La commission a procédé à l'audition de M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes meilleurs voeux pour cette année 2016. Que nos travaux se poursuivent dans l'ambiance constructive qui règne au sein de cette commission !
Nous accueillons aujourd'hui M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez été nommé à ce poste le 17 juin 2015, ce qui explique que nous vous auditionnions pour la première fois, Mme Geneviève Fioraso étant venue devant notre Commission pour la dernière fois en février dernier. Nous souhaiterions faire le point avec vous sur le thème majeur de la recherche et de l'innovation, l'un des multiples domaines de compétence de notre commission.
Dans un monde en constante mutation technologique, scientifique, sociale, économique et environnementale, la recherche est un levier de compétitivité et donc d'emploi pour notre pays – ce qui est primordial pour la commission des affaires économiques. La France a, dans ce domaine, des atouts indéniables qu'elle doit développer – c'est l'objectif de la stratégie nationale de la recherche que vous conduisez actuellement.
Quelques chiffres en préambule : 2,23 % du PIB sont consacrés à la recherche et développement – c'est dire l'effort de recherche de la nation ; 90 % de la recherche publique française sont financés par des crédits récurrents ou des contrats conclus avec l'administration, ce qui constitue une situation unique au monde ; la dépense intérieure de recherche et développement s'élève à 46,5 milliards d'euros, dont 65 % sont exécutés par les entreprises ; 564 500 personnes travaillent dans le secteur et 13 000 doctorats sont délivrés chaque année dont 40 % à des étrangers.
Le panorama institutionnel a évolué et des élections régionales viennent d'avoir lieu. Avec la réforme territoriale, les régions ont un rôle important à jouer en matière de développement économique : comment les missions respectives de l'État et des régions vont-elles s'articuler ?
Quel bilan peut-on tirer des programmes d'investissements d'avenir (PIA) 1 et 2 ? Un PIA 3 de 10 milliards d'euros sera lancé en 2016 : quels en seront les apports dans le domaine de la recherche ?
Le Centre national d'études spatiales (CNES), que nous avons coutume d'auditionner régulièrement, a récemment signé un contrat d'objectifs et de performance pour la période 2016-2020 : pourriez-vous nous présenter les axes stratégiques de ce contrat ? Quant à l'Espace européen de la recherche, il a des implications majeures tant pour les stratégies nationales qu'au niveau européen.
Notre commission examinera pour avis, à l'issue de votre audition, le projet de loi pour une République numérique : certains articles de ce texte ont trait à la recherche et à l'innovation.
La COP21 s'est clôturée au mois de décembre par le succès que l'on sait. La recherche et l'innovation sont des enjeux majeurs pour l'avenir de notre planète et du climat. Quelle est la position de la France en la matière ?
Enfin, j'ai cru lire que vous craigniez que la France ne devienne « l'incubateur du monde » et que vous vous interrogiez sur l'art d'organiser un juste retour pour les laboratoires : pourriez-vous développer ces propos que je partage pleinement ?
Je suis heureux de répondre à votre invitation.
S'agissant tout d'abord de la situation générale de la recherche et de la place de la recherche française dans le monde, que Madame la présidente a bien présentée en introduction, je soulignerai le paradoxe français : si les dépenses publiques de recherche, qui s'élèvent à 0,8 % du PIB, sont dans la moyenne des pays de l'OCDE, les dépenses privées, qui représentent 1,48 % du PIB, sont, en revanche, à un niveau plus faible que dans les pays avec lesquels nous sommes en compétition – États-Unis, Allemagne, Japon, Angleterre. Contrairement donc à une idée reçue, le niveau de soutien public à la recherche en France est dans les meilleurs standards mondiaux, tandis que celui de la recherche privée est plus faible – et reste de mon point de vue trop faible aujourd'hui.
Dans le budget que vous avez voté, vous avez veillé à ce que les crédits de la recherche soient stabilisés en 2016 par rapport à ce qu'ils étaient en 2015, et je vous en remercie. Ce n'était pas gagné et je me réjouis que la politique de réduction des dépenses n'ait pas touché les organismes de recherche. J'ai en outre deux informations complémentaires importantes à vous fournir. La première porte sur la réserve. Comme vous le savez, après le vote du budget, certains crédits sont mis en réserve pour gérer les aléas de l'exécution budgétaire. Les taux de réserve de droit commun, qui sont de 0,5 % pour la masse salariale et de 8 % pour les dépenses de fonctionnement courant, ont été reconduits pour 2016. Cependant, les organismes de recherche bénéficient d'un statut particulier puisque ces taux ne sont, respectivement, que de 0,35 % et de 4,85 %. En outre, après la mise en réserve, est appliqué ce que l'on a coutume d'appeler le « rabot » qui altère la nature du budget voté par les parlementaires. Or, et c'est nouveau, cette année, ce coup de rabot n'a pas été appliqué aux dépenses de recherche dont l'exécution sera donc conforme au budget adopté. Je tiens à le souligner car j'en avais pris l'engagement lors de l'examen du budget.
Dans le budget que vous avez voté, l'Agence nationale de la recherche (ANR) est dotée de 555 millions d'euros. Il s'agit probablement là d'un niveau plancher, l'agence jouant un rôle très important pour favoriser l'émergence de nouvelles équipes. En deçà de ce chiffre, il lui serait difficile d'y parvenir. Le taux de réponses favorables aux appels d'offres de l'agence, de l'ordre de 10 %, reste faible : il nous faudra donc, dans les années qui viennent, trouver les moyens de le relever de manière que les équipes ne soient pas découragées de répondre aux appels d'offres. J'ajoute qu'au cours de ces dernières années, l'agence a nettement amélioré son organisation. Il faut désormais mettre l'accent sur la simplification, d'une part, des procédures de réponse et, d'autre part, des évaluations menées par l'agence.
Vous avez fait référence à la stratégie nationale de recherche qui a été présentée en fin d'année et qui est l'aboutissement d'un long travail engagé par Mme Geneviève Fioraso. La définition d'une telle stratégie vise à ce que nous disposions, dans les années à venir, d'une matrice de défis et d'enjeux essentiels pour le pays, qui structure à la fois les appels d'offres publics mais aussi l'action des différents opérateurs de la recherche publique, voire de certains industriels. Cette stratégie fait une très large place aux questions de développement durable. Vous évoquiez la mise en oeuvre des décisions de la COP21 : nous l'avions, d'une certaine manière, anticipé en élaborant cette stratégie, au coeur de laquelle se trouvent les enjeux de transformation énergétique, de nouvelles énergies et de stockage de l'énergie.
Il faut toujours chercher à être meilleur – c'est la démarche que les chercheurs nous invitent à suivre – et à adopter un esprit critique, y compris vis-à-vis de ce que nous faisons. Peut-être peut-on regretter que dans cette stratégie, la place accordée aux sciences humaines et sociales soit insuffisante. Nous menons actuellement une réflexion pour voir comment nous pourrions engager une action spécifique en faveur de la valorisation des sciences humaines et sociales en 2016 – nous aurons l'occasion d'en reparler.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale, le Premier ministre a annoncé que des centres de convergence feraient l'objet d'un programme spécifique du programme d'investissements d'avenir qui doit être lancé dans les tout prochains jours. Il s'agit concrètement d'une dizaine de laboratoires pluridisciplinaires de recherche menant également des actions de formation à partir d'un appel à projet. Ce programme sera doté de quelque 195 millions d'euros. Ces laboratoires seront sélectionnés au cours de deux échéances, l'une en juillet, l'autre en décembre. Dans différentes régions de France, de nombreux opérateurs attendaient avec impatience cet appel d'offres : il sera lancé très prochainement.
Vous avez évoqué à juste titre la question européenne. Nous nous mobilisons beaucoup pour que la France, puissance de recherche au niveau européen, joue, dans les instances européennes, un rôle plus important qu'actuellement. Les experts français au niveau européen sont sous-représentés dans bon nombre de disciplines – ce qui a malheureusement des conséquences très concrètes pour nous. Il y a donc une présence à organiser, plus fortement que nous ne l'avons fait jusqu'alors.
Il y a néanmoins en la matière des motifs de satisfaction. Le premier réside dans l'augmentation du budget européen de la recherche qui s'élève à 77 milliards d'euros contre 50 milliards dans le budget précédent. Le second est que la vision des questions de recherche à la Commission européenne – principalement sous l'influence du nouveau commissaire M. Carlos Moedas, Portugais très connaisseur de ces sujets – couvre désormais toute la chaîne, depuis la recherche fondamentale jusqu'à l'innovation la plus applicative. Cela étant, l'Europe, qui cherche à dégager des moyens pour financer des politiques nouvelles telles que l'accueil des réfugiés, est susceptible de procéder à des régulations budgétaires en 2016. Il nous faudra donc veiller à ce que soit préservée la dépense de recherche européenne – qui est l'une des rares dépenses européennes véritablement transnationales et qui incarne l'avenir de notre continent.
J'en viens aux sujets susceptibles de nous mobiliser dans les semaines et les mois qui viennent.
S'agissant de la politique d'innovation, j'ai effectivement souligné la nécessité de veiller à ce que la France ne devienne pas un incubateur mondial. Je m'explique. Depuis dix ans, de nombreux dispositifs ont été institués et des moyens financiers considérables déployés, pour faire en sorte que les organismes publics et les universités s'intéressent à la recherche appliquée – tout en continuant, car c'est vital, à faire de la recherche fondamentale. Cette politique a porté ses fruits. Il y a dix ans, lorsqu'on invitait les universités à s'intéresser à ce qui se passait dans les entreprises, elles n'étaient pas toujours très enthousiastes. Aujourd'hui, ces deux univers se sont rapprochés. Mais ce rapprochement, qui s'est effectué par le déploiement de très nombreux outils – les instituts de recherche technologique (IRT), les pôles de compétitivité, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), les dispositifs régionaux – risque de conduire au développement d'une administration de l'innovation, entre la recherche et les entreprises. Qui plus est, les ressources que plusieurs de ces organes permettent de dégager du fait des relations qu'ils nouent avec les entreprises privées financent le fonctionnement même desdits organes. Ces recettes ne permettent donc pas le ressourcement de la recherche. Des universités et des organismes produisent des connaissances valorisées par les entreprises, par l'intermédiaire de ces outils, et n'obtiennent pas le juste retour de la valeur ainsi créée. Nous sommes en plein travail d'inventaire, en lien étroit avec le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique. Nous avons notamment demandé à une enseignante du Massachussetts Institute of technology (MIT), Mme Suzanne Berger, spécialiste de la production dans l'économie de l'innovation, de dresser un bilan complet de ces dispositifs et de nous indiquer, très librement, comment améliorer ou simplifier notre politique d'innovation.
Dans le domaine spatial, nous sommes très fortement mobilisés, depuis la conférence intergouvernementale de Luxembourg, en faveur du futur lanceur de satellites Ariane 6 qui permettra, en quatre ans, de réduire de 50 % le coût de lancement des satellites dans l'espace grâce à une prouesse technologique. Nous sommes en train de structurer, tant en France qu'au niveau européen, ce projet formidable fondé sur une rupture technologique et sur la mobilisation d'équipes industrielles et de chercheurs de l'Europe entière.
J'évoquerai pour terminer deux chantiers que nous nous apprêtons à engager dans les prochains jours.
Le premier consiste en une grande consultation des laboratoires et organismes sur la simplification des démarches relatives aux appels d'offres et à la gestion du personnel – démarches qui polluent la vie quotidienne des laboratoires de recherche. Nous réunissons des groupes de travail depuis deux mois à cette fin et proposons une consultation ouverte sur un site internet, à laquelle peuvent librement participer tous les organismes, laboratoires de recherche et universités de même que les chercheurs s'exprimant à titre personnel. Cette consultation s'achèvera à la fin du mois de février par un recensement des propositions formulées sur le site. Nous les traiterons entre février et juin afin de lancer un plan de simplification en ce domaine en juin 2016.
Le second chantier, plus long, vise à la transformation de notre administration centrale. Cette dernière est de qualité mais elle fonctionne aujourd'hui selon des règles datant d'avant l'autonomie des établissements universitaires. Elle n'est pas suffisamment dotée d'outils nouveaux même si elle a fait d'énormes progrès ces derniers mois. L'autonomie ne veut pas dire la disparition de la puissance publique mais le repositionnement du centre sur les fonctions stratégiques, d'orientation et d'évaluation ex post. Les acteurs autonomes resteront pleinement libres de leurs choix stratégiques et de leur mise en oeuvre.
Je constate que votre ancienne fonction de secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification a laissé des traces, ce qui me paraît une très bonne chose. Une telle simplification devrait être opérée dans tous les ministères…
Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre présence, votre écoute permanente et la précision de vos propos.
J'évoquerai tout d'abord le budget de la recherche en 2016. Nous nous félicitons qu'il ait pu être maintenu dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Autre bonne nouvelle : le plafond d'emplois en matière d'enseignement supérieur et de recherche est stable et les fonds de roulement ont pu être préservés cette fois-ci. Enfin, je suis heureuse de vous entendre dire et reconnaître que le budget de l'ANR est à un niveau plancher : j'espère que nous pourrons l'accroître dans les années à venir.
Des questions se posent, néanmoins. Comment envisagez-vous l'équilibre, souvent réclamé par les chercheurs, entre les crédits d'intervention, qui permettent à la France de prendre part aux appels à projet européens et internationaux, et les crédits récurrents qui, seuls, permettent la recherche au long cours et qui font notre force ? Les appels à projet ont en effet une durée limitée et posent des problèmes de statut des chercheurs. Certes, les emplois sont stables mais compte tenu de la diminution du nombre de départs à la retraite, le volume de recrutement est faible pour nos doctorants qui ne sont recrutés que pour quelques années dans le cadre d'appels à projet.
Vous avez également évoqué l'agenda France-Europe 2020, au sein duquel s'inscrivent ce budget et sa déclinaison dans la stratégie nationale de recherche. Où en est la signature des contrats pluriannuels avec les organismes de recherche qui mettent en application cette stratégie ? Vous avez dit qu'il était nécessaire que l'administration centrale s'adapte à l'autonomie des établissements. Deux ans après l'adoption de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR), quel bilan dressez-vous de ce texte qui n'a pas totalement satisfait certains des acteurs concernés ?
Pourriez-vous nous apporter des précisions concernant le PIA 3 ? À cet égard, je manquerais à mon devoir si je ne mentionnais pas qu'un des candidats aux initiatives d'excellence (IDEX) dont le destin sera scellé dans quelques jours dans le cadre du PIA 2, est situé sur mon territoire. Je sais que vous ne pourrez me répondre sur ce point mais j'espère que notre candidature recueillera une décision favorable du jury.
La démarche d'évaluation est tout aussi légitime en matière d'enseignement supérieur et de recherche que dans les autres secteurs. Mais autant nous avons obtenu des réponses concernant l'évaluation des laboratoires publics, autant l'évaluation des structures bénéficiant du PIA – les SATT et IRT – est moins publique. Il ne serait pas inintéressant d'en savoir davantage afin de déterminer quels outils sont superflus et quels dispositifs doivent être améliorés.
Enfin, il ne faudrait pas en effet que la France ne soit que l'incubateur du monde, non seulement pour les raisons que vous avez indiquées mais aussi parce que le risque serait grand alors que les emplois créés grâce à la recherche appliquée le soient partout sauf chez nous. Je rejoins à cet égard le propos de Madame la présidente quant au rôle des régions : ces dernières se sont engagées en faveur de la recherche mais doivent mieux faire le lien entre la recherche et le développement économique sur leur territoire. Les applications, les produits et les prototypes construits grâce à la recherche dans nos régions doivent de préférence être élaborés dans celles-ci et favoriser l'emploi sur nos territoires.
Trop nombreux sont les jeunes qui sortent de l'enseignement supérieur sans diplôme, souvent après plusieurs changements d'orientation. En effet, d'après une étude sur la réussite et l'échec en premier cycle, réalisée par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance en 2012-2013, seuls 43 % des étudiants inscrits en première année de licence ont été admis en deuxième année ; 29 % ont redoublé et 27 % sont sortis du système universitaire. Cette errance universitaire est une perte de temps pour les étudiants concernés et coûte cher à l'État, qui finance ces formations. Il est donc essentiel d'aider les jeunes bacheliers à mieux cibler leur premier choix à la sortie du lycée.
