Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 20 janvier 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

La commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen du rapport d'information sur l'application, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public (M. Marcel Rogemont, rapporteur).

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Mes chers collègues, comme vous le savez, la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a considérablement renforcé les pouvoirs du CSA, tant à l'égard du service public audiovisuel – tout particulièrement en lui restituant la compétence de nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, qu'en ce qui concerne le secteur privé, en en faisant un véritable régulateur économique de l'audiovisuel.

C'est pourquoi nous avons souhaité, en parallèle, accroître le contrôle mené par le Parlement sur l'exercice de ses missions par le CSA, en faisant figurer, à notre propre initiative, à l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la possibilité pour les commissions compétentes de chaque assemblée de formuler un avis sur l'application de la loi par le CSA. L'article précise que cet avis, adressé au Conseil et rendu public, pourra « comporter des suggestions au CSA pour la bonne application de la loi ou l'évaluation de ses effets ». Cette disposition, qui constitue l'une des nombreuses innovations de la loi du 15 novembre 2013, connaît donc aujourd'hui sa première application, deux ans après l'entrée en vigueur de ce texte important.

Le 7 avril dernier, notre Commission a confié la responsabilité de ce rapport à notre collègue Marcel Rogemont, qui était sans doute le mieux placé pour cela, puisqu'il avait été le rapporteur du texte de 2013. Monsieur le rapporteur, après avoir procédé à de très nombreuses auditions depuis le printemps dernier, vous avez rédigé un rapport très détaillé, adressé en début de semaine aux membres de la commission, et aboutissant à une vingtaine de recommandations recouvrant l'ensemble des nouvelles compétences attribuées au CSA par la loi du 15 novembre 2013. Vous avez maintenant la parole pour nous présenter ce rapport.

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Je veux, en premier lieu, remercier la Commission d'avoir pris l'initiative d'un rapport sur l'application de la loi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il importe en effet de rappeler que la volonté de renforcer le contrôle du Parlement sur le CSA, qui compte parmi les autorités administratives indépendantes les plus importantes du paysage institutionnel, constitue un acquis majeur de la loi du 15 novembre 2013. Eu égard aux constats que je formule dans le présent rapport, je ne peux qu'appeler la Commission à poursuivre et approfondir cet effort de contrôle démocratique, pour toutes les autorités administratives indépendantes dépendant de notre commission.

L'objet du rapport que je vous présente est de rendre compte de l'application de la loi du 15 novembre 2013. La question de savoir si le CSA est, ou non, le mieux à même de désigner les présidents des entreprises publiques de l'audiovisuel, est peut-être une bonne interrogation, mais ne correspond pas à l'objet de ce rapport. Cependant, convenons d'une part que cette nomination par le CSA a le mérite de mettre le pouvoir politique à distance dans le processus de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public, ce qui était le but recherché par la loi ; d'autre part, que la nomination par le CSA n'a pas été fondamentalement contestée entre 1983 et 2009.

Les auditions auxquelles j'ai procédé m'ont conduit à considérer que le « mélange des genres » dont a été crédité le CSA dans les nominations résulte plutôt de l'attribution à celui-ci de certaines nouvelles prérogatives. En effet, alors que le projet de loi initial se contentait de restituer au régulateur sa compétence de nomination, le Parlement a souhaité confier au CSA des pouvoirs importants en matière de définition des orientations stratégiques de l'audiovisuel public et de contrôle de leur mise en oeuvre.

Le CSA est ainsi chargé de choisir, au-delà d'un candidat, un projet stratégique. Il rend des avis sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM), et doit aussi établir un bilan quadriennal de l'action des dirigeants nommés au regard de leur projet stratégique – j'insiste sur ce point : autant de compétences données au CSA ayant abouti à une confusion des rôles des uns et des autres dans la définition stratégique de l'audiovisuel public.

Mon rapport considère les deux grands aspects de la loi du 15 novembre 2013. Sa première partie est consacrée aux nominations, et sa seconde, à la nouvelle régulation.

Pour ce qui est des nominations, le fait qu'elles se fassent sur la base d'un projet stratégique est source d'une grande confusion et de trop nombreux inconvénients, comme l'ont dit toutes les personnes que j'ai auditionnées, pour que le système soit laissé en son état actuel. Au moment de l'examen du projet de loi, j'avais exprimé des réserves sur ce principe et appelé à l'élaboration par l'État actionnaire d'une lettre de mission précise en amont de la procédure de nomination.

L'expérience de Radio France a illustré avec force la difficulté d'asseoir une nomination sur un projet stratégique : elle a montré que les projets sont élaborés par les candidats sans que ceux-ci aient une connaissance réelle des données de l'entreprise, et sans qu'ils en discutent avec les tutelles ni avec les salariés – qui sont extrêmement perplexes sur l'idée de juger une candidature sur la base d'un projet stratégique « hors-sol ».

Pourtant, la principale justification avancée par le CSA pour son choix du président de Radio France fut la qualité du projet stratégique présenté : « Le Conseil a porté son choix sur M. Gallet, dont le projet stratégique lui est apparu comme le mieux à même de préparer Radio France à résoudre les questions auxquelles elle sera confrontée au cours des cinq années à venir (...). Ce projet est porté par une vision claire de la gouvernance de l'entreprise, de la politique de ressources humaines et du dialogue social ». Excusez du peu !

La loi, par ailleurs, donne instruction au CSA de produire un bilan quadriennal sur la base de ce projet stratégique. Je rappelle que le CSA a souhaité ne rendre public qu'une synthèse du projet de M. Mathieu Gallet, rendant ainsi encore plus opaque la nomination sur la base d'un projet stratégique, et mettant à mal la nécessaire transparence de son évaluation au bout de quatre ans.

Convenons qu'au moment de la nomination, ni le candidat, ni le Conseil n'avaient une vision suffisamment éclairée de la situation, notamment financière, de l'entreprise : il s'agissait donc vraiment d'une opération « hors-sol ». Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le CSA ait été mis en cause pour le choix d'un président et donc d'un projet stratégique controversé, jugé inadapté ou insuffisamment nourri par le dialogue social.

Pour ce qui est de la nomination du président de France Télévisions, pour tenter de fonder le choix d'un projet stratégique sur un diagnostic de la situation de l'entreprise, le CSA a souhaité réaliser en amont un bilan quadriennal de l'action de M. Rémy Pflimlin. Quant à l'État, sur la proposition du Président de la République, il a légitimement souhaité cadrer le choix d'un projet stratégique en élaborant une feuille de route sur la base des conclusions d'un groupe de travail confié à M. Marc Schwartz. Je m'en félicite : le CSA a ainsi en grande partie recentré implicitement la nomination sur des critères de compétence managériale et d'expérience, le projet stratégique passant au second plan, comme le montre clairement la motivation de la décision concernant Mme Delphine Ernotte.

Pour pouvoir faire appel aux compétences les plus larges, le CSA a d'ailleurs choisi de préserver, et même de renforcer la confidentialité de la procédure, en ne publiant pas la liste des postulants. Ceci n'a pas empêché, comme vous le savez, une abondante critique de la procédure mise en oeuvre, en particulier pour son opacité ou son caractère antidémocratique.

La nécessité d'ajuster la procédure est unanimement reconnue, notamment par le CSA lui-même, qui juge nécessaire d'ouvrir un débat sur la publicité du processus fondé sur un projet stratégique, et appelle le législateur à lui envoyer un message clair sur ce point. Ma conviction est que le mélange des genres résulte en réalité de l'attribution au CSA, indépendamment de l'État, d'un rôle inédit dans la définition des objectifs de l'audiovisuel public, et que c'est cet aspect qui doit être corrigé. C'est pourquoi je propose tout d'abord de supprimer toute référence, dans l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, à un projet stratégique dans les critères de nomination, car ce projet est source de beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

Au plan des principes tout d'abord, le projet stratégique d'un opérateur ne peut résulter que d'un dialogue entre sa direction et l'État actionnaire, sous le contrôle du Parlement, tous deux responsables de son financement. La transparence démocratique censée résulter d'un choix fondé sur un projet stratégique n'est pas de la responsabilité du CSA, mais bien du Gouvernement et du Parlement dans l'élaboration d'une lettre de mission.

En outre, un projet stratégique doit nécessairement faire l'objet d'une consultation des personnels qui le font vivre, ce que ne favorise pas du tout le système actuel, dans lequel l'entreprise reste à côté du projet stratégique. Je note d'ailleurs que dans les faits, les tutelles et la direction de l'entreprise ne s'estiment pas liées par ce document : ainsi le nouveau COM de Radio France s'affranchit-il très largement des engagements figurant dans la synthèse du projet stratégique du candidat. Dans son avis sur ce COM, le CSA prend d'ailleurs acte de la valeur toute relative du projet stratégique qu'il a lui-même sélectionné, puisqu'il ne relève aucun des nombreux décalages entre les deux documents.

Par ailleurs, comment comprendre que, conformément à la loi, le CSA évalue l'action du dirigeant à l'issue de quatre ans de mandat, à l'aune d'un projet stratégique pour Radio France dont personne, en dehors du CSA, n'a eu connaissance de la version complète ? Il faudra impérativement corriger la loi sur ce point pour que le dirigeant soit évalué sur la base des seuls documents qui l'engagent vraiment, à savoir son COM et son cahier des charges.

Le CSA n'est d'ailleurs pas en mesure de distinguer un document d'orientation personnel d'un travail de consultant éventuellement effectué à titre onéreux. Le risque est d'ailleurs bien réel que tous les projets stratégiques, constitués d'une compilation des rapports existants, ne finissent par se ressembler – au point que certains candidats puissent en accuser d'autres de plagiat.

