Je ne reviens pas sur la différence de perception que nous pouvons avoir s’agissant de la Chine. Je le répète, la Chine n’est pas le meilleur exemple de capitalisme financier débridé… Je vous l’assure, monsieur le député, ce n’est pas l’idéal-type. Nous ne sommes pas en train de parler de surproduction, de pratiques anti-dumping venant des Américains ou d’une économie de marché, et c’est bien le problème ! Nous parlons de la rencontre de deux mondes dont les logiques et les contraintes sont très différentes. Votre raisonnement sur ce point ne tient pas.
Vous m’enfermez dans des représentations fausses, et je n’adhère pas à l’idée que vous vous faites de moi. Ce n’est pas grave, nous vivrons collectivement dans ce dissensus. Mais je pense que la base de votre raisonnement est erronée en ce qui concerne la Chine.
En revanche, vous avez tout à fait raison s’agissant de la différence, sur le plan environnemental et social, entre les conditions de production. C’est un point important, qui a été évoqué par plusieurs d’entre vous. Nous devons le prendre en compte. Nous n’avons pas aujourd’hui la capacité, au titre des règles internationales, de bloquer ces productions. Et vous avez tout à fait raison de rappeler que plusieurs grands groupes français et européens ont fait ce choix par le passé. C’était un choix « court-termiste » que de délocaliser massivement pour optimiser des conditions de production puisqu’ils ont affaibli leur propre base, le pays d’où ils venaient, le pays où se trouvait leur siège social.
Ce que nous voyons, c’est qu’en Chine ce n’est pas soutenable. Les Chinois sont en situation de fort stress climatique et doivent faire face à une pression sociale croissante. Cette affaire ne durera pas dix ans. Sur le plan des conditions sociales, la Chine a connu une inflation salariale extrêmement importante au cours des dernières années, qui ne la rend plus du tout compétitive. Tant et si bien qu’un hinterland chinois s’est développé, notamment avec la Malaisie et le Vietnam, ce qui montre que l’histoire a une fin…
Je ne crois pas, honnêtement, que tout cela soit une fatalité, mais nous devons, vous avez raison de le dire et le président Chassaigne l’a mentionné, aller plus loin sur le volet environnemental et social. Et pour cela, les bonnes enceintes sont le G20 et l’OCDE.
Nous avons réalisé en trois ans de nombreuses avancées sur le volet fiscal, grâce à l’initiative BEPS – base erosion and profit shipping –, qui vise à lutter contre les stratégies d’érosion de la base d’imposition et de transfert des bénéfices : nous devons conduire le même type d’avancée sur le volet environnemental et social. Cela concerne les industries sidérurgiques, la métallurgie, mais également beaucoup d’autres industries. Nous avons été amenés à parler de l’aéronautique, pour ne citer qu’un exemple. Là aussi, le différentiel en matière de conditions sociales par rapport aux pays du Golfe est terrible et discriminant. Lorsqu’on parle de compétition internationale sur des marchés ouverts, il faut aller jusqu’au bout de la logique : on ne peut pas demander aux gens de jouer avec des règles du jeu différentes. Or, aujourd’hui, elles sont trop hétérogènes.
Je vous rejoins sur ce point-là : la politique sidérurgique européenne passera par la capacité de l’Europe à imposer ses standards sur le plan environnemental et social au reste du monde, en particulier à la Chine, la Russie et l’Inde, qui sont les trois sites productifs qui nous imposent la plus forte concurrence, indépendamment des sujets de court terme que nous avons évoqués.