Intervention de Frédéric Reiss

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à protéger les enfants d’une exposition aux messages publicitaires lors de la diffusion des émissions jeunesse sur les chaînes du service public et leurs sites internet.

Il est à noter que, pour éviter aux enfants d’être instrumentalisés à des fins mercantiles, bon nombre de pays européens ont déjà encadré, voire interdit, la publicité à leur encontre. Il est indéniable, suffisamment d’études l’attestent, que la publicité destinée aux enfants influence les habitudes de consommation des familles, même si c’est à ces dernières que revient leur éducation, notamment en développant leur sens critique – mais sachant que les jeunes sont livrés à eux-mêmes devant la télévision dans 40 % de leur temps disponible, cela devient souvent mission impossible. D’où l’intérêt de cette proposition de loi.

La version issue du Sénat ne pouvait qu’être accueillie favorablement par le groupe Les Républicains, d’autant plus que la loi de 2009 prévoyait la fin totale de la publicité sur le service public à l’horizon 2011. Mais c’était sans compter avec la crise budgétaire et l’enchaînement de moratoires qui ont d’ailleurs conduit certains de nos collègues à présenter un amendement de pérennisation de la publicité en journée sur France Télévisions lors des débats sur la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, en 2013, un revirement dicté par le principe de réalité budgétaire.

Lors de l’examen du texte par la commission, le groupe SRC a fait voter deux amendements qui ont totalement vidé la proposition de loi de sa substance.

Madame la ministre, quand vous affirmez sans sourciller que la commission a enrichi le texte du Sénat, personne ne peut vous croire. En matière de suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de France Télévisions, le Gouvernement veut visiblement procrastiner.

La production de rapports évaluant l’impact de la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de France Télévisions et la possibilité de son financement par la redevance va-t-elle éclairer le législateur pour le futur ? Pas sûr !

Dans la continuité de ce que souhaitaient les sénateurs, l’article 2 issu de la commission propose une évaluation des différentes possibilités d’évolution de la contribution à l’audiovisuel public et semble anticiper une possible réforme de ses paramètres. Nous verrons bien.

À ce propos, s’agissant des options de financement, je rappelle que, selon le sénateur André Gattolin, déjà cité, le coût de la mesure, dans sa version restreinte aux moins de douze ans, s’élèverait à 7 millions d’euros. Rappelons que le budget de l’opérateur pour 2016 ne sera pas à l’équilibre. De fait, la rallonge de 25 millions d’euros issue de l’augmentation de la taxe télécoms, dite « taxe telco », votée à l’Assemblée dans le dernier projet de loi de finances ne suffira pas à combler le déficit annoncé de l’opérateur en 2016, qui devrait se situer entre 40 millions et 50 millions d’euros. Je ne redirai pas notre opposition de fond sur l’affectation partielle des 25 millions d’euros – quand c’est l’ensemble du produit de cette taxe qui devrait être reversé à France Télévisions, conformément à la volonté du législateur de 2009 –, mais force est de constater que si ce Gouvernement n’avait pas décidé de supprimer la dotation publique à France Télévisions, nous aurions pu envisager différemment cette proposition de loi, notamment dans sa version initiale.

La tutelle a clairement déclaré son opposition au texte lors de son examen au Sénat, les amendements adoptés en commission l’ont confirmé, et en l’absence de certitude sur le financement de la mesure, il nous était impossible de nous prononcer en faveur du texte lors de son examen en commission.

Pourquoi priver France Télévisions d’une recette supplémentaire quand la protection des jeunes publics ne sera que très partiellement assurée ? En effet, limiter la mesure à l’audiovisuel public au titre de sa spécificité éditoriale ne sera pas d’une efficacité extraordinaire puisque les enfants savent se servir d’une télécommande et zapper sur les chaînes privées qui leur sont dédiées – c’est d’ailleurs pourquoi nous avons soutenu l’article 1er tel qu’il avait été rédigé au Sénat. Avant de rouvrir le chantier de la publicité sur France Télévisions, il importerait de renforcer l’autorégulation de l’ensemble des chaînes privées et publiques en matière d’exposition des enfants aux messages publicitaires.

Pour conclure, nous entendons l’appel lancé à travers ce texte et nous comprenons son objet. Aussi, lors de la remise de ces rapports, nous serons vigilants aux suites qui leur seront données. Permettront-ils de faire ce premier pas – c’est toujours celui qui coûte ! – pour protéger les enfants de la publicité et de la surconsommation ? Acceptons-en l’augure. Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi.

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