La réunion commence à onze heures trente-cinq.
Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser le président Bartolone qui m'a demandé de le suppléer.
Nous allons entendre M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, qui va nous présenter la contribution de la Cour des comptes à l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air.
Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande du groupe écologiste, et que nous avons demandé l'assistance préalable de la Cour des comptes.
M. Didier Migaud est accompagné de Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre, et de M. Henri Paul, président de chambre, rapporteur général.
Nos deux rapporteurs sont Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier.
Je suis heureux de venir une nouvelle fois devant vous afin de présenter l'enquête réalisée à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.
Votre comité a souhaité que la Cour lui remette un rapport sur le bilan et les perspectives des politiques de lutte contre la pollution de l'air extérieur menées par la France. Je veux saluer l'implication forte des rapporteurs Martial Saddier et Jean-Louis Roumégas. Les rapporteurs de la Cour ont bénéficié de réunions de travail fructueuses et ont également entendu M. Saddier, au titre de ses fonctions de maire de Bonneville, en Haute-Savoie, et en sa qualité de président du Conseil national de l'air.
Le rapport de la Cour porte principalement sur trois points : d'une part, les objectifs assignés à la lutte contre la pollution de l'air ; d'autre part, le cadre juridique dans lequel elle s'inscrit ; enfin, les moyens budgétaires, fiscaux et humains qui y sont consacrés, et les résultats mesurés sur le territoire métropolitain.
Il contient des développements plus spécifiques sur trois sujets que votre Comité voulait voir examiner : la pollution de l'air d'origine industrielle, la pollution due à la production énergétique ainsi que l'action en faveur du développement du véhicule électrique.
Comme cela a été convenu avec les rapporteurs de votre Comité, ce travail ne traite en revanche pas de la pollution de l'air intérieur, que le CEC a examiné par lui-même. Le sujet des gaz à effet de serre, qui a fait l'objet d'un rapport de la Cour fin 2013 dans le cadre de l'évaluation de la mise en oeuvre du « paquet énergie-climat », n'est abordé ici que de manière incidente.
Pour répondre à la demande de l'Assemblée nationale, l'équipe de la Cour a adopté un « grand angle », de l'échelon européen à l'échelon local. Elle a ainsi comparé les politiques menées aux niveaux national et local par nos principaux partenaires et voisins : les Pays-Bas, notamment à Amsterdam, Rotterdam et La Haye ; l'Allemagne, avec les villes de Düsseldorf, Cologne et Bonn ; la Suisse, à Berne, Zurich et Genève ; l'Italie, à Milan et Turin ; le Royaume-Uni, à Londres. L'annexe 3 du rapport montre ainsi que des solutions efficaces ont d'ores et déjà été mises en oeuvre dans plusieurs secteurs économiques, dans des pays proches de la France.
La Cour a entendu près de deux cents personnes, tant au niveau national qu'au niveau déconcentré et décentralisé. Elle a analysé la mise en oeuvre des plans de protection de l'atmosphère (PPA) au niveau local, notamment en Île-de-France, dans la vallée de l'Arve en Haute-Savoie, dans les Bouches-du-Rhône, en Haute-Normandie et dans la région grenobloise. Elle a examiné la gestion des pics de pollution de mars 2014 et de mars 2015.
La Cour a également souhaité approcher au plus près le coût de cette politique et appréhender au mieux la dimension financière des actions locales, qu'elles soient menées par les collectivités territoriales, les associations ou les entreprises. Elle a, pour ce faire, réalisé une enquête auprès des collectivités territoriales et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA).
Pour vous présenter le travail de la Cour, je suis entouré d'Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour, qui a présidé la formation inter-chambres chargée d'examinée le rapport ; d'Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du Comité du rapport public et des programmes ; de Christian Descheemaeker, président de chambre, contre-rapporteur ; de Marie-Ange Mattei, conseillère maître, Julien Marchal, auditeur, et Virginie Duhamel, rapporteure extérieure, qui ont travaillé sur cette enquête.
Le rapport de la Cour dresse deux constats principaux. Premièrement, la politique publique de lutte contre la pollution atmosphérique a permis une réelle amélioration de la situation pour certains polluants, même si des « points noirs » persistent localement, ce qui est problématique. Deuxièmement, la politique de lutte contre la pollution de l'air pâtit de nombreuses limites : incohérences avec d'autres politiques publiques, complexité de la gouvernance, gestion imparfaite des crises, inégale contribution des secteurs émetteurs à la baisse des émissions.
J'en viens au premier message de la Cour. La politique publique de lutte contre la pollution atmosphérique est une politique ancienne, qui a mis du temps à se structurer en France. Si elle a permis une réelle amélioration de la situation pour certains polluants, des « points noirs » persistent localement, contre lesquels il convient d'agir.
Les pics de pollution récents, l'affaire « Volkswagen » et les soupçons qui pèsent entre autres sur Renault montrent la grande actualité du sujet, ainsi que la forte sensibilité de l'opinion publique à cette question. Cela ne doit pas faire oublier que la politique de lutte contre la pollution de l'air est déjà ancienne, cette pollution faisant l'objet de l'attention des pouvoirs publics depuis les années soixante, c'est-à-dire bien avant que la question du changement climatique ne soit mise au premier plan, au cours des années quatre-vingt-dix.
