Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, ah ! La proposition de loi de François Brottes ! Je dois avouer, monsieur le rapporteur, que nous ne pensions pas revoir votre texte dans cet hémicycle, tant son parcours a été semé d'embûches et d'oppositions de toutes parts.
Il faut dire que les choses étaient mal engagées dès le début de sa discussion, et rarement dans cet hémicycle, nous n'avions été amenés à nous prononcer sur un texte d'une telle impréparation, sur le fond comme sur la forme !
Sur la forme d'abord : dès le mois de septembre, le Gouvernement engageait la procédure accélérée pour pallier son inaction estivale. Avouez que, quatre mois plus tard, cette précipitation peut prêter à sourire.
Elle n'était pourtant que le premier manquement d'un festival d'entorses plus ou moins caractérisées à la bonne tenue de nos travaux : débats en commission pendant nos journées parlementaires, commission du développement durable non consultée – nous y sommes beaucoup revenus en première lecture – et, cerise sur le gâteau, apparition d'amendements du Gouvernement à deux heures du matin, conduisant l'opposition et le groupe GDR à quitter l'hémicycle... Excusez du peu !
L'examen de votre texte au Sénat n'a pas été non plus de tout repos, puisque après avoir été reporté, il a finalement été rejeté grâce aux voix de votre propre majorité, conduisant ainsi à l'échec de la CMP le 19 décembre dernier. Tant mieux, puisque vous avez été amenés à le reconstruire quasi totalement.
Je remarque d'ailleurs que vous n'avez pas complètement tiré les leçons de cet échec, monsieur le rapporteur, puisque nous n'avons pas été conviés à vos auditions – sans doute nous auraient-elles donné trop d'arguments contre votre texte – et la réécriture de votre article 1er par voie d'amendement a, étrangement, réussi à passer le filtre de l'article 40 alors que son impact sur les finances publiques est indéniable.
Mais venons-en à l'économie générale de votre nouveau dispositif puisque c'est une nouvelle proposition de loi Brottes que nous examinons aujourd'hui, n'ayons pas peur de l'affirmer.
Nous l'avons dit au cours des débats en première lecture : nous ne sommes pas opposés au principe du bonus-malus qui permet de responsabiliser le consommateur tout en sensibilisant l'ensemble de nos concitoyens sur l'impérieuse nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre à l'heure où le secteur du bâtiment représente 40 % de la facture énergétique du pays.
Nous sommes favorables aux dispositions relatives à l'effacement pour contrer les effets de pointe, comme nous soutenons l'extension des tarifs sociaux et l'allongement de la trêve hivernale.
Cependant, le groupe UDI continue de considérer que votre dispositif de bonus-malus est socialement injuste et écologiquement inefficace. Notre première impression était pourtant plutôt positive à la lecture de votre nouvel article 1er : en effet, nous avons pu constater que votre nouvelle mouture validait a posteriori bon nombre de remarques que nous avions formulées, et que vous aviez systématiquement balayées d'un revers de main. Dommage, vous auriez pu gagner du temps !
Je pense notamment à la définition des règles de calcul du volume de base, qui seront finalement définies dans la loi. Tant mieux ! C'est une bonne chose car votre dispositif initial n'était pas une proposition de loi : c'était la plus grosse habilitation à légiférer par décret que notre Parlement s'était jamais imposée à lui-même.
Nous sommes satisfaits du retrait des dispositions permettant aux locataires de déduire une partie du malus de leurs loyers, que nous avions dénoncées avec force.
Enfin, l'électricité étant soutenue par les autres énergies, je me félicite que ces dernières fassent désormais l'objet d'un traitement distinct. Votre proposition de loi ne sera plus une machine à soutenir l'électricité comme c'était le cas du texte que la majorité avait soutenu sans broncher. Tant mieux ! Et pourtant, mes amendements, que vous avez maintenant repris, avaient fait l'objet, à l'époque, d'une levée de boucliers.
Pour le reste, la complexité et l'inapplicabilité de votre dispositif restent indemnes ! Je comprends que vous ayez fait le choix de reporter son hypothétique application au 1er janvier 2016. Encore un petit effort, et cette loi aurait pu être reportée après la prochaine élection présidentielle, comme la fermeture de Fessenheim !
Tous les experts et toutes les associations environnementales que j'ai consultées sont unanimes. Ils vous reprochent toujours l'extrême confusion de votre dispositif. Je pense pouvoir affirmer que peu de personnes y croient.
