Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 13 janvier 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • ESPE
  • cycle
  • refondation

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 13 janvier 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

La commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à la présentation du rapport du comité de suivi de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République par M. Yves Durand, président du comité.

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Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir aujourd'hui notre collègue Yves Durand, en sa qualité de président du comité de suivi de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

Comme vous le savez, dans la continuité de la concertation exemplaire qui avait servi de fondement à son élaboration et pour la première fois dans notre histoire parlementaire, cette loi s'est pleinement donné les moyens de contrôler son application en créant un comité chargé d'évaluer les progrès et les lacunes de sa concrétisation.

Placé auprès de la ministre de l'éducation nationale, ce comité, institué par le décret n° 2013-1232 du 23 décembre 2013 et composé de douze membres parmi lesquels quatre de nos collèges – Jean-Noël Carpentier, Yves Durand, Martine Faure et Dominique Nachury – et quatre sénateurs, publie aujourd'hui son premier rapport au Parlement, fruit d'un travail d'auditions, d'enquêtes et de visites sur le terrain d'une exceptionnelle intensité. Le bilan dressé est ainsi particulièrement précis, complet et stimulant.

À côté des vifs motifs de satisfaction et d'optimisme que vous relevez, en particulier pour ce qui concerne la rapidité de la mise en oeuvre des innovations et la cohérence des moyens dévolus, je souhaite évoquer rapidement quelques grandes voies d'amélioration dessinées dans ce rapport, et sur lesquelles nous sommes impatients de vous entendre, cher Yves Durand.

Vous soulignez tout d'abord le paradoxe entre la mobilisation massive, et parfois exagérément polémique, des acteurs sur tel ou tel dispositif pris isolément, ainsi que l'insuffisance globale de « l'appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants », en raison notamment de « l'affadissement et (de) la parcellisation de son application ».

À cet égard, vous indiquez notamment que la refonte des programmes, c'est-à-dire précisément ce qui va concerner tous les enseignants et qui va donner pleinement sens aux grandes ambitions de la loi, intervient sans doute trop tardivement, alors qu'elle éclaire tout le projet de la refondation. Dans une même logique, vous regrettez que la priorité au primaire, le socle de la refondation, se soit affaiblie et diluée en l'absence de liens forts entre les divers aspects que prend sa mise en application, qu'il s'agisse du renforcement des moyens et de l'extension du dispositif « Plus de maîtres que de classes », de la révision des programmes, de la mise en oeuvre du cycle commun au primaire et au secondaire, et même de la réforme du collège, qui découle pourtant naturellement de l'esprit de la refondation. Comment, à votre avis, peut-on encore réinsuffler ce sens global dans tous les mécanismes de la réforme ?

Une autre déception du comité concerne l'intégration des parents dans l'éducation – sujet sur lequel Mme Valérie Corre avait rédigé pour notre commission le 9 juillet 2014 un excellent rapport d'information « sur les relations entre l'école et les parents ». Vous soulignez que, malgré un effort réel de l'institution, la mise en oeuvre de la coéducation se révèle inégale, les parents demeurant les « fantômes » de l'institution. Là encore, au-delà de la force du constat, quelles propositions concrètes formulez-vous pour revenir aux forts espoirs de changement qui avaient inspiré la loi ?

Une dernière partie très importante du rapport concerne la réforme de la formation des enseignants, sur laquelle nous nous étions penchés au cours de votre précédente audition le 18 mars 2015 et qui va faire très utilement l'objet d'une prochaine mission d'information de notre commission.

Nous retrouvons dans le rapport les inquiétudes que vous aviez formulées devant nous concernant, en particulier, le positionnement instable et inégal des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) au sein des universités, les difficultés à faire émerger une réelle culture commune à l'ensemble des acteurs de l'éducation, et l'existence de maquettes de formation, notamment sur le tronc commun, encore trop conservatrices et éloignées des ambitions de la loi. Sur ce sujet, essentiel entre tous, nous écouterons avec un vif intérêt vos propositions.

Avant de vous laisser la parole, cher collègue, je tiens à remercier de leur investissement dans le comité de suivi Mme Béatrice Gille, rectrice de l'académie de Créteil, et M. Alain Bouvier, ancien recteur et président du conseil de l'ESPE de l'académie de Créteil, présents aujourd'hui à vos côtés.

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Ce rapport est le fruit d'un important travail, de plus d'un an, réalisé par le comité de suivi de la loi. Ma présentation liminaire sera brève, afin de laisser place au débat.

Premier point : le comité de suivi a tenté de répondre à deux questions.

La première : qu'est-ce qu'appliquer une loi ? En effet, l'article 88 de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a créé un comité de suivi chargé de vérifier l'application effective de la loi et de produire un suivi, et ce afin d'éviter la multiplication des rapports d'évaluation. Ce comité, d'un genre plutôt rare, est donc chargé de suivre la loi en train de s'appliquer. D'ailleurs, dans les pays qui ont mis en oeuvre un véritable suivi législatif, celui-ci se fait, je dirais, « au fil de l'eau », c'est-à-dire au moment même où la loi s'applique.

Deuxième question : la loi du 8 juillet 2013 s'applique-t-elle ? Le comité a souhaité examiner le plus honnêtement possible les leviers et les freins à l'application de la loi, en s'interrogeant sur l'éventualité de la faire évoluer. Certains dispositifs créés par la loi peuvent effectivement se révéler difficilement applicables. Nous en avons conclu que la loi n'est pas figée, qu'elle doit être dynamique.

Deuxième point : le comité de suivi s'est attaché à mettre en place une méthodologie.

D'abord, nous avons organisé de très nombreuses auditions et visites sur site, ce qui nous a permis de comprendre comment les acteurs – enseignants, directeurs d'école et chefs d'établissement, responsables de l'administration centrale, etc. – vivent les objectifs de la loi.

Ensuite, nous avons défini des critères d'évaluation à la fois objectifs et pérennes. En effet, il ne suffit pas que les décrets d'application soient pris pour que la loi s'applique correctement. Une loi s'applique réellement lorsque les acteurs sur le terrain en ont perçu le sens et la cohérence. Nous avons donc établi dix critères, parmi lesquels le délai de prise de la réglementation, mais aussi le pilotage et l'accompagnement des mesures, la mise en mouvement des pratiques, la modification de la perception des acteurs et des usagers.

Troisième point : le comité de suivi a déterminé les sujets qu'il souhaitait suivre. Le champ de la loi est si vaste que nous avons fait le choix dans ce premier rapport de ne pas examiner l'ensemble des dispositifs, afin d'éviter d'être superficiels. Nous nous sommes donc focalisés sur quatre sujets.

Le premier sujet est la priorité donnée au premier degré. Les acteurs ont fait état de la difficulté de sa mise en oeuvre. En outre, cette priorité a été occultée dans le débat public par la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.

Le deuxième sujet concerne la réforme de la formation des enseignants, levier majeur notamment de la mise en oeuvre de la priorité au primaire. Il ne peut y avoir de système éducatif efficace et juste sans formation adéquate des maîtres. À cet égard, le rapport s'interroge sur le sens d'une formation professionnalisante et constate que la réforme est encore au milieu du gué. Quel modèle de formation choisir : le modèle disciplinaire universitaire ou un véritable modèle intégratif ? En la matière, il y a encore un tâtonnement : tous les acteurs ont souligné la difficulté à mettre en oeuvre le tronc commun, et le questionnement sur la place et la nature du concours est omniprésent.