Je relève aussi que le président en place, qui a accès à toutes les données et ressources de l'entreprise, se trouve singulièrement avantagé, si ce n'est en position de rédiger le seul projet pertinent. Enfin, une telle situation alimente inutilement la polémique sur l'opacité des critères, en l'absence de publication de tous les projets stratégiques. C'est pourquoi je propose que le choix du CSA soit clairement recentré sur des critères de compétence et d'expérience, comme ce fut le cas entre 1982 et 2009.

Je formule également plusieurs propositions destinées à favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des entreprises de l'audiovisuel public. De nombreux acteurs, en particulier les salariés des entreprises, mais aussi les concurrents privés, m'ont interpellé sur l'instabilité chronique dont souffre l'audiovisuel public, un phénomène favorisé par le système actuel. En effet, compte tenu du temps nécessaire pour prendre les rênes de l'entreprise, un dirigeant ne dispose dans les faits que de trois années effectives pour mener à bien des réformes avant que d'autres ne commencent à faire campagne contre lui. Ce n'est pas raisonnable.

Je note de plus que l'absence de cadrage précis des attentes par l'actionnaire aggrave le phénomène : le temps nécessaire pour élaborer un COM une fois le dirigeant nommé réduit encore plus le temps dont il dispose pour mener à bien des réformes. Ainsi, Mathieu Gallet, désigné le 27 février 2014, a pris ses fonctions fin mai 2014 et le COM a été signé en décembre 2015, soit dix-huit mois après sa prise de fonctions. Par ailleurs, nous attendons toujours le COM de France Télévisions, alors que la désignation de Delphine Ernotte date du 23 avril 2015 : sans doute faudra-t-il attendre plus d'un an pour que la personne choisie dispose d'un document lui permettant de remplir effectivement sa fonction de président.

Au moment de l'examen du projet de loi, j'avais aussi émis des réserves sur l'introduction d'une période de « tuilage », consistant à nommer un nouveau président trois à quatre mois avant sa prise de fonctions. Le bilan de cette mesure montre qu'elle entraîne de réelles difficultés de gestion et soulève des questions juridiques importantes. Je propose par conséquent de la supprimer, et de faire en sorte que tous les mandats débutent un 1er janvier.

Pour ce qui est de la reconduction, je propose, comme je l'avais fait lors de l'examen du projet de loi, que le CSA se prononce d'abord sur la reconduction du président en place avant d'ouvrir un appel à candidatures, comme c'est la règle à la tête des entreprises privées et de tous les établissements culturels. Je note d'ailleurs qu'en prévoyant l'élaboration d'un bilan du dirigeant avant la fin de son mandat, le législateur a implicitement souhaité que le CSA se prononce sur l'opportunité de le reconduire. Ainsi, la plupart des observateurs n'ont pas manqué d'interpréter la tonalité très négative du bilan de M. Rémy Pflimlin comme une décision implicite de non-reconduction. Si ce bilan avait été bon, quel sens aurait eu la décision ayant pour conséquence d'ouvrir une période de forte incertitude à la tête de l'entreprise en laissant entendre un renouvellement, donc des ruptures stratégiques, qui fragilisent le service public ? Allons donc au bout de la logique du bilan quadriennal en invitant le CSA à conclure clairement ce bilan en indiquant s'il est pour ou contre le renouvellement du mandat du président.

Dans le même esprit, j'avais, au cours de l'examen du projet de loi, émis des interrogations sur le principe d'un avis du CSA sur les COM. Là encore, l'expérience a confirmé mes doutes. Comme je l'ai déjà dit, de manière générale, l'intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l'audiovisuel public pose problème. J'y vois une belle illustration de la perturbation des équilibres institutionnels, caractérisée par un délitement de l'État et une perte de contrôle du Parlement, dénoncée par la récente commission d'enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes.

De fait, le nouveau rôle assigné au CSA entre en concurrence directe avec celui des tutelles, mais aussi du Parlement. Certains y voient même une « nouvelle tutelle ». Par ailleurs, le rôle accru du CSA dans la définition des orientations stratégiques du service public ne contribue aucunement à sa plus grande indépendance. Au contraire, il ajoute à la confusion des responsabilités – soulignée par le rapport de M. Marc Schwartz – et au phénomène des injonctions multiples et contradictoires dont souffre le service public.

Le premier avis du CSA sur le projet d'avenant au COM de France Télévisions en a donné une illustration frappante en septembre 2013. L'avis du CSA contestait en effet l'essentiel des orientations définies par l'entreprise et ses tutelles dans un contexte d'ajustement à la baisse de sa dotation. Il déplorait « de nombreuses insuffisances », « la réduction des investissements dans la production », « la diminution du volume des programmes régionaux », « la baisse de la production locale des programmes en outre-mer », « le manque d'ambition de la diversification et du développement des recettes numériques », et j'en passe.

De fait, cet avis édifiant a mis la direction de l'entreprise dans une situation où elle ne pouvait respecter les engagements pris à l'égard de l'État – exposés dans le COM –, c'est-à-dire celui qui la finance, sans déplaire à celui qui la nomme, et inversement : cette situation n'est à l'évidence pas satisfaisante.

Je note que, dans son bilan quadriennal de l'action de Rémy Pflimlin, le CSA a d'ailleurs fait le choix contestable de l'évaluer non seulement à l'aune de son COM, mais aussi à l'aune des préconisations qu'il avait lui-même formulées sur ce COM, dont je viens de rappeler quelques éléments. Une évaluation faite en fonction de deux documents qui se contredisent diamétralement ne peut que susciter la perplexité…

J'appelle donc à supprimer les avis du CSA sur les COM. À défaut, il conviendrait à tout le moins d'inviter le CSA à préciser très clairement sa grille d'analyse, afin d'éviter un examen à géométrie variable, comme ce fut le cas avec les avis sur les COM de Radio France, France Médias Monde et France Télévisions.

Je propose, enfin, de clarifier le champ du contrôle exercé par le CSA sur l'audiovisuel public, en particulier celui réalisé dans le cadre du bilan quadriennal.

Le pouvoir de révocation est régi par des dispositions législatives floues. J'appelle donc le CSA à élaborer une doctrine sur la manière dont il entend exercer ce pouvoir. À défaut, il ne serait pas inutile que le législateur précise un peu les conditions dans lesquelles ce pouvoir doit s'exercer.

Je formule également des observations sur les nominations par le CSA de personnalités indépendantes au sein des conseils d'administration des sociétés de l'audiovisuel public. Afin de renforcer cette instance, les acteurs insistent pour que le CSA nomme des profils beaucoup plus diversifiés et dotés d'une forte compétence financière et managériale, en ayant notamment davantage recours au secteur privé. Il conviendrait à cet égard que le CSA veille à ne pas nommer de personnalités issues de la fonction publique, cette situation n'étant pas conforme à la notion d'indépendance et à la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

J'en viens à la seconde partie de mon rapport, consacrée aux nouveaux pouvoirs de régulation du CSA.

En ce qui concerne la réforme du collège, je note tout d'abord que le bilan du nouveau mode de nomination des membres du CSA est particulièrement positif, et ne peut que contribuer à garantir l'indépendance du Conseil. En revanche, je regrette fortement l'absence de mise en oeuvre de la volonté du législateur en ce qui concerne la nécessité pour le collège de faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve de ses membres, alors que de nombreux manquements sont constatés. Il y va de la crédibilité et de la légitimité de l'institution, dont l'indépendance à l'égard des médias ne doit souffrir aucun doute.

En matière de régulation économique, les acteurs dressent globalement un bilan très positif de l'obligation accrue de prise en compte des équilibres économiques du secteur – c'est un volet important de la loi du 15 novembre 2013. Le recours accru à des études d'impact permet en particulier d'améliorer sensiblement l'information du Conseil, et de mieux objectiver et fonder ses décisions. Néanmoins, pour ne pas alourdir excessivement la régulation, le législateur a laissé au CSA des marges d'appréciation sur la nécessité de recourir à de telles études. Il lui appartient donc d'établir une doctrine claire sur ce point.

Comme je l'avais fait au cours des débats, j'insiste à nouveau sur la nécessité d'encadrer davantage les conditions dans lesquelles le Conseil peut différer le lancement d'appels à candidatures pour renforcer la sécurité juridique de la procédure.

La procédure d'agrément du passage d'une chaîne de la TNT payante au gratuit n'en finit pas de faire débat. J'avais, pour ma part, exprimé des réserves sur une procédure dérogatoire qui me semblait mettre à mal les principes fondamentaux du processus d'attribution des fréquences, d'ailleurs protégés par le droit européen. Mon rapport souligne que son application est effectivement d'une très grande complexité, aggravée par les surprenantes décisions du Conseil d'État du 17 juin 2015. Elle est également source d'une importante insécurité juridique pour le secteur, sans pour autant permettre de régler le dossier de la TNT payante de manière satisfaisante.

Comme vous le savez, le Conseil d'État a, de façon retentissante, annulé les décisions de refus du CSA de faire passer LCI et Paris Première en TNT gratuite, considérant que les études d'impact auraient dû être publiées par le CSA avant la décision, afin que les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations. Je m'interroge beaucoup sur les motifs des décisions prononcées par le Conseil d'État, qui me semble faire une interprétation particulièrement créative de la volonté du législateur – d'autant que sa position est susceptible de s'appliquer à toutes les procédures impliquant une étude d'impact. Je formule par conséquent des propositions d'ajustement, afin que les décisions prononcées n'aboutissent pas à une totale paralysie du CSA, qui serait obligé d'organiser des auditions avant de prendre la moindre décision.

