J'ai lu votre réponse à Olivier Roy, monsieur Burgat, et j'ai noté que vous lui reconnaissiez au moins le mérite d'avoir quelque peu renversé la façon de voir les choses et de ne pas se contenter de l'approche simpliste consistant à ne voir dans le phénomène que nous évoquons qu'une radicalisation de l'islam. On ne peut toutefois s'affranchir de l'examen du parcours des personnes impliquées dans les récents attentats commis en France ou ailleurs car il s'agit peu ou prou des mêmes profils. Ce qui frappe souvent, en effet, en dépit d'exceptions – et c'est pourquoi je n'ai pas lu, pour ma part, l'article d'Olivier Roy comme excluant totalement l'explication culturelle ou cultuelle, ni l'explication tiers-mondiste – c'est la rapidité de la conversion à l'islam et du passage à l'acte, au sein de familles dont on comprend qu'elles n'étaient pas spécialement marquées par le conflit israélo-palestinien.
Je trouve un peu noire votre vision de ce qui se dit dans les milieux musulmans, en France, sur la manière dont est perçu le « vivre-ensemble » ; je n'ai en tout cas pas, dans ma circonscription, la même perception que vous. On ne peut faire abstraction du fait que, dans le cas d'individus en situation personnelle fragile, Daech, avec le système de communication très perfectionné qui caractérise cette organisation, fournit un modèle clef en main qui donne du sens à leur vie et leur donne les moyens logistiques de passer à l'acte de façon extrêmement violente. Or bien le décrypter permet de lutter efficacement contre ce type de mécanisme.
Par ailleurs, je ne trouve pas équilibrée votre position sur le conflit israélo-palestinien. On n'a rien à gagner à simplifier les choses de façon provocante comme vous le faites sur un sujet aussi sensible : vous agitez des allumettes près du gaz. Reste qu'il est utile, comme vous vous y employez, de renverser le point de vue traditionnel – Olivier Roy a su le faire à sa manière.
À partir de la vision du monde que vous développez devant nous de manière très caricaturale, quelles perspectives envisagez-vous pour la Syrie et pour l'Irak ? Car nous ne sommes pas allés en Irak par plaisir ni pour des raisons de politique intérieure, que la droite soit au pouvoir ou la gauche. De même, quand, au parti socialiste, nous avons soutenu l'intervention en Libye, ce n'était pas du tout pour appuyer Nicolas Sarkozy mais – et peut-être nous sommes-nous trompés – pour éviter un massacre à Misrata. Nous ne sommes pas du tout allés en Syrie pour nous faire plaisir ou pour gagner les élections régionales – c'eût été bien maladroit au vu de leurs résultats – mais au nom de la responsabilité de la France, alors qu'un conflit – qu'on le qualifie de guerre civile ou autre – avait déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes ; et la France ne peut être suspectée d'intervenir pour défendre des intérêts pétroliers ou géostratégiques. C'est pour ces raisons que, en tant que républicains, nous avons défendu ces interventions.
Compte tenu de votre connaissance de la situation du monde arabe, pensez-vous que le processus engagé à Vienne ait un avenir ? Sinon, envisagez-vous d'autres solutions ? Car on comprend de vos propos que vous nous suggérez de nous retirer de Syrie, de cesser nos bombardements, et de laisser les acteurs régler leurs problèmes entre eux, à savoir entre Bachar el-Assad, qui a ses défauts mais qui représente le monde musulman républicain laïque, comme vous le qualifiez, et son opposition.