Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont, rapporteur :

Je veux, en premier lieu, remercier la Commission d'avoir pris l'initiative d'un rapport sur l'application de la loi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il importe en effet de rappeler que la volonté de renforcer le contrôle du Parlement sur le CSA, qui compte parmi les autorités administratives indépendantes les plus importantes du paysage institutionnel, constitue un acquis majeur de la loi du 15 novembre 2013. Eu égard aux constats que je formule dans le présent rapport, je ne peux qu'appeler la Commission à poursuivre et approfondir cet effort de contrôle démocratique, pour toutes les autorités administratives indépendantes dépendant de notre commission.

L'objet du rapport que je vous présente est de rendre compte de l'application de la loi du 15 novembre 2013. La question de savoir si le CSA est, ou non, le mieux à même de désigner les présidents des entreprises publiques de l'audiovisuel, est peut-être une bonne interrogation, mais ne correspond pas à l'objet de ce rapport. Cependant, convenons d'une part que cette nomination par le CSA a le mérite de mettre le pouvoir politique à distance dans le processus de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public, ce qui était le but recherché par la loi ; d'autre part, que la nomination par le CSA n'a pas été fondamentalement contestée entre 1983 et 2009.

Les auditions auxquelles j'ai procédé m'ont conduit à considérer que le « mélange des genres » dont a été crédité le CSA dans les nominations résulte plutôt de l'attribution à celui-ci de certaines nouvelles prérogatives. En effet, alors que le projet de loi initial se contentait de restituer au régulateur sa compétence de nomination, le Parlement a souhaité confier au CSA des pouvoirs importants en matière de définition des orientations stratégiques de l'audiovisuel public et de contrôle de leur mise en oeuvre.

Le CSA est ainsi chargé de choisir, au-delà d'un candidat, un projet stratégique. Il rend des avis sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM), et doit aussi établir un bilan quadriennal de l'action des dirigeants nommés au regard de leur projet stratégique – j'insiste sur ce point : autant de compétences données au CSA ayant abouti à une confusion des rôles des uns et des autres dans la définition stratégique de l'audiovisuel public.

Mon rapport considère les deux grands aspects de la loi du 15 novembre 2013. Sa première partie est consacrée aux nominations, et sa seconde, à la nouvelle régulation.

Pour ce qui est des nominations, le fait qu'elles se fassent sur la base d'un projet stratégique est source d'une grande confusion et de trop nombreux inconvénients, comme l'ont dit toutes les personnes que j'ai auditionnées, pour que le système soit laissé en son état actuel. Au moment de l'examen du projet de loi, j'avais exprimé des réserves sur ce principe et appelé à l'élaboration par l'État actionnaire d'une lettre de mission précise en amont de la procédure de nomination.

L'expérience de Radio France a illustré avec force la difficulté d'asseoir une nomination sur un projet stratégique : elle a montré que les projets sont élaborés par les candidats sans que ceux-ci aient une connaissance réelle des données de l'entreprise, et sans qu'ils en discutent avec les tutelles ni avec les salariés – qui sont extrêmement perplexes sur l'idée de juger une candidature sur la base d'un projet stratégique « hors-sol ».

Pourtant, la principale justification avancée par le CSA pour son choix du président de Radio France fut la qualité du projet stratégique présenté : « Le Conseil a porté son choix sur M. Gallet, dont le projet stratégique lui est apparu comme le mieux à même de préparer Radio France à résoudre les questions auxquelles elle sera confrontée au cours des cinq années à venir (...). Ce projet est porté par une vision claire de la gouvernance de l'entreprise, de la politique de ressources humaines et du dialogue social ». Excusez du peu !

La loi, par ailleurs, donne instruction au CSA de produire un bilan quadriennal sur la base de ce projet stratégique. Je rappelle que le CSA a souhaité ne rendre public qu'une synthèse du projet de M. Mathieu Gallet, rendant ainsi encore plus opaque la nomination sur la base d'un projet stratégique, et mettant à mal la nécessaire transparence de son évaluation au bout de quatre ans.

Convenons qu'au moment de la nomination, ni le candidat, ni le Conseil n'avaient une vision suffisamment éclairée de la situation, notamment financière, de l'entreprise : il s'agissait donc vraiment d'une opération « hors-sol ». Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le CSA ait été mis en cause pour le choix d'un président et donc d'un projet stratégique controversé, jugé inadapté ou insuffisamment nourri par le dialogue social.