Le troisième sujet relève des nouvelles instances indépendantes, le Conseil supérieur des programmes (CSP) et le Conseil national de l'évaluation du système scolaire (CNESCO). Le premier a pour mission de formuler des propositions sur les enseignements. Que faut-il enseigner aux élèves qui seront les citoyens de demain ? Rude tâche ! Le second a pour mission de diffuser une méthodologie de l'évaluation du système éducatif.

Le quatrième sujet est, comme vous l'avez indiqué, la place des parents dans le système éducatif. Sur ce point, nous nous sommes attachés à définir le terme « coéducation » – qui figure dans la loi – en nous appuyant bien sûr sur les conclusions du rapport précité de Mme Valérie Corre.

En dernier point de mon intervention liminaire, je souhaiterais insister sur les trois grands obstacles à l'application effective de la loi pour la refondation de l'école, à la fois dans sa lettre et son esprit, identifiés par le comité.

D'abord, la loi n'aborde pas un certain nombre de domaines, si bien que l'ambition de la refondation nécessite d'aller plus loin. En d'autres termes, cette loi doit avoir un prolongement. Je pense en particulier à cette question essentielle : qu'est-ce que le métier d'enseignant ? Le nouveau cycle CM1-CM2-6ème est essentiel pour la continuité éducative, la mise en oeuvre de l'école du socle commun ; or les professeurs des écoles, d'un côté, et les professeurs du secondaire, de l'autre, ont un statut différent et une culture différente. Cette difficulté devra être surmontée grâce à des dispositifs que le législateur devra définir.

Ensuite, l'application de la loi a pris, pour des raisons diverses, un certain nombre de retards. Je pense en particulier aux nouveaux programmes, qui doivent être élaborés par le CSP. Dans ce contexte, et alors que les programmes sont la « matrice » du métier d'enseignant – pour reprendre l'expression d'une directrice d'école –, les enseignants sont un peu perdus, même s'ils vivent intensément leur mission.

Enfin, un troisième obstacle apparaît dans la succession trop rapide des réformes qui donne l'impression qu'une réforme en chasse une autre, voire l'occulte. C'est ainsi que la priorité au premier degré a été occultée, dans un premier temps, par la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, puis, dans un second temps, par le débat sur la réforme du collège. Pourtant, la réforme du collège constitue la suite logique de la refondation de l'école primaire.

Voilà pour les difficultés d'application de la loi, qui, je m'empresse de le dire, sont surmontables, pour peu que nous en ayons la volonté politique.

Je ne peux terminer cette présentation sans adresser mes remerciements sincères à tous les acteurs et personnalités que nous avons rencontrés, avec lesquels nous avons mené un travail empreint d'une remarquable écoute. Je remercie également l'ensemble des membres du comité du suivi, les quatre députés cités par M. le président, ainsi que nos amis sénateurs Dominique Bailly, Marie-Annick Duchêne, Brigitte Gonthier-Maurin et Michel Savin, mais aussi les quatre personnalités désignées par le ministre en charge de l'éducation, Mme Béatrice Gille et M. Alain Bouvier, qui se sont énormément impliqués dans ce suivi, tout comme M. Khaled Bouabdallah, président de l'université de Lyon, vice-président de la CPU, et Mme Viviane Bouysse, inspectrice générale de l'éducation nationale, groupe enseignement primaire. Je félicite enfin Mme Virginie Gohin, inspectrice d'académie-inspectrice pédagogique régionale, également présente parmi nous ce matin, qui a assuré le secrétariat général du comité de suivi, immense travail réalisé avec des moyens matériels limités.

Ce rapport, j'ai l'honneur et le plaisir de le présenter au nom de l'ensemble du comité de suivi. Mes collègues qui vont s'exprimer au nom de leur groupe le feront aussi au nom du comité de suivi. Ce dépassement des clivages partisans démontre que l'école doit nous rassembler au-delà de nos différences.

En conclusion, notre travail doit continuer en reprenant l'esprit de la concertation de l'été 2012. À cet égard, une journée d'échanges nous permettrait de faire participer à nos réflexions l'ensemble de ceux qui font l'école.

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Merci, cher collègue, pour cette parfaite synthèse du rapport.

La parole est Mme Martine Faure, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

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Yves Durand vient de nous présenter avec clarté la synthèse du rapport du comité de suivi.

La priorité à l'école primaire et à l'école maternelle est perçue comme l'une des mesures phares de la refondation de l'école. La mise en place des dispositifs au service de l'égalité des chances est en route, mais elle se révèle inégale et diverse à l'intérieur de chaque dispositif. Deux dispositifs majeurs concernent le premier degré, l'accueil des enfants de moins de trois ans en maternelle et le dispositif « Plus de maîtres que de classe ».

La loi pour la refondation redonne des couleurs à l'école maternelle, où se prépare doucement le développement de toutes les possibilités de l'enfant, en le préparant aux apprentissages fondamentaux. C'est à l'école maternelle que l'on peut déceler les premières difficultés des élèves et prendre le temps d'y remédier. La scolarisation précoce est devenue l'un des axes forts de travail avec les maires, dans le cadre d'un travail partenarial et territorial. Le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est globalement en progression, tout particulièrement en zone d'éducation prioritaire, mais le dispositif se heurte à un problème de ciblage. La préscolarisation emporte l'adhésion des enseignants, l'idée étant d'amener progressivement les élèves à l'école pour infléchir l'effet négatif des données socioculturelles et permettre aux petits enfants d'accéder au statut d'élève. Cependant, les enfants vivant dans des milieux défavorisés ne sont pas toujours scolarisés via ce dispositif : les enseignants constatent que les parents n'en voient pas l'intérêt et préfèrent les regrouper dans d'autres cadres ou les garder à la maison.

Afin de lever les appréhensions, le comité de suivi formule deux propositions. D'abord, il serait souhaitable d'établir un partenariat de confiance avec les parents en leur ouvrant davantage l'école. Ensuite, il conviendrait de travailler en partenariat avec les collectivités sur la formation des personnels municipaux, en faveur notamment de formations communes avec les personnels de l'éducation nationale.

Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » doit devenir un moteur de la refondation. Il est perçu comme très positif par les enseignants, les conseillers pédagogiques et les inspecteurs pédagogiques, car il favorise le dialogue à l'intérieur de l'établissement, les regards croisés sur les élèves, l'échange de pratiques et l'accompagnement de l'enfant sur la durée d'un cycle. Les enseignants perçoivent le dispositif renforcé par la loi comme une révolution pédagogique à laquelle ils adhèrent. Malheureusement, ce dispositif ne concerne qu'un petit nombre d'enseignants : à la rentrée 2015, les 2 352 emplois recensés au titre du dispositif ont été essentiellement affectés en éducation prioritaire. Se pose également la question de l'affectation des maîtres en cycle 2, alors que le lieu naturel de la prévention des difficultés est le cycle 1.

De nombreux autres constats exposés dans le rapport amènent le comité de suivi à formuler plusieurs autres suggestions. Je n'en citerai que quatre : créer un lien entre le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et les autres dispositifs de la priorité au premier degré ; nommer des maîtres « Plus » parmi les enseignants chevronnés correspondant au projet d'école ; capitaliser l'expérience locale au niveau national ; développer la recherche-accompagnement avec les chercheurs des ESPE.