Les injustices restent flagrantes. Vous installez nos concitoyens dans la précarité énergétique. Nous aurions souhaité un texte beaucoup plus ambitieux et un travail beaucoup plus approfondi – travail qu'une étude d'impact aurait permis d'effectuer –, même si nous notons des avancées par rapport au texte précédent.
Pourquoi n'avoir pas attendu les conclusions de la conférence environnementale ? Cette question est revenue à de nombreuses reprises dans nos interventions à cette tribune. Pourquoi ne pas lier ce dispositif au texte, qui sera prochainement inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, sur la transition énergétique ? C'eût vraiment été le bon sens. Pourquoi ne pas l'avoir lié au texte plus ambitieux sur le logement, censé prévoir des dispositifs de soutien à l'isolation thermique des bâtiments ? Nous ne vous aurions pas reproché – peut-être – de vous engager dans des mesures contraignantes sans mesures d'incitation, puisque celles-ci vont peut-être arriver.
Une telle précipitation est incompréhensible, s'agissant d'un texte qui ne s'appliquera que dans trois ans. On aurait pu attendre encore quelques mois, ce qui nous aurait peut-être permis de voter ce texte sans difficulté.
Je crains que cette obstination ne vous conduise tout droit vers un nouvel échec parlementaire, ou, si ce n'est pas le cas, vers l'adoption d'un texte qui sera une source d'innombrables contentieux, car le bonus-malus va créer une rupture d'égalité entre usagers du service public de l'énergie. Je pense aux télétravailleurs, aux chômeurs, aux personnes âgées – que notre collègue Fasquelle avait défendues, en première lecture, à travers des amendements pertinents –, aux assistantes maternelles, à toutes ces personnes qui seront pénalisées parce qu'elles n'ont d'autre choix que de rester à domicile.
À l'injustice s'ajoute l'inefficacité environnementale. Votre texte va provoquer l'effet inverse du but qu'il s'est assigné : vous installez durablement nos compatriotes dans une situation de précarité énergétique, en déresponsabilisant les usagers concernés par le tarif social. Je crains par ailleurs qu'un grand nombre de nos concitoyens – mais y avez-vous pensé ? – ne se décident à se chauffer au fioul domestique, qui aura pour seul mérite de ne pas entrer dans le champ de votre dispositif. Il y a également le bois – tant mieux, puisque c'est une énergie renouvelable –, mais vous ne tenez pas compte du fioul.
Si nous avions pris le temps de la concertation, nous aurions pu, peut-être, nous mettre d'accord pour étendre légèrement le champ du malus et réduire celui du bonus, afin de dégager des moyens financiers permettant de rénover les logements des plus précaires.
Mais, en l'état, ce texte ne nous satisfait pas du point de vue environnemental.
En résumé, nous sommes face à une occasion manquée.
Pour finir, je voudrais m'insurger une nouvelle fois contre l'apparition d'amendements nocturnes du Gouvernement, à deux heures du matin en première lecture, sans la moindre concertation, sur la déréglementation des implantations d'éoliennes. Vos amendements vont en effet enlever aux collectivités la possibilité de faire prévaloir des exigences d'adaptation des projets éoliens aux spécificités locales, puisqu'elles ne pourront plus intervenir qu'a posteriori. Leur position ne leur permettra pas, comme nous le souhaiterions, de faire évoluer les dossiers : gouvernance, investissements public-privé, zones préférentielles, paysages. Ce sont cependant ces adaptations qui permettent d'améliorer l'acceptabilité locale des projets et de clarifier les stratégies des territoires sur le développement de l'éolien. La simplification des ZDE, c'était une nécessité. Il est clair que nous pensions revenir, que ce soit à la marge ou de façon plus importante, sur ce dispositif. Mais pas comme cela, monsieur le rapporteur ! Nous étions favorables à des évolutions de la réglementation, qui est trop contraignante dans ce domaine, mais ce que vous nous proposez va avoir un effet contraire. C'est une grave erreur. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel, attentif depuis votre arrivée au pouvoir, censurera ces dispositions qui n'ont aucun lien avec le texte.
En conclusion, le groupe UDI confirmera vraisemblablement son vote de la première lecture. Nous considérons que l'urgence est de poursuivre et d'amplifier les engagements du Grenelle de l'environnement relatifs à l'isolation thermique des bâtiments.
Nous partageons la volonté d'adopter une approche écologique, économique et sociale de la tarification de l'énergie, à travers une responsabilisation accrue du consommateur.
Mais votre proposition de loi ne répond ni à la nécessité de l'urgence ni à celle de lutter efficacement contre la précarité énergétique : la précipitation, la complexité, les injustices et l'inefficacité environnementale de votre texte ne nous laissent pas d'autre choix que de nous y opposer.