La loi du 15 novembre 2013 a également réformé les pouvoirs de sanction du CSA, qui sont au coeur des compétences de régulation confiées par le législateur au Conseil. Je me suis intéressé à la manière dont le CSA, à travers l'usage de ce pouvoir, fait respecter aux opérateurs leurs diverses obligations.

Mon rapport souligne l'usage particulièrement limité que le régulateur fait de ce pouvoir. Interrogé sur ce point, le CSA se défend de tout laxisme, et souligne le fait que la sanction constituerait un ultime recours, et la marque d'un échec de la régulation. Plusieurs polémiques récentes montrent néanmoins que l'absence de sanction n'est pas toujours la marque d'une régulation pleinement satisfaisante. À cet égard, la condamnation récente de Radio France par le tribunal de commerce de Paris pour avoir diffusé de manière répétée des publicités hors du domaine autorisé de son cahier des missions et des charges – ce qui n'a pas entraîné de sanctions de la part du CSA – ne peut que susciter des interrogations sur la manière dont le Conseil conçoit son rôle de régulateur.

Il en va de même de la mise en demeure adressée de manière tardive, en pleine polémique médiatique, à la chaîne Numéro 23 pour non-respect des très maigres obligations fixées par sa convention.

En matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, au moment des débats sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, les opérateurs radiophoniques ont violemment pris à partie la ministre de la culture et de la communication pour avoir émis des doutes sur le respect de la loi sur les quotas. La déclaration de la ministre a été taxée de « mensongère mais aussi diffamante » par les radios, qui ont souligné que le CSA, en charge du respect des quotas, n'avait prononcé que deux mises en demeure au cours des dix dernières années. Interrogé sur la manière dont il fait respecter les quotas, le CSA a reconnu des marges de tolérance et renvoyé l'exercice d'explicitation et de transparence à plus tard.

En tout état de cause, les éléments disponibles montrent clairement que l'absence de sanction n'est pas justifiée par un respect scrupuleux de la loi par les radios. Ces éléments doivent nous inciter à « mettre en garde » le régulateur sur la manière dont il exerce la mission que lui a confiée le législateur.

Enfin, la loi du 15 novembre 2013 comporte des dispositions visant à une régulation plus transparente et à une gestion plus irréprochable du domaine public hertzien. En ce qui concerne la transparence de la régulation, il faut se féliciter que le rapport annuel rende progressivement mieux compte de la manière dont le CSA exerce ses pouvoirs de régulation – même si les exemples qui précèdent montrent que des efforts accrus sont encore nécessaires sur certains aspects de la régulation. Il nous appartient de profiter des auditions annuelles du président du CSA pour l'interpeller sur ces différents sujets.

En ce qui concerne l'amélioration de la gestion du domaine public hertzien, je m'interroge sur l'opportunité de renforcer encore les règles applicables en cas de modification de la composition du capital des titulaires d'autorisation – je pense à NextradioTV et Altice. Il s'agirait d'éviter d'éventuels risques de contournement de la taxe sur les reventes de fréquences et de l'agrément prévu en cas de changement de contrôle.

L'affaire Numéro 23 a soulevé des interrogations très graves et préoccupantes sur la manière dont le CSA a attribué la fréquence et exercé sa mission de régulation. Cette affaire a mis à mal les fondements mêmes de la politique audiovisuelle et mis en lumière une série de graves manquements, que la sanction historique d'octobre 2015 d'abrogation de l'autorisation de diffusion ne suffit pas à purger.

Le CSA étant une autorité administrative indépendante, seul le Parlement est habilité à « sanctionner » l'erreur qu'a constituée l'attribution d'une fréquence gratuite au projet Numéro 23. À cet égard, les accusations portées dans la presse par différents acteurs ainsi que les questions soulevées par des parlementaires, et demeurées sans réponse, sur les conditions d'attribution de l'autorisation, me paraissent suffisamment graves pour que je sollicite la mise en place par notre assemblée d'une commission d'enquête sur les conditions d'attribution d'une fréquence à Numéro 23.

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Votre travail, monsieur le rapporteur, témoigne de votre excellente connaissance du dossier, puisque vous avez été rapporteur de la loi de 2013, ainsi que d'une grande lucidité. Sans revenir dans le détail sur les vingt et une propositions de ce rapport, j'aimerais vous faire part d'une réflexion que je nourris depuis longtemps. En vous entendant décrire les dysfonctionnements qui justifient selon vous que l'on remette sur le métier la loi de 2013 sur l'indépendance de l'audiovisuel public, j'ai été frappé par la difficulté, que vous mettez en évidence, qu'il y a en matière d'audiovisuel public à faire fonctionner de concert ces trois partenaires que sont le régulateur – à savoir le CSA –, les trois sociétés de l'audiovisuel public et leurs dirigeants, ainsi que la tutelle.

En 2013, nous avions attribué au CSA un pouvoir de nomination qui nous semblait constituer une garantie d'indépendance pour l'audiovisuel public – une indépendance que nous avons encore renforcée lors de l'examen du budget pour 2016, en faisant en sorte que le budget de France Télévisions ne dépende plus du budget de l'État.

Pour avoir porté, il y a cinq ans, une autre réforme visant à assurer l'indépendance de l'audiovisuel public – ce qui ne m'a pas empêché de voter ensuite la loi du 15 novembre 2013 –, je me demande aujourd'hui si finalement, afin d'éviter les dysfonctionnements décrits et de faire en sorte que les rôles soient clairement établis, il ne faudrait pas doter chaque société de l'audiovisuel public d'un conseil d'administration dont la composition serait une garantie d'indépendance, et qui aurait un vrai rôle stratégique. Les sociétés seraient ainsi amenées à chercher elles-mêmes leurs dirigeants, qui se trouveraient placés à la fois sous le contrôle du régulateur et dans un partenariat actif avec la tutelle. Cela éviterait d'en arriver aux problèmes que nous avons connus – je pense bien évidemment à la grève qui a paralysé Radio France durant plus d'un mois.

La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

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Le travail d'évaluation et de contrôle de l'application des lois votées par le Parlement constitue un outil indispensable, qui doit nous aider, à terme, à rectifier le tir lorsque c'est nécessaire. De ce point de vue, les observations suivies de vingt et une recommandations que vous formulez dans votre excellent rapport, tant sur l'exercice par le CSA de ses nouvelles missions que sur la mise en oeuvre de la réforme de ses pouvoirs de régulation, vont utilement orienter le législateur.

J'évoquerai tout particulièrement deux points, à savoir, d'une part, les difficultés rencontrées lors de la nomination des présidents de l'audiovisuel public, d'autre part, la complexité de la procédure d'agrément du passage d'une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite.

La loi que nous avons votée il y a un peu plus de deux ans avait notamment pour objectif de réviser la procédure de nomination des présidents de l'audiovisuel public, afin de renforcer l'indépendance de ce secteur. Il s'agit là d'une véritable avancée démocratique qui, eu égard à sa nouveauté, a rencontré un certain nombre de difficultés dans sa mise en oeuvre.

Comme vous l'avez indiqué dans votre rapport, des adaptations sont aujourd'hui souhaitables, afin de garantir la transparence totale de la prise de décision par l'autorité administrative indépendante. Les nominations de Mathieu Gallet à la tête de Radio France et de Delphine Ernotte à celle de France Télévisions ont toutes deux suscité des interrogations, des demandes de justifications et même des recours judiciaires. Vous développez des interrogations précises sur l'utilité du projet stratégique présenté par le candidat, sur les moyens et les informations dont il dispose pour le rédiger. Vous vous demandez s'il est opportun qu'il soit publié par le CSA, alors même qu'il n'aura pas de valeur contraignante en cas de nomination, et comment rendre le processus de désignation plus démocratique et résoudre la problématique d'une décision dont le processus est jugé opaque.

Selon vous, une nomination sur la base des compétences et de l'expérience serait plus adaptée, tout en maintenant la confidentialité de la procédure. Ne pensez-vous pas qu'une telle modification de l'exercice du candidat, jugé sur ses compétences et non plus sur son projet, conduirait inévitablement à des critiques similaires à celles exprimées lors des deux années écoulées, et que la confidentialité – que ses détracteurs décrivent comme une forme d'opacité –, garantie d'indépendance de la prise de décision, soit en fait à l'origine de la plupart de ces critiques ?

Pour ce qui est du temps de tuilage, proposé par M. Olivier Schrameck, président du CSA, et mis en oeuvre dans la loi, vous soulignez qu'il s'agit d'une fausse bonne idée, qui n'a pas vraiment été mise en oeuvre à Radio France et qui a été source de complexité dans l'organisation hiérarchique de la Maison ronde. Vous considérez, en revanche, que Rémy Pflimlin a joué le jeu avec Mme Ernotte. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette expérience, plus concluante que celle de Radio France, alors que vous proposez de supprimer le tuilage ou de le réduire à une période d'un mois ?

J'en viens à la procédure d'agrément permettant le passage d'une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite. Vous soulignez que cette procédure, particulièrement laborieuse et délicate, est source de contentieux administratif : le Conseil d'État a en effet annulé les décisions de refus du CSA, qui s'était opposé au passage en clair des chaînes LCI et Paris Première, au motif de l'irrégularité de la procédure suivie, en l'occurrence la publication de l'étude d'impact en même temps que la décision du CSA, alors que ce document aurait dû être publié préalablement à la décision du Conseil, afin que les personnes concernées puissent faire valoir leurs observations en temps utile. Vous indiquez, à juste titre, que cette interprétation par le Conseil d'État va constituer une source d'insécurité juridique, car elle sera susceptible de s'appliquer à toutes les procédures impliquant le recours à une étude d'impact. Une clarification législative vous semble-t-elle indispensable et, le cas échéant, par quel véhicule législatif une telle modification pourrait-elle, selon vous, être apportée ?