Ce rapport d'étape nous permet de vérifier que la refondation de l'école est bel et bien en marche, mais que des ajustements sont nécessaires, les dispositifs perfectibles, et que le temps de l'école est un temps long. La responsabilité de chacun et l'engagement de tous, que nous avons constatés tout au long de nos auditions et de nos rencontres, ne peuvent que nous rassurer.

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La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe Les Républicains.

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Le président Yves Durand a rappelé la démarche du comité de suivi de la loi du 8 juillet 2013 dite de « refondation de l'école de la République ». Le rapport présente la mise en oeuvre de la réforme de la formation, la mise en place des nouvelles instances – Conseil supérieur des programmes et Conseil national de l'évaluation du système scolaire –, les premiers constats sur la relation entre l'école et les parents, et traite en premier lieu de la priorité au premier degré.

Sur ce dernier point, l'attente était forte, les mesures annoncées ont été plutôt bien accueillies, mais la mise en oeuvre reste en deçà des attentes. Le décalage avec le terrain et dans l'application des réformes est relevé et, à ce jour, la priorité au primaire n'est pas perçue comme une réussite. Plusieurs raisons peuvent être mises en avant. Première raison : on observe qu'il n'y a eu aucune adaptation de l'organisation administrative ou statutaire correspondant à la mise en place de la continuité éducative : les obligations réglementaires de service statutaire des enseignants de premier et de second degrés, par exemple, demeurent inchangées. Deuxième raison : la réforme des programmes ne sera effective qu'à la rentrée 2016, or les nouveaux programmes de cycle touchent tous les élèves et tous les enseignants. Troisième raison : les moyens budgétaires sont peu visibles, la Cour des comptes soulignant la sous-réalisation du schéma d'emplois sur le premier degré et sa sur-réalisation sur le second degré, en décalage avec les priorités affichées.

Les mesures principales sont les nouveaux cycles d'enseignement, les nouveaux programmes de cycle, le conseil école-collège, l'éducation prioritaire, le dispositif « Plus de maîtres que de classes », la scolarisation des enfants de moins de trois ans, et les nouveaux rythmes scolaires.

Concernant le dispositif « Plus de maîtres que de classes », j'insisterai sur le constat fait par le comité de la focalisation sur le cycle 2, alors que le lieu naturel de la prévention des difficultés est le cycle 1.

Des moyens très importants – 352 millions d'euros pour 2015 – ont été mis au service de l'éducation prioritaire. Mais si les évolutions pédagogiques et éducatives y sont reconnues, de même que le travail collectif des enseignants et l'engagement des équipes, les initiatives locales peinent à faire système. D'autre part, se pose la question du caractère prioritaire du dispositif, puisqu'il concerne un élève sur cinq, et de la conception peu dynamique de son évaluation.

S'agissant de la mise en place des nouveaux cycles, on ne peut à ce stade qu'évoquer le cycle 1. Mais en l'absence de recul, il n'y a que peu à dire.

Le conseil école-collège doit développer une culture commune et renforcer la continuité premier-second degré. En l'absence de raccordement avec les nouveaux programmes, ce conseil est ressenti comme une « coquille vide » par les enseignants. Il faut noter que le lien école-collège fonctionne plus sur les projets de type sportif ou culturel que sur les apprentissages fondamentaux.

Enfin, je souhaite évoquer la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, dont on a pu dire qu'elle avait monopolisé le débat public et qu'elle avait souvent été la seule lecture de la loi. Les mesures dérogatoires finalement accordées, le manque de prise en considération de l'intérêt de l'enfant et l'absence de concertation sont mis en avant. D'autre part, il faut constater qu'animateurs et enseignants sont dans des pratiques professionnelles différentes, se concertent peu et se rencontrent encore moins. L'investissement pédagogique ne devient possible que dans les écoles engagées depuis longtemps. En outre, le doute persiste au sein des équipes sur l'intérêt du dispositif en maternelle. Il semble donc indispensable de poursuivre une réflexion autour du temps de l'enfant, en tenant compte des spécificités des écoles, et d'accompagner la réforme par la formation.

Pour finir, je voudrais faire part d'un constat général récurrent, la distance entre le niveau central et le niveau local, entre la conception et la réalisation. La loi du 8 juillet 2013 a peu irrigué le travail des vrais acteurs de l'éducation, et rien ne pourra avancer sans concertation, sans formation et sans pédagogie.

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La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe Écologiste.

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Monsieur le président Durand, je vous remercie de cette présentation très complète. Comme vous le savez, les députés écologistes ont particulièrement soutenu la refondation de l'école, ainsi que les mesures qui ont été prises depuis et qui prolongent avec cohérence l'état d'esprit de cette réforme. L'enjeu est bien de refaire de l'école une promesse pour tous, une école qui doit savoir s'adapter aux besoins de chaque élève, y compris lorsqu'ils ont des difficultés, que ces dernières soient temporaires ou non, je pense aux enfants en situation de handicap, précoces, « dys », en difficulté familiale ou sociale, aux enfants allophones nouvellement arrivés en France, ou encore issus de familles itinérantes et de voyageurs. C'est pourquoi deux ans après les débats sur la refondation de l'école, qui a inscrit pour la première fois dans la loi le principe de l'école inclusive, j'ai souhaité, avant vous, faire un bilan d'étape sur cet aspect essentiel dans mon récent avis budgétaire centré sur l'école primaire inclusive. J'aimerais donc savoir quelles sont les analyses et recommandations du comité de suivi à ce propos.

Aujourd'hui, de nombreux outils existent pour mettre en oeuvre cette école inclusive, mais des améliorations doivent être menées. Je pense au projet personnalisé de scolarisation (PPS) pour les élèves en situation de handicap, mais aussi aux deux autres outils créés par la loi pour la refondation que sont le plan d'accompagnement personnalisé (PAP) pour les élèves rencontrant des troubles des apprentissages, comme les « dys », et le programme personnalisé de réussite éducative pour les élèves qui n'ont pas de trouble ou de handicap mais qui connaissent de réelles difficultés scolaires. Ces instruments sont un premier pas vers une individualisation des parcours, et l'on constate que les accompagnements différenciés et les pratiques pédagogiques spécifiques qu'ils permettent sont bénéfiques pour l'ensemble des élèves. Aussi les retours de terrain que vous avez pu avoir sur ces nouveaux outils pour l'inclusion créés par la loi m'intéressent-ils tout particulièrement. Bien entendu, cette question est indissociable de celle des moyens humains. J'aimerais donc connaître l'avis du comité de suivi sur le besoin de renforcer le nombre des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, qui sont les acteurs essentiels pour mettre en place l'école inclusive que nous souhaitons tous.

Concernant le mouvement actuel de décloisonnement entre milieu ordinaire et dispositifs particuliers, avez-vous eu des retours d'expérience qui permettraient de faciliter encore le rapprochement entre ces dispositifs et la classe ordinaire, laquelle doit demeurer le lieu ayant vocation à scolariser tous les élèves ?