Mon collègue Yves Foulon a récemment déposé une proposition de loi tendant à permettre aux jeunes bacheliers souhaitant faire des études supérieures mais ne sachant pas encore dans quelle branche s'orienter, d'effectuer plusieurs stages durant neuf mois sur une année universitaire, afin de déterminer, sur la base de l'expérience acquise, la filière la mieux adaptée à leurs envies et aptitudes. L'accès à cette année d'orientation, dont la gestion serait confiée aux organismes consulaires spécialisés dans les relations avec les différents milieux professionnels, se ferait sur dossier assorti d'une lettre de motivation. Les candidats retenus auraient un statut d'étudiant – ce qui leur permettrait de bénéficier de la protection sociale étudiante et de conventions de stages – sous la tutelle des chambres de commerce et d'industrie, en coordination avec le rectorat, et devraient réaliser des stages d'un à deux mois dans différentes entreprises et administrations. À l'issue de cette période, ils devraient remettre un mémoire détaillant leurs expériences et expliquant les raisons de l'orientation choisie. Sur le principe, êtes-vous favorable à la création d'une telle année d'orientation ?
Ma première question portera sur la réforme des pôles de compétitivité qui vise à mieux identifier ceux de ces pôles qui sont les plus en lien avec les neuf solutions industrielles définies dans le cadre de la Nouvelle France industrielle (NFI). Depuis leur démarrage, les pôles ont porté près de 1 600 projets collaboratifs de recherche, représentant 6,8 milliards d'euros de recherche et développement, cofinancés par les entreprises, l'État et les collectivités territoriales. Nous savons tous l'importance que revêtent ces pôles de compétitivité pour nos PME et notamment pour les jeunes entreprises innovantes qui y trouvent de véritables solutions d'accompagnement. Enfin, ces pôles de compétitivité contribuent également au maintien d'un maillage territorial équilibré et au développement économique de nos régions. Par ailleurs, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche prévoit le regroupement des établissements d'enseignement supérieur au sein de grands pôles, pour en faire de grandes universités de recherche de rang mondial. Quel impact la réforme des pôles de compétitivité aura-t-elle sur l'organisation de notre système de recherche et d'enseignement supérieur ?
Ma deuxième question porte sur les conséquences du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, sur la recherche en France. Sur le plan économique, la valorisation de la richesse de notre biodiversité est un enjeu important, notamment pour les secteurs qui recourent à la biodiversité comme source de production et d'innovation, tels que l'agro-alimentaire, la cosmétique et l'industrie pharmaceutique. L'article 18 de ce texte vise à garantir un cadre juridique clair à la recherche-développement sur les ressources génétiques sur le territoire français. En l'état actuel du texte, dans le cas d'une ressource génétique disponible dans de nombreux pays, une société française qui ferait des travaux de recherche et développement sur cette ressource prélevée en France serait soumise à une déclaration puis au partage des avantages, avec une taxe pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires réalisé. En revanche, une société anglaise ou allemande pratiquant les mêmes activités à partir de la même ressource prélevée dans un pays laissant libre accès à ses ressources, comme l'Angleterre ou l'Allemagne, n'aura aucune obligation de partage des avantages. Un tel dispositif créerait de facto une distorsion de concurrence au détriment des entreprises françaises qui pourraient ainsi être incitées à réaliser leur recherche et développement dans d'autres pays de l'Union européenne. Ce risque est-il avéré ? Si oui, dans quelle mesure pensez-vous pouvoir remédier à ce problème qui pèse sur l'attractivité de la France en matière de recherche ainsi que sur la compétitivité de nos entreprises ?
Je rappelle que le domaine de compétence de la commission des affaires économiques inclut la recherche et l'innovation mais pas l'enseignement supérieur. Il est évident que certains sujets sont étroitement liés et que M. le secrétaire d'État est là pour répondre à toutes nos questions. Mais je préfère le préciser afin que les commissions compétentes en matière d'enseignement supérieur ne soient pas surprises de la teneur de nos propos.
Le taux de chômage des docteurs atteint 10 % en France, soit près de trois fois celui des autres pays de l'OCDE. C'est un réel problème pour notre pays où les entreprises se tournent plus naturellement vers les diplômés des écoles d'ingénieurs – pour diverses raisons d'ailleurs. S'il ne s'agit pas d'opposer entre eux les diplômes ou les enseignements supérieurs, force est de constater que l'embauche de doctorants est bénéfique aux entreprises car complémentaire d'autres formations. Confrontés au chômage, parfois pendant plusieurs années malheureusement, ces cerveaux fuient à l'étranger où la formation universitaire est davantage connue et reconnue. Vous avez lancé un plan pour favoriser l'insertion professionnelle des docteurs, qui prévoit notamment la création, dès 2017, de concours d'agrégation réservés aux titulaires d'un doctorat. Cependant, dans certaines filières telles que les sciences humaines, le concours de l'agrégation est une étape préalable à l'obtention du doctorat de sorte que de nombreux docteurs de ces filières sont déjà agrégés. En dehors du crédit impôt recherche, quelles sont les mesures concrètes permettant d'inciter les entreprises – notamment celles du CAC 40 – à embaucher des docteurs ? Les petites et moyennes entreprises (PME) sont des terreaux d'employabilité pour ces doctorants. Pour elles, l'embauche de ces derniers est un atout considérable et une grande richesse. Envisagez-vous de prendre des mesures pour aider les PME à aller en ce sens ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez identifié dix défis et proposé plus d'une quarantaine d'orientations. Au-delà de l'innovation, c'est le progrès qui doit accompagner l'ensemble de nos politiques. Dans le contexte économique, financier et réglementaire que nous connaissons, au-delà des différents budgets que vous avez cités, ne croyez-vous pas que la coopération européenne est largement insuffisante ? La coopération universitaire internationale ne l'est-elle pas également ? Quelle méthode d'évaluation des politiques de l'innovation comptez-vous adopter ? Par ailleurs, vous avez souligné à juste titre que la France met des moyens – essentiellement publics – dans sa recherche. Mais en profite-t-elle vraiment ? Comment améliorer le retour sur investissement ? Enfin, notre fiscalité est-elle réellement adaptée à la recherche ?
Le crédit d'impôt recherche finance 32 % de la recherche des PME, 21 % de celle des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 13 % de celle des grandes entreprises. Malgré cette incitation, le résultat est décevant au regard de l'effort fiscal consenti. Comment cela s'explique-t-il ?
Vous avez, à la mi-décembre, annoncé avec d'autres ministres l'augmentation du budget de l'École polytechnique de 60 millions d'euros sur cinq ans. Lorsque l'on compare ce chiffre aux 165 millions qui ont été consacrés aux 65 000 étudiants supplémentaires, on ressent un certain malaise. Que pensez-vous faire pour rééquilibrer les moyens respectivement alloués aux grandes écoles et à l'université ?
La procédure actuelle de recouvrement du crédit d'impôt recherche (CIR) est souvent source de différends car elle est effectuée hors sol, loin des PME et de leurs réalités. Bien sûr, la seule solution trouvée par le Gouvernement a consisté, comme toujours, en la création, dans la loi de finances rectificative pour 2015 votée le mois dernier, d'un comité consultatif. Or, cela n'enlève rien au fait que les chefs d'entreprise ne peuvent pas engager avec l'agent mandaté par votre ministère un véritable débat oral et contradictoire. Les agents ne sont notamment pas obligés de se rendre dans l'entreprise ni de recevoir les contribuables. La nouvelle procédure, mise en place par décret, précise certes que le contribuable peut solliciter un entretien avec le ministère mais cette demande n'intervient que dans le cadre de la seconde demande d'informations complémentaires. Et surtout, l'agent n'a pas l'obligation de l'accorder. Comptez-vous combler ces lacunes et mettre un terme à ces incohérences pour améliorer le dispositif ?
Le 22 octobre dernier, vous était remis un rapport de mission ministérielle visant à poser les bases d'un plan « agriculture-innovation 2025 ». Les recommandations du rapport, formulées à travers trente projets déclinés en près d'une centaine d'actions, visent à mobiliser les acteurs de la recherche et de l'innovation autour de grands enjeux fédérateurs comme celui de prendre le virage du numérique et de favoriser l'essor de la robotique, mobiliser les biotechnologies et soutenir le biocontrôle.
Vous avez également souhaité la mise en place de deux nouveaux dispositifs innovants : des « laboratoires vivants » de l'agro-écologie et de la bio-économie, d'une part, et d'autre part, un portail de données et services numériques pour une agriculture française compétitive, ouverte et souveraine. Pourriez-vous nous dresser un premier bilan de ces mesures et nous présenter le calendrier de leur mise en oeuvre ?
Lors de l'inauguration du salon de l'agriculture 2015, le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait relancer les recherches sur les biotechnologies. Cela a d'ailleurs provoqué quelque effervescence sur le stand de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Près d'un an plus tard, qu'en est-il concrètement ? Comment comptez-vous décliner l'annonce du Président de la République ? Serez-vous le ministre qui lèvera le tabou sur la recherche sur les biotechnologies ?
Je constate avec beaucoup de satisfaction que mon collègue Jean-Pierre Le Roch et moi-même partageons le même intérêt pour l'agriculture et la recherche en ce domaine. Je vous adresse donc la même question que lui.
Les nombreux étudiants que j'ai eu l'occasion de rencontrer pendant les fêtes de fin d'année m'ont dit déplorer la difficulté, pour les boursiers, d'obtenir un logement du Centre régional d'oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) quand, dans le même temps, beaucoup d'étudiants étrangers participant à un programme de mobilité internationale tel qu'Erasmus, sont prioritaires dans l'attribution de ces logements. Il ne faudrait pas que cette situation provoque des problèmes entre les étudiants français et étrangers. Les étudiants français avec lesquels je me suis entretenu ont en effet avancé l'argument selon lequel, contrairement à eux, les étudiants étrangers venaient faire leurs études en France mais n'étaient pas appelés à y vivre ni à y travailler.
Mme Audrey Linkenheld, après s'être réjouie du budget et avoir affirmé qu'elle partageait notre point de vue sur l'ANR, ce dont je la remercie, a souligné à juste titre la nécessité d'assurer un équilibre entre les crédits récurrents et les crédits sur projet. Je rappelle que la France est, au niveau international, dans une situation tout à fait particulière puisque la part respective des crédits récurrents et des financements sur projet est de 90 % pour les premiers et de 10 % pour les seconds. Le niveau des crédits récurrents me semble approprié aujourd'hui, compte tenu de la structuration de notre recherche en organismes. Il convient de ne pas descendre en deçà. Cet équilibre doit être maintenu.
L'ANR joue un rôle très important, dans les appels à projet, en faveur de l'émergence de nouvelles équipes. D'ailleurs, ces appels à projet de l'ANR permettent parfois d'obtenir des financements pendant plusieurs années. Les dotations de l'agence visent à faciliter et à encourager l'émergence de nouvelles équipes. Il y a des laboratoires connus – voire internationalement reconnus – qui ont des problèmes de financement récurrent mais pas de problèmes de financement sur projet. Cela étant, les enveloppes de l'ANR étant contraintes, ces laboratoires mobilisent une masse importante des crédits, empêchant l'émergence de nouveaux laboratoires.
J'en viens à la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Nous aurons l'occasion dans les prochaines semaines de discuter de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur et de la stratégie nationale de recherche, outils qui avaient été prévus dans cette loi. Le législateur a eu l'intelligence, en effet, d'essayer d'inscrire notre paysage d'enseignement supérieur et de recherche dans des démarches stratégiques qui sont désormais engagées et dont nous discuterons avec vous. Avoir une vision claire, à cinq et dix ans, de ce que doivent être notre recherche et notre enseignement supérieur est assez nouveau.
Deuxième point fort – souvent oublié – de cette loi : les communautés d'universités et d'établissements (COMUE), c'est-à-dire le regroupement, sur des bases territoriales, d'universités et de grandes écoles. La France vit depuis des siècles sur cette séparation entre les grandes écoles et les universités. Or voilà que, doucement et silencieusement, nous avons engagé une transformation. Certes, elle n'en est qu'à ses débuts et connaît des hauts et des bas – le cas de l'École polytechnique en étant un exemple. Il reste que nous sommes en train d'élaborer un outil qui permettra de mettre un terme à cette séparation et de faire travailler ensemble ces deux cultures. Il y a désormais vingt-cinq COMUE. L'ensemble du territoire national est couvert. La rentrée des COMUE a eu lieu dernièrement. C'est un levier d'une grande richesse, source de transformation du paysage pour les années qui viennent.
Enfin, la loi a défini un point d'équilibre entre les tenants d'une organisation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche et ceux qui étaient très favorables à l'autonomie. La loi a définitivement réglé ce conflit, et c'est tant mieux. Force est de reconnaître en effet que si nous souhaitons avoir des universités fortes et puissantes, il y a des horizons nouveaux à ouvrir en matière d'autonomie sur plusieurs terrains. Celui, tout d'abord, des règles de fonctionnement interne – c'est l'enjeu de la simplification que nous lançons. Ensuite, celui des questions immobilières : nous n'aurons pas d'universités puissantes si nous ne trouvons pas, à terme, les moyens d'organiser la dévolution de leur patrimoine aux acteurs universitaires pour en faire des adultes à part entière. Enfin, celui du renforcement, en termes d'outils, des politiques des universités en direction du monde économique pour que celles-ci puissent à la fois avoir plus de relations avec les acteurs économiques et bénéficier de ressources propres plus importantes.
Si je devais, avec du recul, dresser la liste des points positifs de la loi ESR, je mentionnerais ces trois aspects : l'inscription de notre paysage dans des stratégies, le rôle majeur des COMUE qui vont s'avérer, dans les années qui viennent, un vrai outil de transformation et, enfin, le règlement des querelles de chapelle sur la question de l'autonomie qui nous permet de dessiner, sans bouleverser quoi que ce soit, des champs nouveaux pour renforcer les acteurs de terrain.
Le PIA 2 est géré, comme vous le savez, par appels à projet, pour certains éléments, et par un jury international – notamment pour les IDEX ou les I-SITES (initiatives-science-innovation-territoires-économie). Dans quelques jours, une vague importante de dossiers IDEX ou I-SITES seront présentés à ce jury. Si je n'ai pas à m'exprimer sur ces dossiers, je puis quand même vous dire, pour les avoir tous regardés dans le détail et pour avoir reçu l'ensemble des porteurs de projet ou être allé les voir dans les territoires, que cette promotion est d'une rare qualité. Elle a été travaillée très sérieusement par les différents territoires concernés, qui ont investi du temps et de l'énergie, et elle donne à lire de notre paysage d'enseignement supérieur et de recherche un réel niveau d'excellence. Le jury sera-t-il sensible aux efforts accomplis et donnera-t-il à toutes les équipes candidates les moyens du projet qu'elles présentent ? J'en forme le voeu mais en tout cas, ceux qui ont présenté des dossiers peuvent être fiers de leur travail. D'une certaine manière, il était difficile pour eux de faire mieux que cela par rapport au contenu du cahier des charges du PIA 2.
S'agissant du PIA 3, il y a débat. Le Président de la République a d'ores et déjà annoncé un troisième programme d'investissements d'avenir pour mi-2016 et cité le chiffre de 10 milliards d'euros. Nous avons pour notre ministère plusieurs priorités. La première, à la lisière entre votre commission et celle des affaires culturelles, est celle de l'innovation pédagogique. Le numérique et les évolutions des sciences cognitives vont entraîner dans les années qui viennent un bouleversement des méthodes d'apprentissage et d'acquisition de connaissances. Cela va devenir un enjeu majeur de compétition avec les opérateurs privés pour les organismes et établissements publics qui délivrent aujourd'hui les savoirs, à commencer par les universités. Il faut donc qu'on accompagne la transformation très profonde des façons d'apprendre – l'innovation pédagogique étant en grande partie liée au numérique – pour avoir la capacité de faire face à cette compétition qui s'organise au niveau international et garder une maîtrise d'ouvrage publique de ces politiques. Il faudra donc que l'on mette fortement l'accent sur l'innovation pédagogique dans le PIA 3.
