Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe UDI se félicite que nous examinions aujourd’hui un texte dont l’objectif principal est de valoriser une alimentation durable et de qualité au sein de la restauration collective. Notre groupe a toujours été très attaché à la défense d’une alimentation de proximité, reposant sur la richesse et la diversité de nos territoires. Notre savoir-faire, en matière d’agriculture notamment, mérite d’être davantage mis en valeur, aussi bien sur les étals de nos supermarchés que dans le domaine de la restauration. En ce sens, nous ne pouvons que saluer l’initiative prise par le groupe écologiste de proposer un texte ambitieux – peut-être un peu trop, d’ailleurs, j’y reviendrai par la suite – visant à favoriser l’ancrage territorial dans notre alimentation.

Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, le groupe UDI n’a eu de cesse de défendre une vision plus responsable de l’agriculture, en soutenant notamment le concept d’agroécologie. L’alliance de la performance économique et de la performance environnementale est désormais possible. Elle est surtout de plus en plus ancrée dans l’esprit de nos agriculteurs et transformateurs, qui font progressivement évoluer leurs pratiques dans une voie plus vertueuse. Au nom du groupe UDI, je souhaite leur témoigner une nouvelle fois notre reconnaissance et notre gratitude.

Cette proposition de loi s’inscrit également dans la lignée du texte que nous avons récemment voté, dans cet hémicycle, sur le gaspillage alimentaire. Il est en effet devenu urgent de bâtir un nouveau modèle de société, davantage soucieux de l’avenir des consommateurs et des générations futures, un modèle capable de relever le défi qui nous attend en 2050, à savoir celui de nourrir 9 milliards d’individus avec des ressources naturelles de plus en plus rares.

Nous sommes finalement face à un véritable devoir moral : celui de développer des modes de production plus responsables et plus respectueux de nos ressources naturelles.

Dès à présent, nous devons préparer notre pays à cette transition vers une alimentation plus biologique qui saura davantage s’appuyer sur les circuits courts et les circuits de proximité. Plus qu’un gage de qualité pour les consommateurs, c’est également devenu une nécessité pour notre environnement. Est-il nécessaire de rappeler que le secteur alimentaire est le troisième élément le plus pollueur au monde après la Chine et les États-Unis ?

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui participe, dans un sens, à la construction de ce nouveau modèle, en proposant de modifier notre façon de consommer.

Ainsi, l’article 1er propose d’instaurer, d’ici à 2020, un quota de 40 % d’alimentation dite « durable » dans les menus de restauration collective publique. Cet objectif est bien entendu louable. Pour autant, il pose plusieurs questions qui méritent des éclaircissements, madame la rapporteure.

Tout d’abord, que recouvre précisément le concept d’ « alimentation durable » ? Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’ADEME –, l’alimentation durable contribue à la sécurité alimentaire, tout en préservant les ressources naturelles et l’environnement. Elle repose essentiellement sur deux modes de commercialisation : les circuits courts et les circuits de proximité. Cette définition, plutôt vague, peut laisser place à différentes formes d’interprétation.

L’article 1er de ce texte définit, quant à lui, 1’ « alimentation durable » comme une alimentation reposant sur des produits de saison ou sur des produits dont l’origine et la qualité ont été certifiées. Elle est également définie par la proximité géographique entre les producteurs agricoles, les transformateurs et les consommateurs.

Si la proximité n’est pas nécessairement une assurance de qualité, elle participe néanmoins au respect de l’environnement. Aujourd’hui, une denrée alimentaire parcourt en moyenne 3 000 kilomètres avant d’arriver dans nos assiettes ! Le transport est un secteur très émetteur de gaz à effet de serre : nous devons donc tout faire pour réduire les trajets qui ne sont pas nécessaires.

Recourir aux circuits courts et de proximité présente également des atouts économiques de poids. En premier lieu, cela permet aux producteurs de trouver de nouveaux canaux de diffusion sans passer obligatoirement par un intermédiaire. Ce mode de vente est également générateur d’emplois non-délocalisables, ce qui est appréciable dans un contexte de crise économique durable.

Selon Mme la rapporteure – dont je tiens à saluer l’engagement et le travail sur un sujet qui nous est particulièrement cher – ce secteur pourrait créer entre 80 000 et 100 000 emplois si la vente en circuits courts atteignait 10 % du chiffre d’affaires de l’alimentation en France.

Actuellement, ce taux se situerait plutôt entre 6 % et 7 %, selon l’ADEME. C’est pourquoi il est nécessaire de faire des efforts dans ce domaine afin de créer de la richesse au sein du monde agricole, et plus généralement dans nos zones rurales.

Le recours aux circuits courts et aux circuits de proximité témoigne d’une volonté massive des citoyens de revenir au « goût du terroir », en rétablissant une relation privilégiée avec le producteur. Les récents scandales sur la traçabilité des aliments ont, plus que jamais, renforcé ce sentiment : les consommateurs sont désormais à la recherche de sens et d’éthique dans l’acte d’achat.

Si le groupe UDI est évidemment favorable à ce genre de mesures, nous pensons, en revanche, qu’il est indispensable de bien cibler les produits qui entreront dans les critères d’une « alimentation durable ».

