Intervention de André Chassaigne

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Madame la présidente, je voudrais me faire le porte-parole des cinq députés d'outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que j'ai l'honneur de présider, et dire tout l'intérêt que ces derniers portent non seulement à la loi qui a été votée, mais aussi au rapport qui vient de nous être remis. Je n'ai pas pu étudier celui-ci de façon approfondie, mais je ne doute pas que mes collègues pourront le faire et réagir en conséquence.

Le 9 octobre 2012, au cours du débat autour du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, M. Bruno-Nestor Azérot a eu ces mots assez forts dans l'hémicycle : « Enfin un texte qui fait rupture après des années de vie chère, et même des décennies, tant il est vrai que la situation de vie chère de l'outre-mer provient structurellement de notre histoire économique et sociale ! Nos économies de l'exclusif colonial ont été transformées en économies de comptoir et d'entrepôt, à travers une histoire économique faite d'abus et d'octroi de rentes. Ces vingt dernières années, cet état de fait a transformé nos économies en économies de marges où des structures oligopolistiques d'importateurs grossistes, fournisseurs et distributeurs, voire détaillants, et des monopoles comme la SARA, la Société anonyme de raffinerie des Antilles, prédominaient et organisaient la cherté de la vie. »

Notre collègue posait bien la gravité de l'enjeu. Et il précisait : « Ce à quoi vous deviez vous attaquer, monsieur le ministre, ce n'était pas un petit différentiel de prix mais un véritable gouffre ! ». Maintenant, la question est de savoir si une partie du gouffre a été comblée.

Les rapporteurs nous ont apporté des réponses extrêmement intéressantes, et ils nous ont fait des propositions qui, de façon sous-jacente, nous montrent qu'il y a encore beaucoup à faire.

Vous n'abordez pas de front la question du caractère coercitif du dispositif mis en place, et je vous cite : « L'esprit de la loi de 2012 est bien de mettre en place non pas un instrument classique de réglementation, mais bien un dispositif négocié et donc partagé par tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution. » La question est de savoir si, en restant sur la simple négociation, sur des accords de modération, sur une démarche volontaire, sur l'absence de sanctions, on pourra, dans la durée, avoir des résultats tangibles.

Vous nous renvoyez, par la même occasion, à la question du travail de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus que vous abordez aussi. Selon moi, il est indispensable que ce travail aboutisse à une évaluation des marges à chaque niveau de la filière.

Dans son intervention, M. Bruno-Nestor Azérot indiquait : « Le différentiel existant entre l'outre-mer et l'Hexagone est-il lié au coût du fret aérien et maritime, à notre fiscalité locale, au coût du travail, au coût du stockage, à la taille de nos petits marchés insulaires ? ». Et on pourrait y ajouter, d'après moi, « à la grande distribution ? ».

Il serait intéressant de savoir où se fabrique le surcoût, comment les marges ont évolué depuis plusieurs années, et si les efforts dont les consommateurs ont bénéficié sont le fait de l'ensemble des intermédiaires ou seulement de certains d'entre eux. Il semblerait que les transporteurs ne soient pas associés, ou fort peu, aux négociations. Or on sait bien que la question du fret et du coût du transport est déterminante.

Voilà les points sur lesquels j'aimerais avoir votre avis. J'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez d'éventuelles sanctions, ainsi que des possibilités de développement des filières de production locale. Il est évident en effet que la réponse aux problèmes posés par les coûts élevés de l'alimentation passe, notamment, par une agriculture de proximité, des productions au plus près des consommateurs et par la vente directe – qui fait l'objet d'une proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation dont nous discutons dans cette commission, et qui viendra en janvier prochain dans l'hémicycle.

Je terminerai par une préoccupation qui apparaît en filigrane dans vos différentes recommandations : il est difficile d'aller au fond des choses si l'on ne donne pas suffisamment de moyens aux personnes chargées d'effectuer les contrôles. Il faut du personnel et des agents sur le terrain. Sinon, on risque de rester « au pays des Bisounours » !

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