L'action des pouvoirs publics en France a néanmoins tardé à se structurer. La plupart des mesures mises en oeuvre depuis une vingtaine d'années l'ont été sous la pression de l'Union européenne. Cette faible appropriation est paradoxale, puisque les exemples internationaux montrent que respirer un air sain, droit inscrit dans le code de l'environnement français, est un objectif atteignable. Les actions menées en France montrent que l'action publique en la matière peut être efficace – je pense notamment aux émissions du secteur industriel et de la production d'énergie, qui ont fortement baissé au cours des vingt dernières années.
Le rapport comporte un bilan synthétique de la qualité de l'air en France métropolitaine, analysée par rapport au respect des normes fixées par la loi. Sur le fondement de ce bilan, la Cour constate une réelle amélioration de la situation depuis vingt ans pour certains polluants. Les émissions de polluants, c'est-à-dire leurs rejets dans l'air, diminuent globalement depuis 1990. Cette amélioration concerne davantage le secteur de l'industrie, avec de très fortes baisses des rejets, que celui de l'agriculture, où la tendance est à la stagnation des émissions ; la baisse des émissions des transports ou du secteur résidentiel-tertiaire est intermédiaire, mais ralentit depuis quelques années.
Toutefois, des points noirs locaux persistent, où les concentrations, c'est-à-dire la teneur dans l'air des polluants, restent élevées. Les zones où l'amélioration se poursuit sont à distinguer de celles où les teneurs restent supérieures aux normes en vigueur. Les enjeux sont en effet très spatialisés, et la relation entre émissions et concentrations dépend de nombreux facteurs locaux, comme la topographie, le climat, la densité de l'habitat ou du trafic.
Les études mettent ainsi en évidence quatre types de « points noirs » persistant sur le territoire métropolitain : certaines zones très urbanisées ou densément peuplées ; les zones se trouvant à proximité d'axes de transport denses ; certaines zones industrielles dites « multi-émettrices » ; enfin, des zones aux conditions géographiques et topographiques particulières, comme les vallées.
Au sein de ces « points noirs », les concentrations de polluants dépassent les seuils réglementaires fixés au niveau européen de manière récurrente. Depuis 2010, vingt-cinq zones connaissent des dépassements pour le dioxyde d'azote, et dix-neuf sont aujourd'hui concernées par une mise en demeure de la Commission européenne. Depuis 2005, une quinzaine de zones ne respectent pas les valeurs limites pour les particules fines ; dix font également l'objet d'une procédure contentieuse au niveau européen.
Au regard de l'impact sanitaire, mais également économique, de l'exposition à la pollution atmosphérique, la persistance de ces « points noirs » n'est pas satisfaisante. Les travaux menés depuis une vingtaine d'années ont permis d'établir de manière certaine la nocivité de la pollution de l'air et les coûts élevés qu'elle entraîne pour la collectivité. Les experts s'accordent sur le fait qu'il n'y a pas de seuil en dessous duquel la santé serait épargnée. En somme, c'est bien l'exposition quotidienne et prolongée à la pollution, davantage que celle qui découlerait de pics ponctuels, qui est à l'origine du développement de maladies cardio-vasculaires ou respiratoires.
Les dépenses correspondant à la prise en charge par le système de soins des pathologies liées à cette pollution sont élevées : 1 milliard d'euros au moins. Cette pollution serait à l'origine de dix-sept à quarante-deux mille décès prématurés par an en France et représenterait un coût socio-économique de 20 à 30 milliards d'euros. Ce coût est un montant minimum, puisqu'il ne concerne que l'impact des particules fines et de l'ozone.
Cette situation fait par ailleurs peser un risque contentieux sur la France, lié au non-respect des valeurs limites fixées par la réglementation européenne. Les procédures engagées par la Commission européenne ces dernières années ont d'ailleurs prospéré au cours de l'année 2015. Pour le seul contentieux « particules », qui concerne dix zones, le montant de l'amende infligée à la France en cas de condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne pourrait s'élever à 100 millions d'euros la première année, puis à 90 millions d'euros par an. Deux autres procédures sont actuellement ouvertes, qui concernent respectivement le dépassement de concentrations maximales pour le dioxyde d'azote dans dix-neuf zones et le dépassement du plafond d'émission d'oxydes d'azote (NOx).
Au-delà de ce constat factuel qui, sans être ni catastrophique ni alarmiste, n'est certainement pas satisfaisant, la Cour dresse, dans son rapport, un second constat : la politique de lutte contre la pollution de l'air pâtit de nombreuses limites, qu'il s'agisse d'incohérences avec d'autres politiques publiques, de la complexité de la gouvernance, de la gestion imparfaite des crises ou de l'inégale contribution des secteurs émetteurs à la baisse des émissions.