S'agissant de la recherche, nous réfléchissons actuellement aux thématiques à retenir, avec le Commissariat général à l'investissement (CGI) mais aussi grâce aux outils d'analyse et d'évaluation des politiques mises en place dans les PIA 1 et 2. Deux évaluations sont actuellement en cours : l'une a été confiée par le CGI à France stratégie, l'autre est menée par les services du CGI lui-même. À cela s'ajoute le travail d'évaluation que nous avons confié à Mme Suzanne Berger, qui rendra ses conclusions à la fin du mois de janvier. C'est à l'issue de ces différentes évaluations que nous pourrons élaborer un contenu précis pour le PIA 3 en matière de recherche, domaine qui doit être un des éléments structurants du PIA.
D'ailleurs, on parle de PIA 3 mais je me demande si l'on ne devrait pas plutôt parler de « nouveaux PIA » car il y a des éléments de nouveauté dans la définition du cahier des charges et dans la façon d'attribuer les projets. Lorsque l'on réfléchit vraiment à partir d'une feuille blanche, ce qui est le cas pour le PIA 3, il n'y a pas de raison de s'interdire un peu d'innovation.
S'agissant du rôle des régions, j'aimerais savoir ce qui va se passer. Après avoir lu avec attention l'intégralité des discours d'investiture de tous les présidents de région, je ressors en effet de cet exercice avec une véritable interrogation. Pour résumer, tous les présidents de région sont conscients que le développement économique est un enjeu majeur mais très peu d'entre eux articulent ce développement économique avec la recherche et le rôle des universités sur leur territoire. Je n'ai pas de conseil à leur donner mais je suis, pour ma part, totalement persuadé que c'est par la puissance des organismes de recherche en région et des universités que se construisent les bases durables du développement économique.
D'autre part, si les régions ont la compétence en matière de développement économique, la compétence en matière universitaire et de recherche reste nationale. J'ai l'intention de rencontrer plusieurs présidents de région, là aussi de toutes convictions, pour leur proposer une discussion sérieuse sur ce que nous pouvons d'ores et déjà expérimenter en matière de développement économique et d'universités, tant je mesure le rôle central de ces dernières. Dans les prochaines semaines, j'irai voir ceux qui accueillent cette volonté d'expérimenter de nouveaux modèles.
Monsieur Dino Cinieri, la question du succès des étudiants en première année est tout à fait importante. Je vais vous faire une confidence – ce point, en effet, n'a pas encore été mentionné publiquement : nous sommes en train de chercher quelques universités qui seraient prêtes à expérimenter des modules spécifiques de préparation à la réussite dans le cadre d'une première année qui serait structurée différemment.
Madame Jeanine Dubié, nous nous sommes rendu compte tardivement du risque de distorsion de concurrence que vous avez souligné. Il est donc probable qu'au cours du prochain débat parlementaire, des amendements au projet de loi sur la biodiversité seront déposés sur ce point. S'agissant des pôles de compétitivité et de la recherche, nous sommes en pleine réflexion sur les outils de l'innovation. Sur nombre de territoires, on voit se dessiner l'intérêt que pourrait avoir le rapprochement entre les IRT et les pôles de compétitivité : les premiers sont des plateformes technologiques, les seconds structurent une filière. J'ignore si cela doit se faire, à quel rythme et si les acteurs concernés seront volontaires mais il y a là matière à travailler ensemble. La mission que nous avons confiée à Mme Suzanne Berger est aussi suivie par M. Emmanuel Macron de manière que nous cheminions de concert.
Vous avez complètement raison, Mme Catherine Troallic : la situation des jeunes docteurs est l'un des problèmes majeurs du pays en matière de recherche. Il faut d'abord rappeler aux entreprises les dispositifs incitatifs qui existent et qui sont trop peu utilisés – notamment la bonification du crédit d'impôt recherche : lorsqu'on embauche un jeune docteur pour son premier contrat à durée indéterminée, le taux du CIR est doublé, tant pour le salaire du chercheur que pour les crédits de fonctionnement. Ensuite, il apparaît au terme d'une étude très minutieuse que nous avons menée avec des entreprises de toutes tailles que lorsque ces dernières embauchent des docteurs, elles y trouvent un intérêt qu'elles ne soupçonnaient pas. Elles découvrent, d'une part, des profils d'individus totalement préparés à la recherche collaborative. Les méthodologies de formation des docteurs à l'université sont aujourd'hui assez horizontales – parfois d'ailleurs à l'échelle de la planète car les doctorants collaborent avec d'autres équipes. Les jeunes doctorants maîtrisent donc totalement tous les outils de ce que la mode anglo-saxonne nous fait appeler désormais l'open innovation. Finalement, les entreprises auraient bien tort de différer la possibilité pour elles de se mettre à cette méthode d'innovation en ne recrutant pas des docteurs. D'autre part, les docteurs connaissent parfaitement l'état de l'art de leur domaine scientifique dans le monde entier. Ils savent où sont les équipes qui travaillent sur tel domaine voisin de leur objet de recherche. Ils sont donc là encore des accélérateurs d'innovation évidents. C'est si vrai que nous avons trouvé un groupe d'ambassadeurs ayant utilisé de jeunes docteurs dans les entreprises et qui désormais sont en train de se structurer comme une équipe de promotion des docteurs dans l'entreprise privée. Il faut absolument le faire car seuls 25 % des docteurs vont travailler en entreprise quand l'emploi privé de chercheurs s'élève à 60 %. Autrement dit, il devrait y avoir beaucoup plus de jeunes chercheurs qui se dirigent vers les entreprises si ces dernières voulaient bien leur ouvrir la porte.
Cela ne veut pas dire qu'il faille désespérer de l'embauche publique de jeunes docteurs. Je me réjouis, de ce point de vue, que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ait décidé cette année d'ouvrir plus de postes de chercheurs qu'il n'en faudrait pour assurer le simple remplacement de ceux qui partent à la retraite. Peut-être faut-il réfléchir à d'autres actions. Vous avez déjà évoqué l'agrégation. Il y a aussi des actions à mener dans l'administration où le développement de la culture de recherche est absolument indispensable. Ainsi, le ministère de l'intérieur a besoin de réfléchir sur les connaissances des sciences humaines et sociales en matière de sécurité et de terrorisme. Or pour que ces savoirs très précis irriguent les décideurs publics, l'administration a besoin de se doter d'une interface qui comprenne le langage des chercheurs et qui l'apprécie, ce qui n'est pas forcément le cas des d'autres cadres supérieurs de l'État, à la formation différente. Il convient donc de favoriser le recrutement de docteurs pour renforcer la capacité de nos administrations à être en phase avec l'aile avancée de la recherche. Enfin, il convient sûrement de mener une action en faveur des jeunes docteurs, au-delà de ce qui se fait naturellement, afin de faire passer un message à la jeune génération.
Monsieur Philippe Le Ray a posé des questions auxquelles j'ai partiellement répondu en évoquant les politiques d'innovation, le retour sur investissement, y compris pour ceux qui produisent la recherche et l'innovation. Poser la question de savoir si la fiscalité de la recherche est adaptée, c'est revenir à celle du crédit d'impôt recherche, sanctuarisé dans ses règles pendant tout le quinquennat. Cette sanctuarisation ne signifie pas que l'on ferme les yeux sur le CIR mais que l'on se donne du temps pour bien analyser son impact sur le comportement microéconomique des entreprises.
J'observe tout d'abord que ce crédit d'impôt recherche, contrairement à ce que l'on dit généralement, est stable depuis trois ans. Il a donc atteint un régime de croisière. Ensuite, il est plus intéressant pour les PME que pour les grandes entreprises. Si l'on compare la contribution des petites entreprises aux dépenses de recherche privée et celle des grandes entreprises, on se rend compte que la part du CIR obtenue par les PME est supérieure en pourcentage à la part qu'elle représente dans la recherche privée. Je pense qu'à moyen terme, le crédit d'impôt recherche peut être bonifié. Il doit permettre d'embaucher plus de docteurs dans les entreprises et de développer davantage la recherche partenariale c'est-à-dire la recherche que les entreprises confient à des organismes ou à des universités. D'ailleurs, les outils incitatifs existent déjà mais on se rend compte que, bien souvent, les entreprises ne les connaissent pas.
La coopération européenne démarre et l'on manque probablement du recul nécessaire pour mesurer si elle est insuffisante ou pas. Je suis frappé par le nombre de grands projets européens qui se font aujourd'hui en collaboration internationale. J'étais ce matin à Bruxelles pour aborder les enjeux de l'espace : la collaboration européenne est encore plus nette dans le domaine spatial. Seule l'équipe d'Europe de l'espace est capable de mettre sur pied Ariane 6, Copernicus et Galileo, les satellites d'observation. Cette équipe se dote aussi de nouveaux outils d'observation des pollutions au carbone par satellite – tels que les projets Merlin et MicroCarb. Il convient absolument de veiller à ce que les crédits qui ont été alloués à la recherche pour les années à venir ne soient pas victimes des difficultés budgétaires actuelles de la Commission européenne. Cette dernière a en effet de nouvelles politiques à financer – tel l'accueil des réfugiés – et des régulations budgétaires seront probablement décidées en 2016. Il serait catastrophique que ces dépenses de recherche, qui sont des dépenses d'avenir à fort contenu transnational, et donc symboliques de ce que l'Europe peut apporter, ne soient consolidées. Au moment où l'Europe doute d'elle-même, c'est ce type de politique qui illustre ce que nous avons encore à faire ensemble.
Monsieur Hervé Pellois, ce n'est pas – comme vous le savez – le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui finance l'École polytechnique. J'aurais aimé avoir la moitié de cette somme et, si tel avait été le cas, ce n'est pas à Polytechnique que je l'aurais donnée… Après avoir rencontré quelques problèmes, inhérents à la difficulté de dépasser la segmentation traditionnelle entre grandes écoles et universités, Polytechnique comme l'ensemble des acteurs de Paris-Saclay ont déposé un dossier auprès du CGI pour leur rapport IDEX qui va être évalué en même temps. Je veux croire que cet acte symbolique, qui a succédé de quelques jours à la réunion dont vous avez parlé, marque la volonté de ces acteurs, à la fois d'avoir leur propre logique de développement mais aussi et surtout de nourrir ensemble un grand projet à Paris-Saclay. Cela sera bénéfique non seulement à la région Île-de-France mais aussi à la France et à son image au niveau mondial. En effet, 15 % de la recherche du pays se trouvant sur ce territoire-là, il importe que la situation progresse dans le bon sens.
Monsieur Lionel Tardy a évoqué les problèmes de récupération des créances que rencontrent nombre d'entreprises bénéficiaires du CIR. Plusieurs mesures de simplification ont été prises. J'en tiens le détail à votre disposition, monsieur le député. Le comité consultatif que vous avez cité constitue un progrès : ce lieu permettra enfin aux entreprises d'avoir un interlocuteur auquel s'adresser pour contester un contrôle. Cet organisme a été mis en place il y a quelques semaines. Nous nous donnons l'année 2016 pour vérifier qu'il atteint bien ses objectifs. S'il s'avère insuffisant pour régler les problèmes qui se posent, nous pourrons toujours songer à des améliorations.
Monsieur Jean-Pierre Le Roch, monsieur Antoine Herth et monsieur Yves Daniel ont posé des questions relatives à l'agriculture et à l'innovation, programme auquel nous avons travaillé conjointement avec le ministère de l'agriculture. Ce comité de pilotage s'est réuni plusieurs fois déjà et se réunira dans quelques jours encore. Il présente la particularité d'associer toutes les parties prenantes du monde agricole et de celui de la recherche – non seulement les opérateurs de recherche mais aussi les agriculteurs et leurs représentants eux-mêmes. Dans ce domaine comme dans d'autres, il nous a semblé que c'était l'interdisciplinarité qu'il fallait valoriser. L'évolution de la production agricole dépend de facteurs à la fois technologiques, climatiques mais aussi sociologiques. Il ne sert à rien de réaliser des progrès technologiques si ceux et celles qui font l'agriculture ne les intègrent pas dans leurs pratiques. Et cela relève du pilotage managérial ou des sciences humaines voire de la formation. Ces mesures ont été annoncées il y a peu de temps. Elles font suite aux annonces présidentielles de l'année dernière et seront détaillées à l'occasion du prochain salon de l'agriculture.
Je soulignerai également l'annonce d'un grand programme international « 4 pour 1000 », proposé par l'INRA, pour la séquestration du carbone organique dans les sols. Il vise à une utilisation plus importante du sol pour capter le carbone. La France va piloter ce programme au niveau international, ce qui illustre que notre méthodologie est la bonne.
Monsieur Jean-Claude Mathis, aucune priorité n'est accordée aux étudiants étrangers pour l'obtention de logements étudiants. En revanche, il est vrai qu'il y a une pénurie de ce type de logements. C'est pourquoi Mme Geneviève Fioraso avait fixé l'objectif de 40 000 nouveaux logements étudiants d'ici à la fin de l'année 2017 : 11 912 logements ont été livrés en 2013-2014 et 8 810 en 2015. Ainsi, 20 722 places ont été créées en trois ans. Nous tiendrons donc notre engagement de création de 40 000 logements – seule manière de répondre au besoin pressant de logements étudiants. J'ajoute que dans nos réflexions sur l'immobilier universitaire, qu'il faudra à terme rétrocéder aux universités, j'intègre la question du foncier disponible qui devra lui aussi être rétrocédé aux universités – ce qui permettra d'augmenter encore la capacité à répondre aux besoins de logements étudiants.
Enfin, Madame la présidente, le projet de loi pour une République numérique présente des enjeux considérables pour la recherche et les chercheurs, tels que la durée d'embargo et le data mining. Nous suivrons donc avec grande attention vos débats.
La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Corinne Erhel, l'examen des articles du projet de loi pour une République numérique (n° 3318).
La Commission des affaires économiques s'est saisie pour avis du projet de loi pour une République numérique, comme l'ont fait la commission des affaires culturelles et de l'éducation, la commission des affaires sociales et, pour observations, la commission des affaires européennes. Sur les quarante-huit articles que comporte le projet, la Commission en a retenu trente, sur lesquels cent cinquante amendements environ ont été déposés.
Le numérique est un levier incontournable de croissance, d'emploi et de progrès social. C'est donc un sujet majeur, dont le Gouvernement et la majorité se sont largement emparés, lui donnant une nouvelle dimension et une nouvelle ambition, à la hauteur des enjeux.
Le texte de loi pour une République numérique que nous examinons aujourd'hui est l'un des volets de cette ambition et s'inscrit dans la continuité de la réflexion et de la démarche engagées par le Gouvernement depuis 2012 pour favoriser ce gisement de valeur et renforcer la confiance des citoyens.
Il vient compléter des textes législatifs déjà examinés – sur les télécoms et le très haut débit (TDH) notamment – ou à venir – sur les nouvelles opportunités économiques. Fruit d'une consultation d'ampleur, il donne aujourd'hui au législateur l'occasion de s'emparer de sujets-clefs tant pour le citoyen que pour l'État et les acteurs économiques.
Structuré autour de quatre titres, le projet de loi traite de nombreux enjeux et pose un grand nombre de questions dont certaines relèvent de la compétence de notre commission qui, à ce titre, s'est saisie de trente articles sur quarante-huit.
Le texte introduit ainsi dans son titre Ier des dispositions destinées à favoriser la circulation des données et du savoir – articles 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 17 et 18 ; il y est notamment question d'open data pour les données publiques, mais aussi de recherche.
Le titre II, quant à lui, est consacré à renforcer la protection et la confiance dans la société numérique, valeurs au fondement d'internet, essentielles aux échanges et à la croissance. Les articles concernés nous permettront de revenir sur la régulation de l'environnement économique numérique – aux articles 19, 20, 22 et 23 – ainsi que sur les droits des consommateurs et utilisateurs en ligne – aux articles 21, 24, 25, 30 et 34.
Le titre III, enfin, est consacré au renforcement de l'accès au numérique, tant dans les territoires – articles 35 à 39 –, qu'au travers de nouveaux usages – articles 40 à 42 – ou en renforçant l'accessibilité des services internet pour les personnes en situation de handicap ou de précarité économique – articles 43, 44 et 45.
