Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ce gouvernement est très attaché à faire vivre dans notre pays les langues régionales. C’est bien ce gouvernement qui défendait au Sénat, le 27 octobre dernier, le projet de loi constitutionnelle permettant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires que la France a signée en 1999. La Haute assemblée – la droite sénatoriale, devrais-je dire – a rejeté ce texte, et je le regrette sincèrement.
Je souhaite rappeler toutefois que, en l’état actuel du droit, il existe de larges possibilités juridiques pour développer l’usage des langues régionales. En effet, si l’article 2 de la Constitution prescrit l’usage du français, il ne proscrit pas celui d’autres langues, et notamment les langues régionales, dans la mesure où les contenus sont clairement intelligibles par les parties prenantes. Ainsi, rien ne s’oppose, dans la pratique administrative, à ce qu’une langue autre que le français soit employée lorsque des circonstances particulières le justifient et par accord des personnes concernées.
Je rappelle aussi que l’article 21 de la loi du 4 août 1994, dite « loi Toubon », précise que les mesures garantissant l’emploi de la langue française s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage.
En revanche, toute pratique qui reviendrait à établir de facto la co-officialité d’une langue régionale avec la langue française ne serait pas légale. La loi sur la refondation de l’école de 2013 a aussi pris de nombreuses dispositions pour développer l’enseignement des langues régionales à l’école.
Venons-en au texte dont nous avons à débattre aujourd’hui. Vous me permettrez de concentrer, à ce stade, mon propos sur les deux articles restant en discussion, les articles 4 et 5, compte tenu de la suppression en commission des affaires culturelles des articles 1, 2 et 3 de la proposition de loi, sur lesquels nous aurons de toute façon l’occasion de revenir lors de l’examen des amendements.
L’article 4 vise à encourager, à la demande de la région, l’affichage et la signalétique en langues régionales dans l’espace public et les supports de communication institutionnelle.
Vous le savez, la promotion des langues régionales doit être mise en oeuvre dans un esprit de responsabilité partagée entre l’État et les collectivités territoriales. C’est la voie retenue par notre Constitution, dont l’article 75-1 – « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » – est inscrit à son titre XII « Des collectivités territoriales », comme par les dispositions de la loi NOTRe du 7 août 2015.
S’il donne un rôle prééminent à la région, qui peut sembler contredire cet esprit de concertation, cet article invite les services publics à renforcer la visibilité des langues régionales et donne une base juridique aux nombreuses initiatives qui se font déjà jour dans ce domaine.
J’observe avec satisfaction que les informations en langues régionales ne pourront prendre la forme que de traductions à partir de la langue française. Un amendement du rapporteur vient par ailleurs utilement préciser cet article, et supprimer toute idée de tutelle sur les régions. Le Gouvernement sera favorable à cet article 4, ainsi amendé.
L’article 5 en revanche pose plusieurs difficultés sérieuses. Une première contrariété apparaît entre l’exposé des motifs, aux termes duquel il revient au service public de l’audiovisuel de garantir l’expression en langue régionale, et le corps de l’article qui, en réalité, vise l’ensemble des services de communication audiovisuelle, publics comme privés.
En outre, viser tous les services de communication audiovisuelle, c’est-à-dire l’ensemble des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande comme les plates-formes de vidéo à la demande et les services de télévision de rattrapage, est en toute hypothèse trop large. Il ne serait en effet pas pertinent d’imposer une diffusion en langue régionale sur des chaînes de sport telles que L’Équipe 21 et, plus généralement, sur les services à vocation nationale ou sur les services de vidéo à la demande.
S’agissant du service public audiovisuel qui est visé par l’exposé des motifs, il n’y a pas lieu de légiférer car cette mission est déjà confiée aux sociétés nationales de programme. L’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui fixe les missions générales de service public des sociétés publiques, dispose en effet qu’elles assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France.
Le législateur a en outre assigné de manière spécifique des missions en ce domaine à France 3 et à Radio France. L’article 44 de la loi de 1986 prévoit en effet que France Télévisions conçoit et diffuse en région des programmes qui contribuent à la connaissance et au rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, à l’expression des langues régionales et que Radio France favorise par ailleurs l’expression régionale sur ses antennes décentralisées.
Est-ce à dire pour autant que rien ne peut être fait pour améliorer encore la place et l’exposition des langues régionales dans le paysage audiovisuel ? Certainement pas. Nous aurons ce débat, monsieur le rapporteur, mais je peux d’ores et déjà vous dire que je vous proposerai, de retirer de cette loi les questions légitimes soulevées par l’article 5 au bénéfice d’un travail en commun à réaliser dans les semaines qui viennent.