En lien avec cet objectif, quelques mots sur la formation des enseignants. La loi pour la refondation de l'école a eu la sagesse de restaurer cette formation, notamment en créant les ESPE. Mais, comme vous l'indiquez vous-même, le nouveau modèle de formation peine à trouver son équilibre sur le plan structurel et sur le plan pédagogique. Les ESPE ne sont pas encore à la hauteur, y compris sur la question de l'inclusion. La formation initiale et continue est insuffisante au regard des enjeux. Les pratiques de l'école inclusive, intégrées au tronc commun de formation, sont totalement isolées du reste de la formation. Or l'école inclusive exige un changement d'état d'esprit qui passe nécessairement par la formation. Il est aujourd'hui nécessaire de modifier les maquettes des formations des ESPE. D'une façon plus générale, il faudrait également déplacer le concours en fin de licence, afin de libérer la première année de master du bachotage et de déployer une formation professionnelle digne de ce nom, ce qui permettrait de remédier à la cassure entre disciplinaire et pratique que vous mentionnez. Cette demande de révision du continuum de formation fait sens de façon globale, et pas seulement au regard des enjeux de l'école inclusive.

Concernant l'ouverture des ESPE à l'ensemble des acteurs de l'éducation, là aussi, la marge de progression est grande. Sur les questions de l'inclusion, les experts extérieurs ne représentent pas plus de 20 % à 35 % des intervenants. De même, les formations communes aux enseignants, aux personnels des établissements médicosociaux et des maisons départementales des personnes handicapées et aux AESH sont embryonnaires. Pourtant, faire émerger une culture de travail en équipe, dans laquelle les équipes éducatives et médicosociales mais aussi les associations et les parents auraient toute leur place, est essentiel. Je partage votre analyse : il faut mieux associer les parents pour que la coéducation ne soit pas réduite à un simple principe et que les parents ne demeurent pas les « fantômes » de l'institution.

Enfin, il me semble nécessaire de mieux diffuser les pratiques pédagogiques différenciées permettant de trouver des méthodes d'enseignement adaptées à chacun face à l'hétérogénéité d'une classe et, ainsi, de prévenir l'échec scolaire. L'innovation pédagogique devrait être mieux valorisée dans le parcours professionnel des enseignants et les évolutions de leur carrière. Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien apporter sur ces différents points.

Pour conclure, je m'associe à votre souhait que la priorité accordée au primaire produise des effets concrets sur le terrain.

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La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

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À mon tour, je tiens à féliciter les membres du comité de suivi, ainsi que son président Yves Durand, pour le travail réalisé et la qualité du rapport qui nous est présenté.

Je ne reviendrai pas sur la position du groupe UDI lors de l'examen de la loi, mais chacun conviendra que ce texte n'était pas à la hauteur des défis que doit relever le système scolaire de notre pays.

D'abord, cette loi ne faisait pas suffisamment le lien entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, alors que le taux d'échec lors des premières années d'université est alarmant. Ensuite, elle ne proposait rien concernant la formation continue et la formation en alternance. Enfin, il aurait sans doute mieux valu parler de réforme que de refondation, ce qui aurait été plus modeste et plus empirique, certes, mais aussi plus honnête.

Chers collègues, la vaste étude « Trajectoires et origines » de l'INED et de l'INSEE publiée le 8 janvier dernier montre, et notre débat d'hier avec la ministre de l'éducation nationale sur la mixité scolaire le corrobore, l'étendue des difficultés de notre système éducatif à faire réussir tous les élèves, alors même que cet objectif est désormais inscrit dans la loi.

Deux ans après l'adoption de cette loi, les conclusions du comité de suivi ne sont guère réjouissantes. Au vu des indicateurs de tendance qui suivent l'application de la loi et du tableau récapitulatif, beaucoup de dispositions ne sont pas encore appliquées, voire sont différées. C'est là une bien mauvaise image de l'application des lois votées par le Parlement.

L'examen plus en détail du rapport démontre que la loi de refondation de l'école néglige les enseignants, de la même manière que la loi de modernisation de notre système de santé s'est faite contre les professionnels de soins.

Le comité de suivi souligne « l'insuffisance de l'appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants, l'affadissement et la parcellisation de son application ». Le même constat pourrait être porté sur la refonte des programmes au collège ; l'adhésion des enseignants est loin d'être acquise, et je ne parle pas de la récente polémique autour des lettres de remarque intégrées au dossier des enseignants récalcitrants en formation. Beaucoup s'inquiètent de la crédibilité du calendrier de mise en oeuvre. Pourtant, la réforme de la formation des enseignants est unanimement reconnue comme le levier principal de l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la réussite des élèves. Attendue par les enseignants, sa mise en place est, de l'aveu même du comité de suivi, extrêmement difficile.

En somme, loin de nous rassurer, ce rapport fait état de la déception de la communauté éducative. Au lieu d'une loi qui se voulait colossale, il aurait peut-être fallu s'en tenir à des mesures clés : rénover le statut de chef d'établissement afin qu'il puisse se consacrer à l'animation des équipes et à la pédagogie, affecter des moyens en direction des élèves les plus en difficulté, innover avec l'ensemble de la communauté éducative, redéfinir les modalités de recrutement des enseignants et, enfin, renforcer l'attractivité de la profession.

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La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

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J'apprécie l'ambiance de travail de ce comité. J'espère que les préconisations de ce rapport seront entendues et qu'il n'ira pas prendre la poussière sur les étagères déjà bien remplies des archives de l'Assemblée nationale.

Notre école ne peut pas, à elle seule, résoudre tous les maux de la société, mais nous le savons, elle ne va pas bien. Trop inégalitaire, elle ne conduit pas assez à la réussite ; trop d'enfants arrivent au collège sans savoir lire et écrire correctement ; trop de jeunes sortent de notre système scolaire sans diplôme. Toutes ces lacunes doivent être corrigées.

D'abord, un constat. La mise en place de la réforme des rythmes scolaires a occulté le débat de fond sur les principaux enjeux de la loi, ce qui est fort dommage. À présent, il faut une évaluation précise et spécifique sur cette réforme.

Ensuite, un regret. Les objectifs de la loi ne sont pas assez connus. Il y a un manque évident de concertation et de dialogue sur le terrain avec les différents acteurs. Pour y remédier, je propose que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) organisent des réunions d'information régulières avec le personnel enseignant et avec les parents, au fur et à mesure de la mise en place des mesures de la loi.

Pour autant, je constate que l'idée de la refondation est rassembleuse au sein de la communauté éducative. Beaucoup expriment le souhait d'être associés. Il faut donc encourager toutes les bonnes volontés, celles des enseignants, celles des parents. Nous le savons, l'épanouissement de l'élève dans ses apprentissages dépend en grande partie de la qualité de la relation entre l'école et la famille. La Nation doit se rassembler pour ces jeunes. L'école ne pourra se refonder sans les parents : l'institution doit lever ses réticences à leur implication. Parents et enseignants, chacun avec leurs propres prérogatives, doivent former une véritable équipe éducative dans l'intérêt de l'enfant. À ce propos, le comité de suivi propose la rédaction d'une charte de la coéducation permettant le partage des expériences et des expertises.

Parallèlement, il faut valoriser le rôle des enseignants. Comme j'ai pu le constater, un grand nombre d'entre eux exprime un manque de reconnaissance de leur employeur, mais aussi plus largement de la société. Cela conduit parfois à des crispations ou encore à une certaine forme de démobilisation. Pour ma part, parce que nous leur demandons beaucoup, je suis favorable à des gestes forts de la Nation envers les enseignants, je suis favorable à une revalorisation salariale conséquente et à une meilleure concertation sur toutes les mesures engagées qui impactent directement leur quotidien et leurs conditions de travail.