Pour ce qui est de la nomination du président de France Télévisions, pour tenter de fonder le choix d'un projet stratégique sur un diagnostic de la situation de l'entreprise, le CSA a souhaité réaliser en amont un bilan quadriennal de l'action de M. Rémy Pflimlin. Quant à l'État, sur la proposition du Président de la République, il a légitimement souhaité cadrer le choix d'un projet stratégique en élaborant une feuille de route sur la base des conclusions d'un groupe de travail confié à M. Marc Schwartz. Je m'en félicite : le CSA a ainsi en grande partie recentré implicitement la nomination sur des critères de compétence managériale et d'expérience, le projet stratégique passant au second plan, comme le montre clairement la motivation de la décision concernant Mme Delphine Ernotte.

Pour pouvoir faire appel aux compétences les plus larges, le CSA a d'ailleurs choisi de préserver, et même de renforcer la confidentialité de la procédure, en ne publiant pas la liste des postulants. Ceci n'a pas empêché, comme vous le savez, une abondante critique de la procédure mise en oeuvre, en particulier pour son opacité ou son caractère antidémocratique.

La nécessité d'ajuster la procédure est unanimement reconnue, notamment par le CSA lui-même, qui juge nécessaire d'ouvrir un débat sur la publicité du processus fondé sur un projet stratégique, et appelle le législateur à lui envoyer un message clair sur ce point. Ma conviction est que le mélange des genres résulte en réalité de l'attribution au CSA, indépendamment de l'État, d'un rôle inédit dans la définition des objectifs de l'audiovisuel public, et que c'est cet aspect qui doit être corrigé. C'est pourquoi je propose tout d'abord de supprimer toute référence, dans l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, à un projet stratégique dans les critères de nomination, car ce projet est source de beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

Au plan des principes tout d'abord, le projet stratégique d'un opérateur ne peut résulter que d'un dialogue entre sa direction et l'État actionnaire, sous le contrôle du Parlement, tous deux responsables de son financement. La transparence démocratique censée résulter d'un choix fondé sur un projet stratégique n'est pas de la responsabilité du CSA, mais bien du Gouvernement et du Parlement dans l'élaboration d'une lettre de mission.

En outre, un projet stratégique doit nécessairement faire l'objet d'une consultation des personnels qui le font vivre, ce que ne favorise pas du tout le système actuel, dans lequel l'entreprise reste à côté du projet stratégique. Je note d'ailleurs que dans les faits, les tutelles et la direction de l'entreprise ne s'estiment pas liées par ce document : ainsi le nouveau COM de Radio France s'affranchit-il très largement des engagements figurant dans la synthèse du projet stratégique du candidat. Dans son avis sur ce COM, le CSA prend d'ailleurs acte de la valeur toute relative du projet stratégique qu'il a lui-même sélectionné, puisqu'il ne relève aucun des nombreux décalages entre les deux documents.

Par ailleurs, comment comprendre que, conformément à la loi, le CSA évalue l'action du dirigeant à l'issue de quatre ans de mandat, à l'aune d'un projet stratégique pour Radio France dont personne, en dehors du CSA, n'a eu connaissance de la version complète ? Il faudra impérativement corriger la loi sur ce point pour que le dirigeant soit évalué sur la base des seuls documents qui l'engagent vraiment, à savoir son COM et son cahier des charges.

Le CSA n'est d'ailleurs pas en mesure de distinguer un document d'orientation personnel d'un travail de consultant éventuellement effectué à titre onéreux. Le risque est d'ailleurs bien réel que tous les projets stratégiques, constitués d'une compilation des rapports existants, ne finissent par se ressembler – au point que certains candidats puissent en accuser d'autres de plagiat.

Je relève aussi que le président en place, qui a accès à toutes les données et ressources de l'entreprise, se trouve singulièrement avantagé, si ce n'est en position de rédiger le seul projet pertinent. Enfin, une telle situation alimente inutilement la polémique sur l'opacité des critères, en l'absence de publication de tous les projets stratégiques. C'est pourquoi je propose que le choix du CSA soit clairement recentré sur des critères de compétence et d'expérience, comme ce fut le cas entre 1982 et 2009.

