…en particulier avec le gouvernement actuel, mais il reste encore énormément à faire.
En conséquence, le déclin des langues régionales sera bientôt quasi inexorable : 12 % des Français parlent aujourd’hui, même occasionnellement, une autre langue que le français, alors qu’ils étaient 26 % à le faire dans leur enfance ; 75 % des adultes qui parlaient enfant une langue régionale ne le font plus du tout. Entre les générations nées en 1930 et celles nées en 1980, le nombre de personnes capables de s’exprimer en langue régionale a été divisé par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien et par dix pour le breton.
Cette position est surtout intenable vis-à-vis des cinq millions de locuteurs qui demeurent, dont il est indécent de considérer qu’ils formeraient des dissidents du corps national et insultant de prétendre qu’ils maîtriseraient moins que les autres le français. Apprendre une langue régionale, ce n’est pas désapprendre le français ; l’étude concrète des compétences des doubles locuteurs tend même, plutôt, à démontrer l’inverse. À titre d’exemple, les écoles associatives de langue régionale, où le français, mais surtout la langue régionale, sont enseignés, ont d’excellents résultats à tous les tests de l’éducation nationale, en particulier au bac.
En l’absence de ratification de la Charte, il est donc plus urgent que jamais de mobiliser tous les autres instruments disponibles, dont la loi, pour donner une réalité à l’objectif de sauvegarde des langues régionales induit par leur consécration dans la Constitution.
Deux éléments sont indispensables pour la fondation d’un régime juridique assurant la survie de nos langues. Il s’agit en premier lieu de l’éducation, car une langue, pour exister, doit d’abord être apprise, connue, sue : tel est l’objet des articles 1er à 3 de cette proposition de loi, supprimés en commission mais que je proposerai de rétablir. Il s’agit en second lieu de la présence dans la vie sociale et les médias, car, pour vivre, une langue doit être régulièrement parlée, lue, entendue : tel est l’objet des articles 4 et 5.
Pour l’enseignement des langues régionales, l’éducation publique se voit confrontée à un obstacle de taille, les juges ayant détourné l’intention de la révision constitutionnelle de 1992 reconnaissant le français comme la langue de la République et de la loi Toubon de 1994, qui assigne à l’école l’objectif d’assurer la maîtrise du français. Alors que ces lois visaient à lutter contre l’hégémonie de l’anglo-saxon, elles ont développé une jurisprudence hostile aux langues régionales. Le Conseil constitutionnel refuse ainsi qu’un particulier puisse se prévaloir d’un prétendu droit à l’usage des langues régionales. Le Conseil d’État a, lui, annulé une partie des arrêtés et circulaires Lang de 2001 en estimant, sur le fondement de la loi Toubon, qu’un enseignement bilingue qui consacrerait plus de la moitié du temps aux langues régionales excéderait les possibilités de dérogation à l’enseignement en français admises par le code de l’éducation – il ne s’agit pas là de règles constitutionnelles, j’y reviendrai à propos de l’article 1er.
Malgré cela, au cours de cette législature, les choses ont avancé. D’abord, la loi Peillon pour la refondation de l’école de la République de 2013 a été la première à reconnaître dans le code de l’éducation l’enseignement dit « bilingue ». Elle a fait obligation aux pouvoirs publics d’informer les parents de l’existence de ces offres d’enseignement. Puis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République de 2015, dite « NOTRe », a introduit un régime cohérent de compensation entre les communes des frais de scolarité des enfants inscrits dans une école publique bilingue d’une autre commune que celle de leur résidence.