Les mesures améliorant la formation des enseignants sont également essentielles. La relance de la formation initiale est positive, mais il faut aussi urgemment améliorer la formation continue. D'ailleurs, et les enseignants le savent, le monde évolue et eux-mêmes sont très demandeurs de formation continue. Pour autant, je regrette que les budgets en la matière soient largement insuffisants.

Concernant le numérique, chapitre important de la loi, les attentes sont grandes. Mais sur le terrain, les choses ne vont pas assez vite. Le passage à l'ère du numérique nécessite une action plus forte de l'État pour mieux accompagner les collectivités locales, afin d'éviter les inégalités territoriales.

En conclusion, j'ai le sentiment que les dispositions de la loi répondent en partie aux attentes du terrain. Néanmoins, je constate sur plusieurs sujets des retards dans la mise en oeuvre, et ce malgré la bonne volonté des acteurs. Je pense en particulier à la mise en place des nouveaux programmes. Ce dernier constat me conforte à penser qu'une grande simplification de la structure administrative du ministère de l'éducation nationale est indispensable pour rendre notre école plus réactive face à un monde qui évolue si vite. Les mesures positives adoptées il y a plus de deux ans doivent se traduire concrètement au niveau des établissements, dans le quotidien des enseignants, dans le quotidien des élèves. Il y a urgence.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Si d'aucuns ont douté à un moment de la nécessité d'un comité de suivi, nous en voyons aujourd'hui l'utilité. En effet, ce rapport très riche permet de mettre en avant les retards dans la mise en oeuvre de la loi, mais aussi les problèmes qu'elle soulève. À cet égard, ce rapport témoigne d'un certain courage.

Face aux problèmes que vous soulevez, monsieur Durand, devons-nous envisager des suites législatives pour apporter des corrections à la loi ? Quels moyens d'interpellation du ministère envisagez-vous ?

Je voudrais revenir sur la formation.

À la page 53 du rapport, le tableau sur le « sentiment d'être préparé à la profession d'enseignant » est édifiant. Sur les dix pays sondés, c'est en France que les enseignants émettent le plus de doutes sur la pédagogie appliquée aux contenus à enseigner et sur les pratiques de classe dans la matière enseignée. Cela témoigne d'un véritable problème sur le contenu de la formation des enseignants.

En lien avec ce problème, vous vous interrogez sur le transfert des résultats de la recherche vers la formation et sur la professionnalisation effective de la formation et des concours. Nous sommes là face à un vaste chantier sur le contenu de la formation et sur le métier même d'enseignant.

Avec la réforme de l'enseignement supérieur et l'indépendance des universités, se pose parallèlement le problème du pilotage des lieux de formation des enseignants, les ESPE. Comment l'État peut-il mieux jouer son rôle de pilotage, de contrôle des contenus de la formation des enseignants ?

Enfin, votre rapport aborde la question du pré-recrutement. Lors du débat sur la refondation de l'école, je l'avais posée et l'on m'avait répondu sur les emplois d'avenir professeur. Le résultat est mitigé et la question doit effectivement être posée une nouvelle fois.

Je voudrais, en outre, évoquer le ressenti des acteurs.

Hier, dans le débat sur la mixité sociale à l'école, Mme la ministre de l'Éducation nationale a, de nouveau, fait des annonces. La loi n'est pas encore totalement mise en oeuvre que déjà de nouvelles annonces sont faites ! Pour les enseignants, je comprends qu'il soit difficile de leur donner un sens.

Pour les parents, leur ressenti est contradictoire concernant la scolarisation précoce annoncée comme une priorité. En effet, si beaucoup de familles y sont favorables, elles n'ont pas toujours la possibilité de scolariser leur jeune enfant, notamment parce qu'une seule classe est ouverte dans leur ville. Votre rapport indique d'ailleurs que le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est en léger recul.

Enfin, le rapport indique que les parents demeurent les « fantômes » de l'institution, et analyse la place et le rôle des grandes fédérations de parents d'élèves. De plus en plus de parents créent leur propre comité dans une démarche plus individuelle que collective. Comment revaloriser ces fédérations pour leur redonner une crédibilité auprès des parents ?

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Nous passons aux questions, de deux minutes chacune.

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Monsieur Durand, la présentation du premier rapport du comité de suivi nous permet d'échanger, non sur une loi en cours d'élaboration, mais sur les conditions concrètes de son application. Je m'en réjouis, même si je ne partage pas le ton général de ce rapport, que je trouve assez pessimiste.

La création du comité de suivi constitue l'une des innovations de cette loi, comme le sont le CSP et le CNESCO. Le législateur vote la loi : reste à la faire vivre sur les territoires. Les différents acteurs doivent se l'approprier et appréhender la cohérence du projet, or cela n'est pas toujours aussi simple. Les services du ministère et les différents corps d'inspecteurs ne devraient-ils pas être davantage mobilisés pour expliquer et accompagner la réforme et ses différentes étapes ?

Sur le CNESCO, je ne partage pas votre analyse, non parce que j'en suis membre, mais parce que je crois à la nécessité d'une évaluation extérieure, experte et objective, que nous avons voulu mettre en place avec cette instance. J'émets le voeu que la présidente du CNESCO puisse présenter le rapport d'activité 2015 de celui-ci devant notre commission ; cette possibilité est inscrite dans la loi et permettrait d'éclairer tous nos collègues.

Enfin, ce rapport utilise à plusieurs reprises les termes d'usagers et de bénéficiaires. Ne croyez-vous pas qu'une des clés de l'appropriation est de permettre à toutes ces personnes d'être des acteurs, et non des consommateurs de l'école ? A mon sens, qu'ils soient élèves, enseignants, personnels, parents, élus locaux, partenaires de l'école, tous doivent se mettre en mouvement pour agir.

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En tant que membre du CNESCO également, je soutiens la proposition de Valérie Corre.

En découvrant ce premier rapport annuel, rigoureux et sans concession, j'ai envie de m'écrier : tout ça pour ça ! Le diagnostic était nécessaire, mais j'ai l'impression que la loi pour la refondation de l'école pose davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses aux maux de l'école.

Une loi sur l'avenir de l'école s'inscrit dans le temps long, une quinzaine d'années. Cela a été le cas pour la loi Jospin de 1989, mais pas pour la loi Fillon de 2005 puisqu'à peine arrivée au pouvoir, la gauche s'est précipitée pour réformer l'école, qu'elle considérait comme son domaine de prédilection. Monsieur le président Durand, vous l'avez souligné, une réforme chasse l'autre : la loi Fillon était encore en train de s'appliquer, et la notion de socle commun, de connaissances et de compétences était une innovation majeure et indispensable dans la société du numérique que le terrain a mis du temps à s'approprier.

La question des rythmes scolaires a largement pollué quelques bonnes intentions de la loi. On se souvient du large consensus autour du rapport Durand-Breton de 2010 sur « les rythmes de vie scolaire ». Malheureusement, la mise en oeuvre a été calamiteuse, comme en témoigne par exemple, page 43 du rapport, les exemples de perplexité des inspecteurs de l'éducation nationale, d'amertume des enseignants, l'absentéisme important, les doutes sur l'intérêt de maintenir le dispositif en maternelle, l'absence de concertation avec les animateurs ou encore les nombreuses difficultés de financement par les collectivités. Le fonds d'amorçage prévu par la loi n'y change pas grand-chose.

