Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 13 janvier 2016 à 15h00
Questions sur l'état d'urgence et la politique pénale

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le député, je vous réponds très volontiers. Votre affirmation que le génocide doit être puni ne souffre aucune contestation. Nous sommes dans un État de droit, dans une démocratie, et appliquons en outre ce qu’on appelle le droit continental, c’est-à-dire que notre droit est codifié, écrit, prévisible. C’est sur ce droit que s’appuient les magistrats. Vous voudrez bien convenir que des magistrats n’élargissent pas des personnes pour lesquelles ils disposent d’éléments de caractérisation d’infractions ou de crimes relevant du génocide ou du crime.

Dans notre droit pénal, l’association de malfaiteurs est une infraction couvrant un champ relativement large. Il s’agit du reste d’une disposition remontant à la loi de 1986, qui permet aux magistrats de caractériser des pratiques très diverses. Lorsque ces pratiques ont un caractère délictuel, les décisions de la justice relèvent de ce que le code a prévu pour les délits. Lorsqu’elles ont un caractère criminel, c’est la cour d’assises qui juge. Dans un État de droit, il s’agit donc de caractériser les faits, et non pas de se contenter de dire ce qu’ont pu faire les personnes qui sont parties.

Notre droit prévoit donc des dispositions applicables au retour. Dans le projet de réforme de la procédure pénale, nous ajoutons des dispositions encadrées pour les décisions qui doivent être prises à l’égard des personnes revenant de zones de guerre. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on a dénombré huit aménagements de peine sur toute l’année 2015 et que 243 procédures ont été ouvertes pour infractions terroristes. Dans le cadre de ces procédures, c’est-à-dire avant jugement, les magistrats ont pris une décision de détention provisoire à l’encontre de 65 % des personnes concernées et de contrôle judiciaire pour les 35 % restantes.

Je m’étonne donc que, malgré ces décisions prises par des magistrats spécialisés à partir d’éléments tout à fait objectifs et vérifiables, vous parveniez à dire que des personnes susceptibles d’être impliquées sont lâchées dans la nature. Arithmétiquement, il ne reste en effet aucun espace pour ce que vous dénoncez.

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