Intervention de Hervé Pellois

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Pellois :

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à renforcer le droit fondamental de s’alimenter dans des conditions respectueuses de l’environnement et répondant aux différentes réalités sociales et culturelles de notre territoire.

Ce texte est le fruit du travail de longue haleine mené par notre collègue Brigitte Allain dans le cadre de la mission d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, à laquelle j’ai eu le grand plaisir de participer activement. Le rapport, rendu en juillet dernier, à l’issue de cette mission, préconisait d’axer nos politiques sur une relocalisation des filières et une économie de circuits courts. Il a fortement inspiré la proposition de loi examinée aujourd’hui. Il nous a également donné l’occasion de dresser un bilan des nombreuses initiatives existantes.

Le projet de plateforme numérique Agrilocal, présent dans vingt-six départements français, en est un bel exemple. Dans ma circonscription, j’ai pu soutenir des initiatives telles que le Projet Alimen’Terre, piloté par le groupement d’intérêt public du pays de Vannes, qui réunit des élus, des agriculteurs, des commerçants, des restaurateurs et leurs organisations professionnelles. Parmi les 62 communes de ce territoire, 80 % ont déjà mis en place des démarches qualité, notamment en utilisant des produits biologiques. Elles réfléchissent en commun aux moyens de lever des freins bien connus, qui sont souvent dus à une mauvaise connaissance de l’offre locale. On constate que 60 % des producteurs engagés dans les circuits courts sont intéressés par la restauration collective et que 50 % des communes souhaitent intensifier leur démarche qualité. De très nombreuses villes et communautés d’agglomération et de communes se saisissent ainsi de ce dossier alimentaire et proposent des solutions collectives utiles aux agriculteurs et aux gestionnaires de la restauration collective. Les citoyens se sentent particulièrement concernés par cette question, et la proposition de loi ne fait qu’entériner cette forte mobilisation. Plus des trois-quarts de nos compatriotes approuveraient ce texte. Les sollicitations reçues par les parlementaires ces derniers jours en attestent.

Au coeur de cette proposition de loi réside un objectif qui doit être impérativement atteint : faire en sorte que la restauration collective publique inclue dans la composition des repas servis 40 % de produits relevant d’une alimentation durable d’ici 2020. La loi dite « Grenelle 2 » de 2009 incitait l’État à atteindre 40 % de produits de qualité, biologiques et locaux. Ce sont désormais toutes les collectivités publiques et leurs groupements qui seront concernés. Le Président de la République s’était engagé, en 2012, à réaliser cet objectif, et c’est donc avec une très grande satisfaction que j’accueille le texte présenté aujourd’hui. Nous devons remplir cet objectif, qui fait écho aux projets alimentaires territoriaux définis dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Nous avons fait le choix de nous diriger vers un système d’approvisionnement local, écologique et de qualité. Et nous confirmons, avec ce texte, cette conception nouvelle de l’agriculture et de notre façon de consommer.

En outre, cette proposition de loi intervient un mois après l’adoption, à l’unanimité des groupes politiques, de la proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Il est important que ces deux combats soient menés de façon convergente. Inscrire notre modèle de développement dans une logique de circuits courts permet de jeter beaucoup moins de denrées alimentaires. Nous partageons donc pleinement l’objectif affiché de favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation. Des améliorations étaient cependant nécessaires afin de donner à ce texte toute la portée qu’il mérite.

L’article 1er, on l’a dit, est au coeur du dispositif. Il nous semblait important que l’objectif des 40 % de produits issus de l’alimentation durable ne soit pas assorti d’une mesure transitoire. Il faut en effet respecter les échéances des marchés publics en cours et ne pas complexifier les nouvelles mesures introduites. Je présenterai donc un amendement en ce sens au nom de mon groupe. La restauration collective publique devra veiller à ce que 40 % de la composition des repas servis inclue des produits de qualité locaux. Cela concerne les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, issus d’approvisionnements en circuits courts et répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits. Surtout, la moitié d’entre eux devront provenir de l’agriculture biologique.