Il ressort des nombreuses auditions que j'ai pu mener dans le cadre de ce rapport que les intentions défendues dans ce texte vont globalement dans le bon sens. Après avoir à de nombreuses reprises, et notamment à l'occasion du rapport que j'ai rédigé avec Mme Laure de La Raudière sur le développement du numérique en France, appelé à mener des transformations décisives pour notre avenir, je ne peux pour ma part que me réjouir de l'ambition portée aujourd'hui par la France. Je tiens toutefois à souligner quelques points, qui ont guidé mes travaux sur ce texte.
En premier lieu, si la France souhaite être moteur sur ces sujets clefs, incontournables pour l'avenir de nos pays au sein de l'Union européenne, il nous incombe de nous assurer que ce volontarisme n'aille pas à l'encontre des avancées en cours à Bruxelles – je pense notamment au règlement télécoms, voté le 25 novembre, au règlement relatif aux données personnelles et à la consultation sur la question des plateformes. La cohérence du projet de loi avec la législation européenne est d'autant plus essentielle que, face à des phénomènes globalisés, l'échelon communautaire est le plus pertinent pour traiter de ces enjeux.
Ce projet de loi doit ensuite garantir la protection des données personnelles et du secret des affaires, tout en dessinant un cadre attractif permettant l'émergence d'offres et d'acteurs innovants. Il me semble en effet essentiel ne pas brider l'innovation et d'assurer aux acteurs du numérique, comme à n'importe quel acteur économique du monde réel, la protection de leur valeur ajoutée et une concurrence équitable. Je suis dans le même temps convaincue de l'importance de donner aux citoyens français et à nos entreprises la pleine conscience de la valeur de leurs données, de leur degré de sensibilité mais aussi des enjeux futurs, afin qu'ils en restent maîtres, en assurent une diffusion contrôlée, consentie et réversible.
Le développement de ces offres et de ces nouveaux gisements de valeur, et notamment d'une réelle économie de la donnée, ne se fera qu'à la condition que soient assurées la confiance des utilisateurs et leur pleine maîtrise des enjeux. Loin d'être des objectifs antagonistes, ce sont, à mon sens, deux objectifs complémentaires que nous devons poursuivre avec détermination.
Je veux également insister sur le fait que le temps législatif et le temps de l'économie, de l'innovation ne sont pas les mêmes, notamment dans un contexte où les cycles d'innovation se raccourcissent et où les révolutions sont permanentes. Il nous faut donc faire preuve d'humilité et de sagesse en écrivant et en amendant cette loi visant à encourager et à encadrer des dynamiques dont nous ne pouvons pas encore imaginer quels contours elles auront dans dix ans, ni même dans cinq ou deux ans.
Dernier point enfin, très lié au précédent : la réalisation de solides études d'impact est indispensable, en particulier lorsqu'il s'agit d'écosystèmes aussi complexes que celui des acteurs numériques, où les effets de bord ne sont pas toujours bien mesurés. C'est à ce titre que j'ai pu regretter, après une étude d'impact solide sur le titre Ier, la fragilité de certaines démonstrations concernant les titres II et III.
Vous l'aurez compris, la tâche est ardue et les enjeux de taille, mais je ne doute pas que nous saurons trouver un équilibre satisfaisant et être à la hauteur du défi qui nous est posé.
Le projet de loi pour une République numérique que nous nous apprêtons à examiner aujourd'hui constitue une opportunité majeure face au défi que le numérique pose à nos sociétés, à nos économies, à nos cultures et à nos démocraties.
Le numérique est un outil qui, comme tout outil, peut, selon l'usage que l'on en fait, servir ou desservir les valeurs que nous défendons. Il peut tour à tour se faire menace pour nos systèmes de solidarité – c'est l'ubérisation – ou constituer une chance inespérée de refonder notre pacte social.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement agit en matière de numérique en favorisant le développement de l'offre, grâce notamment au financement de l'innovation, à la valorisation de nos entrepreneurs à l'étranger – la French Tech –, le déploiement du très haut débit, au plan « France très haut débit » ou encore en faisant entrer l'école dans l'ère du numérique.
La loi sur les nouvelles opportunités économiques (Noé) et la future réforme du travail traiteront des adaptations nécessaires de notre système de protection sociale aux nouvelles formes de relations de travail issues de l'économie numérique. L'objet de cette loi, quant à elle, est de créer un cadre ouvert et concurrentiel pour orienter l'outil numérique dans un sens vertueux, vers l'innovation et la création économique, en permettant la libération des énergies au bénéfice du plus grand nombre, tout en protégeant nos concitoyens et en démocratisant les usages et les accès au numérique.
Trois axes structurent et équilibrent l'ensemble du projet de loi, au premier rang desquels la circulation des données et du savoir, en d'autres termes la question de l'open data. L'open data, accès gratuit aux données publiques, nous offre une chance historique de générer la création de nouvelles activités économiques, de nouveaux emplois mais aussi de faire émerger des innovations de rupture grâce aux usages inattendus qui seront faits de ces données.
L'open data pourra également améliorer la qualité des services rendus à la population par les entreprises traditionnelles mais aussi par l'État et les collectivités territoriales, et donc la vie quotidienne des citoyens. Certaines études estiment ainsi que sa systématisation fera gagner en moyenne trente-cinq heures par an à ceux qui utilisent les transports en commun, ou encore qu'elle permettra d'économiser trois trillions de tonnes de carbone dans les émissions des immeubles : en Grande-Bretagne, le croisement des données ouvertes a permis, en seulement deux mois, une diminution de 30 % de la facture énergétique dans les bâtiments publics.
Mais pour que l'open data révèle tout son potentiel, il est essentiel de lever les freins à la publication des données. La secrétaire d'État Axelle Lemaire l'a bien compris et propose de clarifier la législation concernant l'utilisation et la qualité de ces données, de façon qu'elles soient compréhensibles et exploitables par les citoyens, les entreprises et les services publics. Dans cette perspective, l'article 4 du projet de loi pose le principe de « l'open data par défaut », autrement dit de la systématisation de la publication des documents administratifs : sous couvert de changement juridique, c'est un véritable changement culturel qui s'amorce. Dans ce même esprit, je salue la création d'un « service public de la donnée », chargé de garantir un accès de tous à des données de qualité.
Autre avancée : l'introduction dans le droit de la notion de « données d'intérêt général », qui impose aux délégataires de mission de service public et, à des fins statistiques, à certaines entreprises privées, la communication de certaines données.
Tout cela permettra à la France de rester à l'avant-garde dans ce secteur pionnier où elle est d'ores et déjà très bien positionnée, entre le troisième et le quatrième rang mondial selon les classements.
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la protection des droits dans la société du numérique. Il s'agit d'encadrer certaines pratiques des acteurs du net, à travers l'affirmation du principe de neutralité du net et de loyauté des plateformes, la création d'un droit de portabilité des données ou encore l'introduction de nouveaux droits pour la protection de la vie privée en ligne.
Enfin, le troisième axe du projet de loi s'organise autour de l'accès au numérique, condition de base pour l'intégration de tous dans la République du numérique. Il comporte des mesures favorisant l'obligation de couverture mobile du territoire pour les opérateurs, des mesures d'aménagement numérique du territoire pour faciliter la mise en oeuvre des programmes déjà existants, notamment le Plan France très haut débit, des mesures d'entretien du réseau de téléphonie fixe, reprises de la proposition de loi de M. André Chassaigne, que nous avons adoptée à l'unanimité mais qui se trouve malheureusement bloquée au Sénat, et, enfin, des mesures en faveur de publics spécifiques comme les personnes sourdes et malentendantes ou les ménages financièrement fragiles, qui pourront voir maintenue leur connexion internet en cas d'impayés.
Dans le cadre de ce troisième volet, je présenterai un amendement visant à garantir un déploiement homogène du très haut débit optique à l'échelle d'une commune, pour éviter le risque d'un déploiement partiel, couvrant uniquement les centres-bourgs des communes rurales.
Pour conclure, le groupe Socialiste, républicain et citoyen souhaite donc adresser un très large satisfecit au Gouvernement pour la préparation sérieuse, démocratique, et originale de ce texte.
Ce projet de loi ne concerne que de manière indirecte notre commission car il ne comporte pas, à proprement parler, de dispositions économiques, celles-ci étant renvoyées à une éventuelle loi « Macron 2 », découpage que l'on ne peut que regretter.
Il n'empêche que l'ouverture des données ou la régulation des plateformes auront une incidence sur l'écosystème numérique français. Ces incidences ont malheureusement été sous-évaluées par ce projet de loi, comme en témoigne l'étude d'impact.
Nous voulons néanmoins saluer le travail de la rapporteure pour avis, qui a dû balayer quasiment la totalité du texte – trente articles sur quarante-cinq. Je me concentrerai pour ma part sur certaines dispositions qui posent problème, celles touchant aux liens entre entreprises privées et statistiques publiques, celles recommandées par l'ARCEP ou touchant à la couverture mobile et surtout celles contenues dans les articles 21 à 23, qui concernent la portabilité et la loyauté des plateformes.
Je vois à ce texte un défaut majeur : si chaque pays entreprend de mettre en place sa propre réglementation, autant donner tout de suite à nos entreprises du numérique un visa pour les États-Unis, surtout lorsque la réglementation que l'on veut mettre en place est plus sévère que celle envisagée au niveau européen. J'espère pour ma part que notre commission saura raison garder et fera preuve de bon sens en amendant ces articles, afin de prendre en compte les réalités techniques auxquelles sont confrontés celles et ceux dont l'activité principale se trouve sur internet.
Ma première remarque concerne le titre de ce projet de loi « pour une République numérique » que je trouve un peu pompeux, notamment au regard des promesses qu'il ne tient pas. Comment imaginer en effet un projet de loi pour une République numérique sans un mot sur l'éducation, la formation, la santé, la culture ou l'emploi ? Pour la lisibilité de l'action politique, il me semble que, si l'on veut répondre aux attentes des Français et regagner leur confiance, nous devons rebaptiser ce texte.
Vous avez, Madame la rapporteure, souligné que ce texte venait en compléter d'autres, dont certains sont en préparation. Ce morcellement contribue selon moi à rendre la politique du Gouvernement illisible, alors que le numérique nécessite de la pédagogie.
Vous avez également insisté sur le fait que nous devions être attentifs à la cohérence de ce projet de loi avec la législation européenne, ce qui me semble être une manière choisie de suggérer que nous aurions meilleur compte à porter nos ambitions en matière de numérique au niveau européen, au lieu de légiférer au niveau national, dans la mesure où la portabilité des données personnelles va faire l'objet d'un règlement européen, d'application immédiate.
Enfin, vous avez souligné la faiblesse de l'étude d'impact sur ce qui concerne les plateformes et la difficulté d'application de certaines mesures du titre II.
Je ne vous rejoins que partiellement lorsque vous affirmez qu'il faut encadrer les nouvelles pratiques et les nouveaux usages de l'économie numérique. Il me semble que cela serait prématuré et qu'encadrer un secteur extrêmement mouvant, en phase d'innovation et de développement relève d'une approche très conservatrice.
Pourquoi cette loi en définitive ? Le titre Ier consacré à l'open data est certes intéressant mais nous avons déjà adopté deux textes sur le sujet, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), en août 2015, et la loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public (dite « loi Valter »), en décembre dernier. Il n'est donc pas très sérieux d'ajouter un troisième texte. Quant au titre II, il ne me paraît pas indispensable puisqu'il concerne des sujets du ressort européen. Certaines mesures éparses du titre III sont également intéressantes mais auraient pu être rattachées à d'autres textes en préparation.
Les propos de Mme Laure de La Raudière sont d'autant plus sévères que ce projet de loi, qui touche à des questions aussi essentielles que les libertés individuelles, la protection des données et l'information, a fait l'objet d'une très large consultation, ouverte sur internet à tous les citoyens, qui ont pu s'exprimer sur le sujet.
J'estime pour ma part que ce texte mérite d'être amendé en ce qui concerne les régions et les départements d'outre-mer. En matière de continuité territoriale en effet, il ne sera jamais possible de rapprocher physiquement la Martinique de la Bretagne. Il nous faut donc trouver d'autres moyens d'abolir la distance, et le numérique permet précisément une forme de continuité territoriale.
À ce titre, je suis d'accord avec Laure de La Raudière pour considérer qu'il est essentiel que notre développement numérique soit appréhendé en lien avec le développement économique. Aux Antilles, cela implique de prendre en compte les interconnexions régionales, car nous sommes géographiquement loin de l'Europe et connectés au réseau par un câble en provenance de Miami.
Par ailleurs, le schéma directeur territorial d'aménagement numérique (SDTAN) ne sera utile que s'il est accompagné d'un schéma directeur des usages du numérique (SDUN), qui permette de développer conjointement l'activité économique et l'emploi, dans une dynamique de progrès, à travers notamment des processus de partage. Nous souhaitons en la matière apporter notre contribution au projet de loi, peu bavard sur le sujet.
Enfin, en ce qui concerne l'information et la protection des personnes, je m'inquiète de l'ambiguïté du projet de loi sur la question du droit de réponse. Celui-ci existe en presse écrite ; dans le domaine numérique en revanche, les délais impartis pour formuler ce droit de réponse ne garantissent ni son effectivité ni l'application d'éventuelles sanctions à l'auteur du préjudice. Sans doute conviendrait-il dans ces conditions d'appliquer à la presse numérique les règles en vigueur dans la presse écrite.
Monsieur Fabrice Verdier, vous avez à juste titre souligné l'importance de ce nouveau « service public de la donnée » que le texte met en oeuvre et qui devrait favoriser l'essor de nouveaux services et de nouveaux usages.
Monsieur Lionel Tardy, la portabilité et la loyauté sont en effet des notions souvent mis en exergue par les acteurs que j'ai auditionnés. Il s'agira en effet de trouver le point d'équilibre, de manière à rendre les dispositifs mis en oeuvre le plus efficient possible.
Madame Laure de La Raudière, vous contestez le titre de ce projet de loi ; je considère pour ma part qu'il faut parfois savoir être ambitieux.
En ce qui concerne la cohérence du texte avec les normes européennes, c'est précisément à aboutir à une rédaction qui la préserve tout en garantissant la protection des utilisateurs et des consommateurs ainsi que l'innovation que nous devons travailler.
Quant à vos interrogations sur la pertinence d'une nouvelle loi, il me semble que n'envisager qu'une seule réforme – en début de législature – aurait été un choix rapidement obsolète compte tenu de la rapidité des cycles d'innovation. Nous avons donc opté pour plusieurs textes de loi.
Monsieur Serge Letchimy, je compte en effet sur vous pour amender le texte et y intégrer les préoccupations des populations ultramarines, qui en sont absentes en l'état. Car, comme vous le dites, la connectivité est bien l'une des clefs du développement économique, de la croissance et du progrès social.
La Commission en vient à l'examen des articles dont elle s'est saisie pour avis.
Douze amendements ont été déclarés irrecevables ; les amendements CE35 et CE20 de Mme Laure de La Raudière, l'amendement CE2 de Mme Delphine Batho et l'amendement CE32 de M. André Chassaigne, parce qu'ils se situaient hors du champ de la saisine pour avis ; les amendements CE56, CE62 et CE64 de M. Sergio Coronado, l'amendement CE30 de M. André Chassaigne, les amendements CE77, CE79, CE72 et CE74 de Mme Isabelle Attard, parce qu'ils se trouvaient hors du champ de compétences de la Commission ; l'amendement CE137 de Mme Jeanine Dubié, l'amendement CE4 de M. Lionel Tardy, l'amendement CE47 de Mme Marianne Dubois et l'amendement CE75 de M. Sergio Coronado ont enfin été déclarés irrecevables au titre de l'article 40.
TITRE IER
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR
Chapitre Ier
Économie de la donnée
Section 1
Ouverture de l'accès aux données publiques
Article 3 (art. L.312–1 du code des relations entre le public et l'administration) : Ouverture par défaut des documents et données administratifs
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 (art. L.312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l'administration) : Ouverture par défaut des documents et données administratifs
La Commission examine l'amendement CE42 de Mme Laure de La Raudière.
Il s'agit de préciser l'article 4 en excluant de son champ toutes les données relatives au savoir-faire industriel de l'entreprise. Les entreprises en charge d'une mission de service public industriel et commercial comme La Poste ou ERDF sont en effet en possession de données stratégiques et industrielles parfois sensibles qu'elles ne doivent pas être dans l'obligation de mettre à disposition du public.
