Intervention de Yves Durand

Réunion du 13 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Durand, président du comité de suivi de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République :

Des sujets que nous n'avons pas abordés dans ce premier rapport annuel seront traités dans des rapports thématiques, dont la liste figure à la page 97, notamment sur « L'école, les parents et les partenaires », « Le numérique », « L'inclusion » ou encore « L'école et l'établissement ». Je sais que vous êtes sensible au thème de la place de l'établissement, monsieur Reiss, sur lequel vous avez rendu un rapport lors de la législature précédente. Nous nous appuierons sur votre travail, comme le présent rapport s'est appuyé sur d'autres rapports, notamment de l'Inspection générale de l'éducation nationale.

La mission d'information à venir sur la formation des enseignants sera amenée à examiner les questions abordées dans notre rapport, en particulier le fonctionnement des ESPE et la place du concours. Le débat sur ce dernier sujet n'est pas clos. En effet, parmi les stagiaires que nous avons rencontrés lors de nos visites des ESPE, figuraient des étudiants issus de l'université, mais aussi un grand nombre de personnes qui s'orientent vers le métier d'enseignant après une expérience professionnelle totalement différente. Or ces personnes ont une culture et une sensibilité très éloignées de celles des étudiants. Ce sujet est important au regard de la nature des enseignements et des concours. La place du concours pose problème à beaucoup de stagiaires, notamment compte tenu du déséquilibre de charge de travail entre le M1 et le M2.

Nous avons en effet évoqué le pré-recrutement au moment de l'examen de la loi, madame Buffet. Ce pré-recrutement n'est pas inscrit dans la loi pour des raisons budgétaires. Mais le décret instituant le comité de suivi indique que celui-ci devra se pencher notamment sur les problèmes de formation des enseignants, en examinant les possibilités du pré-recrutement. C'est ce que nous ferons cette année. Je souhaite que nous ayons un débat de fond, car c'est un réel problème pour l'école, les enseignants et pour la société tout entière.

Nous n'allons pas refaire le débat sur la loi, elle est devenue la loi de la République. La tâche du comité de suivi n'est pas de porter un jugement positif ou négatif sur la loi, elle est de s'interroger sur son application. Plus précisément, notre rôle consiste à identifier les freins et les leviers à son application, puis à examiner la manière de lever ces freins et d'utiliser ces leviers pour permettre une application de la loi la plus juste et la plus rapide possible. En cela, ce rapport n'est pas pessimiste, madame Corre, il est d'un optimisme total, car nous croyons à la loi.

D'ailleurs, monsieur Hetzel, la loi fait consensus. Lorsque nous nous sommes déplacés dans les classes, nous avons constaté que les enseignants et les parents étaient enthousiastes à son égard. Par contre, ils nous ont demandé de leur expliquer le sens de leur action, ce qui suppose une véritable pédagogie de la loi. Ils nous ont également interrogés sur les moyens à même de faire réussir le cycle commun CM1-CM2-6ème, sur lequel tout le monde est d'accord, mais dont la mise en place s'avère difficile en raison de cultures différentes, ancrées et anciennes.

Au fond, soit nous considérons que le comité de suivi doit être laudateur par principe – mais alors le Parlement ne jouerait pas son rôle – soit nous considérons qu'il faut mettre en avant les difficultés de la loi, que nous approuvons, afin de les surmonter, et c'est ce que nous voulons faire. Quel que soit notre vote et quelle que soit notre appartenance politique, chacun a eu la volonté d'identifier les moyens d'aider les enseignants à surmonter les difficultés à l'application de la loi. Cette loi, je le redis, est acceptée par tout le monde, et dans une certaine continuité, puisqu'elle n'a pas remis en cause le socle commun instauré par la loi Fillon de 2005, sur la mise en place duquel le comité de suivi a également réfléchi. D'ailleurs, j'y insiste, il ne faut plus qu'une réforme en chasse une autre : nous devons assurer la continuité de la politique éducative. L'école doit rassembler et dépasser les clivages : il nous faut garantir un socle républicain autour de l'école.

Sur un certain nombre de points, j'accepte volontiers les offres de travail. D'abord, sur le problème important que vous avez soulevé, monsieur Breton, à propos des garçons. Le ministère y travaille m'a indiqué Mme Gille.

Ensuite, la formation des enseignants est bien le pilier de cette loi, tant tout le monde convient que sans formation professionnalisante des enseignants, il ne peut y avoir de refondation de l'école. Le métier d'enseignant s'apprend, ce qui va à l'encontre d'années et d'années où la culture universitaire disciplinaire était la compétence exclusive réellement recherchée et reconnue. Or ce changement profond ne se fera pas par une simple circulaire. D'où les difficultés tout à fait compréhensibles dans la mise en place des ESPE, en particulier s'agissant du tronc commun. Néanmoins, cette évolution est une nécessité. En cela, la mission d'information mise en place par notre commission sur la formation des enseignants est extrêmement importante. D'ailleurs, le problème de pilotage de la réforme de la formation est réel. Nous demandons clairement au ministère de l'éducation nationale d'avoir un cahier des charges beaucoup plus strict.

Sur le décret Hamon, j'observe que les rythmes scolaires se mettent en place partout sur le territoire : aidons les gens de terrain en ce sens, sans trop modifier les choses.

La loi de refondation, dont j'étais le rapporteur, a conféré l'indépendance aux deux nouvelles instances, le CNESCO et le CSP. Mais, dans la réalité, il n'est pas facile de mettre en place cette indépendance. La mission du comité de suivi n'est pas de refaire la loi, ni de juger le travail ou la compétence de tel ou tel, elle est de vérifier si les instances que nous avons créées répondent à la mission définie par la loi, que je rappelle pour le CNESCO : « Le Conseil national d'évaluation du système scolaire, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, est chargé d'évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire ». Nous avons reçu longuement la directrice du CNESCO, dont le programme pour l'année 2015 que j'ai lu comprenait plus d'éléments de recherche et d'actualité, certes extrêmement intéressants, mais qui ne relèvent pas de l'évaluation. Le système éducatif a besoin d'une évaluation indépendante, tout le monde en convient, ce qui suppose un recadrage du CNESCO. Encore une fois, il n'y a aucune critique, aucune mise en cause de tel ou tel, il y a la loi.

En conclusion, la refondation de l'école sera effective quand tous les enseignants se seront approprié le sens même de la réforme qu'on leur demande de mettre en place. Cela implique un travail de pédagogie et une remise en cohérence, ce qui suppose que nous-mêmes parlementaires soyons convaincus de cette cohérence et capables de l'expliquer à celles et ceux qui ont l'énorme tâche, et qui s'en acquittent avec beaucoup d'enthousiasme, de la mettre en place.

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