La Cour a relevé des incohérences entre l'objectif de lutte contre la pollution de l'air et les objectifs d'autres politiques publiques nationales. La confusion est notamment trop souvent entretenue avec la politique de lutte contre le changement climatique. Ces deux politiques reposent parfois sur des instruments communs mais ne sont pas toujours compatibles ou pas toujours correctement articulés. Ainsi, les gaz à effet de serre – dont le CO2 – ne constituent qu'une partie des polluants nocifs de l'atmosphère, et les mesures prises pour leur réduction, naturellement souhaitables, produisent parfois un effet négatif sur la qualité de l'air. Le rapport met par exemple en évidence les effets ambivalents du chauffage au bois : instrument efficace dans la lutte contre les émissions de CO2, il contribue localement de manière importante à la surémission de particules fines.
En ce qui concerne les transports automobiles, la Cour examine aussi le soutien au diesel par rapport à l'essence. Dans un objectif de réduction des émissions de CO2, un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devait contribuer à la promotion du gazole. Cette vocation initiale apparaît aujourd'hui en contradiction avec l'objectif d'amélioration de la qualité de l'air : la combustion de ce carburant s'accompagne en effet d'importantes émissions de dioxyde d'azote et de particules fines, polluants aujourd'hui jugés nocifs.
La Cour recommande donc de veiller à la cohérence des politiques énergétique et de lutte contre la pollution de l'air. Cette adéquation passe par la poursuite du mouvement de rééquilibrage entre la fiscalité de l'essence et celle du gazole. La taxation du gazole et de l'essence pourrait dépendre de l'impact de leurs émissions respectives – polluants atmosphériques et gaz à effet de serre.
Le cas du véhicule électrique soulève les mêmes observations. Sur le lieu de son utilisation, l'impact est positif sur la qualité de l'air. Toutefois, des interrogations demeurent sur ses performances globales, sa fabrication – notamment celle de la batterie – ou la production d'énergie avec laquelle il fonctionne, devant également être prises en compte.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée en août 2015, prévoit une plus grande cohérence des politiques énergétiques et de lutte contre la pollution de l'air. Ainsi, l'objectif de réduction de l'exposition des citoyens à la pollution de l'air est intégré dans les objectifs de la politique énergétique. Ces dispositions de principe restent toutefois à traduire dans les faits.
Le rapport s'attache ensuite à l'examen de la gouvernance de la politique de lutte contre la pollution de l'air, qui présente encore des lacunes. Le vote, en 1996, de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie – dite loi « LAURE » – n'a en effet pas empêché des difficultés persistantes. Ces difficultés concernent notamment le pilotage des outils, la répartition des compétences entre responsables publics et, enfin, la gestion des pics de pollution.
Au niveau national, la Cour a constaté une dispersion des responsabilités, malgré le rôle de « chef de file » de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l'écologie. Le nombre important de départements ministériels concernés par la question de la qualité de l'air – écologie mais également santé, industrie, agriculture ou logement – n'est pas un obstacle en soi, mais, en l'état, l'absence de cadre d'action clair et défini de manière interministérielle nuit à l'atteinte des objectifs.
Par ailleurs, la politique publique de lutte contre la pollution de l'air devrait davantage s'inscrire dans le long terme. Or plusieurs plans successifs – la Cour évoque en particulier le « plan particules » et le « plan d'urgence pour la qualité de l'air » – ont été rapidement adoptés, selon un calendrier qui est apparu heurté. Une telle démarche a été dommageable à l'efficacité de cette politique. En effet, l'élaboration de ces plans a surtout été motivée par la nécessité de répondre rapidement à une situation de crise. Leur efficacité n'a pas été évaluée ex post, ce que la Cour recommande de faire à l'avenir.
Au plan budgétaire, les dépenses relatives aux politiques de lutte contre la pollution de l'air sont difficiles à retracer. Cela s'explique par la diversité des instruments financiers disponibles – fiscalité, crédits budgétaires, moyens des opérateurs –, mais aussi par la difficulté à identifier, au sein des crédits budgétaires, ceux consacrés à ces politiques. Les crédits affectés à la surveillance mais aussi à la recherche en matière de qualité de l'air pourraient être recensés de manière plus systématique. L'information du Parlement pourrait être améliorée, en complétant le jaune « Protection de la nature et de l'environnement » avec des indicateurs de la qualité de l'air.
L'articulation et la répartition des compétences entre le niveau national et les responsables locaux sont également perfectibles. Les plans de protection de l'atmosphère sont partout reconnus comme des instruments utiles, et les responsables locaux se les sont généralement bien appropriés. Ces plans ont parfois permis la mise en place d'actions innovantes, comme le fonds « Air Bois » dans la vallée de l'Arve.
