Tout d’abord, le lien entre la réduction ou la suppression de la diffusion de messages publicitaires destinés aux plus jeunes et l’obésité ne doit pas être surestimé : ce qui est en cause, c’est le temps passé devant la télévision, beaucoup plus que le contenu des programmes regardés ou de la publicité diffusée.
C’est la raison pour laquelle peu de pays ont fait le choix d’une prohibition de cette publicité. En outre, ce questionnement ne devrait pas se réduire à la diffusion de messages publicitaires sur les seules chaînes publiques. Les enfants et les jeunes adolescents sont également exposés aux messages publicitaires sur les chaînes privées, ainsi que, de plus en plus, sur internet : 58 % des enfants âgés de sept à dix ans regardent les programmes jeunesse sur YouTube.
Par ailleurs, ne cibler que les programmes jeunesse, c’est occulter tous les autres, alors qu’ils peuvent être largement visionnés par les plus jeunes. Comme l’indique le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, un grand nombre d’émissions de télé-réalité figure au palmarès des programmes les plus regardés par les enfants âgés de quatre à dix ans.
Enfin, France Télévisions a déjà pris des engagements forts pour réduire l’exposition des enfants à la publicité. Ainsi, les programmes diffusés sur les antennes de France 5 et France 4 dans l’émission Les Zouzous, destinée aux enfants de trois à six ans, ne contiennent aucun message publicitaire.
De fait, les démarches entreprises ces dernières années ont été celles d’une co-régulation associant l’ensemble des professionnels concernés. France Télévisions y a d’ailleurs toute sa place.
Cette démarche a pris corps avec la signature, en 2009, d’une charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision. Cette charte a été reconduite et renforcée en 2014.
Elle réunit, sous l’égide des pouvoirs publics dans leur ensemble, le mouvement associatif, les industriels de l’agro-alimentaire, les professionnels du secteur audiovisuel et ceux de la publicité.
Le mérite de cette charte, dont six ministères sont désormais signataires, est d’envisager la problématique dans toutes ses composantes, qu’il s’agisse de la régulation du contenu des spots publicitaires par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, des campagnes de prévention de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, des messages sanitaires apposés sur les spots publicitaires pour des produits alimentaires, ou, surtout, de la création et de la diffusion d’émissions faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie.
Par l’insertion de ces nouvelles dispositions, qui permettent d’aller plus loin encore dans ce travail collectif, les professionnels ont montré leur réelle volonté d’engagement.
En matière de publicité, le recours à ce type d’encadrement souple s’est avéré être une solution très constructive, permettant de mettre en cohérence les intérêts de chacun autour d’actions concrètes et concertées.
Il me paraît donc préférable de poursuivre cette démarche pédagogique et d’en évaluer l’impact dans la durée, comme le prévoit l’article 1er de la proposition de loi, plutôt que d’envisager des mesures de prohibition.
Enfin, et c’est mon troisième point de désaccord, je suis convaincue que le service public audiovisuel a besoin de stabilité, dans sa structure comme dans son financement.
Comme vous le savez, la situation financière de France Télévisions est préoccupante. Entre 2010 et 2014, les recettes publicitaires du groupe ont diminué de plus de 100 millions d’euros tandis que ses ressources publiques demeuraient stables, du fait de sa participation à l’effort national de redressement des comptes publics.
En dépit de mesures d’économies importantes, notamment la mise en oeuvre d’un plan de départs volontaires, l’exploitation de la société est demeurée déséquilibrée jusqu’en 2015, du fait de la progression automatique de certaines charges.
Pour permettre à la nouvelle présidente de France Télévisions de réduire ce déficit après trois années de pertes, le Gouvernement a obtenu, par amendement, l’augmentation de 28 millions d’euros du montant de la ressource publique allouée à l’entreprise.
Pour autant, ce coup de pouce n’exonérera pas France Télévisions d’un effort d’économie important et le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 devra définir, au-delà du budget de 2016, les conditions d’un retour durable à l’équilibre.
Or le dispositif adopté au Sénat se traduirait par un manque à gagner de l’ordre de 15 à 20 millions d’euros : s’il était mis en oeuvre, il compromettrait donc durablement la capacité de l’entreprise à retrouver l’équilibre.