Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 13 janvier 2016 à 21h30
Débat sur la sidérurgie et la métallurgie françaises et européennes — Débat

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Vous m’interrogez d’abord sur le droit d’ingérence public. Celui-ci se fait au cas par cas et selon la situation des entreprises. L’État est actionnaire de certaines d’entre elles, par exemple de Vallourec, ce qui permet un dialogue spécifique. D’autres possèdent un caractère stratégique, et dans le cadre d’une opération structurante, peuvent faire l’objet d’une ingérence publique, ou du moins de compensation ou de conditions. Telle est la nature du dialogue que nous avons eu avec ArcelorMittal.

C’est par ce biais, au cas par cas, que doit se faire notre action. Je ne crois pas à une ingérence publique qui passerait par le crédit d’impôt ou les divers dispositifs fiscaux.

La réflexion, loin d’être neuve, parcourt le débat économique et industriel français depuis des décennies. Elle n’a jamais trouvé de traduction juridique concrète. De ce fait, elle rend les mécanismes d’aide presque dissuasifs. Plus largement, on peut s’interroger sur leur pertinence dans le contexte actuel. Je le répète : il faut agir au cas par cas, en prenant nos responsabilités d’actionnaire, voire en le devenant, quand il existe un plan industriel.

C’est un point important en termes stratégiques. Quelles que soient les difficultés, nous avons bien fait de ne pas investir sur le site de Florange, où il n’y avait pas de perspectives industrielles crédibles. Investir n’était pas une bonne manière d’utiliser l’argent du contribuable, quelle que soit l’énergie que mon prédécesseur ait pu déployer.

En revanche, on a bien utilisé l’argent du contribuable, en prenant beaucoup de risques, dans le cas de PSA, parce qu’il y avait un avenir industriel, qu’accompagnait la recapitalisation. Voilà ce que doit être la summa divisio.

Partout où il y a un avenir industriel, et où un besoin de financement se manifeste pour repartir, l’État doit être là, et il le sera. En dehors de ce contexte, le droit d’ingérence public me paraît contre-productif.

Nous souhaitons accélérer les politiques d’innovation, grâce aux mécanismes que j’ai rappelés, dans le cadre de la Nouvelle France industrielle, via le PIA et la Banque publique d’investissement, et à travers l’Alliance pour l’industrie du futur, sur les PME et les ETI du secteur. La sidérurgie fait partie des leviers prioritaires pour maintenir notre capacité à préparer la nouvelle génération.

Pour ce qui est de la formation, j’en reviens à ce que j’ai dit tout à l’heure : nous avons une responsabilité de préservation des compétences et qualifications existantes. C’est un point critique, auquel nous tenons beaucoup. Il est stratégique tant pour la sidérurgie que pour le nucléaire.

Nous avons mobilisé les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – pour qu’elles vérifient, en cas de suppression d’emplois ou de tension sur les sites, que l’on ne perd pas de compétences.

Il faut aussi mobiliser les centres de formation pour procéder aux transferts de compétences en formant les salariés les plus jeunes. Pour ce qui est des formations initiales, je le répète : il est très difficile d’orienter les jeunes vers un secteur en crise. En revanche, ceux-ci peuvent se tourner vers les secteurs connexes, qui sont aujourd’hui en tension. On cite souvent l’exemple du métier de chaudronnier. De même, puisque le secteur de l’automobile repart, certains métiers et certaines compétences sont à nouveau en tension, et les jeunes peuvent s’orienter vers elles. Des expérimentations ont été décidées avec le Conseil national de l’industrie.

Enfin, je fais le même constat que vous sur l’Union européenne. La lutte contre le dumping n’appartient pas à sa culture ni à ses services, ce qui suscite de ma part non des accusations, mais un certain volontarisme. La personnalité du président de la Commission doit nous donner de l’espoir, du moins je veux le croire. Nous devons nous mobiliser et nous donner cette chance.

Je suis profondément convaincu que si, dans l’année qui vient, la Commission européenne ne réagit pas avec la vigueur que requiert cette problématique, qui traverse les principales économies de l’Union, elle aura encore accru la défiance, et, partant, sa propre fragilité.

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