Néanmoins, le principe de subsidiarité est encore trop souvent remis en cause, les préfets ou collectivités territoriales ne disposant pas toujours des marges de manoeuvre qui leur sont nécessaires. De même, les autorités préfectorales sont chargées de la mise en oeuvre des mesures réglementaires prévues dans les PPA, or elles ne maîtrisent pas toujours leur application en raison d'interventions des autorités nationales. La difficile articulation entre échelons national et local s'est par exemple manifestée au sujet de l'interdiction des feux de cheminée « ouverts » en Île-de-France et des interdictions ou limitations ciblées de la circulation. L'évolution rapide des dispositifs réglementaires ou financiers au niveau national complique aussi leur prise en considération dans les PPA.
La Cour formule plusieurs recommandations qui devraient permettre de remédier à ces difficultés d'articulation entre niveaux national et local. Ainsi, les calendriers des plans nationaux et des plans locaux de lutte contre la pollution de l'air pourraient gagner en cohérence, afin que le cadre de l'action locale soit mieux défini et plus prévisible.
La gestion des situations de crise, également qualifiées de « pics de pollution », ne paraît pas toujours appropriée. Ces pics focalisent souvent l'attention des pouvoirs publics et de l'opinion, ce qui peut paraître paradoxal pour plusieurs raisons. D'une part, les experts n'ont pas relevé d'effets sanitaires particulièrement aggravés lors de ces pics : la nocivité de la pollution atmosphérique semble plutôt provenir d'une exposition prolongée à un air pollué. D'autre part, les mesures pouvant être mises en oeuvre lors de ces pics apparaissent inadaptées. Elles touchent surtout les secteurs sur lesquels il est le plus facile d'agir, en particulier l'industrie, tandis que d'autres émetteurs importants de polluants en sont majoritairement exclus, comme l'agriculture.
La circulation alternée est emblématique des problématiques rencontrées : cette mesure sensible est particulièrement lourde à mettre en oeuvre ; or son impact sur la pollution s'avère faible. Des restrictions ciblées, limitant la circulation aux véhicules les plus polluants, pourraient opportunément remplacer les restrictions de circulation « à l'aveugle », c'est-à-dire selon la plaque d'immatriculation. L'identification des véhicules a été repoussée à plusieurs reprises, alors qu'elle permettrait de réguler la circulation ponctuellement, en cas de pics, ou de manière pérenne, dans les centres-villes très pollués. La mise en oeuvre rapide de cette mesure contenue dans la loi relative à la transition énergétique nous apparaît donc souhaitable.
Avant de conclure, je veux revenir sur le caractère encore très inégal de la contribution des secteurs émetteurs à la baisse de la pollution de l'air.
Les mesures mises en place depuis plusieurs années dans le secteur de l'industrie ont été efficaces. Elles sont pour la plupart réglementaires. Elles ont contribué à une baisse très importante des rejets, qui ne peut être exclusivement imputée au phénomène de désindustrialisation. Des progrès sont également sensibles dans le secteur des transports, du fait principalement de l'évolution des techniques ou des limitations de vitesse à proximité des zones les plus polluées.
Toutefois, des mesures qui auraient eu des effets importants sur la pollution ont été suspendues. Ce choix a été préjudiciable à l'amélioration de la qualité de l'air. Le rapport cite notamment la suspension de l'écotaxe poids lourds ou de l'identification des véhicules les plus polluants, indispensable à la création de zones de restrictions de circulation. Je ne reviendrai pas sur la problématique du différentiel de taxation entre l'essence et le gazole, que j'ai déjà évoquée.
Le secteur résidentiel-tertiaire et le secteur agricole restent, en revanche, peu concernés par les mesures de réduction des émissions. Ils représentent pourtant une part croissante des rejets de certaines substances polluantes. La Cour recommande à ce titre deux choses : d'une part, la mise en oeuvre de mesures qui permettront au secteur agricole de contribuer à l'atteinte des objectifs de réduction des émissions ; d'autre part, la surveillance obligatoire de la présence dans l'air des pesticides les plus nocifs.
Plus largement, la Cour regrette l'application insuffisante du principe pollueur-payeur en matière de pollution de l'air. À ce jour, celui-ci s'applique pleinement à l'industrie à travers la taxe générale sur les activités polluante (TGAP) « air », mais uniquement de manière partielle au secteur des transports. L'industrie est, à travers la TGAP-air, la seule qui finance la surveillance de la qualité de l'air.
En conclusion, ce que le travail de la Cour montre, à partir d'une analyse des politiques menées depuis vingt ans, c'est qu'il est possible d'agir contre la pollution de l'air. La France dispose d'un outil efficace de surveillance de la qualité de l'air. Les émissions de nombreux polluants ont diminué du fait de l'application de normes et de techniques de production plus respectueuses de l'environnement. Les exemples étudiés dans d'autres pays développés montrent également que l'action publique peut influer positivement sur la qualité de l'air, et donc sur l'état de santé des habitants.
La Cour nuance cependant ce bilan positif à deux égards. D'une part, une partie des coûts économiques liés à la pollution peut être diminuée, à condition de donner aux autorités locales la responsabilité de mettre en oeuvre les mesures les mieux adaptées, dans un cadre stable fixé au niveau national. D'autre part, les résultats de la politique de lutte contre la pollution de l'air extérieur sont longs à obtenir. L'échéance de la future directive européenne sur la réduction des plafonds nationaux d'émissions de polluants étant fixée à 2030, il appartient donc dès aujourd'hui aux représentants du suffrage universel, quelques mois après le vote de la loi relative à la transition énergétique, de définir et d'engager les actions concrètes de long terme permettant de respecter les objectifs définis.