Votre amendement précise que le secret couvre le savoir-faire de l'entreprise, notion qui n'est pas précisément définie. Je suis donc favorable à votre amendement, sous réserve qu'il soit rectifié et qu'aux mots : « du savoir-faire » soient substitués ceux : « des compétences spécifiques ».
La Commission adopte l'amendement CE42 ainsi rectifié.
Puis elle en vient à l'examen de l'amendement CE85 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement vise à insister sur le fait que les données publiques doivent non seulement être disponibles mais qu'elles doivent l'être aisément. L'article 4 dispose que seuls les documents disponibles sous format électronique seront concernés par l'ouverture des données. Nous proposons d'assouplir cette condition afin que ne soient pas immédiatement exclus du champ d'application les documents non numérisés alors qu'ils peuvent l'être facilement et avoir un grand intérêt en termes d'innovation ou d'amélioration de la transparence de la vie publique.
Je suis favorable à cet amendement s'il peut être modifié pour préciser que « ces documents sont disponibles sous forme électronique ou susceptibles d'être aisément numérisés ».
La Commission adopte l'amendement CE85 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE24 de Mme Laure de La Raudière et CE52 de M. Sergio Coronado.
La loi fixe un seuil de 250 agents à partir duquel les administrations seront tenues de rendre publiques leurs données. Je comprends que pour les administrations ou les collectivités qui disposent de moins d'agents il faille plus de temps, mais pour pouvoir assurer la continuité territoriale du service public, par exemple dans le domaine des transports, il faut pouvoir associer le plus grand nombre possible de collectivités aux procédures d'open data. Je propose donc que l'obligation d'ouvrir ses données soit étendue aux administrations ou collectivités dont le nombre d'agents est compris entre cinquante et deux cent cinquante dans un délai de trois ans à compter de l'application de cette même obligation pour les personnes morales dont le nombre d'agents ou de salariés est supérieur à deux cent cinquante.
Nous proposons de supprimer le seuil de deux cent cinquante agents à partir duquel les administrations seront tenues de rendre publiques leurs données, car il ne nous paraît guère pertinent. De petites administrations peuvent en effet produire et fournir des données tout aussi cruciales et importantes que de grandes administrations. Quant à la difficulté à publier des données en open data, elle n'est pas proportionnelle à la taille des administrations.
Il me semblerait souhaitable que Mme de La Raudière retire son amendement et le retravaille en s'assurant que les administrations concernées – au-delà de cinquante agents – disposent toutes de services susceptibles de procéder à la mise en ligne de leurs données. Le seuil de deux cent cinquante agents a été établi avec l'idée de garantir que les administrations concernées seraient assez structurées pour procéder immédiatement à la publication de leurs données.
S'agissant de l'amendement CE52, de même, il faut s'assurer que le seuil est défini de telle sorte que les administrations ne soient pas dans l'incapacité de faire ce qu'on leur demande, ce qui les exposerait à un risque de contentieux. C'est la raison pour laquelle le seuil de 250 agents ou salariés a été retenu, à l'issue d'une réflexion en amont. Avis défavorable par souci d'efficacité et d'applicabilité de la mesure.
Les amendements CE24 et CE52 sont retirés.
La Commission est saisie de l'amendement CE145 de la rapporteure.
Cet amendement vise à apporter une précision juridique, en spécifiant bien que les documents dont il est question sont des documents « administratifs ».
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement CE146 de la rapporteure, l'amendement CE25 de Mme Laure de La Raudière, l'amendement CE86 de Mme Jeanine Dubié et l'amendement CE53 de M. Sergio Coronado.
Mon amendement a deux objets : d'une part, circonscrire le champ des données que sont tenues de publier les administrations et les personnes chargées d'une mission de service public, la rédaction actuelle de l'alinéa 5 autorisant une interprétation extensive ; d'autre part, réduire le pouvoir que la rédaction actuelle de l'alinéa 6 confère aux administrations, en ne leur laissant plus le soin d' « estimer » quelles données présentent un intérêt économique, social ou environnemental.
Mon amendement vise à supprimer l'alinéa 6, qui rend tout l'article 4 potentiellement inopérant : si les administrations peuvent décider quelles données présentent un intérêt économique, social ou environnemental, sans l'intervention d'une personne tierce, elles seront à la fois juge et partie. Elles pourront d'ailleurs estimer en toute bonne foi qu'une donnée ne présente aucun intérêt économique, alors qu'un acteur privé pourra lui trouver un tel intérêt.
Mon amendement va dans le même sens que celui de Mme la rapporteure. Afin de ne pas laisser un pouvoir potentiellement arbitraire aux administrations, qui pourraient restreindre le champ d'application de l'article si elles se montraient récalcitrantes, il nous semble utile de préciser que l'intérêt économique, social ou environnemental doit être apprécié de manière objective, ainsi qu'en disposait l'avant-projet de loi.
D'autre part, nous proposons d'élargir le champ d'application de l'article à toute donnée présentant un intérêt sanitaire.
De même que celui de Mme de La Raudière, mon amendement visait à modifier l'alinéa 6 de telle sorte que les administrations ne soient pas juge et partie. Je le retire au profit de celui de Mme la rapporteure pour avis.
Selon moi, la dimension sanitaire est incluse dans le champ social. L'expression « intérêt économique, social ou environnemental » doit être entendue au sens large. Avis défavorable.
Je ne partage pas votre point de vue : selon moi, la dimension sanitaire n'est pas incluse dans le champ social. Néanmoins, compte tenu de vos explications, je retire mon amendement au profit du vôtre.
On sait que certaines administrations sont réticentes à fournir des données. Leur laisser le soin d'apprécier elles-mêmes l'opportunité de les publier ne me paraît donc pas une bonne idée, car elles seraient alors juge et partie, ainsi que l'ont souligné plusieurs collègues. La rédaction que vous proposez, Madame la rapporteure, me paraît donc bienvenue.
Concernant l'alinéa 5, en revanche, si la formulation initiale prêtait à confusion, celle que vous avez retenue est plus restrictive. Il faudrait être certain que le critère de l'intérêt économique, social ou environnemental n'est pas trop restrictif et qu'il est apprécié de manière objective.
Les amendements CE25, CE86 et CE53 sont retirés.
La Commission adopte l'amendement CE146.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE122, CE123 et CE124 de Mme Jeanine Dubié.
L'amendement CE122 a pour objet de supprimer l'alinéa 7, dont la rédaction contredit l'article 106 de la loi NOTRe, codifié à l'article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales. Celui-ci prévoit que « les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent rendent accessibles en ligne les informations publiques mentionnées à l'article 10 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, lorsque ces informations se rapportent à leur territoire et sont disponibles sous forme électronique. »
Les amendements CE123 et CE124 sont des amendements de repli.
L'alinéa 7 indique bien que l'exclusion des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre auxquels elles appartiennent du champ d'application de l'article 4 est « sans préjudice des dispositions de l'article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales », lequel codifie en effet l'article 106 de la loi NOTRe.
En ce qui concerne l'amendement CE123, cela revient au même, juridiquement, d'écrire « sans préjudice des dispositions de… » ou « sauf dans le cadre des dispositions de… ».
Il en va de même pour l'amendement CE124 : à la lecture de la rédaction actuelle de l'article 7, il apparaît déjà clairement que l'article 106 de la loi NOTRe s'applique.
Avis défavorable à ces trois amendements.
Les amendements CE122, CE123 et CE124 sont retirés.
La Commission en vient à l'amendement CE54 de M. Sergio Coronado.
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 11, qui porte sur les archives publiques issues des opérations de sélection. À l'issue de ces opérations, certaines données peuvent être éliminées car on juge qu'elles sont peu importantes ou qu'elles n'apportent pas assez d'information. Si ces données existent déjà sous forme électronique, au lieu de les détruire, autant les publier sans effectuer de tri a priori : laissons le public déterminer si elles sont intéressantes pour lui ou non.
Je comprends tout à fait le sens de votre amendement, mais il pose une difficulté juridique. Aux termes de l'alinéa 11, les administrations peuvent publier les archives publiques, mais elles n'y sont pas tenues. Il s'agit de leur laisser une marge d'appréciation quant au choix des archives qui peuvent être ouvertes ou non. Or votre amendement tend à supprimer cette marge d'appréciation : si nous l'adoptons, les administrations seront tenues de publier systématiquement les archives dès lors que celles-ci sont disponibles sous forme électronique. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
L'amendement CE125 de Mme Jeanine Dubié est retiré.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 modifié.
Article 5 (art. L. 311–4 du code des relations entre le public et l'administration) : Ouverture par défaut des documents et données administratifs
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 sans modification.
Article 6 (art. 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal) : Principe de libre réutilisation des données élargi aux services publics industriels et commerciaux
La Commission est saisie de l'amendement CE55 de M. Sergio Coronado.
Cet amendement très important vise à préciser la définition des mots « aisément réutilisable » : un document aisément réutilisable doit non seulement être « lisible par une machine », mais aussi « pouvoir être exploité par un système de traitement automatisé ». Les données actuellement publiées au format PDF sont certes lisibles par une machine, mais ne peuvent pas être exploitées directement.
Cet amendement reprend une définition contenue dans la directive européenne « PSI » de 2003, qui fait l'objet du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public présenté par la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Il s'agit donc de se mettre en conformité avec la législation européenne.
Votre intention est légitime, mais votre amendement créerait une charge importante pour les administrations : la conversion systématique du stock ou du flux de documents administratifs dans un format facilement exploitable représente une opération technique assez lourde. En outre, je ne suis pas sûre que l'expression « système de traitement automatisé » soit la plus adaptée : dans la jurisprudence, elle renvoie non seulement à un ordinateur, mais aussi à un réseau électronique, à un programme ou à un système d'information. Avis défavorable.
Aucun logiciel ne permet de travailler directement sur des documents en format PDF. Prenons l'exemple des déclarations d'intérêts et d'activités que nous, parlementaires, avons adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : nous les avons remplies à la main, puis elles ont été scannées et publiées sous format PDF ; il a fallu que des centaines, voire des milliers d'internautes se regroupent pour les mettre dans un format exploitable. Pourtant, si les administrations publient des données, c'est pour qu'on puisse en faire quelque chose !
Ce projet de loi se veut un texte d'avenir sur le numérique : nous traitons de sujets importants pour le XXIe siècle. Soit nous faisons une loi utile et inscrite dans notre époque, soit nous en restons à de vieilles habitudes. Or, en continuant à publier les données au format PDF, nous sommes des dinosaures ! Je propose que nous changions les habitudes : plutôt que de publier des documents au format PDF, ce qui demande déjà un certain travail, les administrations devraient se donner la peine de créer des documents dans un format pratique en vue de leur réutilisation.
Il faut en effet changer les pratiques. Néanmoins, il est peut-être excessif d'imposer aux administrations de remettre sous une autre forme toutes les données qu'elles détiennent. Nous pourrions imaginer que les nouvelles données produites et publiées par les administrations à partir d'une certaine date le soient dans un format pouvant être exploité par un système de traitement automatisé. Nous donnerions ainsi un signal aux administrations. Je propose que nous menions une réflexion sur ce point afin de proposer un amendement pour la séance publique.
Madame la rapporteure pour avis, si c'est l'expression « système de traitement automatisé » qui pose problème, je suis preneuse d'une autre rédaction qui vous convienne mieux. Je retire mon amendement et suis en effet favorable à ce que nous le retravaillions pour la séance publique. Il s'agit de mettre en place un dispositif efficace qui succède à la publication au format PDF.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CE147 de la rapporteure.
L'article 6 vise à modifier la loi du 17 juillet 1978 afin d'élargir le principe de réutilisation libre des documents administratifs aux services publics industriels et commerciaux (SPIC). À cet égard, la loi du 17 juillet 1978 prévoit en outre les dispositions suivantes : « La réutilisation d'informations publiques est gratuite. Toutefois, les administrations mentionnées à l'article 1er peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu'elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l'accomplissement de leurs missions de service public. » Ledit article 1er ayant été abrogé, je propose que le texte renvoie désormais au nouveau code des relations entre le public et l'administration. Il s'agit non pas de brider l'ouverture des données, mais de garantir l'applicabilité de ces dispositions et de préserver ainsi le modèle économique de certains SPIC qui tirent une partie de leurs recettes d'une redevance et pour lesquels il n'existe pas actuellement de solution de compensation directe par le budget de l'État. Je pense à certains services importants tels que Météo-France, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) ou l'Institut national des archives.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 modifié.
Article 9 : Création d'un service public de la donnée
La Commission examine l'amendement CE43 de Mme Laure de La Raudière.
L'article 9 crée une nouvelle catégorie de données publiques, les « données de référence », qui sont déjà produites par des autorités administratives pour un objet déterminé, mais qui peuvent faire l'objet d'autres usages. Il définit les critères communs à toutes les données de référence et renvoie aux mesures réglementaires d'application la fixation de la liste précise de ces données, la désignation des administrations responsables de leur production et de leur diffusion, ainsi que la détermination du niveau minimal de qualité à respecter pour leur diffusion.
Or il apparaît que la portée de cet article n'est pas suffisamment précisée par la loi, ainsi que le Conseil d'État l'a relevé dans son avis sur l'avant-projet de loi : il est essentiel de préciser que les données de référence sont expressément circonscrites à celles qui se rapportent aux missions de service public exercées par les « autorités administratives », à supposer que cette expression englobe des personnes privées. En cas de flou juridique, un organisme tel que La Poste pourrait être contraint de communiquer des documents susceptibles d'entraîner une distorsion de concurrence.
Cette précision figure déjà à l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration, mais il est utile de la donner à nouveau dans le présent article. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 modifié.
Section 2
Données d'intérêt général
Article 10 (art. 40–2 [nouveau] de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. L.1411–3–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Données d'intérêt général
La Commission est saisie de l'amendement CE41 de Mme Laure de La Raudière, tendant à supprimer l'article.
Mon amendement vise à supprimer l'article 10, car, selon l'avis rendu par le Conseil d'État le 3 décembre 2015, il « entre directement en contradiction avec le projet d'ordonnance relative aux concessions par ailleurs soumis à l'examen du Conseil d'État, lequel abroge ces textes et ne donne plus à la notion de délégation de service public qu'un rôle résiduel ».
Dans son avis, l'Autorité de la concurrence relève que cette disposition est profitable, car elle garantirait davantage de transparence dans les procédures de passation de délégations de service public. Le délégataire qui souhaite la reconduction d'un contrat est, on le sait, toujours en meilleure position que les candidats entrants. L'ouverture des données constitue donc une mesure importante.
Vous soulevez la question de la bonne coordination des textes, madame de La Raudière. Or le Gouvernement va prévoir une articulation avec l'ordonnance que vous mentionnez, laquelle traitera des concessions plutôt que des délégations de service public. Selon moi, ce seul point juridique ne suffit pas à justifier la suppression de l'article 10. Avis défavorable.
Compte tenu de cette précision et de la confiance que je peux avoir dans le fait que l'ordonnance sera modifiée, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CE40 de Mme Laure de La Raudière.
Il n'est pas souhaitable que le régime d'ouverture des données puisse faire l'objet de stipulations contractuelles, ainsi que vous le proposez, car ce régime dépendrait alors de négociations entre le délégant et le délégataire. Il faut, au contraire, imposer ce régime à tous les contrats, tout en prévoyant que l'autorité délégante puisse exercer son pouvoir d'appréciation et ménager des exceptions, hors de toute pression du délégataire. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CE87 de Mme Jeanine Dubié.
L'article 10 dispose que le délégataire autorise la personne morale de droit public ou un tiers désigné par celle-ci à extraire et exploiter librement tout ou partie des données et bases de données collectées ou produites à l'occasion de l'exploitation du service public. À l'inverse, cet amendement prévoit que la personne morale de droit public ou un tiers désigné par elle peut extraire et exploiter librement ces données.
D'un point de vue juridique, une demande d'autorisation doit être formellement faite auprès du délégataire, même si celui-ci est obligé par la loi à fournir ladite autorisation. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CE57 de M. Sergio Coronado, l'amendement CE 165 de la rapporteure et l'amendement CE89 de Mme Jeanine Dubié.