J'ajoute que j'ai entendu hier, lors de notre débat sur la mixité sociale à l'école, une députée de la majorité déplorer les inégalités dans l'offre de la réforme des rythmes scolaires, ce que nous répétons depuis très longtemps. Et ce ne sont sûrement pas les neuf demi-journées qui posent problème.

J'aimerais revenir sur deux points.

D'abord, lors du débat sur la loi pour la refondation de l'école, la majorité a martelé que la droite avait supprimé la formation des maîtres, ce qui était totalement faux. En effet, au moment de la masterisation, mécaniquement, de jeunes enseignants se sont retrouvés trop vite en charge de classe, ce que l'on ne peut que regretter. Les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont été décriés, mais aujourd'hui, le nouveau modèle de formation peine à trouver son équilibre sur le plan structurel et sur le plan pédagogique. La cassure entre enseignements disciplinaires et professionnels est réelle et le séquençage M1-M2 n'est pas satisfaisant. La majorité a malheureusement été sourde à la préconisation du rapport de la Cour des comptes : gérer les enseignants autrement. Les réponses devaient être qualitatives et non quantitatives.

Ensuite, la priorité au primaire a été un bel argument de campagne présidentielle et, « Plus de maîtres que de classes » un beau slogan pour les enseignants et les parents. Mais là encore, force est de constater que les moyens programmés, je reprends le rapport, demeurent « peu visibles ». Au moment où l'école est elle-même secouée par les abominables attentats commis en 2015, je voudrais, monsieur le président Durand, rappeler le rôle éminent des chefs d'établissement et des directeurs d'école. Il faut faire confiance au terrain. Le comité de suivi a-t-il constaté des évolutions dans la direction des écoles, des collèges et des lycées ?

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Je tiens à remercier tous les membres du comité de suivi pour leur travail.

À la lecture du rapport, on constate la différence qui peut exister entre les principes initiaux d'une loi et les applications concrètes sur le terrain. Si un grand nombre de dispositions de la loi pour la refondation de l'école sont déjà entrées en application, et ce avec succès – je pense aux rythmes scolaires et aux nouveaux programmes de maternelle –, d'autres dispositions ont pris du retard. C'est notamment le cas pour le conseil école-collège, dont le but est de renforcer la continuité pédagogique entre le premier et le second cycles et dont les textes d'application ont pourtant été publiés.

Le rapport note une parcellisation de la réforme, entrée en application de manière inégale selon les dispositions, ce qui modifie la lisibilité et la cohérence générale de la loi. Il est essentiel que les blocages des acteurs locaux ne remettent pas en cause l'égalité de l'ensemble des élèves et de nos jeunes face à cette réforme. Dans le cadre de vos travaux, avez-vous observé des disparités territoriales importantes dans l'application des principales dispositions de la loi pour la refondation de l'école ?

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Je tiens à souligner l'intérêt de débattre de ce rapport annuel, car nous sommes ici totalement dans notre mission de contrôle. Je dois dire que je reste sur ma faim en raison, non du rapport lui-même, mais des insuffisances initiales de la loi. Pour l'expliquer, je vais reprendre trois sujets qui ont fait l'actualité de la politique éducative en 2015, mais qui ne sont pas évoqués dans le rapport parce qu'ils n'ont pas été intégrés dans la loi Peillon.

Premier sujet, la réforme du collège. Elle a été annoncée sans aucune concertation, or elle reste très contestée et sa mise en oeuvre s'annonce très laborieuse.

Deuxième sujet, les principes d'éducation. Nous avions eu des débats nourris pour savoir quels principes d'éducation devaient être inscrits dans le code de l'éducation. Notre groupe avait alors proposé des amendements pour y ajouter deux principes : le goût de l'effort et le respect de l'autorité. À la lumière des événements qui ont assombri l'année 2015, nous ne pouvons que regretter l'opposition du gouvernement et de sa majorité à inscrire ces deux notions dans les principes de l'éducation.

Troisième sujet, la prise en compte des difficultés plus importantes que rencontrent les garçons dans leur parcours scolaire. Deux ouvrages récents mettent en lumière ce phénomène : « Nos garçons sont en danger ! », écrit par le pédopsychiatre Stéphane Clerget, et un livre à paraître dans quelques jours intitulé « École : la fracture sexuée » du spécialiste de l'éducation Jean-Louis Auduc. Les chiffres sont en effet alarmants : être un garçon augmente de 47 % la probabilité d'avoir redoublé à quinze ans ; et plus de 57 % des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification sont des garçons. Ne pensez-vous pas intéressant de prévoir dans le rapport annuel de l'année prochaine un chapitre analysant les manques de la loi dite de « refondation de l'école » ?

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Monsieur le président Durand, votre rapport indique à la page 42 qu'une réflexion a été engagée en 2014 afin de prendre en compte les enjeux croissants de la fonction de direction dans l'école primaire. En effet, les directeurs d'école doivent accomplir des missions qui se sont multipliées et complexifiées avec le temps. Dans une question écrite à la ministre de l'éducation nationale, j'avais formulé deux propositions : consacrer davantage de postes à l'aide administrative aux directeurs des écoles, d'une part, et pérenniser l'emploi des assistants administratifs dont les directeurs d'école sont très souvent satisfaits et qu'ils souhaitent garder à leurs côtés, d'autre part. Je pense que ces deux dispositifs simplifieraient la tâche des directeurs d'école qui oeuvrent directement à la mise en oeuvre de la priorité au premier degré.

Je voudrais rappeler que les directeurs des écoles maternelles et élémentaires doivent s'acquitter d'une charge de travail supplémentaire, qu'ils ont des responsabilités importantes vis-à-vis de leurs collègues, et qu'ils éprouvent des difficultés grandissantes vis-à-vis de parents qui manquent parfois de civisme. Il serait donc nécessaire de revaloriser les indemnités de direction d'école au regard des services supplémentaires rendus par ces enseignants.

Parmi les engagements de François Hollande, il était prévu que 7 000 postes en primaire seraient consacrés d'ici à 2017 au dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui consiste à affecter un enseignant supplémentaire pour aider les enfants en difficulté. Cette mesure figure dans le rapport annexé à la loi pour la refondation de l'école. Votre rapport indique, page 33, que ce dispositif est très bien perçu par les enseignants, mais précise à la page 31 qu'à la rentrée 2015, seuls 2 352 emplois étaient recensés au titre de ce dispositif. Pourquoi ne pas l'exploiter davantage ?

Pour lutter contre l'échec scolaire, le Conseil économique, social et environnemental encourage une socialisation précoce des enfants à travers l'école maternelle, car elle favorise l'apprentissage de la vie en société. Selon le rapport, depuis 2013, 3 000 postes sont en cours de déploiement pour l'accueil des enfants de moins de trois ans, en priorité dans les territoires en difficulté, et des efforts très importants ont été consentis par les collectivités en ce sens. L'objectif est de parvenir, à terme, à 75 000 places nouvelles en maternelle. Où en sommes-nous ?