Je tiens d'abord à remercier le Premier président Didier Migaud ainsi que l'ensemble des membres de la Cour des comptes, qui témoignent d'une forte mobilisation de la Cour sur ce sujet. Je salue également l'étendue et la cohérence du travail accompli, qui prouve que l'on peut agir pour améliorer la qualité de l'air, et mieux qu'on ne le fait.
En ce qui concerne les plans de protection de l'atmosphère, la Cour souligne à juste titre qu'ils constituent les outils de planification les plus efficaces. Ne faudrait-il pas aller jusqu'à les rendre contraignants et donc opposables aux documents d'urbanisme, pour accroître encore leur efficacité ?
La Cour estime également que les pics de pollution ne constituent qu'un aspect de la problématique, en marge de l'exposition quotidienne de la population à la pollution chronique, qui constitue le coeur du problème. Néanmoins, ces pics de pollution méritent qu'on s'y intéresse, compte tenu de leurs incidences sanitaires, constatées par les professionnels de santé. Or vous soulignez la faiblesse des dispositifs destinés à gérer ces pics. Dans ces conditions, ne faut-il rendre obligatoire le dispositif d'identification des véhicules selon leurs émissions de façon à adopter des mesures de restriction de la circulation plus cohérentes et plus efficaces que celles qui se fondent sur le seul critère de la plaque d'immatriculation ? Doit-on imaginer pour cela un dispositif qui s'apparente à celui de la « pastille verte » ?
En ce qui concerne l'automaticité du déclenchement des mesures de police en cas de dépassement des seuils de pollution, une proposition de loi du groupe écologiste vient d'être adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, et un arrêté ministériel devrait être publié pour organiser une application plus systématique et plus rapide de ces mesures de police.
En matière de politique fiscale, la Cour souligne que le principe pollueur-payeur est plus ou moins bien respecté selon les secteurs : correctement appliqué dans l'industrie, il n'en va pas de même dans le secteur résidentiel, les transports ou l'agriculture. Faut-il envisager un relèvement des barèmes et un élargissement de l'assiette et de la TGAP-air ? Qu'en est-il par ailleurs de l'affectation de la TGAP ? Faudrait-il, selon vous, affecter plus précisément le produit de la taxe aux politiques de lutte contre la pollution de l'air ?
Vous faites également observer que le bonus-malus sanctionne moins les impacts sanitaires que l'impact climatique de la pollution, puisque ce sont les émissions de CO2 qui sont prises en compte. Ne faudrait-il donc pas le modifier pour tenir compte du taux d'émission des particules fines ? Par ailleurs, ne devrait-on pas accroître la part du produit de la taxe sur le diesel – voué à augmenter dans les années à venir du fait de l'alignement de cette taxe sur la taxe appliquée à l'essence – affectée à la lutte contre la pollution de l'air, sachant que, malgré un rendement beaucoup plus important, il est prévu de n'en affecter qu'une petite partie (2 milliards d'euros en 2016 et 2,5 milliards en 2017) ?
Par ailleurs, la réduction des émissions polluantes dues aux véhicules ne nécessite-t-elle pas de revoir le système de contrôle des émissions ? C'est en tout cas ce qu'incitent à penser l'affaire Volkswagen et, plus récemment et dans une moindre mesure, l'affaire Renault, qui ont montré les failles des dispositifs de contrôle. Abstraction faite des phénomènes de tricherie, ne devrait-on pas confier les contrôles à une instance indépendante et revoir également les critères auxquels ils obéissent, afin que les résultats correspondent autant que faire se peut à ceux qui sont obtenus dans des conditions réelles de circulation.
Vous avez enfin évoqué le coût sanitaire et social de la pollution de l'air – en d'autres termes, le coût de l'inaction. Vous paraît-il possible et souhaitable d'élaborer un instrument et des indicateurs précis permettant d'évaluer ce coût, dont un rapport du Sénat indique qu'il se situerait entre 60 et 90 milliards d'euros ?
Je rappelle enfin qu'au-delà du rapport de la Cour des comptes, notre Comité a décidé d'inclure dans ses travaux la qualité de l'air intérieur, avec l'idée de produire un rapport global sur l'air extérieur et l'air intérieur.
Je m'associe aux remerciements que Jean-Louis Roumégas a adressés à l'ensemble des magistrats avec lesquels nous avons travaillé depuis plusieurs mois.
Le rapport rendu par la Cour des comptes établit un diagnostic clair de ce qui marche et de ce qui ne marche pas, et propose des pistes d'amélioration de nos politiques de lutte contre la pollution de l'air. Vous soulignez notamment la qualité du réseau de surveillance, organisé autour de quelque six cents stations de mesure et d'AASQA, dont l'ingénierie performante garantit la fiabilité du diagnostic.