Je formule également plusieurs propositions destinées à favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des entreprises de l'audiovisuel public. De nombreux acteurs, en particulier les salariés des entreprises, mais aussi les concurrents privés, m'ont interpellé sur l'instabilité chronique dont souffre l'audiovisuel public, un phénomène favorisé par le système actuel. En effet, compte tenu du temps nécessaire pour prendre les rênes de l'entreprise, un dirigeant ne dispose dans les faits que de trois années effectives pour mener à bien des réformes avant que d'autres ne commencent à faire campagne contre lui. Ce n'est pas raisonnable.

Je note de plus que l'absence de cadrage précis des attentes par l'actionnaire aggrave le phénomène : le temps nécessaire pour élaborer un COM une fois le dirigeant nommé réduit encore plus le temps dont il dispose pour mener à bien des réformes. Ainsi, Mathieu Gallet, désigné le 27 février 2014, a pris ses fonctions fin mai 2014 et le COM a été signé en décembre 2015, soit dix-huit mois après sa prise de fonctions. Par ailleurs, nous attendons toujours le COM de France Télévisions, alors que la désignation de Delphine Ernotte date du 23 avril 2015 : sans doute faudra-t-il attendre plus d'un an pour que la personne choisie dispose d'un document lui permettant de remplir effectivement sa fonction de président.

Au moment de l'examen du projet de loi, j'avais aussi émis des réserves sur l'introduction d'une période de « tuilage », consistant à nommer un nouveau président trois à quatre mois avant sa prise de fonctions. Le bilan de cette mesure montre qu'elle entraîne de réelles difficultés de gestion et soulève des questions juridiques importantes. Je propose par conséquent de la supprimer, et de faire en sorte que tous les mandats débutent un 1er janvier.

Pour ce qui est de la reconduction, je propose, comme je l'avais fait lors de l'examen du projet de loi, que le CSA se prononce d'abord sur la reconduction du président en place avant d'ouvrir un appel à candidatures, comme c'est la règle à la tête des entreprises privées et de tous les établissements culturels. Je note d'ailleurs qu'en prévoyant l'élaboration d'un bilan du dirigeant avant la fin de son mandat, le législateur a implicitement souhaité que le CSA se prononce sur l'opportunité de le reconduire. Ainsi, la plupart des observateurs n'ont pas manqué d'interpréter la tonalité très négative du bilan de M. Rémy Pflimlin comme une décision implicite de non-reconduction. Si ce bilan avait été bon, quel sens aurait eu la décision ayant pour conséquence d'ouvrir une période de forte incertitude à la tête de l'entreprise en laissant entendre un renouvellement, donc des ruptures stratégiques, qui fragilisent le service public ? Allons donc au bout de la logique du bilan quadriennal en invitant le CSA à conclure clairement ce bilan en indiquant s'il est pour ou contre le renouvellement du mandat du président.

Dans le même esprit, j'avais, au cours de l'examen du projet de loi, émis des interrogations sur le principe d'un avis du CSA sur les COM. Là encore, l'expérience a confirmé mes doutes. Comme je l'ai déjà dit, de manière générale, l'intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l'audiovisuel public pose problème. J'y vois une belle illustration de la perturbation des équilibres institutionnels, caractérisée par un délitement de l'État et une perte de contrôle du Parlement, dénoncée par la récente commission d'enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes.

De fait, le nouveau rôle assigné au CSA entre en concurrence directe avec celui des tutelles, mais aussi du Parlement. Certains y voient même une « nouvelle tutelle ». Par ailleurs, le rôle accru du CSA dans la définition des orientations stratégiques du service public ne contribue aucunement à sa plus grande indépendance. Au contraire, il ajoute à la confusion des responsabilités – soulignée par le rapport de M. Marc Schwartz – et au phénomène des injonctions multiples et contradictoires dont souffre le service public.

Le premier avis du CSA sur le projet d'avenant au COM de France Télévisions en a donné une illustration frappante en septembre 2013. L'avis du CSA contestait en effet l'essentiel des orientations définies par l'entreprise et ses tutelles dans un contexte d'ajustement à la baisse de sa dotation. Il déplorait « de nombreuses insuffisances », « la réduction des investissements dans la production », « la diminution du volume des programmes régionaux », « la baisse de la production locale des programmes en outre-mer », « le manque d'ambition de la diversification et du développement des recettes numériques », et j'en passe.

De fait, cet avis édifiant a mis la direction de l'entreprise dans une situation où elle ne pouvait respecter les engagements pris à l'égard de l'État – exposés dans le COM –, c'est-à-dire celui qui la finance, sans déplaire à celui qui la nomme, et inversement : cette situation n'est à l'évidence pas satisfaisante.