Afin d’aider les professionnels de la restauration à appréhender cette nouvelle exigence, le Gouvernement devra définir ce que la notion de développement durable implique concrètement pour chaque filière. La bonne application de ce seuil de 40 % repose sur l’Observatoire de l’alimentation, puisque l’article 2 en fait l’acteur principal du respect de cet objectif, et ceci en lien avec les observatoires régionaux de circuits courts et de proximité existants. Cet observatoire devrait voir sa branche économique et sociale se doter d’une nouvelle fonction, afin d’y intégrer des missions liées au développement des circuits courts et de proximité. Un amendement de notre groupe sera présenté en ce sens.

Je veux surtout insister sur deux modifications importantes à apporter à cet article 2. La première porte sur la suppression du recueil obligatoire des données, qui est très contraignant pour les organismes publics et privés chargés de leur collecte et de leur transfert à l’Observatoire. Dans un contexte de simplification administrative, il nous paraît disproportionné d’imposer une telle contrainte à ces organismes. Cela ne remet pas en cause la compétence de l’Observatoire en ce qui concerne le recueil de ces données ; sa démarche est simplement orientée vers une approche plus qualitative que quantitative.

La deuxième modification me tient particulièrement à coeur et répond, du moins en partie, à la question de la méthodologie du comptage de ces fameux 40 % : parle-t-on en valeur d’achat ou en volume acheté ? S’agit-il de la composition de chaque plat servi ou de l’ensemble du menu ? Comptabilise-t-on de la même manière l’entrée, le plat de résistance, le fromage et le dessert ? Quid du pain ? En assistant aux auditions menées par Mme la rapporteure, j’ai eu l’occasion de poser ces questions à plusieurs reprises : aucun interlocuteur n’avait la même méthode de comptage. Il me semble donc primordial d’introduire une disposition visant à préciser les modalités du comptage. L’Observatoire devra fournir des outils méthodologiques à destination des organismes de la restauration collective pour les aiguiller sur ce point. Il serait judicieux qu’un état des lieux soit réalisé par l’Observatoire, en lien avec les différents acteurs concernés, afin de parvenir à des propositions d’outils techniques qui soient acceptées par tous.

Par ailleurs, si l’article 3 poursuit le but louable d’intégrer la notion d’alimentation durable dans les plans régionaux d’agriculture, sa mise en application était trop rapide. Elle imposait à des régions qui venaient de mettre en oeuvre ces plans de les revoir. C’est pourquoi, lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques, les députés socialistes ont fait adopter un amendement qui donne aux régions jusqu’à 2020 pour se plier à cette obligation. L’article 3, tel que modifié en commission, remplit donc parfaitement cet objectif.

Le quatrième article de cette proposition de loi illustre le souhait de ne pas se limiter à la restauration collective publique. Le choix d’intégrer, dans la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, des exigences en matière de consommation alimentaire durable permet ainsi de toucher directement la restauration des grands groupes privés.

Enfin, le label « fait maison » rencontre désormais un franc succès auprès des restaurateurs. En l’étendant, via l’article 5, aux restaurants collectifs qui choisissent de s’impliquer dans cette démarche, on reconnaît le travail et le savoir-faire des chefs cuisiniers de ce secteur, au même titre que les autres. Cela les valorise, tout en mettant en valeur le service public.

De multiples actions existent partout dans notre pays pour favoriser les circuits courts et les démarches de qualité. Outre qu’elles permettent aux agriculteurs impliqués dans ces questions d’améliorer leurs marges et de développer l’emploi local, elles offrent aussi la possibilité de nouer une relation plus directe entre les consommateurs et les agriculteurs, de mener des projets d’établissement, de mettre en valeur le repas, de responsabiliser davantage les gestionnaires et les cuisiniers, de les associer, de leur permettre de se rencontrer pour offrir à tous l’accès à une alimentation de qualité. Cette proposition de loi et les amendements déposés en ce sens aujourd’hui ont pour but de faire de cette proposition de loi un texte d’équilibre, susceptible de recueillir le soutien de tous. Je vous appelle donc à voter en sa faveur.

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