Nous arrivons ce soir au terme de l’examen de la proposition de loi sur la protection de l’enfant. Après l’échec prévisible de la commission mixte paritaire, il revient à notre assemblée de se prononcer sur ce texte et, je n’en doute pas, de l’adopter. Notre objectif à tous devrait être en effet de parvenir à un accord afin de garantir la protection de tous les enfants en danger sur l’ensemble du territoire de notre pays. C’est un objectif auquel nous pouvons tous adhérer, pour peu que nous parvenions à nous entendre sur quelques points.
Malgré le désaccord du Sénat, je suis pour ma part favorable à la création du Conseil national de la protection de l’enfance. Je m’en suis expliqué à chacune des deux lectures à l’Assemblée nationale. Ma position a toujours été constante. Je comprends parfaitement la nécessité d’un conseil chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toutes les questions qui s’y rattachent et d’en évaluer la mise en oeuvre. Certes, le nombre des instances qui s’occupent de ce sujet est déjà très élevé et nuit sans doute à la bonne coordination des politiques en faveur de l’enfance en difficulté, mais cette raison suffit à justifier la création d’une instance de coordination afin de mieux répondre aux attentes en matière de collaboration et de concertation entre les services de l’enfance, les services de la justice, les départements et les professionnels du monde médical.
Je continue cependant de regretter, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas souhaité inscrire dès l’article 1er, qui institue ce conseil et constitue à ce titre le socle de la protection de l’enfance, la prévention spécialisée. C’est pourtant une action éducative spécifique dont le principal objectif est la prévention de la marginalisation des jeunes de onze ans à vingt et un ans, voire vingt-cinq ans, dans les territoires marqués par une inadaptation sociale. Nous en mesurons, aujourd’hui plus que jamais, l’importance.
Un désaccord profond subsiste entre nous sur l’article 5 ED, Isabelle Le Callennec s’en est expliqué, qui prévoit la création d’une forme d’épargne, d’un petit pécule, provenant des fonds de l’allocation de rentrée scolaire lorsque l’enfant est placé. Cette épargne lui serait reversée à sa majorité. Je comprends parfaitement votre objectif : corriger une anomalie que j’avais moi-même soulevée alors que j’étais rapporteur d’une proposition de loi visant à verser les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire au service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge. Je reconnais très volontiers que les auditions menées à cette occasion ont fait évoluer ma réflexion sur ce sujet. J’ai parfaitement compris qu’en cas de placement, tout doit être fait pour maintenir le lien entre la famille d’origine et l’enfant, et que l’allocation de rentrée scolaire peut parfois servir à cela. Mais nous maintenons que l’allocation de rentrée scolaire doit être destinée à la rentrée scolaire de l’enfant. Si la famille d’origine n’assure plus son rôle vis-à-vis de l’enfant, notamment à ce moment fort qu’est la rentrée scolaire, si ce lien n’existe plus, et seulement dans ce cas, l’allocation de rentrée scolaire doit alors être confiée à celui qui assure effectivement la charge de l’enfant au moment de la rentrée, c’est-à-dire au conseil départemental ou à la famille d’accueil.
Je ne réfute donc pas totalement votre proposition. Je suis même prêt à admettre que l’idée doit être examinée, car cela peut permettre à un jeune majeur de commencer correctement dans la vie, de financer des études ou une formation. Je pense cependant que ces fonds devraient provenir des allocations familiales qui, trop souvent encore, au moment du placement de l’enfant, sont maintenues à la famille d’origine même si tous les liens sont coupés avec elle. Lorsque le juge décide du placement de l’enfant, il se préoccupe rarement du devenir des allocations familiales lors de la première audience et ce n’est que six mois après, à l’occasion d’une deuxième audience, qu’il décide de les maintenir ou non. Vous nous dites que dans 95 % des situations, les liens entre la famille d’origine et l’enfant sont maintenus et qu’il n’en existe que très peu, les 5 % restants, dans lesquelles il n’y aurait plus aucun lien et pour lesquelles il y aurait lieu alors de supprimer les allocations familiales. Mais ce n’est pas la réalité de ce que nous vivons sur le terrain. Je persiste à penser que la procédure d’attribution des allocations familiales en cas de placement doit être revue. C’est là, et non pas sur l’allocation de rentrée scolaire, qu’il y aurait à mon avis une voie à explorer.
Concernant l’article 16, qui aligne l’imposition des transmissions à titre gratuit entre adoptant et adoptés simples sur le régime applicable aux transmissions en ligne directe, nous l’avions voté à l’unanimité en première lecture, puis rétabli en deuxième lecture à la suite des amendements conjoints de Bérengère Poletti et Denys Robiliard. Nous tenons à cette rédaction et nous souhaitons qu’il reste à l’identique ce soir.
Sous cette réserve et au-delà des divergences que je viens d’exprimer, je garde à l’esprit que ce qui doit dicter notre vote sur ce texte reste l’intérêt général de l’enfant et je considère que les éléments qu’il contient en ce sens sont plus forts que ce qui nous différencie. En conséquence, comme je l’avais fait en deuxième lecture, je voterai cette proposition de loi.