Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du 27 janvier 2016 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

… qui est chargée d’appliquer les dispositions actuelles et de résorber le grave déficit en soins palliatifs.

« La loi propose d’ouvrir un droit à dormir avant de mourir. C’est un changement assez léger parce que c’était possible avant. On pouvait demander à être endormi en fin de vie. Là, cela devient un droit : le médecin ne peut pas vous le refuser si vous remplissez les conditions précisées dans la loi. Mais ce n’est pas parce que l’on vous endort que vous allez mourir plus vite ! Cela peut durer des jours et des jours ».

D’ailleurs, lors de la précédente mandature, Manuel Valls avait fait observer que cela ne répondait pas à la demande de tous les mourants. Certains réclament de garder leur lucidité pour transmettre à leurs proches, jusqu’à la fin, leur amour, leurs conseils, leurs pensées, leur philosophie.

Les directives anticipées deviendront opposables, ce qui est une bonne chose. Il nous restera donc, dans le futur, à régler les questions pendantes : agonie intolérable, souffrance physique et psychique rebelle à tout traitement hors de l’anesthésie, aide active à mourir en toute fin de vie, personnes âgées en phase terminale et souffrant de démence ou de la maladie d’Alzheimer, très grands prématurés avec absence de développement cérébral ou autres drames de la néonatologie.

Ces travaux seront demain à remettre sur le métier. Certains, parmi nos collègues, craignent que le Dieu de leur foi nous reproche de décider l’heure de la mort. C’est oublier que celui-ci a laissé les humains libres de leur comportement et de leur destinée. Sinon, comment expliquer tous les drames de l’humanité au cours des siècles ? À l’inverse, comment aurions-nous eu, sans cette liberté, la possibilité de doubler ou tripler l’espérance de vie en permettant aux humains d’aujourd’hui de survivre au-delà des conditions dites naturelles ?

L’homme est libre de retarder sa mort, au prix, parfois même, d’un peu d’acharnement thérapeutique. Il est libre de mettre un terme à une agonie inhumaine lorsque le mourant le demande.

Nous devrons ensemble organiser le respect de ce droit, de cette liberté, que la grande majorité de nos concitoyens sollicitent. Les pratiques de fin de vie gagneront en transparence. Elles ne seront plus réalisées en catimini dans certains de nos hôpitaux et récusées dans d’autres. Le choix de l’équipe médicale ne se substituera plus à celui, plus légitime, du malade en phase terminale.

Ainsi, la France prendra toute sa place dans le concert des nations développées d’Europe ou d’Amérique du nord. Ainsi, l’homme du XXIe siècle reprendra le cours de l’évolution de l’aventure humaine et de l’humanisme.

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