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Le rapport présenté ce matin souligne, à juste titre, l'insuffisante appropriation de la réforme par les professionnels de l'éducation, au premier rang desquels les enseignants. Les attentes des professionnels et des parents d'élèves sont importantes et légitimes, et l'on peut douter que le Gouvernement ait mesuré la déception de ces derniers. En effet, l'indépendance du CSP est régulièrement remise en question, et le CNESCO ne semble pas agir dans le cadre de sa mission d'évaluation. Plus globalement, la confusion plane sur la nature des chantiers prioritaires et sur la méthode utilisée pour y associer les parents d'élèves. Pourtant, l'école républicaine, celle qui permet à chacun de gravir les marches de la réussite grâce au travail, l'investissement et l'effort, doit pouvoir se renouveler et être un rempart majeur aux inégalités sociales et culturelles. L'école républicaine, celle des chefs d'établissement, des enseignants, des équipes pédagogiques, des familles et des enfants, doit pouvoir se construire par la concertation en valorisant les différents acteurs qui la vivent au quotidien.

Monsieur le président Durand, il ressort de la lecture de ce rapport et de l'observation de l'action gouvernementale depuis plus de deux ans maintenant une impression d'échec annoncé, que nous regrettons tous. Devant une réforme qui apparaît comme incomprise, voire rejetée, de quelle manière pourraient être mieux associés tous les acteurs concernés par cette réforme ?

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Je vous félicite, monsieur le président Durand, ainsi que tous les membres du comité de suivi pour la qualité et la sincérité de votre rapport. Alors que nos concitoyens manifestent une défiance toujours plus importante vis-à-vis de leurs élus, un tel rapport contribuera à démontrer l'extrême utilité du Parlement dans son rôle de contrôle de l'action du gouvernement.

Je souhaite vous interroger sur l'application des dispositions figurant aux articles 16, 38 et 70 de la loi relative au numérique. Ce sujet me tient particulièrement à coeur car, dans ma région anciennement Languedoc-Roussillon, nous avions pris la question du numérique à bras-le-corps avec le dispositif « LoRdi » qui mettait à disposition des élèves un ordinateur portable et un lien avec un service pédagogique.

Il serait aujourd'hui irresponsable de nier l'importance considérable du numérique dans notre environnement personnel et professionnel. Si de très nombreux jeunes sont parfaitement familiers de ces nouveaux outils ou de ces nouveaux moyens de communication, ils se sont souvent formés seuls. La place accordée au numérique dans la loi de programmation est donc capitale. Comment avez-vous évalué la mise en place de l'éducation numérique, aussi bien dans sa prise en compte au coeur des programmes que dans les moyens matériels et techniques qui lui sont consacrés ?

Alors que les ESPE sont pleinement opérationnels depuis la rentrée 2014, de quelle manière a été mise en place la formation au numérique dans la formation initiale des enseignants ? Au-delà, avez-vous des éléments sur la formation et l'accompagnement apportés aux enseignants hors formation initiale ?

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Selon le rapport, les principes de la loi font consensus pour l'ensemble des acteurs. En réalité, ces principes ne font pas consensus, monsieur le président Durand, et c'est ce qui rend l'application de la loi aussi difficile.

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Je tiens à vous remercier, monsieur le président Durand, ainsi que les membres du comité de suivi, pour le travail réalisé sur une loi si importante pour notre pays.

Chacun le sait, l'école et la jeunesse sont au coeur de nos engagements et des engagements du Gouvernement. Grâce à votre travail clair est sans compromis, nous pouvons constater les avancées concrètes des dispositifs : la priorité accordée au primaire avec le dispositif « Plus de maîtres que de classes », la création des écoles supérieures de professorat et de l'éducation, entre autres. Pour autant, il reste beaucoup de chemin à parcourir, en premier lieu sur la formation des enseignants.

Dans ma circonscription, il m'a été rapporté que de jeunes professeurs titulaires d'un master devaient reprendre un cycle d'études déjà effectué, et que d'autres devant effectuer des heures de formation se sont malheureusement retrouvés face une formation sans formateur. Le recrutement et la formation des nouveaux professeurs, ainsi que la formation continue, sont les piliers d'une meilleure éducation. Quel calendrier est prévu d'ici à 2017 pour la mise en place de ces formations ?

Par ailleurs, le lien entre école et collectivités locales est primordial, mais il n'est pas toujours simple. L'intégration des collèges dans les autres dispositifs nationaux, comme la politique de la ville, n'est pas encore tout à fait mise en oeuvre. Quelles solutions avons-nous pour faire réussir cette belle réforme ?

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Alors que j'étais favorable à la mise en place du comité de suivi, les entretiens que j'ai eus depuis avec les enseignants de ma circonscription m'ont fait réfléchir sur mon jugement premier. En effet, plusieurs d'entre eux m'ont fait part de leurs difficultés quant à l'instabilité législative qui entoure l'école de la République. Les réformes successives ne leur procurent pas une stabilité dans leurs travaux ; c'est pourtant dans un cadre stable que l'enseignant peut développer et parfaire ses compétences. Aussi, ces enseignants ont-ils exprimé leur inquiétude quant au comité de suivi, craignant des recommandations, des bouleversements chaque année. Lors de vos auditions, avez-vous été amenés à entendre ce type d'observation ? Quel est votre sentiment personnel sur cette question ?

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Ce rapport aborde à la page 43 la mise en oeuvre différenciée des nouveaux rythmes scolaires. N'est-il pas temps de revenir sur le décret n° 2014-457 du 7 mai 2014 portant autorisation d'expérimentations relatives à l'organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires, dit « décret Hamon », qui a introduit des assouplissements en fonction des collectivités locales ?

Ensuite, ce rapport évoque, dans de longues pages, la question cruciale de la formation et des ESPE. Mme Pompili a soulevé la question relative au niveau de recrutement. Monsieur le président Durand, ne pensez-vous pas opportun de mettre en place, enfin, le recrutement des enseignants au niveau de la licence, et non plus à la fin de l'année de M1 ?

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Le rapport souligne que « le comité de suivi ne peut qu'être frappé par l'insuffisance de l'appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants. La refonte des programmes, c'est-à-dire de ce qui va concerner tous les enseignants, ne se sera faite qu'en dernier lieu, compromettant le calendrier de la réforme et reportant ses effets. » Ainsi, le rapport soulève le manque d'adhésion des enseignants, mais il est regrettable qu'il n'aille pas jusqu'au bout de la réflexion. Je vois deux raisons principales au problème. Premièrement, l'excès de réformes. Vous l'avez dit, on ne peut pas demander aux enseignants de s'adapter à des réformes incessantes sans décourager ceux qui sont en charge de les appliquer. Deuxièmement, on se détourne de la priorité numéro 1 de l'enseignement, à savoir l'acquisition des savoirs fondamentaux. Dans ce domaine, il y a fort à faire. Les chiffres habituellement admis par les professionnels et relayés par les médias corroborent les inquiétudes : 20 % des enfants en école primaire ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux, et 20 % à 40 % des élèves inscrits en sixième ont des problèmes avec, notamment, le français. Comment intéresser les enseignants à ce rapport ?

En outre, la loi pour la refondation de l'école a été axée uniquement sur l'éducation au numérique et l'éducation artistique. Or on constate, les chiffres le prouvent, que ce n'est pas le véritable problème aujourd'hui. Que préconise le comité de suivi pour assurer l'acquisition des savoirs fondamentaux, à savoir lire, écrire et compter ?

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Alain Bouvier, ancien recteur, président du conseil de l'ESPE de l'académie de Créteil

Au sein des universités, les relations entre une composante, quelle qu'elle soit, et l'université doivent s'établir, en particulier s'agissant des ESPE, qui sont des instances nouvelles. J'ai bon espoir que cette évolution se fasse dans de bonnes conditions – j'ai plutôt des échos favorables sur ce point.