L'amendement CE57 vise à supprimer les alinéas 3 et 6, qui permettent aux personnes morales de droit public d'exempter les délégataires du service public de l'obligation d'ouverture des données. Pour s'affranchir de cette obligation, il suffira donc à l'administration de recourir encore davantage aux délégations. C'est la porte ouverte à une généralisation de l'exception, qui risque de devenir la règle, ce qui serait très grave. Les sous-traitants de l'administration doivent être soumis aux mêmes obligations que l'administration elle-même, et il n'appartient pas à cette dernière de les en exempter.
Aux termes de mon amendement, les candidats à une délégation de service public seront prévenus du choix fait par le délégant d'exempter ou non le délégataire de l'obligation d'ouverture des données relatives à l'exploitation du service public. En effet, cette décision peut influer sur la nature et la dimension des offres présentées par les candidats. Elle devra être mentionnée ex ante dans le cahier des charges, afin de garantir la transparence et d'éviter toute pression sur le délégant. Cette mention ne réduira nullement la marge d'appréciation laissée au délégant en la matière.
Cet amendement vise à dresser la liste des raisons pour lesquelles le principe de l'ouverture des données peut faire l'objet d'une exemption, afin d'en circonscrire le champ.
Avis défavorable à l'amendement CE57. L'article 11 donne une marge de manoeuvre à la personne morale délégante compte tenu de la diversité et de la spécificité des délégations de service public. Pour certaines délégations d'ampleur limitée, l'ouverture des données ne se justifie pas nécessairement et pourrait créer une charge trop lourde pour le délégataire. L'administration doit donc conserver une faculté d'exemption. De toute manière, cette décision ne peut pas être prise en catimini : elle doit être motivée et rendue publique, dans un souci de transparence.
L'amendement CE89 appelle plusieurs observations : quelles sont les raisons qui conduisent à retenir ce périmètre plutôt qu'un autre ? De quelle sécurité est-il question ? D'autre part, en droit français, la notion de secret des affaires n'existe pas vraiment : on parle plutôt de secret industriel et commercial. Enfin, il faut tenir compte du fait que la personne morale délégante est tenue de respecter la loi et ne pourra pas publier des documents qui relèvent de la propriété industrielle ou dont la diffusion pourrait constituer une menace pour la sûreté de l'État, conformément au champ défini par la loi du 17 juillet 1978. Au vu de ces arguments, il conviendrait le cas échéant de proposer une rédaction plus précise en vue de la séance publique. Avis défavorable à cet amendement dans sa version actuelle.
S'agissant de l'amendement CE165 de la rapporteure pour avis, je suis favorable à l'information en amont des candidats à une délégation de service public, mais cela ne règle pas la question de l'exemption. Peut-être existe-t-il des cas où l'exemption est nécessaire, mais ils ne sont encadrés ni par le texte initial, ni par cet amendement. L'exemption a beau être motivée et rendue publique, elle est potentiellement illimitée, ce qui restreint fortement la portée de l'ouverture des données prévue par l'article 11. Selon moi, il faut revoir ce point et trouver une solution d'ici à la séance publique.
Compte tenu de la suggestion de Mme la rapporteure pour avis, je retire mon amendement. Nous allons le retravailler en vue de la séance publique.
L'amendement CE89 est retiré.
La Commission rejette l'amendement CE57.
Puis elle adopte l'amendement CE165.
L'amendement CE88 de Mme Jeanine Dubié est retiré.
L'amendement CE90 de la même auteure tombe.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 modifié.
Article 11 (art. 10 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Données d'intérêt général
La Commission est saisie de l'amendement CE151 de la rapporteure.
Il s'agit de substituer les mots : « principales données » aux mots : « données essentielles » afin de ne pas créer une nouvelle catégorie de données.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.
Article 12 (art. 3 et 3–1 [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Transmission de données de personnes morales privées à la statistique publique
La Commission examine l'amendement CE148 de la rapporteure.
L'article 12 prévoit d'ouvrir les données des entreprises privées à des fins de statistiques publiques.
Les modalités de transmission de ces données font l'objet d'une procédure très lourde, de nature à décourager l'INSEE ou les services statistiques ministériels d'engager de telles démarches. En effet, il faut successivement adresser une demande de transmission des données au ministre chargé de l'économie, recueillir l'avis du Conseil national de l'information statistique sur cette demande ; avant d'être autorisée, la transmission des données est précédée d'une étude de faisabilité et d'opportunité, rendue publique ; une fois autorisée, elle s'accompagne d'une concertation avec les acteurs privés concernés portant sur les conditions de cette transmission.
Afin d'alléger cette procédure, il est proposé de supprimer l'étape de l'étude de faisabilité et d'opportunité qui précède la décision du ministre chargé de l'économie.
En effet, il semble que ces questions seront déjà étudiées par l'avis du Conseil national de l'information statistique. Ensuite, la faisabilité et l'opportunité ne seront évaluées de façon fiable que dans la phase de concertation avec les entreprises concernées, qui ont la main sur ces données.
Cet amendement vise, dans un souci de simplification, à supprimer l'alinéa 5.
Il s'agit de faciliter l'exploitation des données statistiques par l'INSEE, notamment des données statistiques de consommation, et ainsi d'établir un indice des prix basés sur plus de produits. L'objectif est de récupérer les données statistiques, en particulier auprès des grands groupes de la distribution en France.
Cela étant, je ne partage pas tout à fait votre analyse, Madame la rapporteure. L'alinéa 5 prévoit que la décision est précédée d'une étude de faisabilité et d'opportunité rendue publique. Certes, la procédure est compliquée et je suis d'accord pour l'alléger. Mais la décision du ministre doit être objectivée. Il faut que ce soit garanti par la loi, au moyen d'une étude de faisabilité et d'opportunité rendue publique. Cet élément me paraît beaucoup plus structurant que l'ensemble de la procédure que vous maintenez.
Pour moi, l'étude de faisabilité et d'opportunité va se retrouver dans l'avis du Conseil national de l'information statistique.
Ce n'est pas écrit dans le texte. Vous supposez simplement que le Conseil national va le faire.
Il faudrait peut-être préciser le contenu de l'avis du Conseil national de l'information statistique. Je suis prête à retravailler cet amendement d'ici à la séance publique.
C'est une question de rédaction. L'essentiel est que nous soyons d'accord sur le fond : il faut garantir aux acteurs privés, par la loi, que cette étude sera faite et qu'elle sera rendue publique.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CE98 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement vise à conserver un apport pertinent de la version du pré-projet de loi qui prévoyait l'établissement d'une convention entre le service statistique concerné et la personne morale enquêtée.
L'amendement CE164, que nous allons examiner dans quelques instants, répond à votre préoccupation. Il vise à substituer, à l'alinéa 7, aux mots : « de même que, le cas échéant, celles de leur enregistrement temporaire » les mots : « et de juste compensation de son coût, de même que, le cas échéant, l'enregistrement temporaire de ces données et leur anonymisation ».
Si vous en êtes d'accord, je vous propose de vous rallier à cette rédaction.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CE149 de la rapporteure.
Cet amendement vise à imposer plus explicitement le régime du secret statistique aux données transmises par les personnes morales de droit privé dans le cadre d'une enquête statistique.
La rédaction actuelle n'est en effet pas suffisamment encadrée juridiquement et pourrait faire l'objet de contentieux.
J'aimerais savoir si cet ajout à la rédaction initiale couvre la sécurisation de l'hébergement des données des personnes morales, la destruction des données une fois utilisées par l'INSEE, enjeux cruciaux pour les acteurs privés qui confient leurs données à l'INSEE, mais ne savent pas trop comment elles vont être sécurisées, sachant que ce sont pour elles des données stratégiques.
La rédaction actuelle ne les couvre pas. Cela étant, je ne pense pas que le champ de mon amendement couvre spécifiquement les points que vous avez soulevés.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CE156 de la rapporteure.
La Commission examine l'amendement CE164 de la rapporteure.
Le Conseil d'État l'a constaté, l'étude d'impact comporte de grosses lacunes. Elle prétend que la transmission de données à l'INSEE par certaines entreprises privées sera économiquement neutre pour elles. Objectivement, je ne vois pas comment on peut l'affirmer. Par exemple, ne faudrait-il pas que l'obligation prévue à cet article constitue une charge pour les entreprises, notamment parce qu'il leur serait demandé d'anonymiser les données transmises, ce qui semble logique ?
Votre amendement est donc le bienvenu. Toutefois, je suis étonné, car j'en avais moi-même déposé un qui visait également à prévoir une possible compensation des coûts d'anonymisation, mais qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 12 modifié.
Chapitre II
Économie du savoir
Article 17 (art. L. 533-4 [nouveau] du code de la recherche) : Libre accès aux publications et données scientifiques issues de la recherche financée sur fonds publics
La Commission est saisie de l'amendement CE103 de Mme Jeanine Dubié.
Au contraire des revues, les ouvrages collectifs concernés par cet alinéa ne sont, pour l'essentiel, vendus qu'en librairie. Dès lors, prévoir un dépôt en archive ouverte des articles le composant conduirait à leur disparition.
Dans ces conditions, alors que le texte a vocation à favoriser la communication du savoir, adopter une mesure qui entraînerait la disparition de ce type d'ouvrage nuirait à la communauté de lecteurs, lesquels sont souvent des chercheurs.
Par ailleurs, aucun pays européen n'a intégré ce type d'ouvrage dans l' « open access ».
Cet amendement n'est peut-être pas justifié en ce qui concerne les actes de colloques ou de congrès, ceux-ci étant similaires à une revue puisqu'ils compilent des articles scientifiques. Du point de vue des chercheurs, la différence de traitement entre les deux ne se justifie pas.
Quant aux mélanges en l'honneur d'une personne scientifique décédée, ils ont une valeur d'estime qui ne menace pas leur succès en librairie. En outre, pour qu'un mélange soit en open access, il faut que tous les articles qui le composent le soient, c'est-à-dire que tous les auteurs qui y ont consenti le disent également. On imagine que ce ne sera pas toujours le cas.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission en vient à l'amendement CE106 de Mme Jeanine Dubié.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à préciser ce qui relève de la mise à disposition gratuite visée par le texte.
Il ne s'agit pas d'un simple amendement rédactionnel puisqu'il introduit une différence entre la version finale du manuscrit acceptée pour publication et une version mise en forme par l'éditeur sans forcément la justifier.
De plus, il remplace le mot : « et » par le mot : « ou », ce qui modifie le sens juridique de la disposition finale. En l'absence d'une justification de ces évolutions, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CE104 de Mme Jeanine Dubié.
Les publications ont une certaine durée de vie commerciale, variant en fonction des disciplines et des revues. Ne pas tenir compte de cette durée risquerait de porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l'édition.
À terme, une partie de l'édition scientifique et universitaire risquerait même d'être détruite, portant ainsi atteinte à la liberté d'expression des auteurs français qui auraient beaucoup moins de possibilités de publier, à la diffusion de l'information scientifique et de la culture, et aux emplois dans ces secteurs éditoriaux.
En particulier, des embargos de six mois pour les sciences, la technique et la médecine (STM) et de douze mois pour les sciences humaines et sociales (SHS) seraient à l'évidence trop courts, comme le démontrent plusieurs études.
Une telle mesure créerait des distorsions de concurrence entre les éditeurs privés et les éditeurs publics, ces derniers étant subventionnés et pouvant se permettre la gratuité. À terme, elle profiterait principalement aux géants d'internet qui pourront aspirer ces contenus et proposer leurs propres produits, sans avoir investi ni assuré la qualité des contenus d'origine.
La question de la durée des embargos a fait l'objet de nombreuses discussions en amont du texte et lors des auditions que j'ai pu conduire. C'est une demande extrêmement forte de la communauté scientifique. Pour répondre à votre préoccupation concernant l'impact sur les éditeurs, j'ai déposé un peu plus loin un amendement CE155 qui propose d'établir un rapport sur l'impact de la durée de ces embargos de façon à l'évaluer sous trois ans. Cela permet de maintenir la disposition telle qu'elle figure dans le texte, avec une durée d'embargo de six mois et de douze mois, tout en observant l'impact réel sur le secteur de l'édition via un rapport demandé au Gouvernement.
J'émets donc un avis défavorable à votre amendement, madame Jeanine Dubié, mais mon amendement CE155 répond à votre préoccupation.
J'entends vos arguments, Madame la rapporteure, mais je crains que les dégâts ne soient déjà conséquents lorsque le rapport sera rendu. Je maintiens donc mon amendement.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission en vient à l'amendement CE105 de Mme Jeanine Dubié.
Les auteurs d'écrits scientifiques ne peuvent se voir imposer des dispositifs, y compris ceux mis en place par les universités, les autres établissements d'enseignement supérieur et les établissements de recherche, ayant pour objet ou pour effet de les enjoindre à mettre leurs oeuvres à disposition gratuitement dans les conditions visées par ce texte.
La loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) de 2006 offre un cadre légal au droit d'auteur des fonctionnaires. L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle affirme que les fonctionnaires demeurent, par principe, titulaires de leurs droits. Cependant, pour tenir compte des exigences du service public, le texte propose un système à plusieurs niveaux.
Toute interférence publique sur l'exercice de ce droit menacerait la liberté des enseignants et des chercheurs de maîtriser leurs travaux de recherche, voire leur faculté de choisir un sujet d'étude. Elle les découragerait de publier et encouragerait une fuite des cerveaux.
L'article 17 prévoit déjà que seul l'auteur d'un écrit scientifique dispose du choix de rendre sa publication libre ou non. Toute règle qui serait contraire à l'intérieur d'un établissement de recherche serait d'office illégale.
L'amendement que vous proposez introduit une suspicion à propos d'une règle qui serait imposée aux chercheurs par leur établissement de recherche, ce qui va à l'encontre des valeurs d'indépendance de la recherche que ces établissements revendiquent et qu'ils mettent en oeuvre dans l'encadrement du travail de leurs chercheurs.
D'autre part, votre amendement ne vise que les chercheurs fonctionnaires, ce qui pourrait créer une discrimination.
Pour ces raisons, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE167 de la rapporteure et CE102 de Mme Jeanine Dubié.
L'objet de cet article est d'autoriser l'exploitation libre et gratuite des travaux de recherche scientifique financés en tout ou partie par des fonds publics.
Il semble dès lors pertinent d'empêcher la réutilisation de ces travaux dans tout cadre commercial. Ainsi, il serait interdit à une entreprise peu scrupuleuse de collecter des bases de données produites par un travail scientifique et libres d'accès, puis de les monétiser auprès d'autres acteurs économiques.
Le texte vise une mise à disposition gratuite, à l'exclusion d'une exploitation dans le cadre d'une activité d'édition à caractère commercial, qui pourrait causer un préjudice à l'éditeur d'origine.
La rédaction de mon amendement, qui est plus large, répond à votre préoccupation. Je vous propose de vous y rallier.
L'amendement CE102 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CE167.
La Commission est saisie de l'amendement CE107 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement propose de supprimer une partie de l'alinéa 4.
Le texte a vocation à permettre la libre réutilisation de données issues d'une activité de recherche financée au moins pour moitié par des fonds publics, dès lors qu'elles ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière.
Soumettre cette libre réutilisation à la condition que ces données aient été rendues publiques par le chercheur, l'établissement ou l'organisme de recherche, constitue un verrou supplémentaire à leur libre réutilisation.
Plutôt que d'instituer un droit à rétention des données et dans la mesure où il convient, au contraire, d'inciter les chercheurs, établissements et organismes de recherche à ouvrir le plus possible les données, il importe de supprimer cette incise.
Avis défavorable.
Rendre librement disponibles les données qui ont servi à fournir un travail scientifique qui n'est lui-même pas rendu libre n'est pas cohérent puisqu'il faut que le chercheur ayant produit ces données consente expressément à les rendre libres, à moins de le déposséder de son travail. Les deux dispositions doivent être cohérentes.
Nous allons retravailler cet amendement d'ici à l'examen en séance publique. À ce stade, je le retire.
L'amendement est retiré.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 17 modifié.
Après l'article 17
La Commission examine l'amendement CE155 de la rapporteure.
Cet amendement vise à objectiver l'ensemble du débat. Il propose de demander au Gouvernement un rapport qui évalue les effets de la disposition sur le marché de l'édition et sur la circulation des données scientifiques françaises.