Vous proposez une approche constructive qui, à l'aune des deux années écoulées, nous invite à améliorer encore, dans les années à venir, les mécanismes de nomination et de régulation que nous avons remis entre les mains du CSA. L'indépendance des organes de décision et, plus largement, du service public, est essentielle pour garantir leur travail, leur avenir et celui des salariés des groupes concernés.

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La parole est à M. Franck Riester, pour le groupe Les Républicains.

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Je veux saluer l'initiative qui avait été la vôtre, monsieur le président, de faire figurer dans la loi la nécessité d'imposer un contrôle accru du Parlement sur l'exercice des missions des autorités administratives indépendantes, ainsi que la qualité et l'impartialité du rapport de Marcel Rogemont, qui constitue presque un réquisitoire à charge contre la loi de 2013, auquel nous acquiesçons. En effet, il faut absolument remettre à plat la gouvernance de l'audiovisuel public, avec le régulateur d'un côté, la tutelle de l'autre, et, entre les deux, les entreprises de l'audiovisuel public. Or, la loi de 2013 a institutionnalisé le mélange des genres, le dédoublement fonctionnel : c'est du conflit d'intérêts, ni plus ni moins ! Peut-on concevoir que le dirigeant d'Orange soit nommé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ou que le président d'EDF soit nommé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ?

Certes, avant la loi de 2013, cela s'était déjà fait dans le secteur de l'audiovisuel, de 1982 à 2009. Mais n'est-il pas temps, à l'aube du XXIe siècle, d'abandonner ces pratiques d'un autre âge, et d'imaginer de nouvelles gouvernances correspondant au monde dans lequel nous vivons, plutôt que de continuer à nous référer à celui d'il y a dix, vingt ou trente ans ?

Il me semble qu'avec la loi de 2013, nous avons manqué une occasion forte de procéder à une remise à plat de la gouvernance de l'audiovisuel public. Notre groupe – il s'agissait à l'époque de l'UMP – avait exprimé ses critiques à l'égard de cette loi, mais, se drapant dans sa vertu, la ministre avait clamé son intention de rétablir une indépendance de l'audiovisuel public bafouée, selon elle, par Nicolas Sarkozy. Ce rapport peut être fondateur pour l'avenir, et j'espère que le Gouvernement saura s'en saisir. En tout état de cause, l'opposition s'inspirera de cette réflexion qui semble faire consensus pour proposer une alternative à la gouvernance actuelle. Des propositions ont d'ores et déjà été avancées, notamment celle consistant à mettre plus en avant les conseils d'administration dans la nomination des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public – un rapport du Sénat allait dans ce sens, et j'ai moi-même fait des propositions similaires.

Quand vous dites que le régulateur d'un secteur ne peut, en même temps, être celui qui va donner un avis sur le COM, vous avez totalement raison. De même, quand vous dites qu'il est important de réfléchir à la pérennité de la direction des entreprises de l'audiovisuel public, et qu'avant de vouloir recruter un nouveau dirigeant, il faut se demander si celui qui est en poste fait bien son travail, je ne peux que souscrire à vos propos.

En ce qui concerne la régulation économique, vous affirmez la nécessité de clarifier les procédures, ce qui est tout à fait justifié : nous avons besoin de mieux comprendre la raison d'être et le mécanisme des études d'impact, et selon quelles dispositions le CSA prend sa décision ultime. De même, il est évident que le contrôle du Parlement sur ces questions doit se trouver renforcé, et que l'autorité administrative indépendante doit être plus encline à prendre des sanctions – en prenant toutes ses responsabilités, avec le soutien du Parlement.

Je conclurai en disant qu'à l'avenir, notre Commission doit se montrer beaucoup plus proactive que par le passé – quelle qu'ait été la majorité – pour faire évoluer les positions du Gouvernement.

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La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe Écologiste.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité de votre travail, qui illustre l'importance du contrôle démocratique. Votre rapport est très précis, exhaustif, et permet de faire le point sur un certain nombre de dysfonctionnements qui méritent toute notre attention, mais aussi des réactions. Vous proposez d'ailleurs de nombreuses évolutions afin de clarifier les rôles des uns et des autres et de renforcer la transparence, et il va sans dire que je partage votre avis sur la nécessité d'avancer sur ces enjeux.

Les polémiques suscitées par les nominations à la tête de Radio France et de France Télévisions sont préjudiciables à ces entreprises elles-mêmes, mais aussi, par extension, au fonctionnement de notre démocratie. Lorsque les décisions d'une autorité administrative, a fortiori concernant des entreprises publiques, sont à l'origine de débats d'une telle ampleur, ce n'est jamais bon. D'autant que les polémiques ne s'arrêtent pas là : d'autres ont pris le relais, qu'il s'agisse de la chaîne Numéro 23, des conditions du passage de LCI à la TNT gratuite, des conséquences pour le pluralisme du mode de calcul du plafond de concentration pour les radios, ou encore des règles en matière de publicité sur Radio France.

Sur la question des procédures de nomination à la tête des sociétés de l'audiovisuel public, comme j'avais pu le dire lors de l'audition du CSA à ce propos, je considère que les noms des candidats qui seront auditionnés doivent être rendus publics, et qu'il en va de même pour la retransmission d'au moins une partie des auditions. La vision stratégique proposée par les candidats mériterait aussi d'être rendue publique, car c'est bien sûr le projet défendu que les candidats doivent être appréciés, et s'agissant d'entreprises publiques les citoyens doivent avoir accès à ces informations.

Sur le projet stratégique, si je suis favorable au maintien de ce document, je partage pleinement votre analyse quant au besoin d'un cadrage préalable par l'actionnaire, d'une plus grande visibilité sur la trajectoire de financement envisagée et d'un diagnostic de la situation financière de l'entreprise, afin que les projets stratégiques ne se trouvent pas « hors-sol ».

L'idée d'organiser un débat public au moment de l'élaboration de la feuille de route me semble très intéressante. Les nominations à de telles fonctions méritent en effet mieux qu'une désignation secrète dans le huis clos d'un Conseil qui ressemble encore trop souvent à un petit conclave. Vous évoquez à ce propos des pistes très intéressantes, allant d'un renforcement du rôle du conseil d'administration dans la procédure de nomination à un système s'inspirant du BBC Trust britannique. Je n'ai pas de position arrêtée sur cette question, mais tout ce qui permet d'ouvrir davantage la procédure de nomination me paraît aller dans le bon sens. À cet égard, associer les représentants des salariés des groupes me semble plus que nécessaire et, de façon plus générale, je souscris à tout ce qui renforce le débat public, la transparence et le caractère démocratique de la procédure. Si elles vont dans le bon sens, les propositions que vous formulez ne suffiront peut-être pas à mettre fin aux critiques qui peuvent avoir lieu après les nominations, mais cela permettrait de rendre ce processus un peu moins contestable.

La question des critères retenus pour les présélections et les auditions doit également être posée, comme vous le faites. La transparence sur les critères de compétence et d'expérience est le prérequis garantissant un jugement sur le fond, et non un choix dicté par des jeux d'influence. L'existence d'une grille de critères permettrait aussi de mieux comprendre le rejet préalable de certaines candidatures, basées sur des parcours qui paraissaient pourtant leur conférer toute légitimité.

Pour ce qui est du contrôle de l'audiovisuel public, vos préconisations vont également dans le bon sens pour mettre fin au mélange des genres, car les compétences du CSA ne doivent pas entrer en concurrence avec celles des tutelles ou du Parlement. Dans ce cadre, la légitimité des avis du CSA sur le COM pose effectivement question, et avoir connaissance des critères sur lesquels se base le CSA dans ses analyses se révèle également nécessaire.

En ce qui concerne la régulation audiovisuelle, je vous rejoins également : il est nécessaire de clarifier et de mieux encadrer les choses, notamment pour que les polémiques actuelles ne puissent plus se reproduire à l'avenir. La régulation par le CSA doit en effet gagner en transparence, y compris en ce qui concerne l'utilisation de son pouvoir de sanction et de contrôle, à l'origine de nombreuses suspicions sur lesquelles je ne reviendrai pas, car elles ont déjà été largement commentées.

Enfin, votre proposition de mettre en place une commission d'enquête sur les conditions d'attribution à la chaîne Numéro 23 me semble très pertinente.

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La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

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Je félicite Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport qui me paraît témoigner d'une grande honnêteté intellectuelle – à tel point qu'il ressemble parfois à une autocritique si l'on se réfère à ce qu'il défendait avec beaucoup d'enthousiasme il y a trois ans, et que nous combattions avec force. Si je ne partage pas toutes les conclusions de notre collègue, je trouve que son travail jette un éclairage utile sur un problème que nous dénonçons aujourd'hui comme nous le faisions déjà hier, à savoir la nature des missions confiées au CSA, ainsi que la façon dont il s'en acquitte.

Déjà au moment du vote de la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le groupe UDI s'était prononcé contre ce projet de loi, car il ne répondait pas à la question primordiale du financement de l'audiovisuel public, et se contentait d'inscrire dans la loi un concept vague et sans repère : l'indépendance.

Force est de constater que, depuis le vote de cette loi en 2013, le spectacle que nous offre l'audiovisuel public nous conforte dans notre position initiale. Les différentes affaires qui ont défrayé la chronique – je pense notamment aux notes de taxi de la présidente de l'INA, ou encore au mouvement de grève à Radio France au printemps dernier – constituent des faits graves, susceptibles d'affaiblir considérablement et durablement l'autorité de régulation qu'est le CSA.

