorable à la publication du rapport d'application de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Informations relatives à la commission
– Le champ de la saisine pour avis sur le projet de loi pour une République numérique (n° 3318), dont Mme Corinne Erhel a déjà été nommée rapporteure le 18 novembre 2015, concerne les 30 articles suivants : articles 3 à 6, 9 à 12, 17 à 25, 30 et 34 à 45.
– MM. Philippe Kemel et Damien Abad ont été nommés rapporteurs de la deuxième phase de la mission de contrôle de la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, créée le 26 mai dernier.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 16 décembre 2015 à 9 heures 30
Présents. – M. Damien Abad, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Yves Jégo, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier
Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Vautrin