Je note que, dans son bilan quadriennal de l'action de Rémy Pflimlin, le CSA a d'ailleurs fait le choix contestable de l'évaluer non seulement à l'aune de son COM, mais aussi à l'aune des préconisations qu'il avait lui-même formulées sur ce COM, dont je viens de rappeler quelques éléments. Une évaluation faite en fonction de deux documents qui se contredisent diamétralement ne peut que susciter la perplexité…

J'appelle donc à supprimer les avis du CSA sur les COM. À défaut, il conviendrait à tout le moins d'inviter le CSA à préciser très clairement sa grille d'analyse, afin d'éviter un examen à géométrie variable, comme ce fut le cas avec les avis sur les COM de Radio France, France Médias Monde et France Télévisions.

Je propose, enfin, de clarifier le champ du contrôle exercé par le CSA sur l'audiovisuel public, en particulier celui réalisé dans le cadre du bilan quadriennal.

Le pouvoir de révocation est régi par des dispositions législatives floues. J'appelle donc le CSA à élaborer une doctrine sur la manière dont il entend exercer ce pouvoir. À défaut, il ne serait pas inutile que le législateur précise un peu les conditions dans lesquelles ce pouvoir doit s'exercer.

Je formule également des observations sur les nominations par le CSA de personnalités indépendantes au sein des conseils d'administration des sociétés de l'audiovisuel public. Afin de renforcer cette instance, les acteurs insistent pour que le CSA nomme des profils beaucoup plus diversifiés et dotés d'une forte compétence financière et managériale, en ayant notamment davantage recours au secteur privé. Il conviendrait à cet égard que le CSA veille à ne pas nommer de personnalités issues de la fonction publique, cette situation n'étant pas conforme à la notion d'indépendance et à la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

J'en viens à la seconde partie de mon rapport, consacrée aux nouveaux pouvoirs de régulation du CSA.

En ce qui concerne la réforme du collège, je note tout d'abord que le bilan du nouveau mode de nomination des membres du CSA est particulièrement positif, et ne peut que contribuer à garantir l'indépendance du Conseil. En revanche, je regrette fortement l'absence de mise en oeuvre de la volonté du législateur en ce qui concerne la nécessité pour le collège de faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve de ses membres, alors que de nombreux manquements sont constatés. Il y va de la crédibilité et de la légitimité de l'institution, dont l'indépendance à l'égard des médias ne doit souffrir aucun doute.

En matière de régulation économique, les acteurs dressent globalement un bilan très positif de l'obligation accrue de prise en compte des équilibres économiques du secteur – c'est un volet important de la loi du 15 novembre 2013. Le recours accru à des études d'impact permet en particulier d'améliorer sensiblement l'information du Conseil, et de mieux objectiver et fonder ses décisions. Néanmoins, pour ne pas alourdir excessivement la régulation, le législateur a laissé au CSA des marges d'appréciation sur la nécessité de recourir à de telles études. Il lui appartient donc d'établir une doctrine claire sur ce point.

Comme je l'avais fait au cours des débats, j'insiste à nouveau sur la nécessité d'encadrer davantage les conditions dans lesquelles le Conseil peut différer le lancement d'appels à candidatures pour renforcer la sécurité juridique de la procédure.

La procédure d'agrément du passage d'une chaîne de la TNT payante au gratuit n'en finit pas de faire débat. J'avais, pour ma part, exprimé des réserves sur une procédure dérogatoire qui me semblait mettre à mal les principes fondamentaux du processus d'attribution des fréquences, d'ailleurs protégés par le droit européen. Mon rapport souligne que son application est effectivement d'une très grande complexité, aggravée par les surprenantes décisions du Conseil d'État du 17 juin 2015. Elle est également source d'une importante insécurité juridique pour le secteur, sans pour autant permettre de régler le dossier de la TNT payante de manière satisfaisante.

Comme vous le savez, le Conseil d'État a, de façon retentissante, annulé les décisions de refus du CSA de faire passer LCI et Paris Première en TNT gratuite, considérant que les études d'impact auraient dû être publiées par le CSA avant la décision, afin que les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations. Je m'interroge beaucoup sur les motifs des décisions prononcées par le Conseil d'État, qui me semble faire une interprétation particulièrement créative de la volonté du législateur – d'autant que sa position est susceptible de s'appliquer à toutes les procédures impliquant une étude d'impact. Je formule par conséquent des propositions d'ajustement, afin que les décisions prononcées n'aboutissent pas à une totale paralysie du CSA, qui serait obligé d'organiser des auditions avant de prendre la moindre décision.