Vous affirmez cependant qu'il nous reste des marges de manoeuvre. Des progrès ont déjà été accomplis dans certains domaines, notamment celui des pluies acides. La qualité de l'air s'est améliorée ses dernières années, même s'il reste des « points noirs », qui ne font pas à eux seuls un bilan apocalyptique. Le rapport précise d'ailleurs que la France, si elle n'est pas le meilleur élève de l'Union européenne, n'est pas non plus le plus mauvais, puisqu'elle se situe exactement sur la médiane – constat dont on ne doit pas néanmoins se contenter.
Je suis heureux que votre rapport pose clairement les enjeux des politiques d'arbitrage entre le diesel et l'essence. Vous soulignez ainsi que la prime à la casse a favorisé les moteurs diesel dans un double objectif : un objectif économique de soutien à la production industrielle et un objectif environnemental de lutte contre le réchauffement climatique par la baisse des émissions de CO2. La France est ainsi passée entre 2007 et 2013 d'un taux d'émission moyenne par kilomètre de 149 à 117 grammes de CO2, ce qui en fait le pays le plus performant de l'Union européenne. Le corollaire de cette politique a été de faire passer en une trentaine d'années la part des véhicules roulant au gazole de 4 % à 63 % du parc automobile, avec les conséquences que l'on sait en matière d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) et de particules fines.
Par ailleurs, si à la motorisation diesel se substituent désormais, sur les petits véhicules, de nouveaux moteurs essence 3 cylindres, il est à noter que ces moteurs ne sont pas équipés de filtres à particules, ce qui justifierait, selon la Cour, que l'on procède à des analyses poussées de leurs performances en termes d'émission de NOx, de PM10 et de CO2.
Compte tenu de ces constats, au lieu de mettre en oeuvre des politiques distinctes, visant, pour l'une, à améliorer la qualité de l'air et, pour l'autre, à lutter contre le réchauffement climatique, ne faudrait-il pas, comme je le défends depuis longtemps, opter, dans le champ du progrès technologique comme dans celui de la fiscalité, pour des mesures qui combinent ces deux objectifs ?
Si certains secteurs économiques ont progressé en matière de lutte contre la pollution, ce n'est le cas ni du secteur agricole – le ministère de l'agriculture étant assez peu sensibilisé à cette problématique – ni du secteur du résidentiel-tertiaire. Comment inverser la tendance ?
En matière de communication, il est difficile de définir une stratégie globale à l'échelle nationale, dans la mesure où, d'un territoire à l'autre, la pollution de l'air peut être liée à des sources de polluants diverses. Il n'est ainsi pas toujours aisé de faire entendre aux acteurs locaux qu'au sein d'un même bassin de vie, certaines zones sont essentiellement touchées par les émissions liées aux transports, d'autres par celles liées aux cheminées ou au chauffage domestique.
Je me réjouis que la Cour se soit penchée sur le cas de la vallée de l'Arve, soulignant dans son rapport l'implication des services de l'État et notamment de la direction départementale du territoire (DDT) de Haute-Savoie. J'ajoute que, si le PPA de la vallée de l'Arve fonctionne bien, c'est grâce à la structure intercommunale que j'ai l'honneur de présider et aux cent six maires qui ont collaboré à l'écriture de ce PPA et animent le fameux fonds « Air Bois ». Ce fonds, le Président de la République, le Premier ministre et Ségolène Royal ont estimé nécessaire qu'il soit généralisé, et vous serez sans doute heureux d'apprendre, monsieur le Premier président, que l'agglomération grenobloise vient de décider la mise en place d'un outil similaire.
Vous soulignez le caractère instable et discontinu de la planification au niveau national et la multiplication des outils. Serait-il souhaitable d'opter pour un seul outil qui pourrait être inclus dans la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable ?
En vous appuyant sur l'exemple des zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA), supprimées puis rétablies sous une autre forme, ainsi que sur l'interdiction des feux de cheminée, vous mettez en lumière le non-respect du principe de subsidiarité. Pensez-vous qu'il faille décentraliser la politique de lutte contre la pollution, en y associant les représentants de l'État ? Quel serait selon vous le bon échelon coordinateur, sachant que se poserait alors la question du financement de ces politiques par les collectivités territoriales responsables.
En Allemagne, les ramoneurs ont l'obligation de signaler tout appareil de chauffage défectueux ou trop ancien sur lequel ils interviennent, le propriétaire devant alors obligatoirement le remplacer. Compte tenu du poids du chauffage au bois dans les émissions de particules fines, pensez-vous qu'il faille aller jusqu'à ce type de mesure contraignante, dès lors que les dispositifs incitatifs comme le fonds « Air Bois » auront montré leurs limites ?
Les effets de la lutte contre la pollution de l'air se mesurent sur le long terme mais, au vu de la manière dont ont diminué les émissions des principaux polluants entre 1990 et 2013, nous avons déjà de quoi être satisfaits, même si des progrès restent à faire.
