Le texte que nous examinons est un projet de loi d'application du protocole additionnel à l'accord trilatéral de garanties entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui concerne la non-prolifération nucléaire. Ce protocole additionnel, signé en 1998 par la France, est entré en vigueur en 2004.
Le délai de plus de onze ans entre la ratification du protocole additionnel et l'examen du présent projet de loi peut s'expliquer par différentes raisons : l'ordre du jour encombré du Parlement, des interrogations sur le portage du texte, car plusieurs ministères, aux périmètres changeants, sont concernés par le sujet, mais aussi l'absence de difficulté dans l'application du protocole additionnel. La nécessité s'est peut-être moins fait ressentir de rappeler leurs responsabilités aux acteurs concernés, mais il importe maintenant d'avancer. La France, bonne élève en matière de non-prolifération, doit se montrer exemplaire. On a récemment demandé à l'Iran d'appliquer un tel protocole additionnel dans le cadre des négociations sur son programme nucléaire.
Dans la mesure où la France est un État doté au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), son protocole additionnel ne concerne que les activités menées en coopération avec des Etats non dotés de l'arme nucléaire. L'AIEA ne s'intéresse pas au cycle du combustible nucléaire français pour lui-même. En ratifiant le protocole additionnel, la France a pris l'engagement de déclarer à l'AIEA des informations relatives aux activités menées en coopération avec des États non dotés et d'élargir le droit d'accès des inspecteurs de l'AEIA. Ces « accès complémentaires » doivent permettre de s'assurer de l'exactitude et de l'exhaustivité des renseignements transmis par la France ou d'accroître la capacité de l'Agence à détecter des activités nucléaires clandestines dans un Etat non doté.
Le protocole additionnel est appliqué dans de bonnes conditions en France, où se conjuguent trois niveaux de contrôles et d'inspections. Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale assure, de manière générale, la coordination interministérielle sur les questions de non-prolifération. Un organe placé sous l'autorité du Premier ministre et composé d'experts du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le comité technique EURATOM (CTE), est quant à lui chargé de veiller à la mise en oeuvre par la France du protocole additionnel. Le CTE, appuyé par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), veille à la préparation des déclarations dues à l'AIEA et à la gestion d'éventuels « accès complémentaires » en France. En 2013, 14 déclarations nationales ont été adressées à l'AIEA, comportant 707 lignes, dont 139 communiquées chaque trimestre, et concernant 133 programmes de recherche développement et de coopération. La France se situe en tête, devant le Royaume-Uni, pour le nombre de déclarations transmises à l'AIEA à ce titre. En revanche, aucune demande d'accès complémentaire n'a été adressée à la France par l'AIEA.
Malgré l'absence de difficultés d'application à l'heure actuelle, il importe d'adopter ce projet de loi et d'envoyer, par là-même, un message utile au plan international.
Les titres II et III du projet de loi ont pour objet de traduire en droit interne les engagements souscrits par la France à l'égard de l'AIEA. L'État s'est engagé à transmettre des déclarations, mais il revient aux acteurs publics et privés concernés de lui fournir les renseignements nécessaires. Il faut décliner en droit interne les obligations qui résultent du protocole additionnel. Les renseignements demandés concernent en particulier les activités de recherche et développement, privées et publiques, certaines activités de coopération prévues pour les dix années à venir, les importations et exportations de déchets nucléaires ou de certains équipements et matières non nucléaires.
Par ailleurs, le projet de loi précise les modalités dans lesquelles se déroulerait en France un « accès complémentaire » qui serait demandé par l'AIEA. Le texte décrit en particulier les responsabilités du chef de l'équipe française d'accompagnement. En cas d'obstruction dans la mise en oeuvre d'un « accès complémentaire », l'article 12 permet de saisir le président du tribunal de grande instance, qui pourra donner l'autorisation de faire procéder à la vérification ou à l'inspection internationale. Le Sénat a étendu ce dispositif nouveau, qui constitue l'un des principaux apports du projet de loi, aux inspections menées en France dans le cadre d'EURATOM ainsi que par les inspecteurs de l'AIEA sur le fondement de l'accord de garanties de 1978. À l'origine, la procédure ne concernait que l'application du protocole additionnel.
Enfin, le projet de loi comporte un volet pénal destiné à assurer le respect de nos engagements. Les obligations déclaratives instituées par les articles 2 à 6 sont assorties de sanctions pénales, conçues pour être dissuasives, notamment en cas d'absence de transmission des informations dues.
Ce projet de loi permettra de garantir la bonne application du protocole additionnel en France en sécurisant le dispositif existant. Nous nous donnerons ainsi les moyens d'assurer l'exemplarité de notre pays en matière de non-prolifération et de développement responsable de l'énergie nucléaire.
Il est grand temps d'adopter ce texte, déposé dès 2005 au lendemain de la ratification de notre protocole additionnel. Je vous propose d'adopter en l'état le projet de loi, tel qu'il a été amendé par le Sénat sur quelques points. L'équilibre est aujourd'hui satisfaisant.