Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous examinons enfin le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives. Le texte qui nous est proposé vise à renforcer notre arsenal juridique en vue d’assurer le respect des embargos et des mesures restrictives.
La France applique des embargos ou des mesures restrictives à l’égard de certains pays, le plus souvent sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ou de décisions prises dans le cadre de l’Union européenne.
S’agissant de la violation de ces mesures par une organisation tierce, la France dispose aujourd’hui de deux instruments pour poursuivre les contrevenants. Le code de la défense traite les entorses aux mesures et embargos pour ce qui est du matériel de guerre et, pour ce qui est du commerce illégal de technologies et marchandises duales ou civiles, le code des douanes sanctionne les transferts frauduleux. Pour résumer, la répression des infractions s’appuie, pour l’instant, sur des dispositions particulières du code de la défense et du code des douanes.
En matière de violation d’embargo, le Conseil de sécurité des Nations Unies a expressément souhaité, à travers une résolution du 16 septembre 1998, l’introduction d’une incrimination spécifique pour les violations d’embargos dans les législations pénales des États membres.
Par ailleurs, il est apparu que notre législation, en son état actuel, ne permettait pas de couvrir de manière exhaustive l’ensemble des cas de violation d’embargo : on mentionnera en particulier les programmes de formation technique et d’assistance à des acteurs sous embargo.
Pour ces raisons, un texte de portée plus générale, couvrant l’ensemble des champs d’activité – transport et financement –, est apparu nécessaire. Celui qui nous est soumis s’inscrit dans l’actualité puisque, il y a moins de deux semaines, à la suite d’une déclaration de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, les États-Unis et l’Union européenne ont décidé une levée progressive des mesures pesant sur l’Iran dans les domaines économique et financier.
Le projet de loi, sur les détails duquel je ne reviens pas, s’attache en particulier à définir les embargos et à pénaliser leur violation ; il affirme par ailleurs qu’en cas de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive, les poursuites resteront possibles même après la levée de ceux-ci. D’une manière générale, il mettra notre droit en conformité avec la résolution no 1196 du 16 septembre 1998 du Conseil de sécurité de l’ONU, et renforcera donc notre arsenal législatif.
Néanmoins, sans remettre en cause le bien-fondé de ce texte que nous voterons, je formulerai certaines réserves quant à la politique de l’embargo en matière de relations internationales.
Si l’embargo est un instrument de géopolitique majeur, il n’en reste pas moins que, dans certaines situations, il peut nous conduire à une impasse. Permettez-moi d’évoquer, à ce sujet, un souvenir personnel. Lorsque j’étais ministre des transports, la Birmanie subissait un embargo applicable aux pièces de rechange que nous devions livrer pour des avions civils et touristiques ; or la majeure partie des touristes véhiculés dans ces avions étaient français. Si on livre ces pièces, on est donc condamné pour avoir violé l’embargo ; si on ne les livre pas et qu’un avion transportant certains de nos concitoyens s’écrase quelques semaines plus tard, on est coupable de n’avoir pas assuré son bon entretien.
Bref, il est important de souligner que les embargos ne peuvent constituer l’alpha et l’oméga de toute politique étrangère.
La France accepte parfois les embargos de l’Union européenne sous la pression d’un certain nombre de ses partenaires. Aussi ces embargos peuvent-ils nous conduire clairement dans des impasses, notamment lorsque ces sanctions nuisent à nos intérêts.
J’en veux pour preuve la politique de sanctions menée par l’Union Européenne à l’encontre de la Russie, qui ne donne strictement aucun résultat. Aujourd’hui, elle a en effet, d’un point de vue politique – je pense à l’Ukraine –, un résultat totalement nul. En revanche, ce sont nos agriculteurs qui en payent le coût : or cette politique est conduite depuis plusieurs années sans le moindre vote ni la moindre expression du Parlement français !
En effet, la politique de sanction menée par l’Union Européenne interdit à une liste de responsables, et d’entités qui leur sont associées, de pénétrer sur le territoire de l’Union Européenne, et impose un gel des avoirs détenus dans l’Union.
Je le répète : ces sanctions, décidées en mars 2014, devaient expirer fin juillet 2015. Elles ont depuis été prolongées une première fois jusqu’à fin janvier 2016, puis une nouvelle fois, en décembre dernier, jusqu’en juillet 2016, sans que notre assemblée ou le Sénat aient pu débattre du bien-fondé de ces sanctions.
J’ai appris que M. Macron, qui est toujours membre du Gouvernement, avait, à Moscou, il y a quelques jours, devant la chambre de commerce franco-russe, expliqué que ces sanctions étaient totalement stupides et infondées. Il a indiqué à cette occasion qu’il militerait personnellement en faveur leur levée dans quelques mois : j’espère qu’il ne s’agit pas, une fois de plus, d’une position isolée mais bien de celle du Gouvernement. Nous en jugerons dans quelques semaines.
Alors que notre assemblée s’apprête à donner à l’État les moyens de contrôler le respect des embargos et des mesures restrictives, je regrette, à titre personnel, que nous ne puissions débattre au sein du Parlement – je l’ai dit – de certaines mesures restrictives.
Ces remarques faites, le groupe UMP,