Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 13 janvier 2016 à 21h30
Débat sur la sidérurgie et la métallurgie françaises et européennes — Débat

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Pour ce qui est de la politique industrielle européenne, c’est un fait. Des politiques sectorielles, plus ou moins volontaristes, sont menées, mais aussi une politique de concurrence dont on voudrait qu’elle soit davantage tournée vers les industriels. Elle l’est dans certains secteurs, comme le numérique, parce que les géants sont américains, mais elle ne l’est pas dans d’autres. C’est ce qui nous occupe depuis 2012 et nous a amenés à demander le rapport Beffa-Cromme, qui invitait à étudier les marchés mondiaux, la concurrence des marchés chinois, etc.

Surtout, il manque un vrai volontarisme. Le commissaire Antonio Tajani avait mené ce plan acier, adopté en juin 2013. Les résultats ont été modestes, car il a eu peu de temps pour le mener à bien, mais le pilier réglementaire a permis de lutter efficacement contre la fraude à la TVA en Roumanie, et plus largement de faire naître une prise de conscience au niveau européen. Malheureusement, suite à un changement de contexte économique et à l’arrivée d’une nouvelle Commission, le plan a été délaissé et cette politique n’a pas été poursuivie.

Le contexte dans lequel nous vivons nous conduit, et c’est l’objet de la lettre que j’ai adressée à mes homologues italien, allemand et britannique, à relancer une initiative beaucoup plus forte. Je souhaite que soit mené, non pas un plan Tajani, mais un plan Juncker, puisque nous avons la chance que le président de la Commission européenne connaisse très bien ce sujet. Il a d’ailleurs lui-même eu à batailler dans ce domaine, et toutes les discussions que j’ai pu avoir avec lui montrent qu’il a une vraie conscience de la situation.

La prise de conscience doit donc avoir lieu au plus haut niveau, à travers les séries de mesures de rétorsion commerciale précitées, qu’il est tout à fait possible de prendre, et à travers des politiques industrielles de relance en recherche et développement, en formation et en investissement. Nous évoquions tout à l’heure la capacité de diversifier l’activité moyennant un vrai investissement : dans ce domaine, la Commission européenne a un rôle majeur à jouer, aussi bien défensif qu’offensif.

La politique de formation, que vous avez raison de mentionner, est également une des priorités que nous avons fixées au CNI avec mes collègues chargées de l’éducation et du travail. Nous avons donc un plan de formation pour les différentes filières stratégiques.

Je m’exprimerai à ce sujet de manière très directe : ce qui est stratégique, pour moi, c’est la préservation des compétences. Nous aurons beaucoup de mal à emmener des jeunes en formation dans ces filières compte tenu de leur manque de visibilité. Nous devons d’abord stabiliser les filières, leur donner un avenir et investir, mais, en toute responsabilité, il sera très difficile de privilégier la formation. Car ce dont nous débattons ouvertement ce soir, c’est qu’elles sont à risque.

Nous expérimentons par exemple une réorganisation filière par filière dans l’automobile et le numérique parce que, le cycle étant meilleur, il peut y avoir des débouchés. Mais, en l’occurrence, ce qui importe est la préservation des qualifications. C’est la précaution stratégique que nous devons mettre dans toutes les mesures, même limitées, de restructuration, afin d’éviter la destruction de compétences. D’où la mise sous tension des centres de formation d’apprentis, pour qu’il y ait des relais et que les plus jeunes soient formés.

Il en est de la sidérurgie comme du nucléaire : ce sont les compétences embarquées dans les entreprises qu’il faut préserver, en évitant de les briser dans les restructurations et en réussissant la formation continue. Pour les jeunes, du fait du manque de visibilité, il serait périlleux de décliner, du moins à court terme, une stratégie proactive en la matière.

Vous m’interrogez enfin sur les sites de Dunkerque et de Saint-Jean-de-Maurienne.

L’usine de Rio Tinto Alcan – RTA – à Dunkerque est l’un des plus grands bénéficiaires des mesures que nous avons prises en faveur des électro-intensifs ; c’est d’ailleurs l’un des groupes pour lesquels nous les avons calibrées afin de préserver leur compétitivité et leur implantation. Rio Tinto devrait bénéficier pleinement de l’augmentation de la rémunération de l’interruptibilité, du rabais sur le tarif de transport d’électricité – ces deux mesures figurant dans la loi relative à la transition énergétique – et de la compensation carbone, ce qui représente un rabais total d’environ 10 euros par mégawattheure, soit un tiers du prix acquitté auparavant.

Bref, il s’agit d’un vrai dispositif de soutien de ces groupes, qui améliore leur compétitivité-coût en matière énergétique. Ils m’ont d’ailleurs écrit pour me remercier – une fois n’est pas coutume ! – des mesures que nous avions prises, soulignant que la compétitivité de l’énergie de RTA Dunkerque est au niveau du benchmark mondial jusqu’en 2020. Sur ce point, donc, nous avons une vraie visibilité. Les discussions entre EDF et RTA sont actuellement en cours pour définir un contrat d’approvisionnement de long terme compatible avec les règles européennes, de manière à consolider la situation.

S’agissant du site de Trimet à Saint-Jean-de-Maurienne, je veux rendre hommage au travail accompli par mon prédécesseur, qui s’était beaucoup investi pour trouver une solution assurant la viabilité du projet, moyennant, là aussi, des négociations avec EDF. Le réinvestissement du groupe allemand a permis de rouvrir une ligne de production d’aluminium à l’été 2014.

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