La discussion sur les communs ne date pas d’hier et elle alimente divers débats politiques, que ce soit à l’Assemblée nationale – c’est bien légitime ! – ou ailleurs. Elle touche en effet à une conception de la manière dont nous vivons ces commons, ces biens communs, et du traitement que nous devons leur apporter dans la loi.
J’ai exprimé en commission des réserves sur la manière dont ce débat était mené dans le pays, et même quelques inquiétudes quant au traitement de ce sujet par certains. Les nombreuses études réalisées dans ce domaine par d’éminents juristes se situant d’un côté ou de l’autre sont particulièrement radicales et partisanes et, pour la plupart, manquent d’objectivité – soit elles sont en totale opposition et ne tiennent pas compte de certaines réalités, soit, avec le même mépris des réalités, elles adoptent la démarche inverse.
Le débat doit pouvoir être large et je me réjouis que la discussion de cet article nous donne l’occasion de le tenir. C’est bien, en effet, le rôle du Parlement que d’avoir un débat de qualité sur les communs.
Cependant, au moment de passer au vote des amendements et d’écrire la loi – car c’est bien ce que nous allons faire ici – nous devons être particulièrement vigilants quant à la rédaction des articles et des amendements. Je souscris à cet égard aux arguments soulevés par M. Bréhier, que nous avons évoqués en commission, et je ne prolongerai pas le débat pour les redire moins bien qu’il ne l’a fait.
Nous devons toutefois examiner avec une vigilance toute particulière les amendements nos 4 et 5 de Mme Attard, qui tendent à punir d’un an d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait de porter atteinte au domaine commun informationnel en cherchant à restreindre l’usage commun à tous. Tout cela ne me semble guère respectueux de la réalité de l’échelle des peines et aucune étude d’impact n’a été réalisée en vue de conformer ce dispositif à cette échelle, ce qui est déjà un problème considérable au moment d’écrire la loi.
Ensuite, et c’est là sans doute le plus important, se pose la question de savoir comment qualifier l’infraction. Demain, madame Attard, la rédaction de vos amendements fera-t-elle considérer que faire payer l’entrée dans un musée serait une restriction de l’usage commun à tous ? De fait, votre rédaction permet de se poser légitimement la question. Certes, la manière dont vous avez défendu vos amendements écarte évidemment cette interprétation et je connais du reste votre position en la matière mais, sur le fond, votre texte ne l’exclut pas.
Je souhaite que nous conservions la qualité du débat philosophique et politique que nous avons eu sur les communs, mais aussi que nous gardions tous bien présent à l’esprit qu’il s’agit ici d’écrire la loi et que, dans l’ensemble, ces amendements ne me semblent pas satisfaisants.
Je souhaite donc que s’enclenche un vrai travail. J’ai dit en commission, la semaine dernière, que j’étais persuadé que nous ne pourrions parvenir à une rédaction avant l’examen du texte en séance publique et que ce travail supposait de mettre tout le monde autour de la table et de mener enfin une étude large, sans que les « pour » et les « contre » restent chacun de leur côté. Je suis même persuadé que nous ne parviendrons pas à obtenir de réponse avant l’examen du texte par le Sénat. Il faut donc engager ce travail et il y a ici assez de personnes qui connaissent bien le sujet et sont capables d’écouter et d’entendre les avis des uns et des autres pour qu’il puisse se faire.
Je précise en outre, madame Attard, afin que l’avis que je formule soit complet, que j’ai prévu de rendre un avis favorable à votre amendement no 613 relatif au copyfraud, qui relève de la même logique. Cet amendement étant particulièrement bien écrit et applicable dans notre droit, je souhaite qu’il soit adopté et je ne doute pas que vous verrez là notre volonté d’avancer et que vous accepterez donc le retrait de vos amendements nos 4 et 5 , à défaut de quoi j’émettrais à leur endroit un avis défavorable.