Mes chers collègues, l'économie des outre-mer s'était construite autour d'oligopoles et de monopoles. La loi du 20 novembre 2012 a bouleversé la donne en affirmant qu'il fallait davantage de transparence et de concurrence sur ces territoires, et faire sauter certains verrous pour agir sur les prix.
Vous l'avez bien compris, nous sommes dans une démarche structurelle. Et nous devons admettre, les uns et les autres, qu'il faut plus de deux ou trois ans pour toucher à la structure économique de nos territoires, mise en place tout au long de leur histoire.
Ensuite, certains d'entre vous se sont exprimés à propos des études d'impact, qu'ils souhaiteraient voir étendues et renforcées. J'observe pour ma part que les éléments qualitatifs et quantitatifs dont nous disposons sont trop peu nombreux pour nous permettre d'avoir une bonne connaissance de nos territoires. Certes, ceux-ci ont des statuts différents et des histoires différentes. Mais la métropole n'a pas toujours eu et n'a toujours pas le souci de connaître précisément la France dans sa globalité. Je prends un exemple : les études nationales lancées par l'INSEE, que ce soit sur des thèmes économiques, sociaux ou culturels, sont très rarement étendues aux départements d'outre-mer – et je ne parle même pas des autres territoires.
Ce déficit de connaissance est lié au fait que la République n'est pas curieuse de savoir ce qui se passe sur l'ensemble de ses territoires. J'espère que nos travaux seront l'occasion d'une prise de conscience, et que nous nous battrons tous ensemble pour avoir suffisamment de données afin de pouvoir travailler sérieusement sur des dossiers aussi compliqués que le dossier économique dont nous discutons.
J'ai été très heureuse d'entendre un de nos collègues dire qu'il faudrait, dans certains cas, des lois particulières. Ce serait notamment nécessaire en matière économique. En effet, dans les outre-mer, on ne parle pas des mêmes volumes ; les marchés sont restreints et éloignés et subissent la concurrence à la fois des produits européens et de ceux de la zone – océan Indien, Pacifique…
Malgré la taille de leur marché, les territoires doivent faire fonctionner des machines qui sont formatées pour des volumes importants. Concrètement, les yaourts Danone qui sont produits à la Réunion, qui compte 800 000 habitants, le sont sur une chaîne de production équivalente à celle qui serait destinée à une grande région de métropole. Vous imaginez les problèmes de coûts qui en résultent pour les entreprises. Cela nous amène à relativiser l'idée selon laquelle la production locale serait la réponse à la cherté de la vie.
Ce peut être une réponse, notamment en agriculture et en élevage, si nous parvenons à structurer suffisamment les filières pour qu'elles permettent, demain, d'assurer la sécurité alimentaire, peut-être pas à l'échelle d'un territoire, mais à l'échelle d'un bassin – par exemple celui des Antilles ou celui de l'océan Indien, avec Mayotte et La Réunion.
Mais cette réponse ne sera pas possible sans aide économique et fiscale. Cela me ramène au débat que nous avons souvent à propos des demandes que formulent les territoires d'outre-mer – exonérations, défiscalisation, etc. – et qui font souvent l'objet de critiques. Or nous ne les demandons pas par pur caprice ! Nous le faisons parce que, dans certains cas, il faut soutenir la production locale, dans la mesure où le périmètre économique n'est pas suffisant pour assurer sa rentabilité.
S'agissant des carburants, je partage l'idée selon laquelle nous devons réfléchir pour savoir si nous ne pouvons pas être alimentés par des sources d'énergie venant d'autres pays – du Brésil, par exemple, dont on a parlé. Mais j'ai deux observations à faire à ce propos. D'abord, selon l'article de la loi sur les facilités essentielles, toutes les infrastructures qui existent sur les territoires, par exemple les cuves pour accueillir le fuel et le pétrole, peuvent faire l'objet d'aides et de mesures de défiscalisation. Seulement, elles ne peuvent pas être utilisées par d'autres fournisseurs. Je pense qu'il y a un travail à faire là-dessus. Ensuite, nous avons regretté l'absence d'un rapport sur la coopération régionale. Ce serait pourtant nécessaire pour poser la question des normes européennes et des accords européens dans nos zones ultramarines qui viennent « heurter » nos productions locales et nous mettent parfois en difficulté.
Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que les OPMR sont des outils importants de transparence et qu'ils permettent l'instauration d'un dialogue. Ils offrent l'occasion d'expliquer aux consommateurs et aux producteurs comment se font les marges, à quel niveau se situent les revenus, etc. N'oublions pas que la crise de 2009 est née, entre autres, d'un manque de discussion et de transparence.
Enfin, je crois que l'équilibre entre la discussion et la négociation est très important. Mais je pense aussi que cela ne dispense pas d'appliquer des sanctions. Celles-ci sont nécessaires lorsque la discussion a échoué. En effet, il faut que la population ait confiance dans nos démarches. Or, aujourd'hui, ce n'est pas toujours le cas.