Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 12 janvier 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel, rapporteure pour avis :

Le numérique est un levier incontournable de croissance, d'emploi et de progrès social. C'est donc un sujet majeur, dont le Gouvernement et la majorité se sont largement emparés, lui donnant une nouvelle dimension et une nouvelle ambition, à la hauteur des enjeux.

Le texte de loi pour une République numérique que nous examinons aujourd'hui est l'un des volets de cette ambition et s'inscrit dans la continuité de la réflexion et de la démarche engagées par le Gouvernement depuis 2012 pour favoriser ce gisement de valeur et renforcer la confiance des citoyens.

Il vient compléter des textes législatifs déjà examinés – sur les télécoms et le très haut débit (TDH) notamment – ou à venir – sur les nouvelles opportunités économiques. Fruit d'une consultation d'ampleur, il donne aujourd'hui au législateur l'occasion de s'emparer de sujets-clefs tant pour le citoyen que pour l'État et les acteurs économiques.

Structuré autour de quatre titres, le projet de loi traite de nombreux enjeux et pose un grand nombre de questions dont certaines relèvent de la compétence de notre commission qui, à ce titre, s'est saisie de trente articles sur quarante-huit.

Le texte introduit ainsi dans son titre Ier des dispositions destinées à favoriser la circulation des données et du savoir – articles 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 17 et 18 ; il y est notamment question d'open data pour les données publiques, mais aussi de recherche.

Le titre II, quant à lui, est consacré à renforcer la protection et la confiance dans la société numérique, valeurs au fondement d'internet, essentielles aux échanges et à la croissance. Les articles concernés nous permettront de revenir sur la régulation de l'environnement économique numérique – aux articles 19, 20, 22 et 23 – ainsi que sur les droits des consommateurs et utilisateurs en ligne – aux articles 21, 24, 25, 30 et 34.

Le titre III, enfin, est consacré au renforcement de l'accès au numérique, tant dans les territoires – articles 35 à 39 –, qu'au travers de nouveaux usages – articles 40 à 42 – ou en renforçant l'accessibilité des services internet pour les personnes en situation de handicap ou de précarité économique – articles 43, 44 et 45.

Il ressort des nombreuses auditions que j'ai pu mener dans le cadre de ce rapport que les intentions défendues dans ce texte vont globalement dans le bon sens. Après avoir à de nombreuses reprises, et notamment à l'occasion du rapport que j'ai rédigé avec Mme Laure de La Raudière sur le développement du numérique en France, appelé à mener des transformations décisives pour notre avenir, je ne peux pour ma part que me réjouir de l'ambition portée aujourd'hui par la France. Je tiens toutefois à souligner quelques points, qui ont guidé mes travaux sur ce texte.

En premier lieu, si la France souhaite être moteur sur ces sujets clefs, incontournables pour l'avenir de nos pays au sein de l'Union européenne, il nous incombe de nous assurer que ce volontarisme n'aille pas à l'encontre des avancées en cours à Bruxelles – je pense notamment au règlement télécoms, voté le 25 novembre, au règlement relatif aux données personnelles et à la consultation sur la question des plateformes. La cohérence du projet de loi avec la législation européenne est d'autant plus essentielle que, face à des phénomènes globalisés, l'échelon communautaire est le plus pertinent pour traiter de ces enjeux.

Ce projet de loi doit ensuite garantir la protection des données personnelles et du secret des affaires, tout en dessinant un cadre attractif permettant l'émergence d'offres et d'acteurs innovants. Il me semble en effet essentiel ne pas brider l'innovation et d'assurer aux acteurs du numérique, comme à n'importe quel acteur économique du monde réel, la protection de leur valeur ajoutée et une concurrence équitable. Je suis dans le même temps convaincue de l'importance de donner aux citoyens français et à nos entreprises la pleine conscience de la valeur de leurs données, de leur degré de sensibilité mais aussi des enjeux futurs, afin qu'ils en restent maîtres, en assurent une diffusion contrôlée, consentie et réversible.

Le développement de ces offres et de ces nouveaux gisements de valeur, et notamment d'une réelle économie de la donnée, ne se fera qu'à la condition que soient assurées la confiance des utilisateurs et leur pleine maîtrise des enjeux. Loin d'être des objectifs antagonistes, ce sont, à mon sens, deux objectifs complémentaires que nous devons poursuivre avec détermination.

Je veux également insister sur le fait que le temps législatif et le temps de l'économie, de l'innovation ne sont pas les mêmes, notamment dans un contexte où les cycles d'innovation se raccourcissent et où les révolutions sont permanentes. Il nous faut donc faire preuve d'humilité et de sagesse en écrivant et en amendant cette loi visant à encourager et à encadrer des dynamiques dont nous ne pouvons pas encore imaginer quels contours elles auront dans dix ans, ni même dans cinq ou deux ans.

Dernier point enfin, très lié au précédent : la réalisation de solides études d'impact est indispensable, en particulier lorsqu'il s'agit d'écosystèmes aussi complexes que celui des acteurs numériques, où les effets de bord ne sont pas toujours bien mesurés. C'est à ce titre que j'ai pu regretter, après une étude d'impact solide sur le titre Ier, la fragilité de certaines démonstrations concernant les titres II et III.

Vous l'aurez compris, la tâche est ardue et les enjeux de taille, mais je ne doute pas que nous saurons trouver un équilibre satisfaisant et être à la hauteur du défi qui nous est posé.

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