Je félicite Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport qui me paraît témoigner d'une grande honnêteté intellectuelle – à tel point qu'il ressemble parfois à une autocritique si l'on se réfère à ce qu'il défendait avec beaucoup d'enthousiasme il y a trois ans, et que nous combattions avec force. Si je ne partage pas toutes les conclusions de notre collègue, je trouve que son travail jette un éclairage utile sur un problème que nous dénonçons aujourd'hui comme nous le faisions déjà hier, à savoir la nature des missions confiées au CSA, ainsi que la façon dont il s'en acquitte.
Déjà au moment du vote de la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le groupe UDI s'était prononcé contre ce projet de loi, car il ne répondait pas à la question primordiale du financement de l'audiovisuel public, et se contentait d'inscrire dans la loi un concept vague et sans repère : l'indépendance.
Force est de constater que, depuis le vote de cette loi en 2013, le spectacle que nous offre l'audiovisuel public nous conforte dans notre position initiale. Les différentes affaires qui ont défrayé la chronique – je pense notamment aux notes de taxi de la présidente de l'INA, ou encore au mouvement de grève à Radio France au printemps dernier – constituent des faits graves, susceptibles d'affaiblir considérablement et durablement l'autorité de régulation qu'est le CSA.
En mai 2015, lors de sa venue devant notre Commission, j'avais eu l'occasion de questionner Olivier Schrameck sur les conditions troubles entourant la nomination des présidents de groupes audiovisuels publics. Sur la méthode de désignation, de sérieux manquements aux règles d'équité et une absence globale de transparence avaient été constatés. Je remarque que le rapporteur est également très critique sur les conditions de ces nominations, mais je m'interroge sur les leçons qui ont été tirées de cette affaire.
Monsieur le rapporteur, vous comprendrez que je ne partage pas votre proposition concernant la suppression de la référence à un projet stratégique dans les critères de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public puisque, comme vous l'indiquez dans votre rapport, j'ai été à l'initiative de cette novation dans le processus de désignation. Si je ne suis pas opposé à ce que l'on prévoie à l'avenir un cadrage préalable par l'actionnaire et que l'on renforce la publicité de la procédure, je reste persuadé que le choix d'un projet stratégique intéresse directement le public, l'actionnaire, le Parlement, les partenaires de l'audiovisuel public, mais aussi les salariés des entreprises concernées et qu'il est à ce titre essentiel.
Vous évoquez également, dans votre rapport, le renforcement du rôle de régulateur économique du CSA. Je ne peux cacher qu'il s'agit là d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Aussi, je vous rejoins lorsque vous précisez qu'il appartient à présent au CSA de bâtir une doctrine claire sur les cas nécessitant le recours à des études d'impact et de l'expliciter. Il faudrait pouvoir expliquer les revirements successifs portant sur le passage de LCI à la TNT gratuite et le lancement sur la TNT d'une nouvelle chaîne publique d'information en continu. Mme la ministre, que nous avons interrogée à ce sujet il y a quelques jours, ne nous a fourni aucune information précise. Or, je rappelle que la nouvelle chaîne d'information publique devrait émettre à partir du mois de septembre, et que nous ne savons toujours rien à son sujet.
Enfin, je regrette profondément qu'il ne soit pas question du pluralisme dans le rapport de M. Rogemont, alors qu'il s'agit là d'une mission essentielle du CSA. Il ne faut jamais oublier que les chaînes de radio et de télévision occupent gratuitement le domaine public, ce qui implique un certain nombre de devoirs, notamment celui du pluralisme. Malheureusement, le pluralisme n'est pas le chemin choisi par cette majorité, puisqu'elle a récemment proposé de remplacer, durant la campagne pour l'élection présidentielle, l'égalité de temps de parole par un principe d'équité, en dehors des deux semaines qui précéderont chaque tour de scrutin.
Mes chers collègues, à l'heure où l'espace démocratique se réduit comme une peau de chagrin, j'espère que les critiques formulées par notre rapporteur ne resteront pas lettre morte.