Monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce texte nous ramène à ce défi global qu’est l’alimentation – cette année encore réaffirmé par les Nations-Unies – mais aussi, plus directement, au paradoxe qui oppose ce défi immense à la crise structurelle et actuelle de nos capacités de production.
Si notre agriculture reste l’une des meilleures du monde, cette performance macro-économique ne rend pas compte de la vulnérabilité extrême dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos filières d’élevage et du lait ainsi que de l’absolue nécessité de trouver des voies d’avenir.
Avec ce texte, madame la rapporteure, vous avez recherché précisément un élément de sortie de crise en consolidant la diversification de l’activité agricole en complément de l’agriculture traditionnelle et en renforçant les circuits courts et de proximité, ce qui peut contribuer à valoriser les revenus. De ce point de vue, cette proposition est utile et positive.
En tant qu’élue du Pays d’Auge ayant soutenu, à travers deux pôles d’excellence rurale, la promotion des filières les plus prestigieuses de Normandie, je constate que ce texte non seulement favorise un retour positif à certaines pratiques anciennes mais, surtout, constitue un contrepoint utile à la globalisation des marchés et à la volatilité des prix qui en résulte.
Enfin, c’est une façon de répondre directement à l’exigence nouvelle des consommateurs en termes de qualité, de respect de l’environnement et d’éducation à l’excellence et au goût des produits, ce dont je me félicite.
Mais, monsieur le ministre, je suis d’abord et avant tout préoccupée par les conditions d’efficacité d’une telle proposition au regard de l’urgence qui touche la survie même de nos exploitations et de nos producteurs.
Vous l’avez dit tout à l’heure, nombre d’entre eux sont proches du renoncement voire du désespoir faute de distinguer une issue à venir tant la situation est délicate.
Ce sera ma première remarque en forme de préalable. Il me paraît en effet essentiel que la mise en oeuvre du plan d’urgence que vous avez installé soit accélérée et menée à bien afin que les exploitations les plus en difficulté ne soient pas aussi les plus éloignées de ces dispositifs de soutien.
Nous devons également garder à l’esprit cette urgence mais, aussi, la nécessité d’une approche globale.
S’agissant de l’évaluation de la contractualisation laitière – vous l’avez évoquée – il serait, me semble-t-il, intelligent de revoir la façon dont le dialogue entre les industries laitières et les producteurs pourrait intégrer ces nouveaux modes de production et de commercialisation mais, aussi, de faire en sorte que l’approche de fixation des prix soit redéfinie. Ce sujet nous préoccupe beaucoup.
J’ai évoqué les pôles d’excellence rurale pour accompagner la mise en oeuvre de votre proposition de loi, madame la rapporteure. Il me semble qu’ils favorisent une approche globale et une stratégie territoriale fédérant l’ensemble des acteurs, notamment touristiques, ce qui peut constituer un élément tout à fait utile.
S’agissant des marchés publics, je crois qu’il faut aller plus loin.
Notre département du Calvados a été l’un des premiers à mettre en forme la plateforme « Agrilocal ». Pour autant, l’utilisation des critères d’attribution indirects implique que les producteurs passent encore beaucoup de temps à répondre aux appels d’offre.
Il semble que cette démarche soit encore trop complexe. En vertu du principe d’égalité de traitement des candidats, le code des marchés publics ne permet toujours pas aux collectivités de sélectionner des produits en fonction de leur provenance. Une évaluation de ces dispositifs serait particulièrement opportune si on veut rendre efficaces les procédures que vous voulez généraliser.
Je voudrais également connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur les circuits de distribution proposés par les jeunes agriculteurs pour 2017 car ces propositions me paraissent intéressantes.
La question des terres agricoles reste centrale. Chacun mesure le risque que les conflits d’usage, notamment dans les régions côtières, font peser sur l’existence même d’une agriculture durable et rentable. Ne faudrait-il pas imaginer un dispositif de classement de ces terres d’un intérêt productif exceptionnel en zones agricoles d’intérêt général, sur le modèle de ce que nous faisons pour les sites remarquables ? Cela contribuerait à leur valorisation financière, leur affectation durable à l’agriculture et leur transmission dans des conditions qui ne soient pas pénalisantes. Si je dis cela, c’est que je crains que la disparition de ces terres agricoles productives n’ait un caractère irréversible, au moment même où l’alimentation et la production agricole nous paraissent si importantes.
Enfin rien ne s’impose davantage qu’un allégement significatif des normes et des contraintes. L’insécurité économique et financière liée aux incertitudes quant aux délais de paiement et au montant des primes attendues par les exploitants agricoles pèse sur l’environnement quotidien de nos producteurs.
C’est donc une approche globale que je souhaiterais, au-delà de ce texte qui recueille néanmoins notre approbation compte tenu de son intérêt et de la vision qu’il propose d’une agriculture moderne, en complément de l’agriculture traditionnelle.