En mai 2015, lors de sa venue devant notre Commission, j'avais eu l'occasion de questionner Olivier Schrameck sur les conditions troubles entourant la nomination des présidents de groupes audiovisuels publics. Sur la méthode de désignation, de sérieux manquements aux règles d'équité et une absence globale de transparence avaient été constatés. Je remarque que le rapporteur est également très critique sur les conditions de ces nominations, mais je m'interroge sur les leçons qui ont été tirées de cette affaire.

Monsieur le rapporteur, vous comprendrez que je ne partage pas votre proposition concernant la suppression de la référence à un projet stratégique dans les critères de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public puisque, comme vous l'indiquez dans votre rapport, j'ai été à l'initiative de cette novation dans le processus de désignation. Si je ne suis pas opposé à ce que l'on prévoie à l'avenir un cadrage préalable par l'actionnaire et que l'on renforce la publicité de la procédure, je reste persuadé que le choix d'un projet stratégique intéresse directement le public, l'actionnaire, le Parlement, les partenaires de l'audiovisuel public, mais aussi les salariés des entreprises concernées et qu'il est à ce titre essentiel.

Vous évoquez également, dans votre rapport, le renforcement du rôle de régulateur économique du CSA. Je ne peux cacher qu'il s'agit là d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Aussi, je vous rejoins lorsque vous précisez qu'il appartient à présent au CSA de bâtir une doctrine claire sur les cas nécessitant le recours à des études d'impact et de l'expliciter. Il faudrait pouvoir expliquer les revirements successifs portant sur le passage de LCI à la TNT gratuite et le lancement sur la TNT d'une nouvelle chaîne publique d'information en continu. Mme la ministre, que nous avons interrogée à ce sujet il y a quelques jours, ne nous a fourni aucune information précise. Or, je rappelle que la nouvelle chaîne d'information publique devrait émettre à partir du mois de septembre, et que nous ne savons toujours rien à son sujet.

Enfin, je regrette profondément qu'il ne soit pas question du pluralisme dans le rapport de M. Rogemont, alors qu'il s'agit là d'une mission essentielle du CSA. Il ne faut jamais oublier que les chaînes de radio et de télévision occupent gratuitement le domaine public, ce qui implique un certain nombre de devoirs, notamment celui du pluralisme. Malheureusement, le pluralisme n'est pas le chemin choisi par cette majorité, puisqu'elle a récemment proposé de remplacer, durant la campagne pour l'élection présidentielle, l'égalité de temps de parole par un principe d'équité, en dehors des deux semaines qui précéderont chaque tour de scrutin.

Mes chers collègues, à l'heure où l'espace démocratique se réduit comme une peau de chagrin, j'espère que les critiques formulées par notre rapporteur ne resteront pas lettre morte.

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La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le rapporteur, votre projet de rapport d'information sur l'application, par le CSA, de la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public est éclairant à plusieurs titres, et nous instruit notamment sur la problématique consistant à allier indépendance et santé financière, managériale et culturelle des groupes de l'audiovisuel public, en mettant en évidence les dysfonctionnements du système actuel.

Parmi les sujets essentiels, vous évoquez celui des conditions de nomination des présidents, qui ont pu poser problème, ainsi que vous le soulignez. Les récentes nominations de la présidente de France Télévisions et du président de Radio France l'illustrent et tendent à nous imposer, par les tensions qu'elles ont soulevées, d'en revoir les conditions.

La présence d'un projet stratégique parmi les critères de nomination, qui est aujourd'hui d'actualité, montre ses faiblesses. Comment, en effet, un candidat peut-il soumettre un plan d'action pour un groupe sans en connaître précisément les données financières, ou en ignorant la culture de l'entreprise ? Les conséquences de cette lacune peuvent être regrettables – je pense évidemment aux grèves du printemps dernier au sein de Radio France. Je suis donc favorable à une redéfinition des critères de nomination, qui porteraient sur les compétences managériales et sur l'expérience professionnelle.

Comme vous le soulignez, les échanges avec les tutelles et le personnel, ainsi que le dialogue social, constituent une valeur ajoutée et participent à l'élaboration d'un programme plus éclairé et rapidement efficient. Ainsi établi, ce programme a vocation à participer au bon fonctionnement des sociétés de l'audiovisuel public et je vous rejoins, monsieur le rapporteur, quand vous préconisez une feuille de route établie par l'exécutif, sous contrôle du Parlement, et non plus du seul CSA, auquel il incombe de nommer les présidents ainsi que les personnalités indépendantes siégeant au conseil d'administration.

Le CSA doit, il me semble, rester dans le cadre de ses prérogatives. Je partage donc votre position : il appartient à l'État, qui est l'actionnaire financeur, et non au CSA, de se positionner sur le COM des sociétés de l'audiovisuel.

Cela dit, pourquoi ne pas rendre publique la liste des candidats ? Je comprends vos réticences, mais ne pensez-vous pas que cette « confidentialité » pourrait être ressentie comme nébuleuse ? En effet, la transparence qui doit présider au bon fonctionnement de nos institutions et des entreprises publiques peut, me semble-t-il, empêcher dans ce cas la circulation d'interprétations suspicieuses autour des nominations. Ne pourrait-on opter plutôt pour une liste rendue publique – avec, bien entendu, un cadrage normatif portant par exemple sur l'ouverture à des profils très divers, mais répondant à une grille de critères d'éthique et de compétences ?

Pour ce qui est de la suppression de la période de tuilage, j'y suis favorable. Cette pratique peut en effet avoir des effets négatifs contribuant à une forme de désengagement, voire de contre-productivité durant de longs mois.

Vous souhaitez que le CSA « élabore une doctrine sur la manière dont il entend exercer » le pouvoir de révocation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public. Ne pensez-vous pas que ce pouvoir devrait plutôt être exercé par le législateur, non pas « à défaut », mais de manière établie ?

L'affaire Numéro 23 nous a tous laissés pantois. À cet égard, on peut considérer qu'elle témoigne, au mieux, d'un manque de rigueur de la part du CSA, et je souscris pleinement à votre préconisation de la constitution d'une commission d'enquête sur les conditions d'autorisation de cette chaîne. Dans ce cas précis, comment pensez-vous que les conclusions de cette commission pourraient jouer un rôle préconisateur pour de futures créations de chaînes ?

En conclusion, votre rapport pointe précisément les évolutions nécessaires pour une saine gouvernance de l'audiovisuel public.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je veux saluer à mon tour la qualité du rapport de Marcel Rogemont, qui s'exprime tant dans le regard critique qu'il porte sur l'autorité administrative indépendante qu'est le CSA que dans la pertinence des propositions qu'il formule.

Pour ce qui est de la nomination des présidents, il n'est pas question ici de revenir à la situation antérieure. Je garde un très mauvais souvenir d'une séance de notre Commission consacrée à l'examen de la candidature de M. Jean-Luc Hees au poste de président de Radio France : du fait qu'il avait été désigné par un Président de la République, il avait dû affronter l'hostilité de la Commission alors même que la qualité de l'homme et de sa présidence ne faisait guère de doute, ce qui montre bien que ce mode de nomination jette forcément la suspicion sur celui qui en fait l'objet.

Cela dit, je partage l'avis du rapporteur sur le fait que l'on ne peut procéder aux nominations sur la base d'un projet stratégique élaboré par les candidats dans les conditions que nous connaissons. Nous devons aller vers une modernisation de la gestion des grandes entreprises de l'audiovisuel public en prévoyant, comme l'a proposé notre président, un conseil d'administration renouvelé, qui serait chargé à la fois de nommer son président ou sa présidente, mais aussi d'élaborer, dans le cadre du débat avec la tutelle, un projet pour l'entreprise d'audiovisuel public concernée.

En effet, les entreprises de l'audiovisuel public se trouvent parfois placées face à des injonctions contradictoires de la part de la tutelle et du CSA, ce qui ne peut permettre une indépendance de réflexion dans l'élaboration des contenus pour chaque entreprise.

Enfin, je pense que le rapporteur a raison également d'insister sur l'importance de la stabilité. Les chiffres donnés montrent que l'on ne permet jamais la reconduction des présidents de l'audiovisuel public : avant même la fin du mandat de chaque président, on recherche déjà celui ou celle qui le remplacera, sans même s'interroger sur la qualité du travail qu'il a effectué. Cette évaluation préalable me paraît tout à fait essentielle.

Je suis d'accord avec la proposition visant à constituer une commission d'enquête portant sur les conditions de création de la chaîne Numéro 23. Enfin, monsieur le rapporteur, j'aimerais vous demander comment vous imaginez l'outil législatif qui serait de nature à apporter rapidement les nécessaires évolutions que vous proposez, et comment, selon vous, il conviendrait d'instaurer un dialogue avec le CSA pour, sans attendre les modifications législatives, rectifier un certain nombre de points dans le sens des propositions de votre rapport.

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Je veux souligner que si le rapport de notre collègue est critique, ce n'est pas sur la manière dont le CSA s'acquitte de ses missions, mais sur le cadre fixé par le législateur – c'est-à-dire nous-mêmes –, qui contraint le CSA à travailler dans les conditions que l'on sait.

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Vous avez tout à fait raison, monsieur le président : mon rapport porte essentiellement sur le dispositif que nous avons mis en place, et qui se traduit par une instabilité dans le fonctionnement du CSA.

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Nous en venons aux questions, pour lesquelles chaque intervenant dispose de deux minutes.

