Monsieur le président, si la nomination des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public doit évoluer, elle ne peut en tout état de cause être le fait des conseils d'administration dans leur forme actuelle car ils ne sont composés que de fonctionnaires – nous sommes confrontés à un véritable système endogame. Une telle solution n'aurait de sens que si les personnes qualifiées qui siègent dans ces conseils n'étaient pas « qualifiées » par leur qualité de fonctionnaires à la retraite. Une autre solution consisterait à attribuer le pouvoir de nomination à un organisme ad hoc inspiré du BBC Trust britannique. Toutefois, selon moi, le problème vient moins du pouvoir de nomination du CSA que du pouvoir que nous lui avons attribué en matière d'orientation stratégique. L'autorité de régulation a détenu le pouvoir de nomination entre 1983 et 2009 sans que cela ne pose de gros problème.
Monsieur Travert, durant la période que je viens d'évoquer, l'absence de projet stratégique n'avait pas fait l'objet de réelles critiques. J'estime que ce projet introduit un biais. Quant à l'organisation du tuilage sur trois ou quatre mois, elle doit être parfaitement clarifiée car une société ne peut avoir qu'un seul mandataire social. Aujourd'hui, alors que le futur dirigeant est déjà présent dans l'entreprise, il ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour embaucher. Il a pourtant besoin de recruter son équipe, ce qu'il ne pourrait faire qu'en passant par une structure externe. Vous imaginez la complexité du dispositif, et vous comprenez pourquoi, s'agissant du tuilage, j'ai évoqué dans mon rapport une « fausse bonne idée ».
À la suite des décisions du Conseil d'État du 17 juin 2015, j'estime que le statut et la procédure des études d'impact effectuées lors de la procédure d'agrément permettant le passage des chaînes payantes vers la TNT gratuite devraient également être clarifiés. Une proposition de loi doit préciser la volonté du législateur concernant ces documents de façon globale car les décisions du Conseil d'État ont une portée générale dont l'impact pourrait être considérable.
Monsieur Riester, mon rapport d'information n'est pas à charge contre le CSA mais contre la loi du 15 novembre 2013. Le législateur est responsable du cadre dans lequel le CSA agit, même si ce dernier a pu faire des suggestions d'évolutions législatives qui ont été prises en compte. Vous parlez de « mélange des genres » parce que le régulateur détient aussi le pouvoir de nomination, et vous faites une comparaison avec l'ARCEP et la CRE. Mais les choses ne sont pas de même nature, et, s'agissant de l'audiovisuel public, ce « dédoublement » n'a pas suscité de critiques majeures entre 1983 et 2009, même s'il est vrai que l'on a pu s'interroger sur certains choix. Il est par exemple regrettable que M. Marc Tessier n'ait pas été reconduit à la tête de France Télévisions, et l'on se demande pourquoi M. Patrick de Carolis, son successeur, dont la nomination a eu lieu dans des conditions très éloignées des procédures que je préconise, a été remplacé à son tour alors même qu'il mettait en place l'entreprise commune. Pour ma part, j'estime que le CSA doit conserver ses missions en matière de nomination et de régulation, mais qu'il ne doit surtout pas participer à la définition d'un projet stratégique de quelque ordre qu'il soit.
Madame Pompili, vous souhaitez que le nom des candidats et les projets stratégiques soient rendus publics. Une telle transparence risquerait d'alourdir considérablement les procédures de nomination. Faudra-t-il tenir trente auditions et publier trente projets stratégiques ? Cela nous ramène d'ailleurs à nos observations sur le projet stratégique : y a-t-il le moindre sens à publier trente-cinq projets, tous fondés sur les mêmes documents provenant des assemblées et du CSA, c'est-à-dire de l'extérieur des entreprises concernées ? Comme la plupart de nos collègues, vous soutenez ma proposition visant à créer une commission d'enquête sur les conditions d'attribution d'une autorisation à la chaîne Numéro 23. Des questions se posent en effet en amont de la vente de la fréquence. Le rapport reprend des propos tenus par M. Rachid Arhab, membre du CSA lors de l'attribution de cette dernière : ils sont sans ambiguïté sur le sujet.
