Intervention de Stéphane Claireaux

Séance en hémicycle du 27 janvier 2016 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Claireaux :

Nous voici réunis au sein de cet hémicycle afin d’examiner en nouvelle lecture la proposition de loi relative à la protection de l’enfant de Michelle Meunier, sénatrice de Loire-Atlantique, et de Muguette Dini, sénatrice du Rhône, après l’échec de la commission mixte paritaire il y a quelques jours.

L’enjeu de cette proposition de loi est de renforcer et d’améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes en difficulté, et ce de façon équitable sur l’ensemble du territoire français. Le texte a par ailleurs vocation à améliorer la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, loi qui s’inscrit d’ailleurs dans la lignée de la convention internationale des droits de l’enfant, dont nous avons fêté en 2014 les vingt-cinq ans. Cette proposition de loi touche dès lors au plus profond notre responsabilité d’adultes et je ne peux évidemment que la saluer.

Sur les vingt et un articles restant en discussion après les différentes lectures, force est de constater qu’en dépit d’une volonté dans nos deux chambres d’aboutir à un texte commun au plus vite, plusieurs divergences existent encore. Nous voici donc en présence du texte que nous avions voté le 18 novembre 2015 à la fin de nos travaux en deuxième lecture.

Ce texte contient des avancées vertueuses pour l’amélioration de la protection de l’enfant.

Nous sommes favorables, à l’article 1er, à la mise en place auprès du Premier ministre d’un Conseil national de la protection de l’enfance. Ce dernier sera chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en oeuvre.

Notre groupe réitère ici son intérêt pour les dispositions contenues dans l’article 2 ter, selon lequel le directeur d’un établissement peut informer les autorités concernées par la protection de l’enfance des mesures prises en matière d’absentéisme et de décrochage scolaire.

Le groupe RRDP souscrit aussi pleinement aux dispositions contenues dans l’article 5 EA sur l’accompagnement des jeunes, qui leur permettent de terminer leur année scolaire ou universitaire. Cet article est très important car il permet aux jeunes de renforcer les outils acquis lors de leurs études, qui, par la suite, favoriseront leur intégration dans la vie active. Pour nous, l’éducation est, et reste, l’un des socles de notre pacte républicain, que nous devons plus que jamais préserver – et c’est encore plus vrai aujourd’hui qu’avant le 13 novembre 2015.

La prévention et l’aide à la parentalité n’ont pas été oubliées dans cette proposition de loi. Ce sont là des points essentiels pour garantir la protection des enfants.

Enfin, et plus généralement, nous saluons le travail accompli par notre rapporteure, Mme Le Houérou.

Si nous reconnaissons les immenses avancées que ce texte introduit en matière de protection de l’enfant, nous rappelons que nous avions toutefois déposé à l’article 21 ter, lors des première et deuxième lectures dans notre hémicycle, un amendement visant à supprimer purement et simplement les tests osseux. Nous souhaitions écarter totalement le recours à ces tests pour déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés arrivant sur le sol français. Comme nous l’avions exposé lors de la première lecture, cet examen osseux, consistant à radiographier de face la main et le poignet gauche de la personne et à examiner les points d’ossification des doigts, permet seulement de tirer les conclusions suivantes : plus il y a de cartilage de croissance, plus la personne est jeune ; au contraire, lorsqu’il n’y a plus de cartilage, la maturité osseuse est atteinte, ce qui correspond plus ou moins à l’âge de dix-huit ans selon la personne et le sexe.

Pourtant, ces tests restent souvent utilisés afin de déterminer l’âge des jeunes personnes arrivant sur le sol français sans papiers d’identité, ou avec des papiers sujets à caution, dans le but d’établir leur minorité ou leur majorité, alors que la circulaire Taubira relative aux mineurs étrangers isolés précise que l’examen osseux ne doit intervenir qu’en dernier recours. Ainsi, comme notre groupe l’a indiqué à maintes reprises, nous sommes passés d’une finalité à caractère médical à une finalité judiciaire.

Madame la secrétaire d’État, même s’il y a consensus sur le relatif manque de fiabilité des tests osseux, vous avez expliqué lors de nos débats en deuxième lecture que les différentes autorités de santé consultées à ce sujet, qu’il s’agisse du Comité consultatif national d’éthique, de l’Académie nationale de médecine ou du Haut Conseil de la santé publique, n’ont pas exclu le recours à ces tests, à condition que la marge d’erreur soit prise en compte et qu’ils soient croisés avec d’autres modes d’évaluation médicale.

Le texte qui nous est soumis dispose explicitement que ces tests ne pourront dorénavant être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Toutefois, et nous le voyons notamment avec les événements migratoires de ces derniers mois, il nous semble réellement compliqué de mettre en pratique le recueil de l’accord de l’intéressé, notamment en raison de la barrière de la langue. La compréhension du français est souvent ardue et nous doutons réellement que la demande d’accord, avec toutes les conséquences qu’elle emporte pour l’avenir de la personne, puisse être comprise. Nous avons sincèrement de la peine à imaginer comment un mineur ne parlant pas le français pourrait être interrogé dans le but de recueillir son accord pour procéder à des tests osseux ! Le doute devra profiter à l’intéressé, certes, mais cette position médiane ne nous satisfait que moyennement, nous vous le disons très clairement.

Il faut cependant avancer. Cette proposition de loi déposée au Sénat en septembre 2014 contient beaucoup de points positifs qu’il faut mettre en oeuvre sans plus tarder. Aussi, pour cette nouvelle lecture, n’avons-nous pas redéposé d’amendement sur les tests osseux. Nous espérons, madame la secrétaire d’État, que vous saurez en retour nous rassurer quant aux doutes que nous soulevons au sujet de l’accord de l’intéressé, jeune mineur étranger non francophone, et quant à ses droits et devoirs avant qu’il ne soit procédé à un test osseux qui, pour nous, ne doit être qu’un élément dans un faisceau d’indice.

Mais, sachant que le Gouvernement a déjà pris plusieurs mesures concernant les enfants en tenant toujours compte de leur intérêt supérieur – nous l’avons vu notamment lors de l’examen, en 2013, du texte relatif au statut des pupilles de l’État – le groupe RRDP ne doute pas que ce texte saura une fois de plus rassembler et faire consensus au sein de notre hémicycle.

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