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Je remercie Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport, qui en fait un document passionnant à lire. J'estime vain de prétendre que les avis exprimés dans ce document constitueraient un revirement par rapport aux positions que notre rapporteur avait soutenues en 2013 : de mon point de vue, il existe au contraire une grande cohérence entre les deux.

Ce rapport m'inspire trois remarques. Premièrement, si j'ai bien compris que la proposition numéro 3 du rapport constituait une solution de repli, elle m'apparaît un peu contradictoire avec la proposition numéro 2, prévoyant le maintien de la confidentialité de la procédure. Au demeurant, je ne vois pas en quoi la publicité gênerait le processus d'examen des candidatures par le CSA, et je suis très sceptique quand le rapporteur affirme que la présidente actuelle de France Télévisions n'aurait pas été candidate si sa démarche avait été rendue publique : de mon point de vue, il n'y a rien de scandaleux à poser sa candidature pour un poste, ni à la voir acceptée ou repoussée. De mon point de vue, il s'agit là d'un argument un peu fallacieux, surtout lorsqu'il est invoqué par des personnes occupant de très hautes fonctions au sein de la fonction publique d'État.

Deuxièmement, votre proposition numéro 8 consiste à « prévoir que le CSA se prononce sur la reconduction du président en place, à travers une décision motivée, avant d'ouvrir un appel à candidatures ». J'avoue ma perplexité face à cette proposition ; si elle est motivée par une préoccupation portant sur la durée du mandat effectif, sans doute vaudrait-il mieux se pencher directement sur la durée du mandat, plutôt que de privilégier le principe d'une reconduction sans appel à candidature – ce qui, au sein d'une collectivité locale, équivaudrait à procéder par tacite reconduction plutôt que de lancer un appel d'offres.

Ma troisième remarque ne porte pas directement sur votre rapport, mais sur le rachat du groupe Canal + et les décisions qui ont suivi – notamment celle consistant à rédiger une charte d'éthique. J'ai été étonné de constater que les autorités publiques demeuraient singulièrement silencieuses sur l'ensemble de ces opérations, et je me demande si le CSA n'aurait pas vocation à jouer un rôle plus important en matière de contrôle du respect des règles d'éthique, y compris en ce qui concerne les chaînes privées.

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Mon cher collègue, sur le dernier point que vous venez d'évoquer, je vous demande de patienter encore quelques jours. Une initiative devrait rapidement être proposée.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ce rapport détaillé et honnête sur l'application du principe de l'indépendance de l'audiovisuel public, qui ne se résume pas à commenter la nomination chahutée de Delphine Ernotte.

Cela dit, je souhaite revenir sur une contradiction. La décision portant nomination à la présidence de France Télévisions affirme que le choix du Conseil s'est fondé, conformément à la loi, sur des critères de compétence et d'expérience. Le rapport constate que le CSA a entendu privilégier la compétence managériale, l'expérience et l'aptitude au dialogue social, mais quid de l'expérience dans le secteur audiovisuel ? Le président du CSA expliquait, en avril 2015, que « nous ne sommes plus dans un monde où il y a un audiovisuel à part et un monde numérique distinct », expliquant ainsi que la double culture lui paraissait une bonne chose.

Par ailleurs, le rapport constate que la durée des mandats est trop courte, ce qui ne favorise pas l'indépendance. Il établit un parallèle avec l'audiovisuel privé, où les dirigeants restent en place beaucoup plus longtemps. Quelles seraient, aux yeux du rapporteur – et, le cas échéant, des personnes qu'il a auditionnées –, la durée et les conditions idéales du mandat ?

Enfin, je trouve intéressantes les propositions du rapporteur sur les liens entre le CSA et l'audiovisuel public via les conventions d'objectifs et de moyens.

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Je n'ai qu'un regret en écoutant Marcel Rogemont présenter son rapport – critique mais juste –, c'est que ce travail ne soit pas fait plus souvent, pour ne pas dire quasi systématiquement, pour la plupart des textes votés par le Parlement. Nous avons beau, lorsque nous examinons les textes qui nous sont soumis, prendre l'avis des spécialistes les plus éminents, nous entourer des meilleurs collaborateurs et débattre entre nous sur chaque amendement, le passage de l'écrit à l'application de la loi sur le terrain laisse toujours apparaître des subtilités qui nous avaient échappé.

C'est pourquoi, si nous disposons aujourd'hui d'une évaluation de la mise en oeuvre de la loi, nous devons également être en mesure de procéder aux adaptations qui paraissent nécessaires – étant précisé qu'il s'agit simplement de rendre cette loi plus efficace, et non de réécrire l'ensemble du texte.

Bien que vous ayez été très précis, monsieur le rapporteur, je veux insister sur quelques points. Le procédé consistant à nommer les présidents des sociétés de l'audiovisuel public en se référant à un projet stratégique ne semble pas constituer la solution idéale dans la mesure où les candidats ne disposent généralement pas des éléments nécessaires pour construire ce projet et risquent de faire appel à des cabinets privés pour le rédiger à leur place – d'où le risque d'aboutir à des copiés-collés ne tenant compte ni des réalités de l'entreprise, ni des équipes composant ces entreprises. De même, les dates d'évaluation du projet ne semblent pas du tout réalistes.

Pour ce qui est du tuilage, même si la solution actuellement mise en oeuvre ne semble pas satisfaisante, ne faut-il pas faire en sorte de maintenir tout de même une forme de passage de relai, et le cas échéant selon quelles modalités ?

La mise en place d'un conseil d'administration, évoquée par notre président, constitue un élément important. Par ailleurs, vous insistez sur la nécessité que le CSA se montre beaucoup plus ferme dans l'usage de son pouvoir de sanction. Le respect des quotas en matière de chanson française me paraît essentiel, car si l'on permet le contournement des textes en vigueur, c'est l'avenir de la jeune création française qui risque de se trouver fragilisé.

Enfin, on ne peut que soutenir la mise en place d'une commission d'enquête relative à l'attribution d'une fréquence à la chaîne Numéro 23.

Globalement, c'est un beau et utile travail qui nous a été présenté par Marcel Rogemont. Il ne nous reste qu'à souhaiter que son rapport ne finisse pas sous une pile de dossiers, mais qu'il produise tous les effets que nous en attendons.

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Je vous remercie, chère collègue, d'avoir souligné la volonté de notre Commission de jouer pleinement son rôle de contrôle et d'évaluation de la mise en oeuvre des lois. Nous l'avons fait la semaine dernière avec la refondation de l'école de la République, sur la base du rapport du comité de suivi présidé par Yves Durand, et ce matin même, en désignant Sandrine Doucet et Benoist Apparu comme corapporteurs de la mission d'information sur l'application de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

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Autant que la qualité de son rapport, je veux saluer le courage de Marcel Rogemont, qui s'est livré à un véritable travail d'introspection de la loi dont il fut lui-même le rapporteur en 2013.

Pour ce qui est de la durée du mandat, il est vrai que l'existence d'une date butoir tous les quatre ans rend la mission des présidents de l'audiovisuel public plus difficile que celle de leurs homologues du privé. Toute la question est de savoir s'il faudrait allonger la durée de ce mandat ou, comme cela se fait dans le privé, ne pas forcément retenir de date butoir et donner au CSA des attributions plus étendues dans la décision consistant à renouveler ou non le président – cette dernière solution n'est pas celle que vous envisagez dans votre rapport, mais peut-être pourrions-nous y réfléchir.

En ce qui concerne le tuilage, je me demande si la critique qui est faite du système préconisé par M. Schrameck n'est pas un peu hâtive : peut-être les difficultés rencontrées ne sont-elles dues qu'au fait de ne pas avoir suffisamment préparé, juridiquement et financièrement, la mise en oeuvre de cette solution.

Je suis assez proche des conclusions du rapporteur quant à la difficulté qu'il y a à faire fonctionner ensemble ces trois partenaires que sont les entreprises de l'audiovisuel public, le régulateur et la tutelle, notamment pour ce qui est du respect du COM.

En ce qui concerne l'annulation par le Conseil d'État des décisions de rejet du passage en gratuit de LCI et Paris Première, elle fait apparaître que l'intervention de la justice, que les opérateurs peuvent saisir, constitue un facteur de complexité supplémentaire. Cela dit, je ne vois pas ce que nous pourrions faire pour y remédier.

Au sujet de la chaîne Numéro 23, la commission d'enquête dont vous souhaitez la création na va-t-elle pas simplement aboutir à la conclusion que les difficultés rencontrées résultent surtout du fait du caractère inédit de la situation, que la loi n'avait pas prévue ? Cela dit, nous ne nous opposerons pas à la création de cette commission d'enquête.

Enfin, il est assez étonnant que Mme Ernotte ait annoncé, au grand dam de certains opérateurs privés, la création de la chaîne d'information en continu de France Télévisions sans que la ministre n'en ait été informée préalablement et sans que le CSA ait pu émettre un avis sur ce projet. Quelle est votre position sur ce point ?

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Je remercie M. le rapporteur pour la qualité de son rapport, à la fois inspirant et éclairant.

Pour ce qui est du contrôle du respect des quotas de chansons françaises, vous évoquez, à la page 48 de votre rapport, l'amendement déposé par le président de notre Commission lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, portant sur le contrôle et la restitution par le CSA devant la représentation nationale de la bonne application de la loi du 1er février 1994 relative à la diffusion des chansons françaises. Comme toute autorité administrative indépendante, le CSA est doté d'un pouvoir de sanction. Sans être un censeur, il exerce toutefois un rôle de vigilance. Or, ce pouvoir n'a été utilisé que rarement : en dépit d'un nombre important de mises en garde au cours des cinq dernières années, la dernière mise en demeure remonte à 2010. Certes, il existe des coûts liés au contrôle et à l'exhaustivité de l'exercice, mais on peut tout de même s'étonner que des poursuites n'aient jamais été engagées, alors que la ministre de la culture et de la communication relevait, il y a quelques mois, que certaines radios ne respectaient pas les quotas de diffusion de chansons françaises.