Monsieur Salles, vous avez raison : la question du financement de l'audiovisuel public n'est pas sans rapport avec celle de son indépendance. Mais si nous voulions aller au terme du raisonnement, il faudrait, comme en Allemagne, qu'une institution qui ne dépende pas de l'exécutif, fixe le montant de la redevance et sa répartition. Tout cela nous mènerait trop loin.
Madame Hobert, comme d'autres collègues, vous vous demandez pourquoi la liste des candidats aux postes de dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public n'est pas rendue publique. Souvenez-vous du cas d'Alexandre Bompart, pressenti, en 2010, pour succéder à Patrick de Carolis à la tête de France Télévisions : le fait que le Président de la République ait finalement nommé Rémy Pflimlin n'a pas été sans influence sur sa trajectoire professionnelle. Pour un cadre dirigeant d'une entreprise, le simple fait d'envisager publiquement un départ et de frapper à la porte de l'entreprise publique voisine a toutes les chances de se traduire par une mise à la porte. La publicité des candidatures n'est pas possible. En la matière, la transparence absolue est une fausse bonne idée.
Vous suggérez que le législateur pourrait davantage préciser les conditions de révocation des dirigeants de l'audiovisuel public. Vous avez probablement raison mais, en tout état de cause, le pouvoir de révocation appartient à l'autorité de nomination, qui n'est pas le législateur.
Madame Buffet, je me souviens parfaitement de l'audition de M. Jean-Luc Hees devant notre commission préalablement à sa nomination comme président de Radio France. La procédure de nomination de l'époque alimentait à coup sûr le soupçon, et je lui avais moi-même fait remarquer qu'un Président-actionnaire sans projet avait « sollicité un candidat-président sans plus de projet ». Je ne porte aucun jugement sur le travail effectué par la suite par M. Hees, mais il demeure certain que les nominations par le CSA permettent d'éviter de telles suspicions.
Vous soulignez à juste titre que les entreprises de l'audiovisuel public doivent actuellement répondre à des injonctions contradictoires de la part du CSA, des tutelles qui sont multiples, et du Parlement. Cela ne peut pas fonctionner en l'état.
La reconduction des présidents de l'audiovisuel public permettrait de garantir une certaine stabilité aux entreprises concernées. Encore faudrait-il que cette solution perde son caractère d'exception !
Une compétence en matière d'audiovisuel est-elle indispensable pour accéder à la tête des entreprises publiques du secteur ? Je réponds à Mme Nachury et aux collègues qui m'ont interrogé sur le sujet que les faits parlent d'eux-mêmes : avant de prendre leur fonction de dirigeant de TF1 et de Canal plus, Patrick Le Lay et Bertrand Méheut n'avaient aucune expérience des médias. En matière de nomination, il faut prendre garde à ne pas imposer des critères qui alimenteraient l'endogamie que j'évoquais s'agissant des fonctionnaires siégeant dans les conseils d'administration. Si l'on s'en tenait aux spécialistes de l'audiovisuel, le vivier dans lequel on irait chercher les dirigeants de l'audiovisuel public serait finalement assez restreint.
Monsieur Bréhier, je suis d'accord avec vous : le CSA devrait porter une attention beaucoup plus grande aux chartes d'éthique rédigées par les entreprises. Ces documents, qui participent de l'indépendance des rédactions de l'audiovisuel, devraient être davantage normés.
Mme Dessus ainsi que plusieurs d'entre vous ont évoqué le projet stratégique. En la matière, je plaide pour que le Gouvernement fasse clairement part de ses attentes. Il l'a fait, s'agissant de France Télévisions, au début de l'année dernière, après avoir confié à M. Marc Schwartz la coordination d'un groupe de travail interministériel chargé de mener une réflexion stratégique sur l'avenir du groupe à l'horizon 2020. Sur ce modèle, lors des nominations à la tête de chacune des entreprises concernées, les conclusions de « missions Schwartz » devraient être discutées par les commissions parlementaires compétentes avant que le Gouvernement ne signe une lettre de mission. Le débat au Parlement et le débat public doivent avoir lieu avant que le CSA ne se prononce.