Cet amendement vise sans doute à soumettre la question à un rapport. Si j'en crois l'exposé des motifs, ce rapport viendrait combler les lacunes de l'étude d'impact, qui est insuffisamment précise.
La Commission adopte l'amendement.
Article 18 (art. 22, 25, 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) : Appariement de fichiers à des fins de statistique publique et de recherche scientifique et historique
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 18 sans modification.
TITRE II
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Environnement ouvert
Section 1
Neutralité de l'internet
Avant l'article 19
La Commission est saisie de l'amendement CE21 de Mme Laure de La Raudière.
Cet amendement d'appel va me permettre de m'exprimer sur l'ensemble du titre II.
Le titre II regroupe presque exclusivement des dispositions qui devraient être discutées et adoptées au niveau européen avant d'être déclinées dans la loi française. Malgré l'intérêt que peut présenter l'objectif visé par ces dispositions, il convient, pour cette raison, de les supprimer.
C'est le cas pour la neutralité de l'internet, qui est garantie au niveau européen par un règlement récent, donc d'application directe dans notre droit. Il est étrange de transcrire dans la loi française un règlement qui est d'application directe…
Concernant les données personnelles, la Commission européenne a abouti à un projet de règlement sur la protection des données en décembre dernier, mais il n'y a pas encore de position commune des chefs d'État. Il est dangereux de légiférer en avance, sans être certain de la position des autres États-membres influents sur ces sujets. Lorsque le règlement sera adopté, alors, il sera d'application automatique ; cela rendra caduque certaines dispositions contenues dans ce titre. Cela modifiera la réglementation imposée aux acteurs du numérique et les obligera à s'adapter une nouvelle fois, ce qui est dommageable pour l'environnement économique de la France et pour le développement numérique.
Ces contextes réglementaires changeants ne sont ni bons pour les acteurs – coût, déficit d'attractivité du territoire – ni pour les consommateurs, car cela crée une certaine illisibilité de leurs droits.
Concernant les plateformes – articles 22 et 23 –, la Commission européenne s'est saisie du sujet et a lancé une consultation. Là aussi, il est préférable d'attendre l'avis de la Commission européenne : quelle orientation sera retenue ? Existera-t-il ou non un nouveau statut intermédiaire entre éditeur et hébergeur ? L'étude d'impact est particulièrement indigente sur la portée de ces articles. Quels sont les acteurs concernés ? Quel est le seuil auquel pense le Gouvernement ? Quel objectif précis le Gouvernement souhaite-t-il atteindre ?
Pour ces raisons, j'estime que les articles 19, 20, 21, 22 et 23 n'ont pas à figurer dans la loi française.
Vous comprendrez que j'émette un avis défavorable puisque, de fait, votre amendement annihile tout débat.
La Commission rejette l'amendement.
Article 19 (art. L. 32-1, L. 32-4, L. 33-1, L.36-8, L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) : La neutralité du net
La Commission examine l'amendement CE5 de M. Lionel Tardy.
J'ai du mal à comprendre l'alinéa 18 au sujet de la mise en demeure de l'ARCEP vis-à-vis de ceux qui ne respecteraient pas la neutralité du net.
Il y a déjà une mise en demeure de l'ARCEP prévue pour les cas où l'obligation n'est pas respectée à l'échéance fixée. Or ce nouvel alinéa créerait une sorte de « mise en demeure préventive » assez étrange. Elle se base sur la seule suspicion que l'obligation ne sera pas remplie et elle s'ajoute à la première mise en demeure qui a le même objet, à savoir le respect de l'obligation, à la même date.
Madame la rapporteure pour avis, je suis preneur de toute explication sur l'intérêt de cette « sur-mise en demeure ».
Cette disposition se justifie par la volonté d'une réactivité forte. Il est question de risque caractérisé, non de suspicion. Dans les cas potentiels d'abus ou d'atteinte caractérisée à la neutralité, il est important que le régulateur puisse intervenir le plus rapidement possible, ce qui ne veut pas dire que la personne concernée est forcément coupable. C'est une question de réactivité et d'effectivité.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 19 sans modification.
Après l'article 19
La Commission en vient à l'amendement CE143 rectifié de la rapporteure.
Cet amendement vise à l'application du principe de parité.
L'ARCEP, assimilée à une autorité administrative indépendante par une décision du Conseil constitutionnel, devrait respecter le principe de parité au même titre que les autres autorités administratives indépendantes.
En pratique, le collège de l'ARCEP respecte déjà cette règle, qui devrait être pérennisée dans la loi.
La Commission adopte l'amendement.
Article 20 (art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Liberté de l'autohébergement
La Commission est saisie de l'amendement CE180 de Mme la rapporteure.
La disposition figurant à l'article 20 a été introduite dans le cadre de la large consultation qui a eu lieu en amont du projet de loi et répond à une demande de la société civile. Si l'on évalue bien les principes de la neutralité et si la neutralité de l'internet est respectée, il n'y a pas de raison que l'autohébergement en tant que tel soit interdit ou freiné par un opérateur ou un hébergeur.
L'objectif de cet amendement d'appel est d'obtenir du Gouvernement des explications précises sur cette importante thématique. Jusqu'à présent, un certain nombre de personnes ont sans doute été freinées dans leur volonté de pratiquer l'autohébergement. Si l'on applique concrètement l'article 19, il me semble, sous réserve de la réponse du Gouvernement, que l'article 20 n'est pas forcément opérant.
Il s'agit de l'articulation avec le règlement européen et avec le travail que doit faire l'autorité de régulation européenne, le BEREC, pour préciser le règlement européen, sachant que ces travaux viendront s'appliquer dans le droit français.
Je suis d'accord avec la remarque de Mme la rapporteure, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons. Je pense que ce travail de précision doit être fait au niveau européen pour que la définition de la neutralité de l'internet qui figure dans le règlement européen puisse nous éclairer sur ce point.
Pour cette raison, je suis favorable à la suppression de l'article 20.
La Commission adopte l'amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 20.
Section 2
Portabilité et récupération des données
Article 21 (art. L–121–120, L. 121–121, L. 121–122, L. 121–123, L. 121–124, L. 121–125 [nouveaux] du code de la consommation) : Portabilité des courriers électroniques et des données
La Commission examine l'amendement CE6 de M. Lionel Tardy.
Nous commençons l'examen de trois ou quatre articles qui commettent une sérieuse erreur en anticipant une future réglementation européenne. C'est le cas de l'article 21 sur la portabilité. Le règlement européen doit être finalisé ce mois-ci. Il va moins loin que cet article et prévoit une période d'adaptation de deux ans.
Honnêtement, Madame la rapporteure pour avis, à part pénaliser les éditeurs français, quel est l'intérêt de cet article ? D'autant qu'un règlement, contrairement à une directive, est d'application directe. La loi française n'est pas faite pour envoyer un signal à Bruxelles ni pour faire du zèle, au risque de créer un déséquilibre entre les contraintes françaises et celles des autres pays.
Tout cela est vain et contre-productif. Je vous invite à supprimer cet article en attendant l'application de la réglementation européenne.
Avis défavorable.
Le règlement relatif aux données personnelles intervient bien dans le champ de la portabilité. Cela étant, il ne couvre pas toutes les situations envisagées, notamment en matière de transfert de mails. Sa suppression n'est donc pas souhaitable puisque nous devons avoir un débat sur ces points.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement CE177 de la rapporteure.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'alinéa 5 concerne bien le droit de récupération des données appartenant au consommateur.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CE159 de la rapporteure et CE39 de Mme Laure de La Raudière.
Le transfert direct des mails d'un fournisseur vers un autre est techniquement très délicat et, surtout, inutilement complexe. L'objet de la disposition est d'accorder la possibilité aux utilisateurs d'exporter leurs mails dans un standard applicable, puis de les importer sans difficulté dans le nouveau service. Plusieurs opérations simples sont donc à réaliser, ce qui justifie la suppression du terme « directement ».
La Commission adopte les amendements.
Puis elle étudie l'amendement CE51 de Mme Laure de La Raudière.
Avis défavorable. Cet amendement, tel qu'il est rédigé, pourrait inciter les opérateurs à se dédouaner des obligations de portabilité, au lieu de s'entendre sur un standard commun comme l'IMAP.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CE44 de Mme Laure de La Raudière et CE126 de Mme Jeanine Dubié.
Comme le souligne l'ARCEP dans son avis, il faut mieux prendre en compte les difficultés techniques et les délais liés à la mise en oeuvre de la portabilité des services de courrier électronique. En effet, il n'existe pas aujourd'hui de processus organisationnels communs entre l'ensemble des fournisseurs de service courrier électronique ou de protocole de portabilité. Cela nécessiterait d'être développé en amont, par exemple par l'ARCEP. Dans l'attente de ces développements, mon amendement vise à préciser que la mise en oeuvre du dispositif doit tenir compte des standards applicables.
Avis défavorable. Les standards applicables existant déjà, les fournisseurs peuvent assurer une portabilité des mails à des coûts modestes. Ces dispositions pourraient inciter les fournisseurs à ne pas mettre en place la portabilité.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE7 de M. Lionel Tardy et CE127 de Mme Jeanine Dubié, et l'amendement CE166 de la rapporteure.
Mon amendement vise à supprimer la disposition prévue à l'alinéa 11, car elle existe déjà pour les fournisseurs d'accès à internet. Si elle est logique concernant les fournisseurs d'accès à internet (FAI), l'appliquer aux autres services de messagerie électronique n'aurait pas de sens. En effet, si un internaute souhaite laisser son ancienne messagerie en service pendant une période de transition, il lui suffit de la laisser active pendant plusieurs mois après en avoir créé une nouvelle. Nous gagnerons du temps en partant du postulat que les gens sont autonomes, d'autant que la tendance est à la coexistence de plusieurs adresses mail.
Un utilisateur mécontent peut vouloir sortir de la base clients d'un fournisseur. Je vous propose de vous rallier à mon amendement qui prévoit la possibilité pour l'utilisateur, à compter de la désactivation ou de la résiliation du service, d'envoyer et de réceptionner des mails pendant six mois à partir de l'adresse électronique initialement attribuée.
La Commission rejette les amendements CE7 et CE127.
Elle adopte l'amendement CE166.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CE91 de Mme Jeanine Dubié.
Amendement rédactionnel. Il semble improbable qu'un fournisseur d'un service de communication au public propose une fonctionnalité permettant une récupération illicite.
Avis défavorable. Un morceau de musique sur Spotify ne peut être récupéré sans atteinte aux droits d'auteur, par exemple.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CE34 de Mme Laure de La Raudière.
Mon amendement supprime l'alinéa 15 car les « fichiers » sont nécessairement des « données ».
La rédaction actuelle de l'alinéa 16 soulève une réelle difficulté car dans les données attachées au compte utilisateur existent des données liées au savoir-faire de l'entreprise fournissant le service, par exemple les catégories ou profils d'utilisateur.
Il s'avère que la rédaction de l'article 21 est en contradiction avec l'obligation de portabilité définie par l'article 18 du règlement européen dont la rédaction a fait l'objet d'un accord de principe entre le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne le 15 décembre dernier.
Cet article 18 dispose en effet que l'utilisateur doit être mis en capacité de récupérer toutes les données qu'il a communiquées au responsable de traitement et qui le concernent. Le périmètre est donc limité aux seules informations utiles pour l'utilisateur et non à toutes les données associées de près ou de loin à son compte.
L'expression « données fournies de façon passive » n'est pas adéquate. Quant aux « données fournies de manière active », elles peuvent avoir été enrichies par les compétences spécifiques de l'entreprise ; or l'utilisateur pourrait les récupérer. Je vous propose donc de retirer votre amendement, pour vous rallier à mes amendements suivants qui proposent une nouvelle rédaction de l'alinéa 16. Faute de quoi, j'émettrai un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient aux amendements CE183 et CE184 de la rapporteure.
Le périmètre de l'article 21 est extrêmement large : sont concernées non seulement les données personnelles fournies par l'utilisateur, mais aussi les données enrichies et résultant du savoir-faire des entreprises qui gèrent le service, notamment les start-up françaises qui ont développé des compétences spécifiques. La rédaction de mon amendement CE184 colle à la définition de la portabilité des données issue du règlement européen sur les données personnelles. La rédaction de mon amendement CE183 est plus large, en portant sur « toutes les données personnelles issues de l'utilisation directe du service par le consommateur », c'est-à-dire à la fois les données personnelles et celles résultant de l'utilisation du service. Ces deux amendements pourraient être défendus demain en commission des lois.
L'expression « de façon active » de mon amendement n'a pas de lien direct avec le savoir-faire de l'entreprise. L'expression « de façon passive » renvoie aux données du type logs, par exemple, c'est-à-dire transmises dans l'utilisation d'un service.
La Commission adopte les amendements CE183 et CE184.
En conséquence l'amendement CE8 de M. Lionel Tardy tombe.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE140 de la rapporteure et CE92 de Mme Jeanine Dubié.
Cette nouvelle rédaction de l'alinéa 18 vise, à périmètre normatif quasi constant, à clarifier la disposition pour les entreprises concernées, tout comme pour les consommateurs.
Mon amendement vise à préciser que l'impossibilité de récupération des données est exceptionnelle et que le consommateur en est informé de manière transparente et loyale. En effet, il semble utile d'affirmer que la non-portabilité demeure une exception. De plus, en cas d'impossibilité de récupération des données, le service de communication sera tenu d'expliquer clairement en quoi consiste cette impossibilité afin d'éviter que le principe de portabilité puisse être contourné trop facilement et de façon déloyale.
Avis défavorable à l'amendement CE92. Le terme « exceptionnellement » n'a pas de portée normative.
La Commission adopte l'amendement CE140.
En conséquence, l'amendement CE92 tombe.
La Commission aborde l'amendement CE157 de la rapporteure.
La précision introduite par cet amendement vise à ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services B-to-B (business to business). Il est légitime que les dispositions législatives discutées fixent un standard applicable aux entreprises, mais celles-ci doivent bénéficier d'une liberté contractuelle suffisante pour préciser leurs modalités pratiques d'application.
La Commission adopte l'amendement.
Elle passe ensuite à l'amendement CE93 de Mme Jeanine Dubié.
Le règlement européen relatif à la protection des données personnelles récemment adopté prévoit que les amendes pour violation de ses dispositions peuvent aller jusqu'à 20 000 000 euros ou un montant équivalent à 4 % du chiffre d'affaires de la personne morale. Cet amendement vise donc simplement à mettre le texte en conformité avec le règlement européen qui, d'application immédiate, s'impose au droit national et n'a pas besoin de transposition.
Le champ de l'article 21 et celui des dispositions du règlement européen ne sont pas identiques. D'où un risque d'inconstitutionnalité.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CE170 de la rapporteure.
Il serait plus pertinent de prévoir un seuil réglementaire d'application de l'article 21 fixé au nombre de connexions sur trente jours, une échelle qui serait plus fiable pour comparer le poids des différentes plateformes.
Le seuil posera toujours problème. Faut-il se baser sur les comptes utilisateurs ou sur toutes les connexions ? Quel critère est le plus approprié pour mesurer l'audience ? Puisque des sanctions sont applicables, ne pas définir le seuil dans la loi ne pose-t-il pas un problème de compétence du législateur ?
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CE71 de M. Sergio Coronado.
Cet amendement prévoit que la récupération des données constitue un motif légitime d'opposition. En effet, l'article 38 de la loi « Informatique et libertés » stipule que toute personne physique a le droit de s'opposer pour des motifs légitimes à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement.
Avis défavorable. D'un point de vue juridique, il n'est pas pertinent de coupler le droit d'opposition en matière de données personnelles et le droit de portabilité des données.
L'amendement est retiré.
Puis la Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 21 modifié.
Section 3
Loyauté des plateformes
Article 22 (art. L. 111-5-1 du code de la consommation) : Loyauté des plateformes en ligne
La Commission est saisie des amendements identiques CE9 de M. Lionel Tardy et CE22 de Mme Laure de La Raudière.
Mon amendement vise à supprimer l'article 22, qui anticipe la réglementation européenne concernant la loyauté des plateformes. Pourquoi un tel boulet pour les plateformes françaises ?
