Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les cinq articles de la proposition de loi de notre collègue Molac traitent de deux sujets un peu différents, même s’ils sont liés par la place donnée aux langues régionales.
Je voudrais expliquer pourquoi la commission, à l’initiative de notre groupe, a rejeté les articles 1er, 2 et 3 puisque des amendements visant à les rétablir nous seront proposés.
Ces trois articles portent sur l’enseignement immersif des langues régionales, alors que les articles 4 et 5 visent à assurer leur promotion, dans l’espace public pour l’article 4 et dans l’audiovisuel pour l’article 5.
Je ne voudrais pas qu’on se trompe de débat. Je pense qu’on peut accueillir avec sympathie, voire bienveillance, cette proposition de loi. En effet l’article 75-1 de la Constitution, comme cela a été rappelé, précise que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.
Concernant l’éducation, la loi du 10 juillet 1989 puis la loi de 2005 ont permis aux élèves qui le souhaitent de suivre un enseignement en langue régionale. La loi dite Peillon du 8 juillet 2013, issue d’un projet de loi dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur ici, souligne encore davantage l’importance des langues et cultures régionales dans ses articles 30 et 40, et accorde des facilités encore plus importantes aux élèves qui le souhaitent pour recevoir un enseignement en langue régionale.
D’ailleurs le rapport annexé à cette loi précise que « dans les académies concernées, l’apprentissage complémentaire d’une langue régionale sera favorisé et le bilinguisme français-langue régionale sera encouragé dès la maternelle. »
Ces rappels de la législation existante montrent que les préoccupations à l’origine de la proposition de loi qui nous est soumise sont satisfaites.
Au-delà de ce constat – et c’est pour ça que je disais qu’il ne fallait pas se tromper de débat –, il nous a semblé que les trois premiers articles posaient problème au regard de la législation définissant les rapports entre l’enseignement public, l’État et l’enseignement privé – mon collègue Carpentier vient d’y faire rapidement allusion.
Si l’article 1er était adopté, la parité entre l’enseignement en français, qui est reconnue par la Constitution comme la langue de la République – et personne ne le conteste – et dans une langue régionale pourrait être remise en cause. Or, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, le Conseil d’État lui-même a inscrit dans notre droit le principe de cette parité.
S’agissant des articles 2 et 3, le financement par les collectivités territoriales, notamment les communes, des établissements privés pratiquant l’enseignement immersif risquerait d’ouvrir la voie à un financement des établissements privés, voire hors contrat, en contradiction totale avec les lois existantes, en particulier la loi Falloux – je ne dis pas que c’est votre intention, mais cela peut être celle d’autres que vous.
Concernant l’article 5, même si les auteurs de la proposition jugent la place des langues régionales insuffisante dans les programmes audiovisuels, il nous semble que les conséquences financières de ces dispositions seraient trop lourdes pour un service public déjà contraint à des efforts budgétaires importants – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu cet après-midi sur les difficultés du service public et notre devoir d’assurer sa défense.
Je répète que nous ne devons pas nous tromper de débat : ce sont ces craintes, et non pas une opposition au développement et à la promotion des langues régionales, qui nous ont amenés à repousser ces articles en commission, notamment les trois premiers, tout en reconnaissant la légitimité des intentions dont ils sont la traduction.
Nous sommes tous d’accord pour dire que les langues régionales sont indispensables et font partie du patrimoine de la République, mais nous sommes aussi tous d’accord pour dire que la République est une et indivisible, ce qui ne l’empêche pas d’être diverse.