Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 21h30
Enseignement immersif des langues régionales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Si j’ai choisi de parler de l’Alsace, c’est parce que c’est l’exemple que je connais le mieux...

Aucun de nous n’imagine que l’Alsace ne fait pas partie intégrante de la France, mais si nous sommes profondément attachés à la France, nous sommes aussi viscéralement attachés à nos racines, qui sont partie de notre chair. Si nous avons la chance d’avoir reçu de nos aînés un héritage culturel et linguistique fort, c’est parce qu’ils se sont souvent battus pour cela.

Historiquement, la langue qui s’est d’abord développée parmi les habitants d’Alsace est l’alsacien, langue qui fait partie de la sphère des langues germaniques et qui est notre langue régionale. Par ailleurs, l’Alsace a connu au fil du temps une double influence culturelle : celle de la France et celle de l’Allemagne.

Riche de cet héritage biculturel, les Alsaciens ont pratiqué leur langue pendant des siècles de façon vernaculaire, laissant le soin aux États-Nations que sont la France et l’Allemagne d’imposer à tour de rôle leur emprise linguistique : évidemment le « Hochdeutsch » durant la période allemande et le français lorsque l’Alsace est française.

Cela fonctionnait naturellement aussi longtemps que la langue régionale était ipso facto transmise par les familles. En d’autres termes, l’État se chargeait de transmettre la langue nationale et la famille assurait la transmission de la langue vernaculaire.

Hélas, au cours du XXème siècle en général et, plus particulièrement, au cours des dernières décennies, ce schéma archétypal a progressivement volé en éclat, comme l’a d’ailleurs souligné le rapporteur Paul Molac.

D’abord, parce que la période qui a suivi la deuxième guerre mondiale fut marquée par la volonté de la France de gommer toute connotation germanique en Alsace, ce que l’on peu comprendre. Il fallait tout mettre en oeuvre pour que l’Alsace soit la bonne élève de la France et c’est ainsi que l’on pouvait lire sur des affiches dans l’Alsace d’après-guerre : « C’est chic de parler français ».

Nombre d’entre nous étions pourtant arrivés à l’école maternelle à l’âge de trois ans en ne parlant que l’alsacien, transmis au sein de nos familles. Les instituteurs d’alors nous enseignaient le français et nous interdisaient de parler alsacien entre nous à l’école, y compris lors des récréations.

Ce fut donc un combat contre un élément de notre identité alsacienne, il faut bien le dire réprimé par les instituteurs de la République soucieux de faire de nous des petits Français comme les autres.

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