Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 27 janvier 2016 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

La CMP ayant échoué, nous voici appelés à examiner aujourd’hui la proposition de loi sur la protection de l’enfant en nouvelle lecture. Il s’agit d’une mission importante de la puissance publique, à l’égard d’enfants déjà malmenés par la vie.

L’enjeu est d’abord de leur offrir une protection nécessaire et adaptée, des conditions de vie dignes ainsi que la garantie du respect de leurs droits. Mais nous parlons d’enfants. Alors il s’agit bien plus que de seuls besoins matériels ou de droits à la santé et à la sécurité par exemple. Bien plus largement, et parfois plus essentiellement, il s’agit de leurs besoins affectifs, intellectuels ou encore sociaux.

Pour cela, il est indispensable de définir un véritable parcours d’accompagnement pour ces enfants dont le début de la vie a été douloureux. En effet, l’enfance est une période déterminante dans la construction d’un être humain. Il est donc nécessaire de pallier les troubles causés par une enfance difficile à l’aide d’un véritable accompagnement qui permette à ces enfants d’entrevoir un avenir meilleur.

Les services de protection de l’enfance ont la charge de près de 300 000 jeunes et enfants. Ce sont près de 7 milliards d’euros qui sont investis par nos départements chaque année en faveur de cette mission d’action sociale : actions de prévention, présence éducative, soutien aux parents en difficulté, mais aussi, bien sûr, placement de certains enfants – missions essentielles qui ont besoin d’être renforcées.

De trop nombreux cas de maltraitances ne sont encore détectés que trop tardivement par nos services. Il s’agit donc de prendre sans tarder les mesures nécessaires afin de pallier les difficultés qu’ils rencontrent encore aujourd’hui, à cause notamment de l’insuffisance de la formation des professionnels confrontés à ces enfants et à leur situation de fragilité, que ce soit le personnel éducatif ou médical.

Certains secteurs d’intervention ont encore du mal à travailler ensemble, alors que leur coopération permettrait de mieux identifier les situations à risque pour les enfants. Il demeure aussi de fortes disparités territoriales auxquelles il nous faut trouver une réponse.

Le texte a pour ambition de répondre efficacement et concrètement à ces enjeux. Si les objectifs sont partagés par tous, la question de la méthode n’est pas toujours consensuelle. Il faut pourtant poursuivre ce travail de manière responsable, comme cela a été le cas dans nos deux assemblées jusqu’à présent.

Pour diminuer la forte disparité qui existe entre départements, la proposition de créer un Conseil national de la protection de l’enfance nous semble un bon levier. Nous regrettons que la mesure ait été repoussée par la majorité au Sénat alors qu’une telle structure permettrait de mutualiser les bonnes pratiques et de renforcer l’homogénéité d’action des services départementaux sur l’ensemble de notre territoire.

D’autres propositions inscrites dans le texte permettent également de répondre aux enjeux de la protection de l’enfance.

Je tiens à souligner notamment la diversification des modes d’accueil et d’accompagnement des enfants. Dès lors, la particularité de chaque situation aura plus de chances de trouver la réponse la mieux adaptée. Ainsi, les parents d’enfants très jeunes ou à naître auront la possibilité d’être accueillis en centre parental, ce qui favorisera les premiers liens d’attachement avec l’enfant et leur permettra de recevoir un soutien éducatif.

Les écologistes sont très sensibles à l’aide à la parentalité, car la protection de l’enfant commence bien avant les constats alarmants et les dysfonctionnements.

Le suivi de l’enfant et de sa mère ayant d’abord accouché dans le secret avant de se rétracter est également une disposition de bon sens, protectrice pour l’enfant et rassurante pour la mère. Nous espérons que les moyens alloués à l’application de cette mesure seront satisfaisants, et nous y veillerons.

La protection de l’enfance recouvre aussi le suivi des enfants jusqu’à l’âge adulte. La stabilisation des parcours scolaires et universitaires de ces jeunes déjà fragilisés par la vie ainsi que l’accompagnement des mineurs vers l’autonomie pour favoriser leur insertion sociale sont une mission incontournable pour garantir notre cohésion sociale. Nous regrettons que nos collègues sénateurs s’y soient opposés.

En revanche, la navette parlementaire a permis d’avancer utilement sur la question controversée des tests osseux sur les mineurs étrangers.

Le texte a permis d’encadrer le recours à cette pratique, et nous nous en félicitons. Les tests ne seront possibles que sur décision de l’autorité judiciaire et avec l’accord de l’intéressé. En outre, sont introduites l’obligation de préciser les marges d’erreur et l’affirmation du fait que le bénéfice du doute va au jeune. Toutefois, au regard des questions éthiques posées par cette technique par ailleurs coûteuse et très peu fiable du point de vue de la capacité à déterminer l’âge réel des gens concernés, je crois qu’il aurait été plus clair d’écarter définitivement le recours à de tels tests. En effet, si les avancées sont louables, il est à craindre que, dans les faits, elles ne changent que trop peu les pratiques.

Enfin, je tiens à souligner l’introduction de la notion d’inceste dans notre code pénal, avec une rédaction affinée par nos collègues sénateurs. Si les attouchements sexuels et viols sont toujours des drames personnels qui atteignent l’innocence même de l’enfance, les traumatismes causés sont d’autant plus importants lorsque ces actes sont commis par un membre de la famille. Il était donc vraiment temps que notre droit le reconnaisse.

Vous l’aurez compris, nous abordons l’examen de ce texte avec le sérieux requis par un sujet aussi important et délicat.

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