Les violations des droits de l'homme en Arabie saoudite ne sont pas une chose nouvelle. Il est vrai que le pays a débuté l'année de manière très violente avec ces quarante-sept exécutions. Les réactions ont été très timides, tout particulièrement dans notre pays : la France a « déploré »… c'est le moins qu'elle pouvait faire ! En revanche, l'Allemagne a réagi beaucoup plus fortement : elle a annoncé qu'elle étudierait la possibilité de réduire ses exportations d'armements vers l'Arabie saoudite.
Le problème fondamental de la France dans la région n'est pas qu'elle va devoir rééquilibrer les choses avec l'Iran parce qu'elle en aurait trop fait avec l'Arabie saoudite, c'est un problème plus général de positionnement : alors qu'elle est tout de même l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, elle ne parle que de diplomatie économique. Le fait que nous cherchions à tout prix à obtenir des contrats n'est pas perçu comme très respectable : cela se sait dans la région et la France y est considérée comme un pays faible. Vous n'imaginez pas à quel point les pays du Golfe en jouent, et de manière très humiliante ! Lorsqu'ils voient arriver les Français avec leurs gros sabots à la recherche de contrats, ils se disent qu'ils vont « faire mumuse » avec eux ! Pardonnez-moi de le dire aussi brutalement, mais c'est exactement de cette manière que cela se passe.
S'il y a une chose que respectent ces pays – non seulement l'Arabie saoudite, mais aussi des micro-États tels que les Émirats arabes unis, qui adorent jouer avec le hard power –, c'est la puissance. Lorsque cheikh Hazza ben Zayed, le « monsieur sécurité » des Émirats arabes unis, est venu, missionné par son frère cheikh Mohammed ben Zayed, demander à Mme Merkel de considérer les Frères musulmans comme une organisation terroriste, celle-ci lui a répondu que l'Allemagne était un pays souverain qui gérait ses affaires comme elle l'entendait. Je ne pense pas que les dirigeants français auraient eu une telle attitude : ils écoutent, font le dos rond...
Si, demain, l'Iran revient dans la région et que la France conserve cette attitude, les choses vont être autrement plus compliquées qu'avec le partenaire saoudien ou émirien : les Iraniens ayant tenu pendant douze ans une négociation avec le reste du monde, il faut s'attendre à de sacrés maux de tête avec eux !
Il faudrait que la France change d'attitude et soit en mesure de mener, à l'instar de l'Allemagne et de la Suède, un véritable dialogue critique avec ces pays, notamment lorsqu'ils procèdent à des exécutions massives. À ce propos, ne tombons pas dans l'angélisme à l'égard de l'Iran : ce pays a exécuté plus de 1 100 personnes en 2015. Certes, ce nombre paraît moindre si on le rapporte à la population, l'Iran comptant quatre-vingts millions d'habitants, soit près de trois fois plus que l'Arabie saoudite.