La notion de proximité peut, en effet, s’avérer dangereuse car je le rappelle, proximité ne signifie pas nécessairement qualité. Ainsi, un producteur de pommes bio situé à 35 kilomètres d’une cantine risque d’être désavantagé par rapport à un producteur peut-être moins vertueux situé à 10 kilomètres.

Par ailleurs, aucune différence n’est faite entre les territoires. Quid par exemple des produits de la mer dont l’acheminement dépassera forcément les distances maximales fixées par ce texte ?

Nous nous interrogeons également sur la faisabilité d’une telle mesure. Nos collectivités seront-elles capables de mettre en oeuvre cet objectif, alors même qu’elles subissent des baisses de dotations toujours plus importantes ? Dans mon département de la Mayenne, je n’ai qu’un seul exemple sur 261 communes.

Et si l’objectif n’est pas atteint par une collectivité, des sanctions seront-elles prévues ? J’ai peur que, sans sanction, ce soit, une nouvelle fois, un voeu pieux.

L’article 1er propose également d’arriver à un taux de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Limiter le recours aux produits phytosanitaires est une ambition évidemment louable et partagée de tous. C’est à la fois indispensable pour la préservation de nos écosystèmes, mais également de notre santé.

En 2009, le Grenelle de l’environnement avait déjà fixé un tel objectif pour 2012. Si cette mesure – dans son principe général – ne peut que recueillir notre adhésion, elle soulève néanmoins une interrogation.

Instaurer un seuil minimal de 20 % de produits « bio » ne doit pas devenir une fausse bonne idée. En effet, le risque est d’inciter les professionnels à se focaliser sur cet objectif, quitte à être moins exigeants sur l’approvisionnement des autres marchandises.

Pour compenser les frais liés à l’achat de produits « bio », souvent plus coûteux, les restaurateurs pourraient être tentés de privilégier, pour les 80 % restants, des produits à bas coûts et de moindre qualité. Sur ce point, le groupe UDI se montre donc plutôt réticent à l’idée d’inscrire dans la loi un tel objectif.

Nous nous félicitons, en revanche, de l’approche territorialisée de ce texte, matérialisée par l’article 3. Le choix de l’échelon régional, pour développer une alimentation et une agriculture plus durables, est évidemment une très bonne chose. Intégrer les collectivités territoriales dans un tel projet est absolument nécessaire, notamment si nous voulons créer une proximité entre les acteurs de l’alimentation durable et nos concitoyens.

Agir au niveau des régions, c’est faire confiance à nos territoires, à leur dynamisme, à leurs compétences, mais aussi à leur capacité d’adaptation face à un environnement qu’il convient de protéger.

Inciter la restauration collective à consommer local, c’est aussi donner l’opportunité à de nombreux citoyens de renouer avec les saveurs de leur territoire, en leur permettant, par exemple, de manger des produits certifiés ou labellisés. Les ménages les plus modestes ne doivent plus être exclus d’une alimentation dite de « qualité ».

Grâce à cette mesure, ils pourront en bénéficier quotidiennement, mais surtout à des prix plus abordables que dans les commerces. Cet aspect social me paraît absolument déterminant, car il participe directement à l’éducation alimentaire de chacun de nos concitoyens. Je m’étonne, d’ailleurs, que cette proposition de loi n’aborde qu’en surface cette question.

Éduquer nos enfants sur la manière dont on produit et on consomme est pourtant l’une des solutions clés si nous voulons généraliser une alimentation « durable ».

Organiser des rencontres entre les élèves et les producteurs ; profiter du réseau des fermes pédagogiques : ce sont autant d’outils qui permettent de sensibiliser les jeunes générations aux enjeux de santé et d’environnement auxquels notre siècle est confronté.

C’est dans cet esprit que le groupe UDI ne peut qu’approuver l’idée de responsabiliser davantage les grandes entreprises sur ce sujet. En ce sens, l’article 4 est particulièrement intéressant. Cependant, il nous semble préférable de demeurer dans une démarche de sensibilisation plutôt que dans une démarche de sanctions qui pourrait se révéler contre-productive. Les entreprises ne peuvent plus supporter les poids et les contraintes. Nous resterons donc attentifs à l’évolution de cet article dans les faits.

Enfin, nous nous satisfaisons de l’inscription de la mention « fait maison » au sein de la restauration collective. Les différents scandales alimentaires qui ont ébranlé notre pays, ont poussé les consommateurs à être plus vigilants sur leur façon de consommer.

Nous devons donc prendre en compte cette évolution, en renforçant l’information et la transparence sur ce qui est produit et transformé. Cependant, avant de l’imposer à la restauration collective, ne devrions-nous pas attendre un premier bilan de cette mesure dans les restaurants ?

Mes chers collègues, le groupe UDI rappelle, une nouvelle fois, son soutien au développement d’une agriculture et d’une alimentation plus durables. Néanmoins, ce texte présente encore quelques faiblesses qui risquent d’introduire des contraintes supplémentaires tant pour les collectivités que les entreprises. C’est pourquoi le groupe UDI s’abstiendra sur cette proposition de loi en l’état.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion