J’ai déjà eu l’honneur d’intervenir en première lecture sur ce sujet si important. Je vous sais gré, madame la secrétaire d’État, je le répète, de vous être autant battue pour présenter ce texte et d’en avoir longuement discuté. Que cette proposition de loi soit en discussion devant l’Assemblée et le Sénat depuis un an montre combien les éléments qu’il convenait de discuter étaient nombreux.
L’enfant nous interpelle tous. Aujourd’hui, l’écart entre un père et un fils n’est plus de vingt-cinq ans mais semble atteindre mille ans, tant le monde a rapidement et brutalement changé. Nous n’avons pas forcément compris ces changements qui nous ont submergés, ni pris leur mesure : que convient-il, alors, de faire, et surtout, d’en dire à nos enfants – d’autant que nous avons été rarement aussi nombreux à leur parler ?
Tenter, avec ma femme, de donner un sens à la parentalité est certainement l’épisode le plus marquant de ma vie d’homme. Que dire, qu’enseigner à nos enfants ? Certes, de nombreux parents, en France, savent encore parler à leur enfant. Mais l’enfant représente toujours une transcendance – la suite, le prolongement de l’humanité. Je persiste à croire que cette transmission s’est rarement effectuée dans un contexte aussi difficile, bien que nous soyons en paix. Aussi, je me réjouis, madame la secrétaire d’État, de votre initiative d’un Conseil national de la protection de l’enfance et je voterai ce texte, qui a le mérite d’ouvrir le débat.
Beaucoup d’interrogations subsistent cependant, sur lesquelles nous devons tous nous mobiliser. Je pense notamment à la question des moyens financiers : qui prendra en charge les dispositions que nous adoptons, alors que l’État, malheureusement, par la fureur des temps que nous vivons, n’est plus à même de faire face ? Il faudra trouver des solutions financières, relancer notre économie en berne d’une manière ou d’une autre, afin de ne plus abandonner nos aînés et nos enfants, comme nous avons trop souvent le sentiment de le faire.
J’ai été conseiller général suffisamment longtemps – je suis d’ailleurs aujourd’hui conseiller départemental – pour savoir que c’est le conseil général qui doit financer les nombreuses dispositions prises depuis vingt ans, avec, bien entendu, les aides de l’État. Aujourd’hui, une quarantaine de départements sont en très grande difficulté. Trouveront-ils les moyens de faire face à ces nouvelles dispositions ? Je regrette d’avoir à évoquer cette question, qui fait pourtant partie de la réalité car on ignore même si le conseil général sera maintenu.
Pour le reste, je salue les avancées que cette proposition de loi aura permises, en faisant travailler ensemble toute la communauté entourant l’enfant, sans qu’il le sache, ainsi que les parents ou, lorsqu’ils ne sont pas là, le lien public, les enseignants. Il est bon que ces acteurs prennent l’habitude de travailler ainsi. Ils l’avaient d’ailleurs déjà fait : j’étais de ceux qui ont regretté de voir peu à peu disparaître l’esprit des pupilles de l’enseignement public, les fameuses PEP, qui, appuyées sur des générations d’enseignants et de bénévoles, ont pris en charge tant d’enfants avec tant de succès.
Ainsi, madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi est un véritable élan que vous voulez donner. Le pays tout entier doit y répondre. Mais s’agit-il simplement de notre pays ? N’est-ce pas un moment de société très important, en Europe et dans d’autres pays du monde ?
Une chose est certaine : nous ne pourrons pas fermer nos paupières en toute quiétude si nous ne construisons pas à nos enfants un avenir un peu plus assuré que celui que nous avons aujourd’hui.