L'article crée une nouvelle catégorie – les plateformes ne seraient ni des éditeurs, ni des hébergeurs au sens de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) – et vient casser plus de dix ans de jurisprudence. De surcroît, il est truffé d'imprécisions et de contresens, sans compter le flou juridique qu'il introduit. En fait, il cible certains gros acteurs, en oubliant les petits. L'étude d'impact est d'ailleurs muette sur le coût de ces nouvelles obligations pour les plateformes en question.
Comme pour l'article 21, nous pourrons améliorer le texte grâce à des amendements. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE152 de la rapporteure et CE10 de M. Lionel Tardy.
Dans une économie mouvante, l'article crée une nouvelle entité juridique. Or la définition des opérateurs de plateforme en ligne proposée couvre un champ trop large. En outre, cette définition anticipe largement les travaux européens qui devraient fournir une définition juridique applicable à l'échelle de régulation la plus pertinente. La rédaction proposée par mon amendement est celle proposée au lancement de la consultation de la Commission européenne sur la régulation des plateformes en ligne, et qui servira de base aux discussions ultérieures.
L'article 22 s'applique à toutes les plateformes, y compris celles qui ne font que mettre en relation des particuliers. Pourquoi vouloir réguler l'économie du partage ? Arrêtons de raisonner à la française avec toujours plus de réglementation. BlaBlaCar rend un réel service concurrentiel à nos concitoyens. Mon amendement de repli vise donc à réduire les obligations prévues aux seules plateformes marchandes.
J'aimerais souligner, Madame la rapporteure, l'effort louable de précision dont vous avez fait preuve en vous appuyant sur la définition issue d'une consultation de la Commission européenne. Cela dit, la cohérence que vous avez mise en avant avec la législation européenne n'est qu'une cohérence de façade : cette définition n'en fait pas encore partie et nous ne savons même pas si le statut de l'opérateur de plateforme en ligne y sera un jour intégré. Aucune décision en ce sens n'a encore été prise.
La modification voulue par M. Lionel Tardy ne me semble pas la bienvenue. Le fait que certaines plateformes soient gratuites n'empêche pas que leurs pratiques de référencement puissent poser problème. Je suis donc défavorable à cet amendement.
À travers mon amendement, madame Laure de La Raudière, je tente de répondre au problème posé par le texte initial, à savoir le trop large champ couvert par la définition de l'opérateur de plateforme. La définition que j'ai retenue, qui peut toujours être appelée à évoluer, présente un double avantage : d'une part, elle correspond à une consultation menée au niveau européen ; d'autre part, elle est moins extensive que la définition du texte initial. Si aucune modification n'est apportée, des petites plateformes relèveront du même statut que les grosses plateformes gérées par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) avec les effets disproportionnés que l'on imagine. Elles risquent de ne pas disposer des outils nécessaires pour répondre aux obligations de loyauté imposées aux acteurs plus importants.
La Commission adopte l'amendement CE 152.
En conséquence, l'amendement CE10 de M. Lionel Tardy tombe.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement CE173 de la rapporteure, qui fait l'objet d'un sous-amendement CE185 de M. Lionel Tardy, l'amendement CE36 de Mme Laure de La Raudière et l'amendement CE11 de M. Lionel Tardy.
Cet amendement vise à préciser l'alinéa 4 de l'article 22 en rédigeant ainsi sa seconde phrase : « Il fait apparaître clairement l'existence d'une relation contractuelle ou capitalistique avec les personnes référencées, lorsque cette relation a une influence directe sur le classement des contenus, biens ou services proposés ». La rédaction actuelle conduirait à inclure des acteurs ayant des relations contractuelles avec un opérateur de plateforme sans impact sur le référencement. Elle a des conséquences lourdes tant en matière de champ des acteurs concernés que d'obligations. Il importe de recentrer la disposition en établissant un lien clair entre existence d'une relation contractuelle ou capitalistique et impact sur le référencement.
Mon sous-amendement vise à supprimer les mots « contractuelle ou ». Il ne me paraît en effet pas opportun de mentionner toutes les relations contractuelles. Prenons le cas des plateformes qui vendent de la musique en ligne ou des applications : elles seraient contraintes de faire apparaître une mention pour chaque morceau de musique et chaque application. Ce genre d'affichage n'est d'aucun intérêt pour le consommateur. Il ne conduira qu'à détériorer son expérience en ligne en lui fournissant des informations qu'il ne recherche même pas.
Mon amendement vise le même objectif que celui de Mme la rapporteure. Je ne sais lequel des deux est le mieux rédigé mais je lui accorde le bénéfice du doute et retire le mien.
L'amendement CE36 est retiré.
L'amendement CE11 est retiré.
Il me reste donc à donner mon avis sur le sous-amendement CE185 de M. Tardy.
Prenons le cas d'une plateforme qui emploierait un consultant – avec qui elle entretient donc une relation contractuelle – et qui privilégierait son entreprise de conseil dans son référencement en guise de rémunération complémentaire pour ses services. C'est pour éviter ce type d'impact que j'ai conservé la notion de relation contractuelle ayant une influence directe sur le référencement. Si l'on supprime le mot « contractuelle », on ne pourrait opérer de stabilisation qu'à partir des relations de type capitalistique. Il est nécessaire d'assurer la plus grande transparence possible, compte tenu des effets de bords.
La Commission rejette le sous-amendement CE185 et adopte l'amendement CE173.
Puis elle en vient à l'amendement CE153 de la rapporteure.
Cet amendement a pour objet d'étendre les obligations de loyauté, de clarté et de transparence des plateformes à l'égard des consommateurs – modèle B-to-C – aux professionnels qui utilisent les services de ces plateformes – modèle B-to-B. Les acteurs économiques sont souvent les premières victimes des pratiques de classement, de référencement ou de déréférencement des contenus, biens ou services qu'ils proposent sur les plateformes.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CE82 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement vise à élargir le champ d'application du deuxième alinéa de l'article L. 111-5-1 du code de la consommation. Dans le but de renforcer l'information des consommateurs, il serait utile que les mêmes obligations en matière d'information pèsent sur toutes les plateformes, que celles-ci mettent en relation des non-professionnels entre eux ou bien des professionnels et des non-professionnels.
L'amendement est retiré.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 22 modifié.
Article 23 (art. L. 111-5-2 [nouveau] du code de la consommation) : Indicateurs de loyauté des plateformes
La Commission est saisie de deux amendements identiques, CE 12 de M. Lionel Tardy et CE 27 de Mme Laure de La Raudière.
Même si cet article repose davantage sur l'auto-régulation, ce qui est préférable, le problème reste le même : vous anticipez les résultats d'une réflexion menée au niveau européen et faites courir le risque d'une multiplication des mécanismes de régulation. C'est la raison pour laquelle je propose la suppression de cet article.
La Commission rejette ces amendements identiques.
Elle examine ensuite l'amendement CE182 de la rapporteure.
Cet amendement, comme bien d'autres, prend en compte les auditions que j'ai menées et les divers contacts que j'ai noués.
Il propose un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et intervention d'une autorité administrative, amenée à diffuser des tableaux comparatifs de bonnes pratiques.
Par ailleurs, il prévoit, à titre expérimental pour une durée de trois ans, la possibilité pour le Conseil national du numérique de lancer une plateforme d'échange citoyen, qui permettrait, en se fondant sur divers indicateurs, de nourrir la réflexion sur la loyauté des plateformes. Il me semble important, au-delà de la régulation, de développer une réflexion citoyenne sur le fonctionnement des plateformes, notamment à travers la pratique des notations auxquelles ces dernières seraient sans doute plus sensibles.
L'important est de mettre en place un dispositif suffisamment souple et efficace, qui permette à chacun d'établir des comparaisons et d'avoir une lecture la plus transparente possible.
J'invite les auteurs des amendements suivants à l'article 23 à intervenir s'ils le souhaitent car l'adoption de l'amendement de la rapporteure les fera tomber.
Vous reprenez l'idée d'une agence de notations des plateformes sous l'égide du Conseil national du numérique.
Créer une plateforme à titre expérimental, pourquoi pas ? Je ne m'étendrai pas sur la question de savoir si elle aurait un intérêt véritable et correspondrait à une demande réelle mais insisterai sur la question des moyens.
En outre, je souligne à nouveau que l'article 22 est contradictoire avec cette volonté d'autorégulation.
Vous indiquez dans votre amendement, Madame la rapporteure, que le Conseil national du numérique « peut mettre en place et gérer une plateforme ». Mais qu'est-ce qui l'en empêcherait aujourd'hui ? Il me semble qu'il a d'ores et déjà toute liberté de le faire.
Dans le même ordre d'idées, l'autorité administrative compétente, en l'occurrence la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ne dispose-t-elle pas déjà du pouvoir de mener de telles enquêtes ?
Si nous avons ouvert au Conseil national du numérique la possibilité de mener cette expérimentation, c'est qu'actuellement, il ne dispose pas des moyens financiers – et sans doute humains – pour le faire. Cette expérimentation aurait l'avantage d'être plus efficace dans la réflexion sur les loyautés. En outre, monsieur Lionel Tardy, cette solution est plus souple qu'une agence de notation, qu'il s'agisse d'un organisme interne à l'État ou d'une autorité administrative indépendante, car elle est plus adaptable qu'une structure fixe au contenu par essence mouvant des domaines qui nous occupent.
S'agissant de la DGCCRF, madame Laure de La Raudière, nous procédons à une simplification par rapport à la rédaction initiale, qui prévoit déjà la possibilité pour elle de procéder à des enquêtes et de publier la liste des plateformes en ligne ne respectant pas leurs obligations au titre de l'article L. 115-5-1.
Madame la présidente, je me demande comment l'amendement a pu échapper à l'article 40 s'il entend procéder à une augmentation de moyens financiers pour le Conseil national du numérique.
Disons-le clairement, instaurer un seuil en termes de nombre de connexions vise spécifiquement certains acteurs américains, en l'occurrence les GAFA. À titre personnel, j'estime que construire une loi en ciblant certains opérateurs pose problème. En outre, l'étude d'impact ne donne aucune évaluation de ce seuil et du nombre de plateformes potentiellement concernées.
Par ailleurs, comment définir objectivement un tel seuil ? Ne convient-il pas d'ajouter d'autres critères ? Il importe à tout le moins de préciser que ce seuil est annuel, par harmonisation avec l'alinéa 23 de l'article 21, et qu'il repose sur une somme cumulée, obtenue grâce à l'addition du nombre de connexions mensuelles, indicateur habituellement retenu. Il faut également indiquer, en toute logique, que seules les connexions faites par les visiteurs français sont prises en compte puisque l'obligation instaurée par la loi est franco-française.
L'amendement CE73 reprend une recommandation formulée par le Conseil d'État dans son rapport sur le numérique et les droits fondamentaux.
Compte tenu du nombre élevé des opérateurs de plateformes en ligne, il est important qu'ils rendent publics dans un rapport annuel le chiffre des contenus qu'ils ont retirés ainsi que les principaux motifs de retrait, qu'il s'agisse d'obligations légales ou d'infractions à leurs propres conditions d'utilisations. Notons que certains opérateurs publient déjà de tels rapports.
Nous pourrons retravailler sur ces amendements en vue de l'examen en séance. La proposition de M. Lionel Tardy est intéressante tout comme celle de Mme Isabelle Attard, dont je partage le souci de transparence. Les grosses plateformes comme les GAFA procédant à des retraits techniques en très grand nombre, il faudrait veiller à restreindre le nombre des informations prises en compte pour assurer une bonne lisibilité.
La Commission adopte l'amendement CE182.
En conséquence, les amendements CE83 de Mme Jeanine Dubié, CE13 de M. Lionel Tardy et CE73 de M. Sergio Coronado tombent.
Après l'article 23
La Commission est saisie de l'amendement CE49 de M. Hervé Féron.
Depuis la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, la sous-location de meublés de tourisme ou de chambres d'hôtes est interdite sans accord du propriétaire. De nombreux locataires continuent toutefois de s'affranchir de cette obligation et sous-louent leur logement en toute illégalité tout en créant une concurrence déloyale pour les acteurs de l'hôtellerie traditionnelle.
Cet amendement met à la charge des propriétaires qui louent un logement de façon ponctuelle à une clientèle de passage, l'obligation d'attester de leur qualité auprès de la plateforme d'intermédiation. Il s'agit ainsi d'éviter la location de logements en meublé de tourisme par leurs locataires, qui est prohibée à défaut d'autorisation du bailleur.
L'amendement prévoit également les sanctions encourues en cas de non-respect des obligations, tant par les loueurs qui auraient dissimulé leur qualité de locataire que par les plateformes d'intermédiation, qui auraient omis de vérifier la qualité de propriétaire du loueur.
Cet amendement pose problème car il exclut de fait les cas où le propriétaire accorde à son locataire la possibilité de sous-louer son appartement.
La disposition proposée vise clairement une célèbre plateforme de location mais les obligations qu'elles posent s'appliqueraient non seulement aux agences de location classiques, qui disposent pour leur quasi-totalité de sites d'internet, mais aussi aux propriétaires qui louent leur appartement pour quelques semaines pendant les vacances. Le champ couvert par votre rédaction apparaît trop large.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CE50 de M. Hervé Féron.
Cet amendement instaure pour les plateformes de réservation d'hébergements par internet une obligation de communiquer chaque année à l'administration fiscale les revenus perçus par les loueurs via le service qu'elles proposent. Cette mesure a pour objectif d'inciter les contribuables à déclarer les revenus qu'ils tirent de la location d'hébergements et vise à faciliter les vérifications effectuées par l'administration fiscale.
En effet, comme le souligne le rapport de MM. Bouvard, Carcenac, Chiron, Dallier, Genest, Lalande et de Montgolfier, rédigé au nom de la commission des finances du Sénat et intitulé L'économie collaborative, propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace (2015), des particuliers « réalisent parfois un chiffre d'affaires important, et s'exonèrent délibérément de leurs obligations fiscales, conscients que la probabilité de contrôle est faible ».
Cet amendement vise à pallier ce manque à gagner fiscal pour l'État. Il définit les sanctions applicables en cas de défaut ou de retard dans l'exécution de l'obligation. Il répond ce faisant à l'objection émise par le secrétaire d'État au budget, lorsqu'une première version de cette disposition, votée au Sénat, avait été défendue à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015 : celui-ci avait jugé qu'elle « méritait d'être travaillée de nouveau », du fait, notamment, qu'elle ne prévoyait pas de sanctions pour les plateformes ne se conformant pas à l'obligation qu'elle instaurait.
Le champ couvert par cet amendement va bien au-delà du seul acteur que vous visez. Il imposerait des obligations générales de transparence à un secteur entier, ce qui me paraît totalement disproportionné. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement CE48 de M. Hervé Feron.
Il existe actuellement pour les loueurs une obligation de déclaration préalable en mairie d'offre en location des meublés de tourisme ou des chambres d'hôtes. Néanmoins, l'article L. 324-1-1 du code du tourisme tel qu'il est rédigé actuellement prévoit une exception lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur. Or, avec l'émergence de plateformes de location en ligne, plusieurs personnes louent leur résidence principale de manière ponctuelle et répétée pour des séjours de courte durée à visée touristique. Cette exception n'a donc plus lieu d'être : le présent amendement propose de la supprimer.
Celui-ci prévoit en outre que la mairie affecte un numéro d'enregistrement au moment de la déclaration, qui devra être mentionné par tout service de réservation, de location ou de mise en relation dans la perspective d'une location.
Votre amendement, ciblant toujours un opérateur en particulier, imposerait à un grand nombre d'acteurs une nouvelle obligation : la déclaration en marie en cas de location de la résidence principale.
Cette difficulté est récurrente dans le domaine numérique. Un objectif particulier est visé et les effets de bords pour un secteur dans son entier se révèlent considérables en termes d'obligations nouvelles.
Avis défavorable à nouveau.
L'amendement est retiré.
La commission a nommé M. Antoine Herth comme rapporteur sur la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire (n° 3340).
La commission a procédé à la création d'une mission de contrôle de la mise en application de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et nommé les co-rapporteurs suivants : M. Fabrice Verdier, en sa qualité de rapporteur de cette loi pour notre commission et M. Daniel Fasquelle, en tant que membre d'un groupe d'opposition.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 12 janvier 2016 à 16 h 15
Présents. – Mme Isabelle Attard, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier
Excusés. – Marcel Bonnot, M. Philippe Kemel, M. Bernard Reynès
Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, M. Christian Paul