Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mes chers collèges, le texte qui nous est présenté aujourd’hui arrive plus de deux mois et demi après le rejet par le Sénat de la ratification de la charte européenne des langues régionales.
Cette charte, vous la connaissez tous. Nous l’attendons depuis plus de vingt ans. Après son rejet par le Sénat, nous l’attendons toujours.
Pourtant, depuis vingt ans, l’intérêt pour les langues régionales s’est renouvelé. J’en veux pour preuve qu’il est aujourd’hui exigé des pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne qu’ils ratifient au préalable cette charte.
La France a donc pris donc une position bien singulière au sein de l’Union. Mais, à force d’attendre, la transmission de ce patrimoine immatériel finira par s’essouffler : nous en porterons la responsabilité. Heureusement, le gel de la ratification de cette charte n’a pas empêché la promotion de cet élément culturel par l’enseignement et par les médias.
Toutefois, comme le soulignait notre collègue Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ces initiatives ont été menées sans statut légal et « peuvent même déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux ».
Nous devons donc nous engager en faveur de la protection et la transmission de ces langues régionales : une protection réelle et effective, qui ne comprenne pas des demi-mesures. Si on nous dit que ces langues sont mortes ou encore qu’elles ne sont que le reflet d’une époque révolue, la vérité est qu’elles comptent encore beaucoup de locuteurs ! Dans ma circonscription, plus des deux tiers des parents interrogés par l’Institut de la langue régionale flamande souhaitent voir enseigner notre langue régionale. Les élus locaux de Flandre intérieure et moi-même sommes tous très impliqués dans cette problématique.
C’est dans ce contexte et avec beaucoup d’intérêt que nous sommes appelés à étudier la proposition de loi de notre collègue Paul Molac : elle vise à renforcer l’usage des langues régionales par leur enseignement et leur visibilité dans l’espace public.
Toutefois, dans les travaux que nous avons menés en commission, l’article 1er, tel qu’il était rédigé, comportait un risque d’inconstitutionnalité. Ce texte serait-il efficace si le Conseil constitutionnel devait le retoquer dès son adoption ?
Par ailleurs, je ne peux que regretter, une fois encore, que la langue flamande ne puisse pas bénéficier de cet article 1er qui concerne l’enseignement de la langue régionale. Si je conçois qu’il s’agit d’inscrire le flamand occidental dans la circulaire de 2001, il me semble que toutes les langues régionales devraient pouvoir se retrouver dans cet article pour bénéficier de cet enseignement immersif.
Les élus de ma circonscription, les associations et les parents d’élèves ne peuvent se satisfaire de la réponse selon laquelle il est difficile d’accepter l’intégration du flamand occidental dans un cursus classique car elle pourrait avoir un impact concurrentiel négatif avec le néerlandais. L’on voit donc bien que cette proposition de loi ne résoudra pas le problème de fond des langues régionales : en France, certaines langues sont considérées comme plus égales que d’autres !
Je regrette donc que les mesures proposées par cette proposition de loi au titre de l’enseignement immersif n’apportent pas les garanties suffisantes pour l’enseignement de toutes les langues régionales. Par ailleurs, je rappelle que la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République souligne déjà l’importance des langues et cultures régionales. Différentes mesures ont été prises dans ce cadre pour encourager leur apprentissage. Mais le cas particulier de la langue régionale flamande n’est toujours pas réglé. Je continuerai donc à oeuvrer dans ce sens.
S’agissant de la promotion dans l’espace public, nous ne pouvons que souscrire à l’article 4, concernant la signalétique bilingue sur le réseau routier. Les régions pourront la mettre en oeuvre, en accord avec la jurisprudence qui statue que l’utilisation de traductions dans les langues régionales n’est pas interdite sur la voie publique, lorsqu’en même temps, l’utilisation du français est suffisamment et correctement assurée. Cette proposition conforte donc le droit existant. Elle devrait ainsi encourager nos territoires à promouvoir et à faire rayonner nos langues régionales, piliers de notre culture et de sa diversité.
En conclusion, cette proposition de loi apporte des avancées pour la promotion des langues régionales, en particulier dans l’espace public. Si elle n’est pas parfaite, si bien des questions restent en suspens, nous pouvons néanmoins nous réjouir de voir que la représentation nationale n’a pas abandonné ce sujet. À ce titre, je me réjouis que Mme la ministre ait annoncé la création d’un groupe de réflexion sur les questions soulevées par l’article 5.
Mais, cette proposition mérite encore des avancées certaines : pour la Flandre, cela passera certainement par la reconnaissance de la langue flamande occidentale dans les programmes d’enseignement scolaire, pilier de la transmission de ce patrimoine immatériel.