Si les PPA peuvent être efficaces, comme en témoigne l'exemple de la vallée de l'Arve, il n'en demeure pas moins que les collectivités locales doivent souvent, pour agir, s'en remettre à des mesures nationales.
Pour ce qui concerne le diesel, j'ai cru comprendre que les moteurs avaient fait d'immenses progrès et qu'ils étaient beaucoup moins polluants qu'on veut bien le dire.
En matière de gouvernance, la dispersion des responsabilités que vous dénoncez me laisse sans voix. Il serait sage de confier à un seul ministre la coordination de la lutte contre la pollution de l'air : nous y gagnerions en efficacité, et cela permettrait sans doute de faire quelques économies.
Je suis quoi qu'il en soit heureux de voir que la politique de lutte contre la pollution porte ses fruits et que les gens y sont de plus en plus sensibilisés. Reste à poursuivre les efforts.
Je tiens à m'associer au concert de remerciements entamés par mes collègues et veux saluer en particulier l'approche globale de la question qui est celle du rapport.
Il en ressort d'emblée que la multiplicité des pollueurs et des sources de pollution peut contribuer à déresponsabiliser chacun, phénomène qu'aggrave encore une gouvernance par trop dispersée. Cela ne doit pas nous empêcher d'agir dans tous les domaines où cela est possible et nécessaire.
Je voudrais m'arrêter sur les incohérences et les informations contradictoires auxquelles sont confrontés nos concitoyens qui cherchent à adopter des comportements vertueux en matière de pollution de l'air. Que comprendre en effet lorsque, convaincu par l'idée que la biomasse est renouvelable, on fait l'acquisition d'un chauffage à bois, mais que l'on apprend quelques mois plus tard que ses émissions sont néfastes pour la santé ? Que penser lorsque, ayant lu que les moteurs à essence et les petites cylindrées étant moins polluants qu'un gros diesel, on troque celui-ci contre un petit véhicule, pour s'entendre dire ensuite que le gros diesel moderne polluait moins qu'un petit 3 cylindres non équipé de filtre à particules ? Ces revirements sont catastrophiques, car ils concernent des arbitrages budgétairement conséquents pour les ménages et ne peuvent que saper leur confiance dans les préconisations publiques. Je défends à cet égard les actions locales, qui permettent de mieux faire le lien entre les efforts demandés et les résultats obtenus.
Le rapport souligne enfin le rôle de la biomasse dans la transition énergétique puisqu'elle est censée représenter en 2020 60 % du mix énergétique. Il est donc nécessaire de définir avec précision les conditions d'utilisation vertueuse de cette biomasse, en labellisant éventuellement les procédés industriels recommandables, pour l'information de nos concitoyens.
La Cour a également souligné une autre question importante, celle de l'importation et de l'exportation des sources d'émissions, notamment de particules fines, sans qu'il soit possible d'analyser très clairement ces mouvements. On a coutume de dire que l'agglomération lilloise est surtout polluée par les particules fines en provenance du nord de l'Europe, de même que l'on dit que le long de notre frontière continentale, 30 % des particules fines proviennent des autres pays européens. Il serait bienvenu que l'Union européenne, qui n'hésite pas à lancer – légitimement – des procédures contentieuses contre nous, soit dans son rôle en éclairant l'origine de ces particules.
Je m'étonne que le rapport ne dise rien des lobbies, car s'il est un domaine où ils prospèrent, c'est bien celui qui nous occupe. A-t-on les moyens de vérifier leurs allégations et d'assurer une information correcte des consommateurs ?
Lutter contre la pollution est efficace et produit des résultats, ce qui est encourageant. Mais cela nécessite que les citoyens, consommateurs et usagers, soient correctement informés. C'est pour cela que nous insistons sur la nécessité de développer une politique de communication forte et cohérente dans le temps, ce qui est, en creux, un moyen de dire qu'il faut se donner les moyens de lutter contre les lobbies. Il faut savoir par exemple qu'il existe des appareils de chauffage au bois plus ou moins performants, car plus la combustion du bois est complète, moins les émissions de particules fines sont importantes.
Pourquoi ne pas imaginer un système de contrôle comme celui qu'utilise le ministère de la santé pour les médicaments ou les soins sanitaires ?
On peut en effet envisager un système de normes ou de labels. Quoi qu'il en soit, la Cour estime qu'il existe des marges de progrès.
Martial Saddier a raison de pointer les contradictions qui peuvent se faire jour entre la lutte contre la pollution de l'air et la lutte contre le réchauffement climatique, et il paraît souhaitable en effet de mettre en place un dispositif unique permettant de combiner les deux objectifs.
Les PPA, s'ils ne sont pas contraignants par eux-mêmes – les rendre tels poserait un certain nombre de difficultés – contiennent en revanche des mesures réglementaires qui peuvent l'être. Appliquer ces dernières et vérifier qu'elles le sont est déjà un préalable indispensable.
