Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 27 janvier 2016 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mission dévolue aujourd’hui à notre assemblée est particulièrement délicate. La mort est l’affaire propre des +personnes, qu’elles la fuient ou qu’elles s’y préparent tout au long de leur vie. Elle est, selon le philosophe, le « sans réponse ». Face à cette dernière étape qui relève avant tout de 1’intime et d’un choix propre à chacun, il est difficile de trouver les mots justes pour légiférer et restituer l’expression de la volonté générale. En 2004, n’est-ce pas, cher Jean Leonetti, la mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie avait soulevé les premières questions et apporté les premières réponses après avoir interrogé des historiens, des sociologues, des ethnologues, des psychologues, des philosophes et des représentants des grandes familles religieuses et de pensée.

L’objectif était tout à la fois simple et ambitieux : remettre en perspective le rapport à la mort des différentes civilisations au cours de l’Histoire. Des membres du corps médical avaient ensuite été entendus, eux qui, aux côtés des familles, tiennent la main du mourant jusqu’à la fin. Toutes les questions avaient déjà été soulevées à l’époque et je salue ici notre collègue Michel Piron, qui était déjà membre de la mission d’information, a participé à tous les débats et a oeuvré à la qualité de ses travaux, comme il le fait toujours dans l’hémicycle également. La loi éponyme, cher Jean Leonetti, n’a été que l’aboutissement de cette longue réflexion. Elle a donné le droit à toute personne malade de refuser un traitement si elle estime qu’il est devenu déraisonnable et a permis au médecin d’interrompre un traitement ou de ne pas en entreprendre un s’il l’estime inefficient. Enfin, elle a largement fait progresser les soins palliatifs.

Après plus de dix années d’application de la loi, malgré ses évolutions et ses apports, des difficultés subsistent. La douleur des patients n’est pas suffisamment prise en compte et l’obstination déraisonnable demeure. L’accès aux soins palliatifs n’est pas uniforme sur tout le territoire et la formation des médecins à l’accompagnement de la fin de vie demeure imparfaite, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans les hôpitaux, le personnel médical est bien souvent surchargé de travail et la fin de vie est souvent, hélas, appréhendée de manière mécanique et impersonnelle. De nos jours, les familles ont bien du mal à trouver les mots justes, susceptibles de rassurer et d’apaiser les mourants dans cette situation peu familière. Alors que les proches eux-mêmes se trouvent souvent dépourvus à l’approche du décès de l’être aimé, les médecins et les personnels de santé connaissent eux aussi des difficultés pour accompagner, veiller, atténuer les peurs et les souffrances.

Nous sommes conscients que le texte ne peut apporter une réponse unique aux questions, immenses et complexes, soulevées par la fin de vie. Pour autant, il a le mérite d’ériger un cadre nouveau au sein duquel le patient, la famille, les proches et l’équipe soignante pourront échanger et dialoguer. Puisse cette loi apaiser les drames humains et les déchirements qui entourent la fin de vie de l’être aimé. Sur ce sujet si intime, il est pourtant impossible de répondre aux attentes de chacun. À côté de ceux qui s’estiment satisfaits du compromis trouvé avec ce texte, il y a ceux qui voudraient aller plus loin et inscrire dans la loi le droit à mourir et, enfin, ceux qui estiment que le texte ne répond pas aux imperfections de la loi Leonetti mais opère un profond changement de paradigme.

Ce que nous devons retenir, c’est le devoir d’accompagner une fin de vie digne et de soulager la douleur, quand cela est possible et souhaité. En complétant la pratique des soins palliatifs, le texte devrait éviter au patient toute souffrance et tout acharnement déraisonnable. Le recours à la sédation profonde aura lieu dans un cadre extrêmement précis et toujours dans les conditions strictes qu’a rappelées M. le rapporteur. Voilà jusqu’où nous pouvons aller pour trouver un compromis. Tout au long de l’examen de la proposition de loi, les membres de notre groupe ont rappelé leur opposition à la légalisation de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté qui reviendrait à accorder à la société un droit sur l’existence de chacun outrepassant largement le respect de la dignité de la personne, pourtant souhaité par tous.

Il faudra poursuivre et compléter la formation du personnel médical de façon qu’au-delà des actes froids et mécaniques, il puisse accompagner et rassurer continûment les familles, les proches et surtout ceux qui vont partir. Il faudra également assurer un accès équitable aux soins palliatifs. Les études pointant les lacunes de la répartition de ces soins sur le territoire ne manquent malheureusement pas. Selon le rapport établi par le comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement, cinq régions concentrent les deux tiers des unités de soins palliatifs. Le taux d’équipement en lits présente une disparité identique et la marge de progression est importante.

En ce moment très solennel du processus législatif, une très large majorité des membres du groupe UDI est favorable au compromis auquel est parvenue la commission mixte paritaire. Certains souhaiteraient laisser plus de place à la volonté intime et au droit de chacun ; d’autres sont hostiles à la formulation du texte, craignant que les nouvelles dispositions ne brisent le lien qui nous unit à l’autre au plus profond de notre conscience et considèrent que la vie doit être protégée. Dans ce débat, les positions sont multiples. Toutes méritent respect et humilité. Chaque membre de notre groupe exercera sa pleine liberté de vote et se prononcera en son âme et conscience sur le texte. À titre personnel, je le voterai, en toute humilité, en pensant à celles et ceux qui nous ont quittés et en exprimant ma plus grande gratitude à nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys.

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