Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, avant d’entrer dans le fond du sujet, je tiens à dire que je regrette l’opposition du groupe socialiste lors de l’examen de cette proposition de loi en commission. Je regrette également votre position, madame la ministre. Avec la suppression de ses articles principaux, le texte est totalement vidé de sa substance. C’est dommage. Les motivations de ce refus constituent pour moi un mystère. J’espère que notre débat va permettre de l’éclaircir.
Pour ma part je soutiens la proposition de loi initialement déposée par le groupe écologiste et adoptée par le Sénat. Cette proposition vise à protéger nos enfants de la pression publicitaire lorsqu’ils regardent les programmes pour la jeunesse à la télévision.
Il est temps, en effet, de prendre des mesures face à un phénomène qui ressemble de plus en plus à du harcèlement publicitaire. Il n’y a qu’à faire l’expérience : installez-vous devant l’écran aux heures de diffusion de programmes pour la jeunesse et tentez de vous mettre à la place d’un enfant de huit ans. Promotion de produits sucrés hypercaloriques, diffusion de messages véhiculant des stéréotypes de genre, hypersexualisation des enfants mannequins à but marchand, pour vendre des cosmétiques ou des vêtements… Tout cela n’est pas bon pour la santé des enfants.
Les marques et les communicants débordent d’imagination pour vendre leurs produits. Parfois même, leurs messages publicitaires frôlent la mise en scène mensongère. Voyons ces publicités pour de magnifiques poupées ou de célèbres petits personnages, forts sympathiques par ailleurs, qui s’agitent tout seuls dans des montages fantastiques, sans l’intervention d’enfants. C’est surréaliste de voir à l’écran des enfants acteurs aux côtés de personnages virtuels.
Tout cela n’est pas raisonnable. Nos enfants sont plus que de simples cibles publicitaires, de simples consommateurs à influencer pour qu’ils dépensent leur argent de poche ou l’argent de leurs parents. Ils doivent être protégés de cette logique mercantile.
Bien sûr, il faudrait certainement que les enfants passent moins de temps devant la télévision, que les parents sortent davantage leurs enfants, leur fassent faire plus de sport, les emmènent plus souvent au musée ou au spectacle, mais, malheureusement, ce monde idyllique n’est pas pour tout de suite, pas pour tous les enfants en tout cas.
En attendant, il faut bien tenir compte de la réalité. Aussi suis-je favorable à un contrôle beaucoup plus strict de la quantité et du contenu des programmes publicitaires.
Voilà maintenant des années que nous savons que l’acharnement publicitaire dont les enfants font l’objet est nuisible à leur santé. Laisser faire est devenu intolérable, irresponsable. C’est donc un enjeu de santé publique évident, que de nombreux pays ont d’ailleurs pris en compte.
Néanmoins, madame la rapporteure, on peut regretter que le champ de votre proposition de loi soit restreint aux seules chaînes du service public : cela limite la portée d’une telle législation. Les études le montrent : les enfants passent plus de temps sur les chaînes privées. Je suis donc favorable à l’extension de cette mesure aux chaînes privées.
Chers collègues, je garde encore en mémoire la déclaration de Patrick Le Lay, le P.-D.G. de TF1 de l’époque, qui affirmait : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective business, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit […]. Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible. […] Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Vous vous souvenez certainement de cette phrase, madame la ministre.
Certes, cette déclaration de 2004 date un peu, mais cette logique mercantile et très cynique est malheureusement toujours d’actualité. En constatant la pauvreté et la bêtise de certains programmes pour enfants, on peut légitimement craindre que cette logique soit également sciemment appliquée aux émissions qui sont destinées aux jeunes.
Notre groupe a donc déposé un amendement visant à prendre les mêmes dispositions d’interdiction sur les chaînes publiques et sur les chaînes privées. En plus d’être plus efficace pour protéger les enfants, ce serait aussi plus juste au regard des recettes publicitaires qui diminueront, à ce stade de notre discussion, uniquement pour la télévision publique.
De même, il convient d’étendre cette législation aux contenus vidéo à destination des jeunes enfants diffusés sur internet, dont les recettes publicitaires sont importantes et pas du tout contrôlées. Au final, madame la rapporteure, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra le texte, tout en proposant des amendements en séance.