La loi du 15 novembre 2013 a également réformé les pouvoirs de sanction du CSA, qui sont au coeur des compétences de régulation confiées par le législateur au Conseil. Je me suis intéressé à la manière dont le CSA, à travers l'usage de ce pouvoir, fait respecter aux opérateurs leurs diverses obligations.

Mon rapport souligne l'usage particulièrement limité que le régulateur fait de ce pouvoir. Interrogé sur ce point, le CSA se défend de tout laxisme, et souligne le fait que la sanction constituerait un ultime recours, et la marque d'un échec de la régulation. Plusieurs polémiques récentes montrent néanmoins que l'absence de sanction n'est pas toujours la marque d'une régulation pleinement satisfaisante. À cet égard, la condamnation récente de Radio France par le tribunal de commerce de Paris pour avoir diffusé de manière répétée des publicités hors du domaine autorisé de son cahier des missions et des charges – ce qui n'a pas entraîné de sanctions de la part du CSA – ne peut que susciter des interrogations sur la manière dont le Conseil conçoit son rôle de régulateur.

Il en va de même de la mise en demeure adressée de manière tardive, en pleine polémique médiatique, à la chaîne Numéro 23 pour non-respect des très maigres obligations fixées par sa convention.

En matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, au moment des débats sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, les opérateurs radiophoniques ont violemment pris à partie la ministre de la culture et de la communication pour avoir émis des doutes sur le respect de la loi sur les quotas. La déclaration de la ministre a été taxée de « mensongère mais aussi diffamante » par les radios, qui ont souligné que le CSA, en charge du respect des quotas, n'avait prononcé que deux mises en demeure au cours des dix dernières années. Interrogé sur la manière dont il fait respecter les quotas, le CSA a reconnu des marges de tolérance et renvoyé l'exercice d'explicitation et de transparence à plus tard.

En tout état de cause, les éléments disponibles montrent clairement que l'absence de sanction n'est pas justifiée par un respect scrupuleux de la loi par les radios. Ces éléments doivent nous inciter à « mettre en garde » le régulateur sur la manière dont il exerce la mission que lui a confiée le législateur.

Enfin, la loi du 15 novembre 2013 comporte des dispositions visant à une régulation plus transparente et à une gestion plus irréprochable du domaine public hertzien. En ce qui concerne la transparence de la régulation, il faut se féliciter que le rapport annuel rende progressivement mieux compte de la manière dont le CSA exerce ses pouvoirs de régulation – même si les exemples qui précèdent montrent que des efforts accrus sont encore nécessaires sur certains aspects de la régulation. Il nous appartient de profiter des auditions annuelles du président du CSA pour l'interpeller sur ces différents sujets.

En ce qui concerne l'amélioration de la gestion du domaine public hertzien, je m'interroge sur l'opportunité de renforcer encore les règles applicables en cas de modification de la composition du capital des titulaires d'autorisation – je pense à NextradioTV et Altice. Il s'agirait d'éviter d'éventuels risques de contournement de la taxe sur les reventes de fréquences et de l'agrément prévu en cas de changement de contrôle.

L'affaire Numéro 23 a soulevé des interrogations très graves et préoccupantes sur la manière dont le CSA a attribué la fréquence et exercé sa mission de régulation. Cette affaire a mis à mal les fondements mêmes de la politique audiovisuelle et mis en lumière une série de graves manquements, que la sanction historique d'octobre 2015 d'abrogation de l'autorisation de diffusion ne suffit pas à purger.

Le CSA étant une autorité administrative indépendante, seul le Parlement est habilité à « sanctionner » l'erreur qu'a constituée l'attribution d'une fréquence gratuite au projet Numéro 23. À cet égard, les accusations portées dans la presse par différents acteurs ainsi que les questions soulevées par des parlementaires, et demeurées sans réponse, sur les conditions d'attribution de l'autorisation, me paraissent suffisamment graves pour que je sollicite la mise en place par notre assemblée d'une commission d'enquête sur les conditions d'attribution d'une fréquence à Numéro 23.

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