Dans ma circonscription située hors de France, j'observe que certaines stations ne respectent pas la loi relative aux quotas de chansons en français, ce qui est d'autant plus regrettable quand on sait que l'audiovisuel est l'un des vecteurs les plus importants de contact avec notre langue pour nos compatriotes vivant à l'étranger. Comme vous le dites dans votre rapport, il n'existe à ce jour aucune information ni publicité du CSA sur le respect des quotas : seul le rapport annuel du Conseil y consacre chaque année un bref passage. C'est pourquoi je souhaitais vous interroger sur les mesures, au besoin contraignantes, qui pourraient selon vous être mises en place pour que le CSA explicite davantage sa doctrine de contrôle et d'intervention en la matière, et qu'il rende compte de manière plus précise de la législation existante.

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Je remercie également Marcel Rogemont pour son travail, qui montre que le Parlement est en mesure d'accomplir sa mission de contrôle vis-à-vis du CSA, ce qui est plus que jamais important.

La proposition numéro 8 du rapport consiste à « revenir sur l'attribution au CSA d'une mission de définition des objectifs stratégiques de l'audiovisuel public ». Comme nous l'avions déjà dit lors de l'examen de la loi de 2013, le CSA se trouve effectivement juge et partie, ce qui n'est pas sans créer des problèmes et nécessitera une évolution du texte. J'aimerais donc savoir si notre rapporteur a prévu, dans le prolongement de son rapport, de rédiger une proposition de loi qui viendrait remédier à un certain nombre de points faisant débat, et sur lesquels des consensus semblent pouvoir être trouvés.

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Je félicite également Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport. Il est d'ailleurs significatif que plusieurs des inquiétudes et interrogations figurant dans son précédent rapport, relatif au projet de loi de 2013, se soient révélées fondées.

Pour ma part, je souhaite surtout évoquer les pouvoirs de contrôle et de régulation confiés au CSA. Si les nominations aux présidences de Radio France et de France Télévisions ont pu susciter des polémiques, les dossiers relatifs à la chaîne Numéro 23 ou au passage de LCI en chaîne gratuite de la TNT ont montré que les fonctions du CSA, dont certaines décisions sont déterminantes dans la construction du paysage audiovisuel français, étaient mal connues et mal comprises de nos concitoyens.

De mon point de vue, le scandale de Numéro 23 est exemplaire de ce manque de connaissance du grand public de l'autorité indépendante qu'est le CSA. Il est d'ailleurs symptomatique que les travaux du Conseil ne soient exposés et débattus que lorsque des reproches – justifiés ou non – lui sont faits.

Lors d'une audition du président du CSA, j'avais rappelé la phrase du poète latin Juvénal – « Qui nous gardera de nos gardiens ? » – pour évoquer le nécessaire contrôle qui doit être exercé sur les actions du CSA, celui-ci pouvant être décrit comme un gardien de l'audiovisuel. À la lecture du rapport de notre collègue, il me paraît indispensable qu'une meilleure publicité soit faite sur le rôle et les actions menées par le CSA, afin que nos concitoyens, usagers de l'audiovisuel, en aient une meilleure connaissance, mais aussi que le contrôle exercé par nos assemblées soit renforcé. C'est l'une des préoccupations fortes de notre rapporteur, et j'aimerais qu'il nous donne des précisions sur la manière dont ce contrôle pourrait s'exercer.

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M. Marcel Rogemont a effectué un travail objectif sans utiliser la langue de bois.

La loi du 15 novembre 2013 a introduit un changement majeur en confiant la nomination des dirigeants de l'audiovisuel public au CSA. Ces derniers ont-ils obtenu pour autant une véritable liberté d'action ? Je crains que nous ne nous trouvions dans une situation paradoxale car, une fois nommés, ces dirigeants sont corsetés par les tutelles dont nous avions précisément voulu les protéger : ils n'ont pas les mains libres pour effectuer les réformes qu'ils estiment indispensables.

Depuis le vote de la loi de 2013, les décisions du CSA ont suscité de nombreuses critiques. Je pense aussi bien aux nominations effectuées par le Conseil qu'à l'autorisation accordée à LCI de diffuser sur la TNT gratuite ou au refus opposé à Paris première en la matière. Il faut aussi évoquer le projet de vente de Numéro 23 au groupe NextRadioTV pour 88 millions d'euros alors que la chaîne avait bénéficié, moins de trois ans auparavant, de l'attribution d'une fréquence gratuite. Cela fait beaucoup !

Une question se pose quant au rôle que nous entendons faire jouer au CSA à l'avenir. Les nominations auxquelles le Conseil devait procéder à la tête de l'audiovisuel public ont eu lieu ces deux dernières années. Quant à son pouvoir en matière d'attribution de fréquences, il est aujourd'hui entaché par l'affaire de la chaîne Numéro 23. Il y a huit mois, l'ancien président du CSA, M. Michel Boyon, estimait que des menaces pesaient sur le Conseil considérant qu'il n'y avait plus de fréquences à attribuer et que son périmètre de surveillance se réduisait à mesure que la consommation d'internet grandissait. Que va devenir le CSA d'ici à cinq ou dix ans ? se demandait-il.

Pouvons-nous vraiment nous satisfaire de l'application de la loi de novembre 2013 ? Où en est le Gouvernement de son projet de fusion de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et de l'ARCEP avec le CSA ? Il a été présenté à plusieurs reprises sans être suivi d'effet. M. Patrick Hetzel vient de vous poser une question que je reprends à mon compte : n'est-il pas temps que vos propositions et nos réflexions nourrissent la rédaction d'une proposition de loi ?

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Monsieur Rogemont, votre rapport d'information montre, de façon limpide et honnête, l'imperfection de la loi du 15 novembre 2013.

S'il est vrai que le projet stratégique des candidats à la tête des entreprises de l'audiovisuel public est souvent artificiel, je ne crois pas que cela constitue une raison suffisante pour le supprimer. Les clefs de ces entreprises publiques ne peuvent pas être confiées à des personnalités à la seule lecture de leur curriculum vitae sur le fondement d'une compétence managériale qui se révèle un critère insuffisant. À mon sens, le projet stratégique devrait être renforcé et non supprimé. J'estime que votre troisième recommandation est plus intéressante que les deux précédentes.

Concernant les nominations, si l'on peut comprendre que la liste des postulants reste confidentielle sachant que certains candidats sont en poste, il me semble absurde que le calendrier de la procédure soit tenu secret. J'ai dit au président du CSA que cela relevait d'un véritable manque de transparence.

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Monsieur Rogemont, un certain consensus semble se dégager autour de l'idée que nous pourrions redéfinir les missions que nous confions au régulateur.

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Monsieur le président, si la nomination des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public doit évoluer, elle ne peut en tout état de cause être le fait des conseils d'administration dans leur forme actuelle car ils ne sont composés que de fonctionnaires – nous sommes confrontés à un véritable système endogame. Une telle solution n'aurait de sens que si les personnes qualifiées qui siègent dans ces conseils n'étaient pas « qualifiées » par leur qualité de fonctionnaires à la retraite. Une autre solution consisterait à attribuer le pouvoir de nomination à un organisme ad hoc inspiré du BBC Trust britannique. Toutefois, selon moi, le problème vient moins du pouvoir de nomination du CSA que du pouvoir que nous lui avons attribué en matière d'orientation stratégique. L'autorité de régulation a détenu le pouvoir de nomination entre 1983 et 2009 sans que cela ne pose de gros problème.

Monsieur Travert, durant la période que je viens d'évoquer, l'absence de projet stratégique n'avait pas fait l'objet de réelles critiques. J'estime que ce projet introduit un biais. Quant à l'organisation du tuilage sur trois ou quatre mois, elle doit être parfaitement clarifiée car une société ne peut avoir qu'un seul mandataire social. Aujourd'hui, alors que le futur dirigeant est déjà présent dans l'entreprise, il ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour embaucher. Il a pourtant besoin de recruter son équipe, ce qu'il ne pourrait faire qu'en passant par une structure externe. Vous imaginez la complexité du dispositif, et vous comprenez pourquoi, s'agissant du tuilage, j'ai évoqué dans mon rapport une « fausse bonne idée ».

À la suite des décisions du Conseil d'État du 17 juin 2015, j'estime que le statut et la procédure des études d'impact effectuées lors de la procédure d'agrément permettant le passage des chaînes payantes vers la TNT gratuite devraient également être clarifiés. Une proposition de loi doit préciser la volonté du législateur concernant ces documents de façon globale car les décisions du Conseil d'État ont une portée générale dont l'impact pourrait être considérable.

Monsieur Riester, mon rapport d'information n'est pas à charge contre le CSA mais contre la loi du 15 novembre 2013. Le législateur est responsable du cadre dans lequel le CSA agit, même si ce dernier a pu faire des suggestions d'évolutions législatives qui ont été prises en compte. Vous parlez de « mélange des genres » parce que le régulateur détient aussi le pouvoir de nomination, et vous faites une comparaison avec l'ARCEP et la CRE. Mais les choses ne sont pas de même nature, et, s'agissant de l'audiovisuel public, ce « dédoublement » n'a pas suscité de critiques majeures entre 1983 et 2009, même s'il est vrai que l'on a pu s'interroger sur certains choix. Il est par exemple regrettable que M. Marc Tessier n'ait pas été reconduit à la tête de France Télévisions, et l'on se demande pourquoi M. Patrick de Carolis, son successeur, dont la nomination a eu lieu dans des conditions très éloignées des procédures que je préconise, a été remplacé à son tour alors même qu'il mettait en place l'entreprise commune. Pour ma part, j'estime que le CSA doit conserver ses missions en matière de nomination et de régulation, mais qu'il ne doit surtout pas participer à la définition d'un projet stratégique de quelque ordre qu'il soit.