En ce qui concerne le partage des responsabilités entre l'échelon national et l'échelon local, le rapport montre, à partir de quelques exemples, que les décisions prises au niveau national ne sont pas toujours les mieux adaptées aux réalités du terrain. Il préconise donc de confier aux autorités déconcentrées et aux collectivités territoriales la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans les PPA ; cela relève de leurs compétences et ce sont elles qui sont le mieux à même d'organiser les dispositifs, même si elles agissent dans un cadre défini à l'échelle nationale. Reste ensuite à régler la question des moyens.
Certaines responsabilités peuvent être déléguées au niveau local, mais la classification des polluants et les normes doivent être établies au niveau national.
La pollution atmosphérique est avant tout un phénomène localisé, c'est pourquoi c'est aux autorités locales, même si elles opèrent dans le cadre fixé au niveau national, de prendre les décisions qui s'imposent et de décider, le cas échéant, de déclencher un plan d'action.
En ce qui concerne les pics de pollution, l'impact des mesures prises pour les neutraliser est souvent limité, et le rapport souligne bien que ce qui est le plus nocif en termes de santé publique, c'est l'exposition prolongée aux polluants et non les pics de pollution. L'action publique devrait donc porter en priorité sur la mise en oeuvre de mesures de fond pérennes, en particulier dans les secteurs qui, comme le secteur agricole, sont aujourd'hui exemptés d'une grande partie des efforts nécessaires à la lutte contre la pollution de l'air.
En cas de pic de pollution néanmoins, nous pensons qu'il serait préférable de n'avoir qu'un seul seuil de déclenchement des mesures. Il est également souhaitable que le dispositif d'identification des véhicules en fonction de leurs émissions, prévu dans la loi relative à la transition énergétique, soit rapidement instauré, non seulement pour les pics de pollution mais également pour la mise en place de zones de restriction de circulation. Ces actions ont fait la preuve de leur efficacité dans plusieurs pays, et nous sommes pratiquement le dernier pays à pratiquer la circulation alternée, que les autres pays ont abandonnée au profit de dispositifs plus ciblés. De même, il est souhaitable qu'en cas de persistance de la pollution, le déclenchement de la procédure d'alerte par les préfets soit automatique.
S'il y a persistance, on ne peut plus parler de pic. L'expression est sans doute plus médiatique, mais la confusion peut être à l'origine de polémiques dommageables, comme on l'a vu entre la maire de Paris et la ministre de l'écologie.
Pour ce qui concerne la fiscalité, la Cour ne recommande pas de l'alourdir. En revanche, elle constate que les efforts devraient être mieux répartis entre les secteurs émetteurs, afin qu'ils ne pèsent pas uniquement sur l'industrie. Dans le secteur des transports, par exemple, l'abandon de l'écotaxe impose a minima de revoir les taux de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers. De plus, la Cour préconise de poursuivre le rééquilibrage entre la fiscalité sur le diesel et la fiscalité sur l'essence. Enfin, le secteur agricole pourrait contribuer au financement du dispositif de surveillance de la qualité de l'air, par exemple grâce à l'instauration d'une taxe sur les pesticides.
Dans les secteurs agricoles et résidentiels, on peut également agir par le biais d'un durcissement de la réglementation, éventuellement accompagné d'un dispositif d'aides financières. À ce titre, le fonds « Air Bois » mis en place dans la vallée de l'Arve est une formule intéressante.
Nous insistons également sur le fait qu'il ne faut pas uniquement prendre en compte les émissions de CO2 mais également les autres polluants, particules fines et dioxydes d'azote. D'où l'intérêt d'imaginer des aides ou des taxes modulées en fonction de la norme Euro à laquelle sont soumis les véhicules.
Enfin, plusieurs rapports de la Cour ont établi que le principe pollueur-payeur n'était pas appliqué partout. Cela peut sans doute expliquer que les émissions d'ammoniac, essentiellement liées à l'agriculture, sont celles qui ont le moins diminué – moins 2,9 % – depuis vingt ans. Or ce n'est pas une fatalité puisqu'aux Pays-Bas, elles ont au contraire très fortement baissé sur la même période, grâce à une politique extrêmement volontariste.
M. Roumégas nous a interrogés sur l'affectation de la TGAP. Il nous semble que le produit de la TGAP est suffisamment affecté, dans la mesure où l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) bénéficie directement de la majeure partie des recettes qu'elle génère et en consacre une part non négligeable à des actions visant à réduire la pollution de l'air.
S'agissant plus spécifiquement de la TGAP-air, une disposition de la loi de finances pour 2016 permet aux industriels de flécher une part importante de la taxe qu'ils acquittent au bénéfice des AASQA. Ils peuvent leur verser directement au maximum 171 000 euros ou 25 % des cotisations dues au titre de l'année. Ce plafond s'applique désormais par installation et non plus par établissement.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas que la Cour des comptes n'est jamais très favorable au principe de l'affectation des taxes…
Monsieur le Premier président, madame la présidente, il me reste à vous remercier pour cet excellent rapport, qui fera date à n'en pas douter et dont nous sommes heureux d'autoriser la publication.
Le Comité autorise la publication du rapport de la Cour des comptes.
La séance est levée à douze heures quarante-cinq.