Intervention de Valérie Corre

Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 15h00
Droit des étrangers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Corre :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Un projet de loi attendu, qui vient compléter les avancées de la loi réformant le droit d’asile, adoptée définitivement en juillet dernier.

Un projet de loi attendu, d’abord par celles et ceux qui vivent, étudient ou travaillent en France, mais dont le projet de vie peut être contrarié par une législation complexe et des démarches administratives décourageantes. Un projet de loi attendu, aussi, par ceux qui croient en une France ouverte, accueillante et généreuse.

Ce projet poursuit trois objectifs essentiels que je salue. D’abord, il apporte une plus grande sécurité au parcours d’intégration des migrants. Ensuite, il renforce l’attractivité de la France, en créant une nouvelle carte de séjour dédiée pour les « talents » internationaux ainsi que leurs proches et en simplifiant le parcours et l’insertion des étudiants étrangers. Enfin, il conforte un équilibre plus harmonieux entre la nécessaire efficacité des contrôles et des mesures d’éloignement et l’indispensable respect des libertés fondamentales.

Aujourd’hui, malgré la réécriture provocatrice du Sénat, nous débattons d’un texte issu de la commission des lois qui correspond, à quelques exceptions près, au texte adopté en première lecture dans cet hémicycle.

Vous me permettrez de me concentrer exclusivement sur les mesures qui ont fait l’objet d’un avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation au nom de laquelle j’ai eu l’honneur de présenter un rapport pour avis, et de faire ainsi un point précis de l’avancée de nos travaux : la rénovation du contrat d’intégration, l’accueil et le séjour des étudiants étrangers, le nouveau « passeport talents », l’accès aux centres de rétention et aux zones d’attente pour les journalistes.

Permettez-moi de vous rappeler les deux principales préoccupations qui ont guidé nos travaux. La première visait à lever les freins les plus concrets rencontrés par les étrangers en France, en réduisant, chaque fois que cela était possible, les imprécisions, les complexités et la marge d’interprétation laissées à l’administration.

La seconde tendait à remédier aux déficits d’attractivité les plus évidents qui affaiblissent notre pays dans un monde où la circulation des femmes et des hommes s’est prodigieusement accélérée. Pour cela, nous avons proposé une nouvelle rédaction de certains articles. Il s’agissait dans un premier temps de protéger le parcours d’accueil et d’intégration de tout risque d’arbitraire administratif et de veiller à ne pas l’enfermer dans une vision trop scolaire, voire punitive, qui pourrait contredire son objet.

Sur ce sujet, nous n’avons malheureusement pas réussi à nous faire assez entendre. Des termes imprécis demeurent, susceptibles de donner lieu à des interprétations variables. C’est le cas par exemple du qualificatif « sérieux » pour la participation aux formations, qui a été maintenu dans le texte alors qu’il n’a aucune portée juridique.

S’agissant de l’accueil des étudiants étrangers, le projet de loi initial faisait déjà l’essentiel du chemin sur l’indispensable sécurité juridique des étudiants durant leur parcours de formation, en étendant à tous le bénéfice d’une carte ajustée à la durée de leur cycle d’études.

Mais nous souhaitions aller au bout de la logique en reconnaissant aussi à ces étudiants un droit à l’erreur. La carte de séjour des étudiants devrait pouvoir être prolongée d’une année supplémentaire par cycle d’études. Nous ne sommes pas parvenus à ce que la possibilité de redoubler soit acceptée de façon systématique. Néanmoins, la notion du « redoublement par cycle d’études » figure désormais dans le texte, ce qui permettra de prolonger le titre de séjour plus facilement dans ces circonstances.

Dans un même esprit, l’une des conditions pour attirer les étudiants étrangers est de permettre aux jeunes diplômés d’acquérir une première expérience professionnelle sur notre territoire. Notre commission souhaitait élargir le bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour – APS –, qui offre la possibilité de rechercher et de trouver une première expérience professionnelle à tous les niveaux d’études, et pas uniquement au niveau master. Là encore, notre commission n’a pas été totalement suivie. Mais nous progressons avec la décision de fixer par décret une liste de diplômes permettant de bénéficier de cette APS. Reste à établir cette liste !

De même, il nous semblait que l’exigence légitime d’une rémunération supérieure à un seuil, aujourd’hui fixé par décret à 1,5 fois le SMIC, devait être mieux modulée. J’ai, au nom de la commission, proposé qu’il le soit en fonction des secteurs professionnels d’embauche et des territoires en me fondant sur le constat simple, partagé par tous, que le premier salaire est loin d’être le même par exemple dans la finance à Paris et dans la recherche publique d’une université de région.

Là encore, après discussion, nous étions parvenus à un compromis : seul le domaine professionnel donnait la possibilité de moduler le seuil de rémunération. La disparité des territoires n’était plus prise en compte pour ne pas rendre le dispositif trop complexe. La commission des lois n’ayant pas repris les termes de cet accord, j’ai déposé avec le groupe socialiste, républicain et citoyen, un amendement à cet effet. Si je suis bien consciente des difficultés d’un tel ajout, je ne souhaite pas que par l’artifice de quelques mots, le Gouvernement s’exonère de la nécessaire prise en compte de cette réalité concrète.

Pour ce qui concerne l’important défi de l’attractivité, il faut souligner la grande cohérence de la nouvelle carte « passeport talents ». Le débat a permis d’apporter une clarification, défendue par la commission, permettant de ne pas nous priver des talents jouissant d’une renommée nationale.

Enfin, la commission se réjouit de la possibilité donnée aux journalistes d’accéder aux centres de rétention et aux zones d’attente. Même si le texte e ne reprend pas toutes les propositions issues du travail de la commission, je suis convaincue qu’il représente un progrès considérable pour l’accueil et l’intégration des étrangers dans notre pays. Je le voterai donc.

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