Madame Pompili, vous souhaitez que le nom des candidats et les projets stratégiques soient rendus publics. Une telle transparence risquerait d'alourdir considérablement les procédures de nomination. Faudra-t-il tenir trente auditions et publier trente projets stratégiques ? Cela nous ramène d'ailleurs à nos observations sur le projet stratégique : y a-t-il le moindre sens à publier trente-cinq projets, tous fondés sur les mêmes documents provenant des assemblées et du CSA, c'est-à-dire de l'extérieur des entreprises concernées ? Comme la plupart de nos collègues, vous soutenez ma proposition visant à créer une commission d'enquête sur les conditions d'attribution d'une autorisation à la chaîne Numéro 23. Des questions se posent en effet en amont de la vente de la fréquence. Le rapport reprend des propos tenus par M. Rachid Arhab, membre du CSA lors de l'attribution de cette dernière : ils sont sans ambiguïté sur le sujet.

Monsieur Salles, vous avez raison : la question du financement de l'audiovisuel public n'est pas sans rapport avec celle de son indépendance. Mais si nous voulions aller au terme du raisonnement, il faudrait, comme en Allemagne, qu'une institution qui ne dépende pas de l'exécutif, fixe le montant de la redevance et sa répartition. Tout cela nous mènerait trop loin.

Madame Hobert, comme d'autres collègues, vous vous demandez pourquoi la liste des candidats aux postes de dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public n'est pas rendue publique. Souvenez-vous du cas d'Alexandre Bompart, pressenti, en 2010, pour succéder à Patrick de Carolis à la tête de France Télévisions : le fait que le Président de la République ait finalement nommé Rémy Pflimlin n'a pas été sans influence sur sa trajectoire professionnelle. Pour un cadre dirigeant d'une entreprise, le simple fait d'envisager publiquement un départ et de frapper à la porte de l'entreprise publique voisine a toutes les chances de se traduire par une mise à la porte. La publicité des candidatures n'est pas possible. En la matière, la transparence absolue est une fausse bonne idée.

Vous suggérez que le législateur pourrait davantage préciser les conditions de révocation des dirigeants de l'audiovisuel public. Vous avez probablement raison mais, en tout état de cause, le pouvoir de révocation appartient à l'autorité de nomination, qui n'est pas le législateur.

Madame Buffet, je me souviens parfaitement de l'audition de M. Jean-Luc Hees devant notre commission préalablement à sa nomination comme président de Radio France. La procédure de nomination de l'époque alimentait à coup sûr le soupçon, et je lui avais moi-même fait remarquer qu'un Président-actionnaire sans projet avait « sollicité un candidat-président sans plus de projet ». Je ne porte aucun jugement sur le travail effectué par la suite par M. Hees, mais il demeure certain que les nominations par le CSA permettent d'éviter de telles suspicions.

Vous soulignez à juste titre que les entreprises de l'audiovisuel public doivent actuellement répondre à des injonctions contradictoires de la part du CSA, des tutelles qui sont multiples, et du Parlement. Cela ne peut pas fonctionner en l'état.

La reconduction des présidents de l'audiovisuel public permettrait de garantir une certaine stabilité aux entreprises concernées. Encore faudrait-il que cette solution perde son caractère d'exception !

Une compétence en matière d'audiovisuel est-elle indispensable pour accéder à la tête des entreprises publiques du secteur ? Je réponds à Mme Nachury et aux collègues qui m'ont interrogé sur le sujet que les faits parlent d'eux-mêmes : avant de prendre leur fonction de dirigeant de TF1 et de Canal plus, Patrick Le Lay et Bertrand Méheut n'avaient aucune expérience des médias. En matière de nomination, il faut prendre garde à ne pas imposer des critères qui alimenteraient l'endogamie que j'évoquais s'agissant des fonctionnaires siégeant dans les conseils d'administration. Si l'on s'en tenait aux spécialistes de l'audiovisuel, le vivier dans lequel on irait chercher les dirigeants de l'audiovisuel public serait finalement assez restreint.

Monsieur Bréhier, je suis d'accord avec vous : le CSA devrait porter une attention beaucoup plus grande aux chartes d'éthique rédigées par les entreprises. Ces documents, qui participent de l'indépendance des rédactions de l'audiovisuel, devraient être davantage normés.

Mme Dessus ainsi que plusieurs d'entre vous ont évoqué le projet stratégique. En la matière, je plaide pour que le Gouvernement fasse clairement part de ses attentes. Il l'a fait, s'agissant de France Télévisions, au début de l'année dernière, après avoir confié à M. Marc Schwartz la coordination d'un groupe de travail interministériel chargé de mener une réflexion stratégique sur l'avenir du groupe à l'horizon 2020. Sur ce modèle, lors des nominations à la tête de chacune des entreprises concernées, les conclusions de « missions Schwartz » devraient être discutées par les commissions parlementaires compétentes avant que le Gouvernement ne signe une lettre de mission. Le débat au Parlement et le débat public doivent avoir lieu avant que le CSA ne se prononce.

Monsieur Kert, vous avez évoqué, après M. Travert, la décision du Conseil d'État du 17 juin 2015 annulant le refus du CSA de voir passer LCI sur la TNT gratuite. Finalement, le CSA s'est « raccroché » au droit européen pour donner un feu vert à LCI. Je crains que cette affaire ne soit pas terminée.

Vous vous étonnez également que la présidente de France Télévisions ait annoncé la création d'une chaîne d'information en continu sans que le CSA ait émis un avis sur le projet. J'avoue que la position du CSA est surprenante : d'une certaine façon, il valide la création de cette chaîne dès lors qu'elle est annoncée dans le projet stratégique de la candidate Delphine Ernotte, il accepte par ailleurs la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France - et pourquoi d'ailleurs uniquement en Île-de-France ? –, et il finit par autoriser la diffusion gratuite de LCI. On se demande si cet ensemble de décisions ne déstabilisera pas l'économie des chaînes d'information en continu.

Monsieur Premat, en matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, le CSA n'a probablement pas fait son travail : il aurait dû davantage utiliser son pouvoir de sanction. Cela aurait notamment permis d'éviter à Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de subir des critiques injustifiées. Si le CSA ne veut pas prendre de sanctions, ou s'il estime que la loi doit être modifiée, il faut qu'il nous le dise ! En la matière, il ne lui appartient pas de procéder seul. Il en est de même pour ce qui concerne les règles relatives à la publicité sur les antennes de Radio France : ce n'est pas à lui de décider d'être plus ou moins laxiste et d'aller jusqu'à tolérer la publicité commerciale sur les radios publiques. S'il souhaite que les choses évoluent, il faut qu'il s'exprime, après quoi il reviendra au Gouvernement et au Parlement de décider et d'agir.

M. Cresta a cité Juvénal : « Qui nous gardera de nos gardiens ? » C'est nous ! C'est à nous d'être vigilants quant au fonctionnement des autorités administratives indépendantes.

Monsieur François de Mazières, les présidents des sociétés de l'audiovisuel public sont en effet « corsetés » par leurs tutelles. Quoi qu'il en soit, ils sont « corsetés » par leur conseil d'administration, et leur liberté s'exerce à l'intérieur du contrat d'objectifs et de moyens. C'est ainsi ! Le CSA a-t-il encore de beaux jours devant lui ? Les inquiétudes que vous évoquez concernent son avenir d'ici cinq à dix ans : cela lui laisse déjà un peu de temps. Plus sérieusement, je crois que la télévision sera encore durablement un média grand public. Je ne suis pas sûr qu'il faille rédiger une proposition de loi portant sur la fusion de l'HADOPI, de l'ARCEP et du CSA ; contentons-nous d'un texte qui mettra en oeuvre les recommandations que contient mon rapport d'information ! Je rédigerai probablement une proposition de loi dans les semaines qui viennent : l'approbation que mes propositions semblent recueillir de la part de tous les groupes politiques m'engage à entreprendre ce travail.

Monsieur Tardy, je me suis déjà exprimé sur le projet stratégique que vous souhaitez maintenir. Les documents en question sont véritablement « hors-sol », et leur présentation par les postulants se situe entre la leçon d'agrégation et le grand oral de Sciences Po. Tout cela n'a rien à voir avec la compétence des candidats, notamment leur compétence managériale qui doit selon moi guider le choix du CSA – les arguments qu'il a présentés à l'appui de la nomination de Mme Delphine Ernotte montrent qu'il en a fait le premier critère de sa décision. Je rappelle que cela correspond à la rédaction initiale du projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, tel qu'il avait été déposé par le Gouvernement, avant que nous n'y introduisions l'obligation de présenter des projets stratégiques. Je précise que c'est également nous qui avons attribué au CSA la mission d'émettre un avis sur les COM – même s'il faut ajouter que la ministre était favorable à cette modification, ce que je déplore.

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Monsieur Rogemont, nous vous remercions pour le travail que vous avez effectué et pour les perspectives diverses que vous ouvrez.

La Commission décide à l'unanimité d'autoriser la publication du rapport d'information.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.