Intervention de Martial Saddier

Réunion du 21 janvier 2016 à 11h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier, rapporteur :

Je m'associe aux remerciements que Jean-Louis Roumégas a adressés à l'ensemble des magistrats avec lesquels nous avons travaillé depuis plusieurs mois.

Le rapport rendu par la Cour des comptes établit un diagnostic clair de ce qui marche et de ce qui ne marche pas, et propose des pistes d'amélioration de nos politiques de lutte contre la pollution de l'air. Vous soulignez notamment la qualité du réseau de surveillance, organisé autour de quelque six cents stations de mesure et d'AASQA, dont l'ingénierie performante garantit la fiabilité du diagnostic.

Vous affirmez cependant qu'il nous reste des marges de manoeuvre. Des progrès ont déjà été accomplis dans certains domaines, notamment celui des pluies acides. La qualité de l'air s'est améliorée ses dernières années, même s'il reste des « points noirs », qui ne font pas à eux seuls un bilan apocalyptique. Le rapport précise d'ailleurs que la France, si elle n'est pas le meilleur élève de l'Union européenne, n'est pas non plus le plus mauvais, puisqu'elle se situe exactement sur la médiane – constat dont on ne doit pas néanmoins se contenter.

Je suis heureux que votre rapport pose clairement les enjeux des politiques d'arbitrage entre le diesel et l'essence. Vous soulignez ainsi que la prime à la casse a favorisé les moteurs diesel dans un double objectif : un objectif économique de soutien à la production industrielle et un objectif environnemental de lutte contre le réchauffement climatique par la baisse des émissions de CO2. La France est ainsi passée entre 2007 et 2013 d'un taux d'émission moyenne par kilomètre de 149 à 117 grammes de CO2, ce qui en fait le pays le plus performant de l'Union européenne. Le corollaire de cette politique a été de faire passer en une trentaine d'années la part des véhicules roulant au gazole de 4 % à 63 % du parc automobile, avec les conséquences que l'on sait en matière d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) et de particules fines.

Par ailleurs, si à la motorisation diesel se substituent désormais, sur les petits véhicules, de nouveaux moteurs essence 3 cylindres, il est à noter que ces moteurs ne sont pas équipés de filtres à particules, ce qui justifierait, selon la Cour, que l'on procède à des analyses poussées de leurs performances en termes d'émission de NOx, de PM10 et de CO2.

Compte tenu de ces constats, au lieu de mettre en oeuvre des politiques distinctes, visant, pour l'une, à améliorer la qualité de l'air et, pour l'autre, à lutter contre le réchauffement climatique, ne faudrait-il pas, comme je le défends depuis longtemps, opter, dans le champ du progrès technologique comme dans celui de la fiscalité, pour des mesures qui combinent ces deux objectifs ?

Si certains secteurs économiques ont progressé en matière de lutte contre la pollution, ce n'est le cas ni du secteur agricole – le ministère de l'agriculture étant assez peu sensibilisé à cette problématique – ni du secteur du résidentiel-tertiaire. Comment inverser la tendance ?

En matière de communication, il est difficile de définir une stratégie globale à l'échelle nationale, dans la mesure où, d'un territoire à l'autre, la pollution de l'air peut être liée à des sources de polluants diverses. Il n'est ainsi pas toujours aisé de faire entendre aux acteurs locaux qu'au sein d'un même bassin de vie, certaines zones sont essentiellement touchées par les émissions liées aux transports, d'autres par celles liées aux cheminées ou au chauffage domestique.

Je me réjouis que la Cour se soit penchée sur le cas de la vallée de l'Arve, soulignant dans son rapport l'implication des services de l'État et notamment de la direction départementale du territoire (DDT) de Haute-Savoie. J'ajoute que, si le PPA de la vallée de l'Arve fonctionne bien, c'est grâce à la structure intercommunale que j'ai l'honneur de présider et aux cent six maires qui ont collaboré à l'écriture de ce PPA et animent le fameux fonds « Air Bois ». Ce fonds, le Président de la République, le Premier ministre et Ségolène Royal ont estimé nécessaire qu'il soit généralisé, et vous serez sans doute heureux d'apprendre, monsieur le Premier président, que l'agglomération grenobloise vient de décider la mise en place d'un outil similaire.

Vous soulignez le caractère instable et discontinu de la planification au niveau national et la multiplication des outils. Serait-il souhaitable d'opter pour un seul outil qui pourrait être inclus dans la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable ?

En vous appuyant sur l'exemple des zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA), supprimées puis rétablies sous une autre forme, ainsi que sur l'interdiction des feux de cheminée, vous mettez en lumière le non-respect du principe de subsidiarité. Pensez-vous qu'il faille décentraliser la politique de lutte contre la pollution, en y associant les représentants de l'État ? Quel serait selon vous le bon échelon coordinateur, sachant que se poserait alors la question du financement de ces politiques par les collectivités territoriales responsables.

En Allemagne, les ramoneurs ont l'obligation de signaler tout appareil de chauffage défectueux ou trop ancien sur lequel ils interviennent, le propriétaire devant alors obligatoirement le remplacer. Compte tenu du poids du chauffage au bois dans les émissions de particules fines, pensez-vous qu'il faille aller jusqu'à ce type de mesure contraignante, dès lors que les dispositifs incitatifs comme le fonds « Air Bois » auront montré leurs limites ?

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