En revanche, le budget de projet, qui constitue une véritable innovation, me semble plus difficile à mettre en place. Ce budget est censé, au niveau d'une académie, réguler d'un point de vue financier les relations entre l'ESPE, l'université dont dépend l'ESPE, les autres universités et le rectorat. Il nous faudra encore quelque temps pour arriver à en faire le meilleur usage qui soit.

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Des sujets que nous n'avons pas abordés dans ce premier rapport annuel seront traités dans des rapports thématiques, dont la liste figure à la page 97, notamment sur « L'école, les parents et les partenaires », « Le numérique », « L'inclusion » ou encore « L'école et l'établissement ». Je sais que vous êtes sensible au thème de la place de l'établissement, monsieur Reiss, sur lequel vous avez rendu un rapport lors de la législature précédente. Nous nous appuierons sur votre travail, comme le présent rapport s'est appuyé sur d'autres rapports, notamment de l'Inspection générale de l'éducation nationale.

La mission d'information à venir sur la formation des enseignants sera amenée à examiner les questions abordées dans notre rapport, en particulier le fonctionnement des ESPE et la place du concours. Le débat sur ce dernier sujet n'est pas clos. En effet, parmi les stagiaires que nous avons rencontrés lors de nos visites des ESPE, figuraient des étudiants issus de l'université, mais aussi un grand nombre de personnes qui s'orientent vers le métier d'enseignant après une expérience professionnelle totalement différente. Or ces personnes ont une culture et une sensibilité très éloignées de celles des étudiants. Ce sujet est important au regard de la nature des enseignements et des concours. La place du concours pose problème à beaucoup de stagiaires, notamment compte tenu du déséquilibre de charge de travail entre le M1 et le M2.

Nous avons en effet évoqué le pré-recrutement au moment de l'examen de la loi, madame Buffet. Ce pré-recrutement n'est pas inscrit dans la loi pour des raisons budgétaires. Mais le décret instituant le comité de suivi indique que celui-ci devra se pencher notamment sur les problèmes de formation des enseignants, en examinant les possibilités du pré-recrutement. C'est ce que nous ferons cette année. Je souhaite que nous ayons un débat de fond, car c'est un réel problème pour l'école, les enseignants et pour la société tout entière.

Nous n'allons pas refaire le débat sur la loi, elle est devenue la loi de la République. La tâche du comité de suivi n'est pas de porter un jugement positif ou négatif sur la loi, elle est de s'interroger sur son application. Plus précisément, notre rôle consiste à identifier les freins et les leviers à son application, puis à examiner la manière de lever ces freins et d'utiliser ces leviers pour permettre une application de la loi la plus juste et la plus rapide possible. En cela, ce rapport n'est pas pessimiste, madame Corre, il est d'un optimisme total, car nous croyons à la loi.

D'ailleurs, monsieur Hetzel, la loi fait consensus. Lorsque nous nous sommes déplacés dans les classes, nous avons constaté que les enseignants et les parents étaient enthousiastes à son égard. Par contre, ils nous ont demandé de leur expliquer le sens de leur action, ce qui suppose une véritable pédagogie de la loi. Ils nous ont également interrogés sur les moyens à même de faire réussir le cycle commun CM1-CM2-6ème, sur lequel tout le monde est d'accord, mais dont la mise en place s'avère difficile en raison de cultures différentes, ancrées et anciennes.

Au fond, soit nous considérons que le comité de suivi doit être laudateur par principe – mais alors le Parlement ne jouerait pas son rôle – soit nous considérons qu'il faut mettre en avant les difficultés de la loi, que nous approuvons, afin de les surmonter, et c'est ce que nous voulons faire. Quel que soit notre vote et quelle que soit notre appartenance politique, chacun a eu la volonté d'identifier les moyens d'aider les enseignants à surmonter les difficultés à l'application de la loi. Cette loi, je le redis, est acceptée par tout le monde, et dans une certaine continuité, puisqu'elle n'a pas remis en cause le socle commun instauré par la loi Fillon de 2005, sur la mise en place duquel le comité de suivi a également réfléchi. D'ailleurs, j'y insiste, il ne faut plus qu'une réforme en chasse une autre : nous devons assurer la continuité de la politique éducative. L'école doit rassembler et dépasser les clivages : il nous faut garantir un socle républicain autour de l'école.

Sur un certain nombre de points, j'accepte volontiers les offres de travail. D'abord, sur le problème important que vous avez soulevé, monsieur Breton, à propos des garçons. Le ministère y travaille m'a indiqué Mme Gille.

Ensuite, la formation des enseignants est bien le pilier de cette loi, tant tout le monde convient que sans formation professionnalisante des enseignants, il ne peut y avoir de refondation de l'école. Le métier d'enseignant s'apprend, ce qui va à l'encontre d'années et d'années où la culture universitaire disciplinaire était la compétence exclusive réellement recherchée et reconnue. Or ce changement profond ne se fera pas par une simple circulaire. D'où les difficultés tout à fait compréhensibles dans la mise en place des ESPE, en particulier s'agissant du tronc commun. Néanmoins, cette évolution est une nécessité. En cela, la mission d'information mise en place par notre commission sur la formation des enseignants est extrêmement importante. D'ailleurs, le problème de pilotage de la réforme de la formation est réel. Nous demandons clairement au ministère de l'éducation nationale d'avoir un cahier des charges beaucoup plus strict.

Sur le décret Hamon, j'observe que les rythmes scolaires se mettent en place partout sur le territoire : aidons les gens de terrain en ce sens, sans trop modifier les choses.

La loi de refondation, dont j'étais le rapporteur, a conféré l'indépendance aux deux nouvelles instances, le CNESCO et le CSP. Mais, dans la réalité, il n'est pas facile de mettre en place cette indépendance. La mission du comité de suivi n'est pas de refaire la loi, ni de juger le travail ou la compétence de tel ou tel, elle est de vérifier si les instances que nous avons créées répondent à la mission définie par la loi, que je rappelle pour le CNESCO : « Le Conseil national d'évaluation du système scolaire, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, est chargé d'évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire ». Nous avons reçu longuement la directrice du CNESCO, dont le programme pour l'année 2015 que j'ai lu comprenait plus d'éléments de recherche et d'actualité, certes extrêmement intéressants, mais qui ne relèvent pas de l'évaluation. Le système éducatif a besoin d'une évaluation indépendante, tout le monde en convient, ce qui suppose un recadrage du CNESCO. Encore une fois, il n'y a aucune critique, aucune mise en cause de tel ou tel, il y a la loi.

En conclusion, la refondation de l'école sera effective quand tous les enseignants se seront approprié le sens même de la réforme qu'on leur demande de mettre en place. Cela implique un travail de pédagogie et une remise en cohérence, ce qui suppose que nous-mêmes parlementaires soyons convaincus de cette cohérence et capables de l'expliquer à celles et ceux qui ont l'énorme tâche, et qui s'en acquittent avec beaucoup d'enthousiasme, de la mettre en place.

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Merci, cher Yves Durand et chers collègues. Je remercie également Mme Béatrice Gille, M. Alain Bouvier et Mme Virginie Gohin pour leurs éclaircissements et leur précieuse contribution aux travaux du comité de suivi.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.