Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 21h30
République numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Le projet de loi pour une République numérique – ce titre est à revoir – ambitionne de renforcer les droits des citoyens en matière numérique. À cet égard, le droit d’accès au numérique de manière égale sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales, est à mon sens le premier devoir de l’État. Or deux problèmes apparaissent à l’heure actuelle.

D’une part, la couverture en téléphonie mobile est soit inexistante, soit insuffisante, ce qui exaspère nos concitoyens ruraux, qui se sentent mis au ban du progrès. J’en fais l’amère expérience tous les jours dans mon département, la Lozère, mais je pourrais également citer l’Aveyron, représenté par Arnaud Viala, ou la Loire, représentée par Dino Cinieri. Ces départements sont particulièrement touchés. Or je ne vois dans ce texte aucune évolution concrète s’agissant de la couverture en 2G, en 3G ou en 4G. Je souligne à nouveau la nécessité d’instaurer un fonds de compensation, qui serait alimenté par les opérateurs et permettrait de couvrir les zones rurales.

D’autre part, concernant les lignes fixes France Télécom-Orange, pas une semaine ne se passe sans que nous recevions des plaintes d’habitants, de professionnels ou d’élus suite à des dérangements ou des coupures de leur ligne. J’ai alerté à de nombreuses reprises Stéphane Richard, le PDG d’Orange, mais ce dernier s’est retranché derrière l’importance du million de kilomètres d’artères de câbles, des 15 millions de poteaux et des 16 000 noeuds de raccordement pour justifier ces défaillances. Depuis lors, il n’a toujours pas pris ses responsabilités. Je veux le dénoncer publiquement. Il est insupportable d’être le service après-vente d’une entreprise comme Orange et d’être obligé de pallier ses carences.

C’est pourquoi je propose d’instaurer une obligation de résultat pour cet opérateur, assortie de sanctions financières en cas de non-respect de son obligation de fourniture du service de téléphonie fixe, qui fait l’objet d’abonnements payants, et d’assortir la servitude d’élagage, que le projet de loi propose de rétablir au bénéfice de l’opérateur, d’une obligation d’entretien des abords des réseaux, qui ferait également l’objet de sanctions financières en cas de non-respect.

Il est par ailleurs nécessaire de donner aux maires, qui jouent un rôle essentiel dans les opérations d’entretien communales, la possibilité d’être informés de manière exhaustive des opérations d’entretien effectuées dans leur commune. C’est pourquoi je propose que l’opérateur Orange remette, dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la loi, un rapport établissant pour chaque commune un état des lieux complet des lignes fixes et des opérations d’entretien effectuées.

Votre projet de loi doit certes garantir l’égalité d’accès au numérique, mais il doit aussi se préoccuper de la sécurité et de la souveraineté nationale dans ce domaine qui, jusqu’à présent, échappe presque totalement au contrôle de l’État. « Il faut très certainement repenser internet et les réseaux numériques de communication comme un véritable territoire à sécuriser » : par ces mots, Éric Freyssinet, colonel de gendarmerie spécialisé dans la cybercriminalité, résume parfaitement l’enjeu de sécurité auquel le projet de loi pour une République numérique doit répondre.

Nous devons aujourd’hui prendre la mesure du pouvoir du numérique, espace immatériel qui échappe aux frontières, et donc du danger qu’il représente pour notre sécurité nationale. À l’heure où le terrorisme recrute sur les réseaux sociaux et y fomente ses actes odieux, mettant en danger la sécurité de la nation, il paraît indispensable de donner à l’État la capacité de maîtriser l’application de ses lois sur les réseaux informatiques de son territoire. Il s’agit d’un enjeu essentiel de sécurité, mais également de liberté quant à l’usage des données collectées sur internet.

Cela doit passer par la création d’un commissariat à la souveraineté numérique, qui serait un établissement public doté d’une autonomie administrative et financière et permettrait de garantir l’application des valeurs et des droits de la République dans l’espace numérique. C’est ce que propose mon collègue Patrice Martin-Lalande, que je soutiens sans réserve.

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