Monsieur Kert, vous avez évoqué, après M. Travert, la décision du Conseil d'État du 17 juin 2015 annulant le refus du CSA de voir passer LCI sur la TNT gratuite. Finalement, le CSA s'est « raccroché » au droit européen pour donner un feu vert à LCI. Je crains que cette affaire ne soit pas terminée.
Vous vous étonnez également que la présidente de France Télévisions ait annoncé la création d'une chaîne d'information en continu sans que le CSA ait émis un avis sur le projet. J'avoue que la position du CSA est surprenante : d'une certaine façon, il valide la création de cette chaîne dès lors qu'elle est annoncée dans le projet stratégique de la candidate Delphine Ernotte, il accepte par ailleurs la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France - et pourquoi d'ailleurs uniquement en Île-de-France ? –, et il finit par autoriser la diffusion gratuite de LCI. On se demande si cet ensemble de décisions ne déstabilisera pas l'économie des chaînes d'information en continu.
Monsieur Premat, en matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, le CSA n'a probablement pas fait son travail : il aurait dû davantage utiliser son pouvoir de sanction. Cela aurait notamment permis d'éviter à Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de subir des critiques injustifiées. Si le CSA ne veut pas prendre de sanctions, ou s'il estime que la loi doit être modifiée, il faut qu'il nous le dise ! En la matière, il ne lui appartient pas de procéder seul. Il en est de même pour ce qui concerne les règles relatives à la publicité sur les antennes de Radio France : ce n'est pas à lui de décider d'être plus ou moins laxiste et d'aller jusqu'à tolérer la publicité commerciale sur les radios publiques. S'il souhaite que les choses évoluent, il faut qu'il s'exprime, après quoi il reviendra au Gouvernement et au Parlement de décider et d'agir.
M. Cresta a cité Juvénal : « Qui nous gardera de nos gardiens ? » C'est nous ! C'est à nous d'être vigilants quant au fonctionnement des autorités administratives indépendantes.
Monsieur François de Mazières, les présidents des sociétés de l'audiovisuel public sont en effet « corsetés » par leurs tutelles. Quoi qu'il en soit, ils sont « corsetés » par leur conseil d'administration, et leur liberté s'exerce à l'intérieur du contrat d'objectifs et de moyens. C'est ainsi ! Le CSA a-t-il encore de beaux jours devant lui ? Les inquiétudes que vous évoquez concernent son avenir d'ici cinq à dix ans : cela lui laisse déjà un peu de temps. Plus sérieusement, je crois que la télévision sera encore durablement un média grand public. Je ne suis pas sûr qu'il faille rédiger une proposition de loi portant sur la fusion de l'HADOPI, de l'ARCEP et du CSA ; contentons-nous d'un texte qui mettra en oeuvre les recommandations que contient mon rapport d'information ! Je rédigerai probablement une proposition de loi dans les semaines qui viennent : l'approbation que mes propositions semblent recueillir de la part de tous les groupes politiques m'engage à entreprendre ce travail.
Monsieur Tardy, je me suis déjà exprimé sur le projet stratégique que vous souhaitez maintenir. Les documents en question sont véritablement « hors-sol », et leur présentation par les postulants se situe entre la leçon d'agrégation et le grand oral de Sciences Po. Tout cela n'a rien à voir avec la compétence des candidats, notamment leur compétence managériale qui doit selon moi guider le choix du CSA – les arguments qu'il a présentés à l'appui de la nomination de Mme Delphine Ernotte montrent qu'il en a fait le premier critère de sa décision. Je rappelle que cela correspond à la rédaction initiale du projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, tel qu'il avait été déposé par le Gouvernement, avant que nous n'y introduisions l'obligation de présenter des projets stratégiques. Je précise que c'est également nous qui avons attribué au CSA la mission d'émettre un avis sur les COM – même s'il faut ajouter que la ministre était favorable à cette modification, ce que je déplore.