Intervention de Jacques Myard

Réunion du 20 janvier 2016 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Merci pour vos explications, monsieur le rapporteur. Tout en comprenant la nécessité de ce texte, je souhaite inciter à une grande prudence, pour deux raisons.

Premièrement, il est toujours difficile de sortir des embargos. Ainsi, les États-Unis, qui en ont mis en place pas moins de soixante-dix, ont beaucoup de mal à mettre fin à celui qu'ils appliquent encore contre Cuba. Certes, les torts sont toujours partagés, rien n'étant tout blanc ou tout noir dans les relations internationales. Sous la pression de certains de ses partenaires, la France a elle-même accepté les embargos décidés par l'Union européenne, et nous nous retrouvons aujourd'hui dans une impasse avec la Russie, même si certains reproches peuvent être adressés au Kremlin.

Il est donc dangereux, à terme, de fonder la politique étrangère sur les embargos. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas en instaurer parfois contre un certain nombre d'États qui se sont mal comportés, mais gardons-nous d'institutionnaliser cette pratique. Il en va des embargos comme de la guerre : on sait quand on la débute, mais on ne sait jamais quand on la termine. Et c'est parfois une arme à double tranchant : l'embargo décrété par Napoléon contre le Royaume-Uni a favorisé le décollage industriel de ce pays.

Deuxièmement, vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur : en France, il est interdit d'exporter des armes, en vertu d'un décret-loi de 1936. Et ce régime fonctionne : la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) fait un travail précis en la matière, même si l'on peut parfois regretter certaines de ses décisions. Tous les gouvernements, je le rappelle, sont dans une situation paradoxale s'agissant des exportations d'armements. D'un côté, ils veulent faire de l'argent, ce qui est légitime – en 2015, la France est devenue le deuxième exportateur d'armes au monde, derrière les États-Unis et devant la Russie ; l'Allemagne est elle aussi montée en puissance. De l'autre, il faut savoir à qui on livre les armes. Cependant, quelles que soient les clauses insérées dans les accords d'exportation, le contrôle sur la livraison à une puissance tierce est souvent illusoire.

Dernier point : le projet de loi prévoit qu'un embargo peut être instauré notamment par une loi nationale ou par un acte pris sur le fondement des traités européens. Or la politique commerciale est certes une compétence communautaire, mais les embargos résultent, en réalité, de décisions politiques prises collectivement par les États membres réunis en Conseil. À ce titre, ils échappent d'ailleurs, sous réserve de vérification, au contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Je souhaiterais donc que l'alinéa 6 de l'article 1er soit se réfère aux « acte pris par les États réunis en Conseil ». Il s'agit d'une nuance, mais elle est loin d'être négligeable compte tenu de la nature politique des décisions prises en la matière.

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